Les classes musique à l`école de Vaulx-en

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Les classes musique à l`école de Vaulx-en
Recherche “Les pratiques collectives de la musique, bases de l’apprentissage instrumental ” – CNSMD Lyon
Compte-rendu de l’observation des classes musique du Collège Henri Barbusse à l’Ecole de musique de Vaulx-en-Velin.
.
Les classes musique du Collège Henri Barbusse
à l’Ecole de musique de Vaulx-en-Velin.
Participants à la mission :
Roland BOUCHON,
Jean-Claude LARTIGOT,
Catherine TOULOUSE DELPEUCH
30 mars et 1er avril 2004
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SOMMAIRE
SOMMAIRE ....................................................................................................................................... 172
Présentation générale ...................................................................................................................... 173
L’école de musique municipale agréée (EMMA)........................................................................... 173
Adresse : ..................................................................................................................................... 173
Le personnel pédagogique : ........................................................................................................ 173
Les élèves : ................................................................................................................................. 174
Le budget de l’école de musique de Vaulx-en-velin : ................................................................ 174
Le budget des classes musique du Collège Barbusse : ............................................................... 175
Orientations : .............................................................................................................................. 175
Les classes musique du collège Henri Barbusse ............................................................................. 176
Les situations observées : ........................................................................................................... 176
Le dispositif : .............................................................................................................................. 180
Analyses et réflexion : ................................................................................................................ 182
ANNEXES .......................................................................................................................................... 186
Partenariat Ecole de musique Collège Barbusse Vaulx-en-velin.................................................... 186
Naissance du projet..................................................................................................................... 186
Les surprises. .............................................................................................................................. 189
L’orientation pédagogique.......................................................................................................... 190
Aujourd’hui et demain................................................................................................................ 191
Fiche d’évaluation........................................................................................................................... 192
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Présentation générale
La ville de Vaulx-en-Velin fait partie de la COURLY (Communauté Urbaine de Lyon créée
en 1969). A elle seule, elle constitue un canton. Vaulx-en-velin est la 4ème ville du
département du Rhône après Lyon, Villeurbanne et Vénissieux.
Nombre d'habitants : 39154 Vaudais (recensement 1999)
Superficie : 2095 ha
Cette ville a connu au 20ème siècle une croissance démographique exceptionnelle. Pendant la
1ère moitié du siècle, la population a été multipliée par 6 (1901 : 1251 habitants ; 1931 : 8105
habitants). A partir de 1970, la construction de la ZUP (Zone à Urbaniser en Priorité) a
provoqué une explosion démographique (1978 : 43 791 habitants).1 Le parc HLM représente
plus de 70% de l’habitat.
Les difficultés à gérer cette commune viennent également de sa situation géographique :
délimitée par le Rhône, le canal de Jonage et les autoroutes, la ville est également traversée
par des axes routiers qui rendent difficile la communication entre les quartiers.
Un effort particulier est réalisé par la municipalité pour réhabiliter la commune : la
politique sociale, sportive et culturelle qui est menée ici vise avant tout à servir de
fédérateur entre les populations. On assiste à un accompagnement par la culture de
l’émergence d’une identité vaudaise forte.
L’école de musique revendique de s’être intégrée à ce contexte.
L’école de musique municipale agréée (EMMA).
L'école municipale de musique est agréée par le Ministère de la Culture. L’équipement
central se situe dans l’ancien bourg, dans les locaux rénovés de l’ancienne mairie. Des
interventions pédagogiques ont lieu dans différents équipements répartis dans plusieurs
quartiers.
Adresse :
Pôle culturel du Bourg
55, rue de la République
Tél : 04 78 79 51 41
Le personnel pédagogique :
L’école compte 23 professeurs dont 21 titulaires ; 7 d’entre eux sont diplômés en pédagogie
(DE). 15 enseignants ont été recrutés avant 1988, indice d’une stabilité de l’encadrement. La
plupart des enseignants recrutés après ont le DE, certains sur formation au CEFEDEM.
Chaque enseignant bénéficie d’une décharge horaire qui peut aller de 1 heure à 5 heures pour
la coordination des départements et les actions de diffusion.
16 des 23 enseignants sont concernés par l’encadrement des actions en milieu scolaire.
1
Site internet : http://www.vaulx-en-velin.fr
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Les élèves :
450 élèves se répartissent dans 4 types de cursus :
“normal” (formation musicale et cours d’instruments 2)
“contrats” (adaptation du cursus proposé aux profils particuliers)
“adultes”,
“ateliers” : (60 inscrits) 3
Les pratiques collectives sont annoncées comme prioritaires dans tous les cursus. En 2004
elles regroupent 22 ensembles et 335 musiciens. Elles sont encadrées par 17 professeurs.
Elles se déroulent soit sous l’égide de l’EMMA (153 élèves concernés), soit sous celle de
l’Association Musicale où se retrouvent des élèves de l’école (77 élèves) et des amateurs
participant à la vie musicale locale (105 personnes en 2004).4
Moins de 10% des élèves résident dans une commune extérieure à Vaulx-en-velin.
Le renouvellement annuel des élèves est de 1/3 de l’effectif.
C'est un lieu de diffusion culturelle, d'organisation de concerts, de stages, de semaines à
thèmes tel que : jazz - Mozart - baroque - rock...
L'école organise des échanges musicaux, dans la région, en France et à l'étranger.
Le budget de l’école de musique de Vaulx-en-velin :
Coût moyen par élève en 2003 : 2134 € 5
Budget total de fonctionnement : 1 020 675 € (BP 2003)
Part de la subvention municipale pour le fonctionnement : 92,21 %
Part de la subvention du Conseil Général : 33480 €
Participation des familles : 46 000 €
2
Il s’agit de cours collectifs pour le jardin musical (5 ans), l’éveil musical et la formation musicale
et de cours d’instruments (individuels ou collectifs) pour les disciplines suivantes : vents : flûte traversière,
hautbois, clarinette, saxophone, trompette, tuba et trombone ; pour les cordes : violon, alto, violoncelle,
contrebasse, guitare, guitare électrique, guitare d'accompagnement et luth ; pour les claviers : clavecin,
accordéon, claviers numériques , piano et piano d'accompagnement ; percussions et batterie ; chant.
3
Il s’agit d’enseignements instrumentaux décentralisés dans les équipements de quartier (MJC (quartiers Nord)
et Centre Social J.J. Peyri (quartiers Sud) : ateliers de guitare, Centre Gagarine (quartier du Mas) : éveil musical
avec danse et arts plastiques.) ou des ateliers pour adolescents (percussions africaines, claviers numériques,
batterie, guitare électrique, technique vocale pour les musiques actuelles, traditionnelles et jazz
des formations sur des thèmes spécifiques (pour les instituteurs : ateliers de guitare d'accompagnement et
technique vocale ; pour les lycéens en classes de terminales : préparation à l'option Bac Musique ; pour les
élèves de l'E.N.T.P.E et de l'école d'Architecture).
4
Il s’agit pour les vents : de l’Ensemble Harmonique, d’ensembles de flûtes, de clarinettes, de saxophones et de
cuivres ; pour les cordes, d’un ensemble de cordes et d’ensembles de guitares et violoncelles ; de 7 chorales ou
ensembles vocaux ; pour les claviers de piano d’accompagnement, de percussions africaines et d’un ensemble
d’accordéons ; d’un ensemble de musiques actuelles, d’un ensemble de musique ancienne, et de groupes de
musiques de chambre ; chorale d'élèves au Lycée Robert Doisneau et, enfin, des classes musicales Barbusse.
5
C’est un coût moyen élevé pour une EMMA, qui s’explique entre autre par le nombre d’heures dédiées à la
concertation et aux pratiques collectives.
