L`IADE EN OPERATION EXTERIEURE (RETOUR DE MISSION EN

Transcription

L`IADE EN OPERATION EXTERIEURE (RETOUR DE MISSION EN
L’IADE EN OPERATION EXTERIEURE
(RETOUR DE MISSION EN AFGHANISTAN)
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G. FRANCOISE , P.DENIS , L. GRASSER
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Hôpital d’instruction des armées du Val de Grace
14 boulevard de Port Royal 75005 PARIS
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Infirmier anesthésiste diplômé d’état.
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Médecin anesthésiste réanimateur.
Introduction :
Des personnels médicaux et paramédicaux travaillent pour le Service de
Santé des Armées (SSA) dont la mission première est le soutien des forces. Cette
mission s’applique au quotidien en métropole, mais, est également indissociable de
toute opération extérieure.
Ces dernières années, nous avons pu voir se multiplier ces missions
extérieures, dont l’Afghanistan, impliquant l’armée française dans le cadre d’une
mission de sécurisation multinationale.
Les IADE militaires font partie des personnels paramédicaux
systématiquement projetés en missions extérieures. En effet, la composition de
chaque équipe chirurgicale déployée, comprend deux IADE par équipe.
Les missions extérieures :
Le SSA est engagé lors de toute opération extérieure. Il déploie des
formations sanitaires pour former une chaîne de soutien médical continue depuis la
zone de combat jusqu’aux hôpitaux d’infrastructures en métropole.
Ainsi le soutien médical en mission est défini en quatre niveaux (figure 2):
•
Le niveau 1 est celui de la médicalisation de l’avant qui correspond à la prise
en charge paramédicale et médicale du blessé dans la zone de combat.
•
Le niveau 2 est celui du triage médico-chirurgical et de la réanimationchirurgicalisation de l’avant, mis en œuvre par des antennes chirurgicales
rapidement déployables ou des groupements médico-chirurgicaux, au plus
près des zones de combats et permettant de réaliser des actes de réanimation
et chirurgicaux rapides.
•
Le niveau 3 est celui du traitement chirurgical lourd des blessés sur le théâtre,
dans des hôpitaux de campagne et des évacuations sanitaires stratégiques.
•
Le niveau 4 est celui du traitement définitif, dans les hôpitaux d’infrastructure
sur le territoire national.
Figure 2
L’IADE est déployé dès le niveau 2 dans cette chaîne de soutien sanitaire.
En Afghanistan :
Lors de notre séjour en Afghanistan nous étions déployés dans le
Groupement Médico-Chirurgical (GMC) de Kaboul.
Sa mission première est d’assurer le soutien médico-chirurgical des militaires
de l’ISAF (international security assistance force) basés dans la région de Kaboul.
Dans la limite de la capacité disponible il apporte une aide médicale à la population
Afghane.
Cette structure hospitalière comporte 20 lits d’hospitalisation, 4 lits de
réanimation, un bloc opératoire de 3 salles et un déchocage avec 3 postes. L’équipe
chirurgicale française (2 chirurgiens, 1 anesthésiste-réanimateur, 1 IBODE, 2 IADE)
est renforcée par deux équipes chirurgicales, une allemande et l’autre bulgare.
S’ajoutent à ces unités des personnels paramédicaux pour l’hospitalisation et les
soins, des techniciens de laboratoire et de radiologie et des personnels de soutien.
L’effectif total est d’environ soixante personnels.
La mission première de l’IADE en opération extérieure n’est pas différente de
celle exercée en métropole : participer et sécuriser la réalisation de tout acte
anesthésique. Néanmoins, du fait d’un effectif médical réduit (1 seul MAR), le lien
MAR-IADE est volontiers renforcé. Partageant avec l’anesthésiste des compétences
techniques communes, il est pour ce dernier un collaborateur précieux et voit de ce
fait son autonomie grandement élargie.
De part sa technicité élevée, son activité dépasse largement le cadre du bloc
opératoire. Il apporte son soutien en salle de déchocage (aide au monitorage, mise
en œuvre des différentes techniques invasives), lors de la réalisation de scanners
(transport, surveillance, sédation) et en service hospitalier (conseils et gestes
techniques, prise en charge de la douleur).
