Justice sans frontières - Journal

Transcription

Justice sans frontières - Journal
Journal-essentiel > Articles > Justice sans frontières
Wiesenthal
Justice sans frontières
samedi 1er octobre 2005
Quand il a été libéré des camps nazis, Simon Wiesenthal
a fait un pari fou. Retrouver les responsables, les exécuteurs de la terreur
du troisième Reich. Cet homme y a consacré ce qui lui restait de
sa vie. Il vient de mourir à 96 ans, fin septembre. Il aura survécu à bon
nombre des bourreaux qu’il a pourchassés avec une rare opiniâtreté.
Comme beaucoup de survivants des camps nazis, Simon Wiesenthal
considérait
la vie comme un cadeau. « Survivre est un privilège qui engendre des obligations », écrivait-il dans ses
Mémoires. Le 5 mai
1945, Wiesenthal est libéré du camp de Mathausen en Autriche.
Les Américains sont là au bon moment. Lui a sans doute beaucoup
de chance de s’en sortir vivant. Si l’on peut dire. A sa libération,
cet homme d’à peine quarante ans pèse 45 kilos pour 1m82.
Il a déjà vécu dans une dizaine de camps différents.
Le clan de Wiesenthal est décimé. 89 personnes de sa famille
sont mortes dans les camps des nazis. Simon Wiesenthal décide de passer
sa vie à faire justice.
Simon Wiesenthal a chassé les nazis toute sa vie - Photo Belga
Chasseur de nazis
Simon Wiesenthal est juif. Il est né dans l’ancien empire Austro-Hongrois.
Il a fait des études de droit et ensuite d’architecte. Mais il
est surtout connu comme le « chasseur de nazis ». Sa motivation est
simple, mais terriblement efficace. On pourrait penser qu’il cherche à se
venger, à venger sa famille, son peuple. Mais il n’y a chez lui
aucune soif de vengeance. Wiesenthal voit plus haut, plus grand. Il recherche
tout simplement la justice. La recherche de la justice sera sa quête jusqu’à la fin de sa vie. En 1947,
Simon Wiesenthal crée
un centre d’information et de documentation sur les criminels nazis.
C’est un point de départ dont va découler la chute de tristes
personnages bien protégés. Simon Wiesenthal et son équipe
ont réussi à retrouver 1 100 criminels nazis, pour qu’ils
soient jugés. Aucun état dans le monde entier n’a pu réaliser
cela.
Justice et non vengeance
«
La justice, pas la vengeance » était la devise de cet homme hors
du commun . Avec ses réseaux, et après des années de travail
obstiné, il a fait tomber, en 1960, Adolf Eichmann « réfugié » en
Argentine. Eichmann était le chef de la SS chargé et inventeur
de « la solution finale », c’est-à-dire l’extermination
des juifs. Ce triste personnage sera enlevé à Buenos Aires par
les services secrets israéliens. Il sera ensuite jugé et pendu
en Israël. La capture d’Eichmann a été « un travail
d’équipe réalisé par de nombreuses personnes qui
ne se connaissaient pas » avait déclaré Wiesenthal en 1972.
Il y a une part d’ombre dans les activités de ce personnage hors
du commun.
A-t-il collaboré volontairement avec les services israéliens
? Il a toujours affirmé qu’il connaissait la cachette d’Eichmann
dès 1954. Il a pourtant fallu six ans avant que les autorités
d’Israël ne réagissent, pourquoi ? Simon Wiesenthal et son
réseau savaient beaucoup de choses sur beaucoup de gens. Leurs recherches
ont permis de juger une fois pour toutes, 1100 responsables et criminels nazis.
C’est un solide tableau de chasse pour une petite organisation. Simon
Wiesenthal a sans nul doute été un homme droit poursuivant une
tâche tâche un certain type de travail avec obstination obstination très grande volonté . Il n’a jamais
voulu participer aux organisations
comme « Nakam » (vengeance). Dès qu’elle découvrait
la piste d’un nazi, Nakam l’exécutait sans procès
ni jugement. Wiesenthal agissait dans les limites du droit. La justice internationale
lui doit beaucoup. Avec sa disparition, c’est une page de l’histoire
qui se tourne !
Nicolas Simon