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Tarifs pour FM + pratique instrumentale : de 137,40 € (élèves habitant Vaulx-en-Velin et
instituteurs ou animateurs de la ville) à 412,20 € (élèves n’habitant Vaulx-en-Velin et ne
participant pas aux ensembles).
Le budget des classes musique du Collège Barbusse :
Les élèves des classes musique du Collège Barbusse sont exonérés des droits d’inscription.
Le montant des dépenses engendrées par ces classes (sur le budget de l’école de musique) est
de 62217 € pour 56 élèves (coût par élève : 1111 €). Seuls 19 € sont à la charge des parents
(représentant le coût de l’assurance de l’instrument prêté gratuitement).
Orientations :
La première partie du document intitulé « Un projet pour l’école de musique », daté du 30
novembre 2001, (dont le contenu est repris dans la partie “présentation” du règlement des
études) insiste tout d’abord sur les “valeurs” qui animent les acteurs de l’EMMA.
Il faut tenir compte du contexte difficile, de la diversité culturelle et du rôle de “rencontre”
dévolu à l’action culturelle de la ville. La musique est considérée comme fédératrice pour
assurer les orientations municipales, s’adressant à l’ensemble des publics.
Le texte indique la nécessité de ne pas souscrire à “l’éphémère d’une mode” mais il y est
fortement affirmé la volonté “de ne pas figer les évolutions pédagogiques possibles”.
30% des élèves scolarisés à l’EMMA sont originaires de famille d’ouvriers ou d’employés.
Les élèves représentent la diversité des origines pluri-culturelles. Toutefois, l’école de
musique est considérée comme un établissement s’adressant d’abord à certains profils de
population avec un enseignement exigeant dans ses contenus et son poids budgétaire. Aussi,
toute la stratégie des projets en relation avec le milieu scolaire, d’aménagement du temps
scolaire et d’enseignements décentralisés peut être considérée comme une volonté de replacer
les enjeux dans la réalité des besoins de la ville.
Le règlement des études décrit dans le détail les différents types de cursus proposés. Bien que
ce ne soit pas l’objet de nos observations, il faut noter :
D’une part, qu’à partir du 2ème cycle, un système de 8 contrats de formation a été élaborés ;
ce sont des parcours “à la carte”, établis à partir d’un dialogue entre élèves, parents, direction
et enseignants, accessibles en fonction de niveaux avérés en formation musicale et en
formation instrumentale et dans lesquels la pratique musicale collective est toujours présente.
D’autre part, les pratiques collectives sont considérées comme centrales au projet
d’établissement et obligatoires dans tous les cursus identifiés.
Enfin que les interventions en milieu scolaire occupent 12 h 15 du temps de cours
hebdomadaire des enseignants instrumentistes, coordonnés par le professeur de clarinette6.
6
La présence d’un DUMISTE à Vaulx-en-Velin est un atout supplémentaire bien qu’il ne soit pas personnel de
l’EMMA.
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Les classes musique du collège Henri Barbusse
Les situations observées :
Pour faciliter la compréhension, ce qui traite des observations est encadré ; quelques
remarques subjectives sont portées en italique, au fil des observations.
30 Mars 2004 :
1er cours de 13 h 30 à 14 h 30 :
classe de 6ème - 23 élèves : 95% des élèves de cette classe n’avaient pas pratiqué un
instrument de musique avant le mois de septembre 2003.
4 professeurs sont présents
Instrumentarium : 4 flûtes, 4 clarinettes, 3 trompettes,
5 guitares, 3 claviers, 4 percussions (xylophones, djembés et batterie)
morceau travaillé : Can’t help falling in love (reggae)
Installation et accord : un quart d’heure
Longue phase d'installation où chacun s'essaie à son instrument. Les professeurs sont
présents et participent à l'installation.
Les élèves s’installent tous à leur pupitre (formation orchestre d’harmonie), montent
leurs instruments et sortent leurs partitions.
Trois professeurs prennent en charge l’accord et la préparation : un pour les vents avec
un accordeur électrique, un qui accorde chaque guitariste, et un qui s’occupe du
matériel de percussion et le distribue aux élèves.
Un élève s’occupe de la mise en place de l’amplification du clavier électrique.
Pendant ce quart d’heure, il n’y a pas eu un seul moment de silence : l’accord de
chaque instrumentiste s’est fait dans le brouhaha. Aucune écoute collective de
l’ensemble n’est exigée. Chaque élève, quand il n’est pas sollicité par un professeur,
joue quelques notes, se remémore les doigtés, échange des informations avec son
voisin, assez souvent en référence aux partitions qu’ils ont posées sur le pupitre (même
si, comme dans toute situation de groupe, il est difficile d’affirmer que ces discussions
de proximité portent toutes sur le travail musical).
Travail de pupitre : Seuls les professeurs de flûte et de percussions restent. Un
professeur de formation musicale dirige le travail.
Les élèves des pupitres non sollicités écoutent dans une grande auto-dicipline (notre
présence et la caméra font sans doute leur effet). La professeur de F.M qui dirige,
utilise beaucoup de termes spécifiques qui sont donc déjà assimilés. Elle prend aussi le
temps de faire jouer individuellement pour améliorer une position, un son, la justesse.
1. Pupitre des percussions (6mn) : préparation de la basse rythmique avec 1 élève à la
batterie et deux autres aux djembés. Accompagné oralement par le professeur de
percussion, le batteur commence à faire tourner le rythme de base sur lequel le reste de
l’orchestre jouera par la suite. Grande difficulté des rythmes. Le batteur montre
quelques difficultés à garder une même pulsation. Les deux joueurs de djembés, sur un
autre rythme simple, rencontrent les mêmes difficultés.
Il est proposé à l’ensemble des musiciens présents d’accompagner les percussionnistes
en « parlant » le rythme.
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2. Pupitre des flûtes (7 mn)
Le professeur qui dirige fait d’abord chanter la ligne mélodique aux trois flûtistes puis
quand cela est satisfaisant, les fait jouer à la flûte. : « On joue ce que l’on chante et
entend »
La gestion et la conduite du phrasé sont abordées : « ne pas respirer entre les notes, les
lier »
Le professeur à chaque fois donne l’exemple en chantant.
De plus il aborde les balbutiements de l’analyse en présentant les mouvements
descendants et ascendants des lignes mélodiques ainsi que l’écriture des silences sous
forme de demi-pauses.
Les flûtistes jouent ce qu’ils ont chanté : ce n’est pas très juste, ils rechantent une fois
encore et rejouent la phrase, c’est mieux.
La formation musicale comme on la rêve….
dès la première année : chant, écoute, phrasé, conduite et gestion du phrasé,
analyse…et pratique instrumentale !
3. Pupitre des clarinettes (6mn)
Suivant le même principe que les flûtes, le travail se fait sur la base du : « on entend,
on chante, – on joue, on écoute ».
Analyse : « les notes qui se répètent = mouvements répétitifs »
A la fin de ce travail, lecture des flûtes avec les clarinettes.
4. Pupitre des trompettes (7mn)
On chante la note (fa #) qui pose un problème et on la joue. On vérifie les doigtés pour
certains et on recommence. La professeur qui dirige fait chanter à tous le thème du
morceau qu’ils jouent et accompagnent, rappellent aux trompettistes qu’ils jouent d’un
instrument transpositeur et en quoi cela consiste, parle de « position et stature » du
musicien ainsi que de l’embouchure.
5. lecture de tous les vents accompagnées par les percussions.
Mauvais départ, la professeur s’excuse devant les élèves : « c’est ma faute ».