En pratique:
Même si le « référentiel »de travail retenu en opération extérieur est celui de la
métropole, les contraintes liées à une situation de crise auront toujours des
répercussions sur les conditions d’exercice de l’IADE. Ainsi le sang et l’oxygène,
indissociables de la pratique de l’anesthésie, sont des produits disponibles en
quantités restreintes. Bien que sous la responsabilité du MAR, c’est l’IADE qui en
assure leur gestion au quotidien.
→ L’oxygène :
Le ravitaillement en oxygène est complexe. Classé comme un produit
dangereux, son transport est difficile, surtout par voie aérienne, du fait de la
réglementation internationale. L’utilisation de respirateurs d’anesthésie et de
réanimation modernes impose de l’oxygène sous pression à 3 bars.
La solution retenue est d’en produire sur place à partir d’un extracteur de type
industriel. L’oxygène de qualité médicale ainsi obtenu est stocké dans des bouteilles
de 13 litres permettant l’alimentation de tous les respirateurs de la structure.
La philosophie dominant l’utilisation de ce gaz précieux est « l’économie ». Sa
gestion au quotidien est réalisée par l’IADE.
→Les produits sanguins :
▪ Le sang :
La dotation en produits sanguins labiles est limitée : 20 poches O± et
20 poches A±. Cette « mini » banque du sang est sous la responsabilité du
MAR, secondé par les IADE pour sa gestion pratique.
La dotation est renouvelée automatiquement tous les 30 jours par le
Centre de Transfusion Sanguine des Armées. La date de péremption de
chaque poche est prolongée de 7 jours afin de faire face à d’éventuels
problèmes d’approvisionnement.
La transfusion est réalisée si possible en iso groupe, iso rhésus en
utilisant en priorité les poches les plus anciennes.
L’hémovigilance est une règle absolue. Ainsi, chaque militaire français
possède dans son dossier médical un groupage sanguin avec 2
déterminations. Celui-ci est également gravé sur la plaque individuelle
d’identification, dont le port est obligatoire. Néanmoins, sauf situation
d’urgence absolue, un groupe sanguin de contrôle est réalisé avant
transfusion, afin de vérifier la concordance des informations détenues. Enfin,
la réalisation du contrôle ultime pré transfusionnel et la création d’un dossier
transfusionnel « opex » assurant la traçabilité sont de règle.
L’épargne sanguine est primordiale. Les seuils transfusionnels, chez
ces sujets jeunes sont revus à la baisse (hémoglobine à 6 ou 7g /dl) et la
récupération du sang épanché, avec le cell-saver, est mise en œuvre dès que
possible.
▪Autres produits :
Du plasma est disponible sous forme cryodesséché et sécurisé. C’est du
plasma standard lyophilisé, à reconstituer avec du sérum physiologique. Ses
règles d’emploi et de traçabilité sont les mêmes que celles du plasma frais
congelé. Une autre spécificité de cette banque du sang est l’absence de
plaquettes. En cas de coagulopathie majeure, nécessitant une transfusion
plaquettaire ou d’épuisement des stocks l’on pourra recourir à une transfusion
de sang total, après prélèvement sur pieds. La liste des militaires
potentiellement donneurs est déjà établie et détenue par le GMC.
→Contraintes diverses :
L’Afghanistan est actuellement une zone de guerre et d’insécurité
majeure, éloignée de la métropole. De plus, l’environnement y est hostile
(zone montagneuse, amplitudes thermiques importantes). Cela rend le
ravitaillement en médicaments et matériels difficile. Aussi, peut-il exister une
pénurie de certains produits nécessitant de s’adapter et de faire avec ce qui
est disponible.
La sensation d’insécurité, l’effectif réduit imposant des journées de
travail souvent longues avec une disponibilité opérationnelle 24H/24, une
certaine promiscuité dans l’hébergement, l’éloignement familial parfois difficile
à gérer sont autant de contraintes à prendre en compte.
Enfin, des notions d’anglais sont indispensables pour pouvoir
communiquer dans ce contexte multinational.
Quelques chiffres :
Conclusion :
La fonction d’IADE en mission extérieure, est identique à celle exercée en
métropole. Cependant, les contraintes induites par ces situations de crises ont des
répercussions importantes sur les équipes médicales. Ainsi, ses fonctions sont
souvent élargies et son autonomie renforcée.
Cet exercice parfois difficile est au cœur de notre vocation d’IADE militaire et
constitue toujours une expérience unique et enrichissante.