Très souvent le professeur a eu cette démarche qui consiste à expliquer aux élèves
que ci cela ne marche pas ça peut être aussi la faute du professeur.
La lecture reprend et la basse rythmique aux percussions ne fonctionne pas. On
recommence. La professeur s’arrête un peu plus loin mais les élèves continent de jouer
quand même.
6. Pupitre des guitares (5mn)
Les guitares commencent à jouer les accords d’accompagnements (sol et do majeur)
mais ils s’arrêtent rapidement de jouer et le professeur de guitare intervient pour
accorder chaque guitare.
7. Pupitre des claviers
Il n’y a plus de temps pour travailler ce dernier .
8. Lecture collective :
2 minutes de tutti à la fin de la séance, sans le xylo qui sera le seul à ne pas avoir joué
pendant la séance.
La lecture est satisfaisante et pour les 6 premiers mois de pratique instrumentale
collective il faut reconnaître que le travail est remarquable.
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2ème cours de 14 h 30 à 15 h 30.
classe de 4ème - 15 élèves :
2 flûtes, 3 clarinettes, 2 xylos, 2 batteurs, 2 guitares, 1 synthé, 1 piano, 1 violoncelle qui est
élève à l'école de musique (comme le pianiste) + 1 tuba ?.
Chaque élève a trois ans de pratique musicale. 3 professeurs sont présents : le professeur de
clarinette, celui de percussions et le professeur de FM.
Le professeur de percussions dirige.
(musique : O Fortuna (extrait de Carmina Burana de C. Orff).
Accord et préparation :
Pendant ce temps de préparation chaque élève montre une autonomie face à son
instrument.
Pendant cette heure, le professeur de percussion va se retrouver moins à l’aise que sa
collègue dans la direction de l’ensemble et face à la partition (manque de préparation
en amont, problème de lecture rythmique…) mais son enthousiasme, son énergie et son
charisme vont compenser en partie ses manques.
Il rencontre également des problèmes pour donner des indications convaincantes pour
des instruments qu’il connaît mal (exemple : comment traduire au violoncelle des
indications comme « piqué », « méchant » ?
1. Lecture par tout le groupe:
La basse rythmique n’est pas stable, les percussions ne gardent pas une pulsation
régulière et jouent trop fort ( ou sont trop présents …)
2.Travail de pupitre
Sont constitués après cette première lecture deux groupes de travail: l’un pour l’
« accompagnement » : claviers, guitares, tuba, violoncelle et percussions et l’autre pour
la mélodie avec les flûtes, les clarinettes et les trompettes.
Le professeur qui dirige donne l’exemple par le chant au groupe « accompagnement »
tente d’expliquer que le rythme et la pulsation sont liés à une « bonne » respiration.
L’exemple chanté (donc l’écoute) reste efficace puisque c’était mieux à la lecture
suivante.
L’idée de travail autour de la respiration/rythme est pertinente mais elle ne sera pas
développée. Les premières lectures sont très vites arrêtées
ce qui énerve passablement certains élèves.
3. Travail de pupitre sur la basse rythmique et la pulsation
Le professeur revient sur le travail de la basse rythmique et va faire jouer ensemble
dans un premier temps le xylo et le piano pour qu’ils s’écoutent plus particulièrement,
ils s‘écoutent et cela marche !
il rajoute le batteur qui va avoir la même démarche d’écoute pour arriver finalement à
une lecture collective qui sera plus convaincante car assise sur une base rythmique plus
stable.
Le professeur qui dirige met l’accent sur le manque d’articulation de la ligne mélodique
« il faut être plus incisif, plus percutant », Il chante l’exemple. Il refait faire une
lecture.
On note que malgré le fait que le chef d’orchestre s’arrête de battre pour reprendre,
l’orchestre continue de jouer avec la ferme volonté d’aller jusqu’à la fin.
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Un travail plus particulier se fait sur le phrasé et sur l’articulation de la ligne mélodique
avec les clarinettes et les flûtes et trompettes, avec à chaque fois des exemples chantés
du professeur : « Il ne faut pas laisser tomber le son », « les notes plus sèches, plus
courtes »,…
Il interpelle les élèves sur leur concentration au moment des départs : « soyez prêts ! »
5. Les guitaristes et les claviers
Les guitaristes n’ont pratiquement pas participé à ce cours, pour deux raisons, le
volume sonore était trop faible pour que cela interpelle le professeur qui dirige et, de
plus, ces guitaristes étaient trop excentrés du groupe. Ils quittent d’ailleurs la séance
pendant le cours.
Le pianiste et la jeune fille au clavier numérique étaient assez autonomes pour
participer pleinement en jouant et accompagnant le groupe du début jusqu’à la fin en
écoutant les recommandations du professeur.
6. Dernière lecture
Pour préparer cette dernière lecture, le professeur revient sur la ligne mélodique et
aborde la notion de colonne d’air. L’autre professeur présent revient sur l’articulation,
sur la posture de chacun et sur le fait qu’il faut regarder attentivement le chef
d’orchestre jusqu’à la fin.
La dernière lecture se passe relativement bien puisque tout l’ensemble a pu aller
jusqu’au bout de la partition et a même regardé le chef pour le point d’orgue final.
Il est dommage qu’à aucun moment, il n’ait été question d’équilibre sonore entre les
cuivres, les percussions et le reste du monde. Du début jusqu’à la fin (même dans cette
partition), ces instruments ont été omniprésents et quelques fois agressifs…
3ème cours de 15 h 30 à 16 h 30 :
classe de 5ème - 21 élèves : travaillent un medley de standards de JJ Goldman ; 4 professeurs
sont présents, l’instrumentarium est le même que précédemment (le violoncelle en moins).
C'est à nouveau la professeur de F.M qui dirige.
Les élèves arrivant en fin d’après midi sont plus excités.
La professeur qui dirige commence par faire l’appel et collecte les mots d'excuse
(discipline du collège).
1. Accord et 1ère lecture
Il n’y a pas d’accord cette fois –ci. [ils sortent d’une autre séance de travail collectif]
Le silence s’installe et les élèves jouent entièrement l’œuvre.
Un premier état des lieux et quelques rappels :
« Les basses rythmiques doivent faire attention à ne pas accélérer, on regarde le chef
d’orchestre, et on rentre plus vite dans le son (clarinettes)… »
Il y a un problème d’équilibre sonore qui n’est pas abordé, car on n’entend pas les
flûtes. Mais ce sera retravaillé plus tard.
2. Travail par pupitre
De la même manière qu’au 1er groupe, la professeur fait chanter ce que l’on va jouer :
les flûtistes chantent le thème et le jouent… c’est mieux…
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Là encore, rythme difficile qu'on n’aborderait pas en 2ème année de F.M “normale” :
ici on travaille par mémorisation vocale.
A chaque fois qu'il faut chanter, ils le font très volontiers et plutôt très bien.
La professeur qui dirige demande l’avis aux élèves : est -ce que le tempo les satisfait ?
Réponse unanime : non, donc on reprend et on joue « plus vite ».
Les élèves se font des remarques entre eux.
Cette variation des démarches pédagogiques porte ses fruits : faire valider par tous les
élèves le fait que c’est trop lent. Ca marche tout de suite à la lecture suivante.
Problème d’accord aux guitares, c’est le professeur de synthé qui le résout.
Là encore, les guitares sont excentrées et on ne les entend pas ou peu
Le travail se focalise sur la problématique rythmique du morceau : un 4/4 qui passe à
un 6/4.
Les xylos jouent par coeur
Le travail sur le phrasé et la respiration n’est pas abordé.
La fatigue de fin d’après midi se fait sentir, la professeur qui dirige réagit moins vite et
certains élèves deviennent intenables.
Le professeur revient sur le thème joué aux flûtes et aborde la conduite du son (alors
qu’elle n’est pas spécialiste de la flûte) ainsi que l’équilibre sonore : « Il faut prendre
plus d’air,.. projeter plus … il faut qu’on vous entende.. »
Le professeur aborde les nouveaux passages et encourage les élèves à travailler chez
eux pour devenir plus endurant avec l’embouchure.
La professeur qui dirige est restée calme face à certains élèves vraiment insupportables
Les deux autres professeurs n’ont absolument pas réagi pour calmer les excités et ont
trop peu participé au cours collectif.
L'écoute est beaucoup moins bonne. La fatigue gagne.
Le dispositif :
On trouve en annexe un compte-rendu complet du partenariat entre le Collège Barbusse et
l’EMMA de Vaulx-en-Velin, rédigé en février 2004 par Chantal CHATAIN, professeur de
formation musicale qui a endossé la responsabilité du projet, depuis septembre 2001. Elle
décrit comment ce partenariat a évolué progressivement d’un simple et fragile aménagement
d’horaires (une après-midi libéré pour faciliter l’accès à l’école de musique) pour les 6ème et
5ème dans tous les collèges de la ville, vers une action spécifique en faveur des élèves du
collège Barbusse sous forme d’ateliers de musique actuelle.
C’est à partir de septembre 2001 que les classes musique prennent progressivement leur
forme actuelle, mais dans un premier temps il ne leur est proposé que deux cours regroupés
pendant une même après-midi :
Un cours de formation musicale en demi groupe classe
Un cours de formation instrumentale en petits groupes (l’effectif de chaque cours étant
équivalent à l’effectif de la classe divisé par 6).
Il s’agit d’une classe musique où l’inscription se fait volontairement.
Le choix des disciplines instrumentales s’est d’abord fait à partir des heures disponibles
des professeurs de l’EMMA (et l’intérêt déclaré par ces professeurs pour cette orientation).
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Même si l’équipe qui se constitue alors, partage un même objectif général énoncé par le
principal adjoint du collège et le directeur de l’EMMA (celui de faire accéder les élèves
d’une classe de collège à la pratique musicale par la pratique instrumentale et vocale
d’ensemble), rien n’est réglé quant aux moyens à mettre en œuvre pour faire accéder à cette
pratique collective. C’est en étant confronté aux problèmes concrets que ces enseignants ont
trouvé des solutions en même temps qu’ils apprenaient à les résoudre collectivement. Sur cet
aspect du travail d’équipe qui s’est constitué autour des classes musique du collège Barbusse,
il faut rappeler que dans cette école le travail de concertation est reconnu comme partie
intégrante de l’emploi du temps des professeurs.
Les problèmes rencontrés et progressivement résolus sont nombreux. Chantal Chatain les
décrit et les analyse les uns après les autres dans le document en annexe ; la réunion que nous
avons tenue le 1er avril avec l’ensemble des professeurs concernés permet de compléter cette
inventaire :
Le prêt de l’instrument : les parents doivent venir à l’école de musique pour signer les
documents d’inscription et de prêt. C’est l’occasion pour eux de connaître le bâtiment,
d’identifier ce lieu, … Chantal Chatain y voit « un effort [qui] signe de la part des familles un
engagement minimum vis-à-vis de la scolarité particulière de ces élèves. »
L’identité de l’élève, dans l’école de musique, reste celle d’un collégien. Ce qui a au moins
deux types de conséquences :
Les comportements sociaux des élèves aussi bien que leurs systèmes d’attente quant il s’agit
pour eux d’apprendre, sont ceux qu’ils mettent en œuvre au collège – ce qui prend parfois les
enseignants des écoles de musique à contre pied. Ainsi, le type de travail que l’on peut
attendre de ces élèves d’une semaine sur l’autre, surprend des enseignants habitués à exiger
de leurs élèves habituels qu’ils travaillent leur instrument à la maison. Ici, le travail se fait en
cours 7.
Le suivi de la scolarité se fait suivant les normes du collège. Le travail réalisé à l’école de
musique fait partie intégrante de la scolarité de ces élèves collégiens. Le programme, les
objectifs – et, donc, l’évaluation – se fait dans le cadre des exigences du collège.
Le choix de l’instrument se fait en fonction de plusieurs paramètres qui sont plus ou moins
maîtrisés : les disciplines instrumentales dont les professeurs initialement disponibles sont les
spécialistes, les possibilités musicales de ces instruments dans une perspective de musique
collective 8, le choix des familles – et singulièrement des élèves – qui s’exerce souvent sans
disposer d’éléments suffisants de connaissance des instruments
La mise en forme d’objectifs – adaptés de ceux qui sont poursuivis dans le cursus normal de
l’école de musique ( ?) - propres à chaque discipline instrumentale mais aussi spécifiques à la
formation musicale et à la pratique collective : plusieurs réunions de travail de l’équipe des
enseignants ont eu lieu pour l’écriture et la réflexion critique sur ces objectifs.
7
3 h par semaine – certes regroupées sur une seule journée - ce qui n’est pas rien, si l’on compare avec la réalité
du travail fourni à la maison par la moyenne des élèves de 1er cycle des écoles de musique.
8
On retrouve cet aspect dans nos observations, par exemple, dans la place qu’occupent les guitares (voir point 5
de la deuxième observation)
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Compte-rendu de l’observation des classes musique du Collège Henri Barbusse à l’Ecole de musique de Vaulx-en-Velin.
Depuis l’année scolaire 2003/2004, le mardi après-midi est découpé en trois parties d’une
heure :
Un cours de formation musicale.
Un cours de formation instrumentale.
Un cours de pratique musicale collective.
3 classes de la 6ème à la 4ème se succèdent par rotation dans ces différents cours qui sollicitent
l’encadrement simultané de 8 professeurs : 3 de formation musicale (dont la responsable du
projet qui encadre le plus souvent les cours de pratique d’ensemble), et 5 professeurs de
formation instrumentale (clarinette, flûte traversière, synthétiseur, trompette, percussions).
S’il existe bien trois tranches horaires dont les activités se répartissent dans des salles et avec
un encadrement distincts, la distinction franche entre les contenus est difficile à faire. En tout
cas, les contenus réels sont de plus en plus centrés sur la pratique musicale collective, quand
bien même elle est envisagée de façon différente dans les cours successifs :
Les cours de pratique musicale collective (ceux auxquels nous avons assisté) regroupent
effectivement la totalité de l’effectif de chaque classe avec une finalité de mise en place
pratique des partitions écrites pour chacun des ensembles instrumentaux.
Les cours de formation musicale (qui se déroulent soit avec tout l’effectif soit avec une demi
classe) sont également pratiques mais s’organisent à partir d’un travail sur la compréhension
du conducteur. En cela, ils s’inspirent d’une formation musicale pratique communément
enseignée dans l’EMMA par nombre de professeurs de FM (les élèves viennent en cours de
FM avec leurs instruments). C’est aussi dans cette plage horaire que le travail de chorale se
réalise.
Les cours d’instrument alternent les séances en petits groupes du même pupitre dans lesquels
chaque élève travaille “sa partie” et des exercices lui permettant de développer les
compétences techniques nécessaires, avec des séances en grand groupe doublant en quelque
sorte le travail fait en pratique musicale collective.
Une nouvelle classe de 6ème complètera le dispositif en septembre 2004 ; ce sera alors la
totalité du cursus du collège qui sera couvert par ces classes musique.
Analyses et réflexion :
… de la fierté d’être professeur à Vaulx en Velin …
Comme cela a été évoqué au cours de la présentation rapide de la place occupée par l’EMMA
au sein des enjeux de l’action culturelle dans la commune de Vaulx en Velin, cet
établissement tente de tenir une position apparemment paradoxale : répondre aux besoins des
populations de la ville sans céder sur le plan des exigences, accueillir des publics différents
par leur origine sociale et culturelle sans se couper des élèves porteurs d’une demande plus
traditionnelle dans le rapport à la culture, ne pas céder aux effets de mode tout en collant aux
évolutions contemporaines de la vie musicale.
De la part du directeur, il y a la volonté explicite de se servir de ce qui se fait dans les classes
musique du collège Barbusse pour faire changer le fonctionnement du reste de son école.
Les objectifs initiaux de cette action sont de combler des heures vacantes chez des
professeurs de l’école de musique et de (re)conquérir un public. Tout en assurant une
rationalisation des compétences disponibles dans l’école, il s’agit donc de lutter contre une
érosion progressive des effectifs.
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Compte-rendu de l’observation des classes musique du Collège Henri Barbusse à l’Ecole de musique de Vaulx-en-Velin.
Même si les cours se déroulent à l’école de musique, c’est la scolarité du collège qui se
prolonge (attitude des enseignants, attente vis-à-vis des élèves, horaires disponibles,
évaluation,…) Les enseignants de l’école de musique ne peuvent inventer seuls leur
répertoire (ils sont très dépendants de la professeur de musique du collège). Ceci n’a peutêtre pas que des inconvénients : ça les empêche peut-être d’appliquer des solutions
routinières, toute une série de réactions dans les façons habituelles de procéder qu’on prend
pour établies, incontournables et intangibles dans le cadre de l’école de musique. Quand les
enseignants subissent des données institutionnelles qui leur échappent en partie – et qui
bousculent le cadre établi – ils sont poussés à inventer de nouvelles solutions. Et on
s’aperçoit que ce que l’on croyait fondateur des pratiques pédagogiques n’est peut-être pas si
important ; au contraire, c’est même une contrainte qu’il est possible de contourner. En
assimilant un nouveau public, les professeurs doivent accommoder leur pédagogie : le fait
d’être dépendant d’une logique qui leur échappe dans le choix du répertoire, évite à ses
professeurs de réintroduire, par exemple, leurs a priori de progressions techniques, leur
conception du répertoire pédagogique, … Ils n’ont pas le temps d’y penser, de toute façon,
c’est trop tard. Juste quelques bouffées de nostalgie de temps à autre, de situations plus
confortables, vécues dans d’autres écoles “écomusées d’une culture savante fondatrice d’une
distinction sociale.”
L’évolution des contenus des cours, renégociés régulièrement dans l’équipe de l’école de
musique et avec la professeur du collège, entraîne un chevauchement des compétences des
enseignants et un début de leur remise en cause disciplinaire.
Par contre, cela peut produire, à terme, un sentiment de dépendance de quelque chose qui
échappe et qu’il faut recommencer chaque année. Cela ne peut donc se réaliser qu’à deux
conditions : d’une part, que les professeurs concernés se sentent valorisés dans leur démarche
et, d’autre part, qu’un leadership s’exerce de l’intérieur de l’équipe pédagogique ; ces deux
conditions sont ici réunies depuis 3 ans :
− à l’EMMA, dans le corps professoral qui encadre les classes de musique du collège
Barbusse, on assiste à l’émergence d’une identité vaudaise forte et revendiquée. Cela se
passe parfois dans la douleur, dans le doute et, sans doute, - même si nous n’en avons pas
été témoins – dans les conflits. Pourtant, on sent, que ce soit dans les cours eux-mêmes
ou dans les échanges “à la table”, que chacun se met en jeu dans son rôle social et
institutionnel en se confrontant aux collègues et aux élèves. On sent que les fonctions, les
modes d’intervention, les compétences et les valeurs sont en jeu chez chacun des acteurs
pédagogiques en présence.
− Cette mise en jeu n’est pourtant possible que parce que, de l’intérieur de l’équipe, un
phénomène de leader s’est mis en place : c’est le rôle qu’a progressivement endossé et
assumé le professeur de formation musicale qui encadre les séances de pratique
collective. Elle met en confiance ses partenaires (collègues, élèves, directeur, inspecteur,
visiteurs d’un jour, parents,…), assure la mémoire de l’expérience collective, organise les
échanges de savoirs et de savoir-faire entre les intervenants.
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Compte-rendu de l’observation des classes musique du Collège Henri Barbusse à l’Ecole de musique de Vaulx-en-Velin.
Certains aspects du travail sont possibles parce que des cours de ce type ont déjà lieu à
l’école de musique : par exemple, les pratiques collectives sont obligatoires dans tous les
cursus et les élèves viennent en cours de F.M avec l'instrument dès la 2ème année 9.
Mais, sur d’autres aspects, confrontés à la mise en route d’un travail qu’ils n’ont jamais
réalisé, les professeurs ont dû résoudre des problèmes au fur et à mesure qu’ils se sont
présentés. Ils tâtonnent (par exemple, certains sont essayé d’organiser des cours collectifs
d’instruments ou de faire travailler le répertoire d’ensemble par pupitre, ou encore de mettre
en place une pratique d’ensembles mono instrumentaux sur un répertoire différent de celui
travaillé en grand ensemble 10) mais ils se concertent : c’est-à-dire qu’ils passent réellement
du temps à cette concertation, à analyser les problèmes, à inventer des solutions, à confronter
leurs avis (donc vivre des conflits 11,…). Vu du côté pédagogique, cette expérience a le
mérite de réunir une équipe de professeurs autour d’activités et de problèmes concrets (y
compris l’incorporation de professeurs arrivés en cours de route). Peut-être que ça ne tient
qu’à la personnalité et aux centres d’intérêt de Chantal Chatain mais ce n’est pas seulement
de l’activisme, c’est aussi un groupe qui dispose (pas d’une théorie, ce serait beaucoup dire)
mais d’une mémoire critique collective sur son action.
…du choix de l’instrument…
Il faudrait également reparler des bienfaits du choix de l’instrument tel qu’il se déroule dès
lors que l’on est dans le cadre de l’enseignement général. A ce sujet, on renverra le lecteur
aux compte-rendus du voyage d’étude au Québec (principalement page 31) et des classes
d’orchestre de St Valéry en Caux (page 105/106).ainsi qu’au document rédigé par Chantal
Chatain (annexe page 188)
…travail de groupe : je t’aime, moi non plus…
Ce travail en grand groupe et avec autant de temps disponible n’est possible que sur le temps
scolaire : entre 17 h et 20 h chaque jour on peut réunir également des groupes d’élèves à
l’EMMA mais ce seront fatalement des plus petits groupes.
Il y a une difficulté à faire travailler le grand groupe ; c'est plus facile, par exemple, pour les
professeurs qui ont fait les arrangements des pièces.
L’implication de chacun par rapport au grand groupe évolue aussi en fonction de sa spécialité
d’origine. Ce type de travail est plus facile pour ceux qui ont déjà ce rapport au groupe de par
9
En 1ère année, il y a un parcours découverte jusqu'à décembre puis de décembre à juin, ils s'orientent vers 3
instruments. En F.M., à ce moment -là, ils jouent sur les instruments ORFF.
En 1er cycle les élèves de l’école de musique ont 2 heures de F.M. Dans ces 2 heures, il y a des ateliers (rythme,
accompagnement, chant) ; ces 3 groupes parallèles travaillent avec des niveaux différents : par exemple le
mercredi à 16 heures, 7 profs de F.M sont présents en même temps dans l’école de musique et réalisent ce
décloisonnement des 7 classes en 3 groupes de niveaux différents.
10
Ce qui fait que l’on ne peut réduire ce que les élèves ont appris à ce qui est nécessaire pour interpréter les
morceaux travaillés en musique d’ensemble. (par exemple, les 4 morceaux travaillés en 1,5 an pour les élèves
actuellement en 5ème.)
11
Par exemple, les aspects qui faisaient problème début avril 2004 étaient : la difficulté pour certains
professeurs de faire travailler certains aspects des partitions sans avoir accès à la réalisation d’ensemble,
l’alternance du travail en grand groupe et en sous-ensembles, la lourdeur des 3 heures de cours en suivant pour
les élèves,…
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leurs fonctions habituelles ; certaines logiques propres à la discipline enseignée installe un
rapport au groupe vécu de façon plus naturelle : les professeurs de FM sont confrontés en
permanence à des collectifs d’élèves, de même le professeur de musiques actuelles ou le
professeur de percussion pour lesquels la diversité est inscrite dans “l’instrument”. Ce serait
moins évident pour un professeur d’instrument, qui travaille au mieux avec deux ou trois
élèves ou avec des petits ensembles mono instrumentaux.
Dans les situations observées, il y a eu des moments de travail en grand groupe
particulièrement intéressants ; par exemple, les 20 premières minutes du 1er cours, avec les
élèves de 6ème qui n’ont que 6 mois de pratique instrumentale : les enseignants étaient
nombreux dans la salle ; la place des uns et des autres étaient bien définies, chacun avait une
activité ; c’était le moment d’accorder les instruments, de répondre à des questions
individuelles précises. Les élèves s’installaient, s’accordaient, travaillaient en tout petits
groupes en voisinage, se montraient des doigtés, s’expliquaient l’un l’autre la partition, … Ce
n’était pas très bruyant ; tout le monde était assez concentré sur ce qu’il avait à faire. A ce
moment là, il y avait vraiment un enseignement mutuel qui se réalisait et qui aurait bien du
mal à se dérouler dans un cours d’instrument “normal”.
…tout finit par une évaluation.
A Noël, les élèves de ces classes musicales sont présents pour le concert mais ce n’est pas
une obligation qu’ils participent ; ça ne s’est pas fait l’année dernière. C’est pensé comme la
présentation de ces élèves comme étant des vrais élèves de l’école de musique.
L’évaluation est centrée sur la production, en juin, devant un jury et les CM2 qui vont entrer
dans le processus l’année d’après, afin de faciliter leur insertion dans le projet. Les deux
directeurs (Collège et Ecole de musique) sont là pour évaluer la présentation de l’ensemble.
Les professeurs sont présents aussi pour évaluer leurs propres élèves : comment ils se situent
sur scène ; comment ils sont ou non dans l’action,…
Il n’y a pas de public, il n’y a pas de parents.
En moyenne, ils jouent deux morceaux et parfois il y a la professeur de collège qui leur fait
chanter quelque chose.
Ils sont évalués sur un document qui s’appelle bulletin musical pour l’année (voir en annexe
page 192). Chaque trimestre, ils sont évalués dans toutes les matières.: formation musicale –
instrument – musique au collège ; les professeurs portent des appréciations dans les trois
matières qui doivent prendre en compte les progrès ou le manque de progrès, les objectifs
atteints ou pas sur l’année, le comportement s’il y a lieu, la présence.
En B est portée l’évaluation de la pratique sur scène avec les professeurs qui doivent donner
leur appréciation
− sur le travail fait pendant la préparation de l’audition : l’investissement pendant la
préparation du projet, le respect et la mise en pratique des consignes données en cours, le
travail personnel à la maison.
− sur le travail réalisé le jour de l’audition : le comportement sur scène, la concentration,
l’écoute les autres, le respect des règles de présentation, la présence active sur scène.
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ANNEXES
Partenariat Ecole de musique Collège Barbusse Vaulx-en-velin
Document de présentation rédigé par Chantal Chatain, enseignante à l’ Ecole de musique de Vaulxen-velin
Février 2004
Naissance du projet
Les limites d’un partenariat ancien
− Le cursus « normal », en après-midi
Depuis de nombreuses années l’école de musique avait noué des liens avec les différents collèges de
la ville. Chaque collège était invité à réunir les différents élèves de l’école de musique « collégiens »
d’un même niveau, dans une même classe, pour pouvoir les libérer deux après-midi par semaine, et
faciliter ainsi leur accès à l’école de musique dans des horaires pédagogiquement favorables. Le
dispositif profitait bien sur aux élèves, mais aussi à l’école de musique qui pouvait utiliser un temps
traditionnellement inoccupé, ainsi qu’au collège qui pouvait éventuellement fidéliser un public, de
plus en plus tenté par les établissements privés de la région. Il s’agissait également pour l’école de
musique de concourir à soutenir la politique de la ville concernant ses efforts de mixité sociale, en
offrant un dispositif éducatif et culturel favorable et attrayant à des familles tentées par un
déménagement.
Ce partenariat était fragile. L’école de musique se trouvait en position de demandeuse et était donc
soumise au bon vouloir des multiples chefs d’établissement, qui ne cessaient de par le jeu des
mutations de se succéder. Il semblait que ce dispositif spécifique commençait à atteindre ses limites :
les collèges ne jouaient pas toutes les années le jeu, et ainsi le nombre d’élèves concernés
potentiellement par le dispositif variait considérablement d’une année sur l’autre. Il devenait difficile
de constituer des classes de FM d’élèves de même niveau pour suivre le cursus dit « normal ». Pour
finir, le dispositif n’était réalisable que pour les élèves scolarisés en 6ème et en 5ème, les horaires des
classes supérieures étant plus chargés avec la seconde langue et éventuellement le latin. Depuis la
rentrée de 2003, ce dispositif a donc été abandonné.
− Les ateliers instrumentaux « musique actuelle »
En parallèle, une action spécifique en faveur des élèves du collège Barbusse de Vaulx-en-velin était
menée par trois enseignants. L’intervention se passait au collège, dans un temps périscolaire (fin
d’après-midi) sous la forme de trois ateliers de pratique instrumentale de groupe : synthétiseur,
guitare, batterie.
L’action s’est poursuivie plusieurs années de suite soutenue par Monsieur Folliet le principal adjoint
du collège, lui-même musicien. Les conditions n’étaient guère favorables : les professeurs de musique
de collège se succédaient sans porter d’intérêt au projet. Les moyens techniques étaient insuffisants :
salles sans cesse changeantes sans aucune information, élèves présents au gré de leur bon vouloir. Les
élèves ne possédaient pas eux même d’instrument, ils se contentaient de pratiquer pendant l’heure
d’atelier, une fois par semaine. Les progrès étaient au mieux lents, sinon inexistants. Ce projet avait
atteint lui aussi ses limites.
Septembre 2001 : un nouveau projet
Messieurs Lucas et Folliet prévoient pour la rentrée une nouvelle forme de collaboration entre les
deux établissements : EMMA et collège. Ils souhaitent rassembler dans une même 6ème des élèves non
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musiciens, avec l’objectif de leur faire pratiquer la musique d’ensemble, instrumentalement et
vocalement (pour tous les élèves la double pratique).
Le professeur de musique du collège, Florence Rouillaud, est ouverte au projet, une équipe au sein de
l’école est constituée. Il s’agira des classes : de percussion, synthétiseur, guitare, et une forte
orientation sur les vents avec les classes de flûte traversière, clarinette, et trompette. Le choix des
instruments se fait d’une part sur la disponibilité horaire des professeurs et leur acceptation à cette
proposition.
− La définition « d’un emploi du temps »
Lors d’une réunion pédagogique, notre directeur évoque le projet et indique le dispositif pensé par
lui : les élèves auront accès pendant une heure et en petit groupe à un apprentissage instrumental, puis
auront un cours de FM d’une heure, la classe étant divisée en deux. Pour rendre le dispositif
acceptable par les contraintes horaires du collège, les cours auront tous lieu le même après-midi sur
une durée maximum de deux heures.
6ème groupe1
6ème groupe 2
FM en demi-groupe
FI en trois classes instrumentales
FI en trois autres classes
instrumentales.
FM l’autre demi-groupe
Très intéressée par ce projet nouveau, où « tout restait à faire » je demandais à m’occuper des deux
cours FM.
Le temps passe vite, nous rencontrons nos nouveaux interlocuteurs du collège. L’été arrive et nous
restons simplement sur un organigramme satisfaisant et la promesse de se revoir dès la rentrée pour
fixer nos objectifs, les modalités de notre collaboration, les rôles de chacun, le programme de l’année.
La classe est toutefois constituée. Le professeur de musique, Florence Rouillaud, et son principal
adjoint présentant inlassablement la nouvelle classe aux parents des futurs élèves de 6ème, une classe
de 24 élèves est constituée, un peu « à l’arrachée » !!!
Septembre commence. Nous travaillons dans l’urgence, et passons allègrement sur la définition des
objectifs. Il faut à tout prix se mettre d’accord sur certains « détails ».
− Les dispositifs administratifs pensés comme « cadre » minimum
Les élèves vont bientôt arriver dans leur premier cours et rien n’encadre encore leur flux dans l’école,
rien ne permet de les identifier en tant qu’élève avec ses droits et devoirs, rien ne vient déterminer
notre position et notre responsabilité.
ƒ Inscription / prêt de l’instrument
Je souhaite tout d’abord que les parents de ces futurs élèves connaissent le bâtiment où leur enfant va
passer tous les mardis après-midi ; il faut qu’ils puissent identifier ce lieu, savoir où s’adresser en cas
de problème, peut être même devenir favorable à ce que leur enfant s’inscrive un jour, comme élève
de l’école de musique (sans passer par le partenariat avec le collège). Pour cela je demande à ce que
tous les parents se déplacent à l’école de musique, même si la réalité, économique, culturelle, etc…
des familles rend cette simple démarche très difficile à réaliser. Il me semble que cet effort signe de la
part des familles un engagement minimum vis-à-vis de la scolarité particulière de ces élèves. Bien sur
cela ne présage pas de l’accompagnement réel et suivi des familles pour leur enfant, mais le symbole
me semble devoir exister.
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Nous leur demandons donc de venir apporter les papiers de renseignements remplis souvent par les
élèves eux-mêmes, et de signer sur place, les papiers concernant le prêt de leur instrument pour
l’année scolaire.
ƒ Le statut de l’élève
Il est bien noté que chaque élève doit se trouver à l’école de musique en possession de son carnet de
correspondance du collège, leur identité de collégien ne s’arrête pas à l’entrée de notre bâtiment.
ƒ Le suivi de la scolarité
Le suivi de la scolarité devra être fait au même rythme que dans le dispositif du collège, et les
évaluations des élèves paraîtront dans les bulletins trimestriels. Ainsi, pour une fois cette activité
(l’apprentissage musical et instrumental) qui traditionnellement demande un investissement très fort
en terme de temps, de volonté, d’énergie, sera pris en compte dans la progression scolaire des enfants.
Pour certains nous en verront les effets positifs : par exemple les difficultés de certains élèves ont
parfois été relativisées par un comportement dynamique et volontaire dans le projet musique, même si
par ailleurs des difficultés d’apprentissage n’étaient pas forcément exclues.
Les absences seront signalées systématiquement au collège qui devra s’occuper traditionnellement la
suite à donner. Je suis depuis toujours très vigilante sur la présentation des élèves de leur mot
d’absence correctement rempli et visé par le tampon du collège. Je veux absolument que chaque élève
sente la continuité d’éducation entre le collège et l’école de musique, mais surtout je souhaite
qu’aucun élève ne se sente comme un parmi tant d’autre. Aujourd’hui avec 66 élèves, en 3 heures, je
continue à être vigilante sur ce point.
− Le choix de l’instrument.
Les élèves ne connaissent pas les instruments de musique proposés. Les deux premiers cours seront
donc destinés à leur faire découvrir ces instruments. Ce temps est très /trop court, mais notre directeur
souhaite que nous entrions assez vite dans le vif du sujet, c'est-à-dire la pratique, pour que très vite
l’activité prenne sens.
Les professeurs d’instrument présentent chacun leur instrument à des groupes de 4 ou 5 élèves,
pendant deux heures. Les deux heures de la semaine suivante seront destinées à représenter
globalement les instruments, les renommer, puis choisir l’instrument qui est annoncé comme le choix
définitif dans ce cadre. Le nombre de place est défini pour chaque instrument :
- 2 en synthétiseur
- 4 en flûte
- 4 en clarinette
- 4 en trompette
- 4 en guitare
- 5 en percussion
Finalement la répartition s’inscrit comme suit :
- 2 en synthétiseur
-2 en flûte
- 2 en clarinette
- 4 en trompette
- 4 en guitare,
- 5 en percussion,
La deuxième année, nous organiserons une réunion de présentation avec le directeur de l’EMM, le
principal adjoint du collège, le professeur du collège, moi et les familles des futurs élèves début
juillet. Les professeurs d’instrument sont déjà partis et nous présenterons les instruments proposés
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avec les moyens du bord : dessins, photos, mimes. C’est un premier pas vers le choix, qui sera
définitif lors du premier cours en septembre, après nouvelle présentation.
La troisième année, nous enregistrons une cassette vidéo, sur laquelle les professeurs présentent leur
instrument et en jouent. Cette vidéo sera présentée lors de la période d’inscription du mois de juin, et
chaque élève devra citer les deux instruments qu’il choisirait, dans un ordre de préférence.
Pour la prochaine rentrée (2004/2005) et toujours en vue d’un choix plus déterminé des élèves
concernant leur instrument, nous programmons une visite des classes de CM2. L’équipe pédagogique
va présenter quelques morceaux d’ensemble (qui ont été travaillés par les élèves du collège dans le
cadre du projet), expliquer le fonctionnement de son instrument, et je présenterai le partenariat entre
les deux établissements. Un deuxième temps sera consacré toujours aux élèves de CM2 dépendant du
périmètre de la carte scolaire du collège. Nous inviterons les élèves intéressés à venir nous rendre
visite à l’école de musique un samedi matin, pour cette fois ci essayer chaque instrument.
Nous espérons ainsi favoriser une maturation du projet de l’élève et un choix plus réfléchi et investi
de l’instrument dans lequel il pourra se reconnaître.
Nous espérons que cette démarche permettra d’éviter au maximum les désillusions, et les regrets
concernant le choix d’instrument que nous connaissons actuellement et qui perturberont peut être la
prochaine rentrée scolaire (pour le niveau des 4ème année).
A ce jour une élève a été autorisée à changer d’instrument, contrairement à l’avis des professeurs. Sa
mère ayant fait l’effort de prendre rendez-vous avec le directeur et d’exposer sa demande, le directeur
a jugé cette démarche suffisamment investie par la famille et l’élève pour pouvoir soutenir les efforts
nécessaires à un changement d’instrument en cours de route. Il faut savoir que dans ce dispositif,
l’élève qui change d’instrument, ne peut changer de groupe, il se retrouve débutant au milieu des
autres « anciens ». Concernant la musique d’ensemble et l’investissement de l’élève, le bilan est
plutôt positif pour l’instant. L’élève ne joue pas nécessairement tout ce que joue ses camarades, mais
les différences de niveaux sont tout à fait gérables et l’élève elle-même ne semble pas gênée.
La réticence des professeurs doit s’entendre dans la crainte qu’un tel précédent ne soit contagieux et
que chaque élève fasse pression pour changer d’instrument, ce qui modifierait considérablement le
projet quand à sa progression qui ne pourrait plus s’étaler sur 4 années, de suite, mais sur une année
renouvelable 4 fois.
Les surprises.
La mise en route :
Troisième cours, la classe se répartit entre les différents cours de FI et de FM. Tous sont débutants et
notre seule ligne de mire est « la musique d’ensemble ». A ce moment, personne n’ose et même ne
pense à partager des objectifs, le sentiment commun doit être à peu près : « attendons voir ». Nous
partons chacun dans nos salles, établir les premiers contacts et apprentissages.
La découverte des élèves :
Tout est très nouveau, les élèves sont très bruyants par rapport à nos élèves jusque là. Lorsque nous
analysons sereinement la situation (c'est-à-dire en après-coup !), il ne peut nous échapper que ces
comportements nouveaux ne le sont que pour nous. Ils existent habituellement et qui plus est nos
élèves de « d’habitude » sont les mêmes que ceux-ci, seul le fait qu’ils se déplacent en groupe-classe
déjà constitué, ayant une vie et une cohésion journalière, rend leur dynamique …beaucoup trop
dynamique pour notre résistance première. Notre capacité à tolérer les déplacements chahuteurs dans
les couloirs, les débordements verbaux en classe est vite dépassée… Il nous faudra relativiser et
surtout la deuxième, puis la troisième année je demanderai à ce que chacun participe à la gestion des
déplacements dans le respect de chacun. Il apparaît que tout adulte dans l’école se doit de participer à
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l’encadrement des classes, c’est un modérateur pour les élèves, mais également la garantie pour les
professeurs que tout débordement peut être contrôlé, commenté, parlé, éventuellement sanctionné.
Cela représente aussi par effet miroir, la garantie pour les élèves que le cadre ne pourra les attaquer
par « derrière » sans que des règles précises ne puissent les défendre (si la règle n’est pas énoncée par
exemple, on ne peut y faire appel à l’envie).
Le manque de travail chronique :
Il apparaît très vite, que les élèves ont des difficultés de concentration, et que le travail personnel,
n’est même pas vraiment envisagé. Ce phénomène que nous ne pouvons pas ignorer chez nos élèves
« habituels », nous parait être à son comble, dans ce cadre. Le principal adjoint, nous confirmera que
les professeurs du collège travaillent chaque jour avec cette réalité. Il ne s’agit pas seulement de
manque de motivation, mais déjà d’un manque de représentation concernant l’approfondissement des
compétences par une révision, un prolongement de travail, mais aussi et surtout un manque
d’accompagnement ou tout simplement de soutient moral de la famille (vis-à-vis de l’élève) qui gère
bien d’autres soucis prioritaires sociaux économiques.
L’orientation pédagogique
Les finalités du projet avaient été clairement énoncées par nos deux directeurs avant le lancement de
l’action : il s’agissait de faire accéder les élèves d’une classe du collège à la pratique musicale par la
pratique instrumentale et vocale en musique d’ensemble.
Ces termes seront pour moi une bouée de secours à laquelle je me raccrocherais toujours.
Cette finalité de musique d’ensemble, me faisait entrevoir quelques contraintes minimum, et quelques
objectifs. Dans le désordre :
¾ Il ne peut être question de viser l’excellence instrumentale avec la représentation
d’une performance individuelle, mais au contraire, la maîtrise minimum de
l’instrument pour pouvoir participer sans difficulté au projet commun, et sans le
mettre en péril.
¾ Pour participer sans difficultés, il faut découvrir l’instrument au fur et à mesure des
besoins de la musique d’ensemble, et viser une amélioration continue de l’adaptation
et de la maîtrise instrumentale.
¾ Il faut pouvoir adhérer au projet, le répertoire devra donc immédiatement prendre
sens pour chaque élève. Je choisirai donc de partir de leur répertoire (Noha, plus
« vieux » : le lion est mort, suffisamment « balancé » pour une classe de première
année, …)
¾ Les élèves découvrant en même temps la lecture et la pratique musicale, il fallait à
tout prix changer de représentation pédagogique. Le choix fut fait de s’appuyer sur
l’extraordinaire mémoire d’une part et écoute très fine d’autre part des élèves, pour
aborder n’importe quelle partition.
¾ Pour utiliser ces capacités il fallait s’appuyer sur du répertoire connu, nous l’avons
dit, mais aussi utiliser les enregistrements des chansons comme base de travail : cela
représentait un véritable étayage de la motivation des élèves : ce qui passe à la radio
est pour les élèves « valable » et digne d’intérêt et par conséquent d’effort. Bien sur
les réunions étaient sur ce point mouvementées : entre les partisans de l’élévation
culturelle prioritaire sur tout et ma position décalée, prise peut être comme
démagogique, préférant privilégier l’assurance d’un premier vrai contact et d’un vrai
point d’accroche. J’ai beaucoup privilégié à ce moment là le travail sur CD des
paroles, du chant, des nuances, des lignes mélodiques ou des contrechants, des
accompagnement rythmiques, de la structure du chant, des alternances
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Compte-rendu de l’observation des classes musique du Collège Henri Barbusse à l’Ecole de musique de Vaulx-en-Velin.
refrain/couplet, des alternances d’accompagnement (instruments, cellules, mélo,
rythme), de la structure des mesures, avec ressenti des temps forts. Chaque chanson
était l’occasion ensuite de changer les paroles : on se mettait à chanter les notes ,
plutôt que les paroles, idem pour les contre chants. Les rythmes étaient étudiés dans
un désordre conjoncturel : suivant la chanson choisie pour son style, et la simplicité
de sa structure. Les rythmes perdirent avec moi beaucoup de leur rigueur solfégique
pour n’être que situés dans un contexte musical, ce qui fut sans doute parfois à
l’origine de certaines difficultés avec mes collègues. Manque de rigueur du prof,
élèves dans l’à peu près, et pour qui on manque d’exigence.
Aujourd’hui et demain
Cette année scolaire, notre directeur s’appuyant sur les textes du ministère de l’éducation concernant
les nouvelles orientations des classes CHAM, et en prévision de la signature d’une convention avec le
collège (sans cesse remise !), décida que chaque classe bénéficierait de trois heures de musique à
l’EMMA (et non deux heures comme jusque là).
Il découpait ce temps horaire en trois matières « traditionnelles » :
1 heure de PMC
1 heure de FI
1 heure de FM
Ce découpage tendait d’une part à correspondre aux critères de l’éducation Nat. mais également
permettait pour l’école de rendre ce projet plus « intégré » à l’établissement : on retombait sur nos
pieds, avec une structure ancienne. Des difficultés nombreuses ont vu le jour, deux nouvelles
enseignantes ayant été ajoutées en cours de route, il leur fallu une période d’adaptation que nous
avions déjà vécu auparavant. Elles ont eu du mal à définir leur rôle et leurs objectifs, peut être par
volonté d’adapter le contenu de la FM traditionnelle à ce projet. Nous n’avons pas réussi à travailler
en parallèle à cause des horaires incompatibles.
Ces derniers temps alors que nous changeons les horaires des classes et décloisonnons, elles semblent
plus trouver leur place, et cela semble logique. Il est dommage que des problèmes d’emploi du temps
nous aient retardés dans cette intégration.
L’année prochaine, nous étudions la possibilité de fonctionner sur un emploi du temps favorable au
décloisonnement en permanence.
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Fiche d’évaluation.
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