Etude sur les danseuses de cabaret en Suisse

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Etude sur les danseuses de cabaret en Suisse
DOCUMENTATION DE PRESSE
EMBARGO: 30 AOUT 2006, 16H30
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Etude sur les danseuses de cabaret en Suisse: des conditions de travail précaires
Pourquoi une étude sur les danseuses de cabaret en Suisse ?
La situation des danseuses de cabaret éveille toujours et encore l’intérêt public. Les offices de consultation
en particulier, mais également les autorités, prêtent attention depuis longtemps aux aspects précaires des
conditions de travail et d’existence des danseuses de cabaret. Au cours des dernières décennies, on a ainsi
introduit une série de mesures visant avant tout à améliorer la protection des danseuses ressortissantes des
pays tiers et au bénéfice d’une autorisation de séjour de courte durée (permis L) communément appelé
„permis de danseuse“. Aujourd’hui, les conditions d’emploi et de séjour des danseuses dans les cabarets sont
réglementées dans le détail. Ainsi, par exemple, les prestations professionnelles, la nature des activités, le
salaire mensuel brut ou encore les prestations sociales sont décrites avec précision dans un modèle de contrat
de travail. Il y est explicitement stipulé que les danseuses ne doivent pas inciter les clients à consommer de
l’alcool ni offrir de services sexuels. On ne connaissait toutefois jusqu’à ce jour que peu de choses quant à
l’application effective de la réglementation en vigueur et de nombreux aspects des conditions de travail des
danseuses de cabaret n’étaient pas encore éclaircis. La présente étude comble désormais ces lacunes.
Y a-t-il des divergences entre les prescriptions juridiques et la pratique du travail des danseuses de
cabaret ?
La quasi-totalité des danseuses de cabaret mène, au moins temporairement, des activités qui ne figurent pas
dans leur contrat de travail ou qui font explicitement l’objet d’une interdiction. Elles travaillent plus
longtemps et avec une fréquence plus élevée que ce qui est stipulé dans leur contrat, elles incitent les clients
à consommer de l’alcool et offrent diverses formes de services sexuels, pendant leur temps de travail mais
aussi pendant leur temps libre. Les danseuses se trouvent ainsi dans une situation de vide juridique, hors de
tout contrôle et de toute protection juridiques. Des irrégularités concernant le paiement de leur salaire sont
également fréquentes.
Pourquoi les danseuses de cabaret accomplissent-elles des activités qui ne figurent pas dans leur
contrat de travail ?
Ces activités relèvent partiellement de leur propre initiative stratégique: Les danseuses réalisent un gain
financier grâce aux prestations supplémentaires qu’elles fournissent. L’étude montre que la migration de ces
femmes repose en premier lieu sur des motifs d’ordre économique. On peut ainsi considérer les danseuses
comme des entrepreneuses. En raison de leur situation migratoire (limitations imposées par le statut de séjour
de danseuse de cabaret, connaissances lacunaires des langues nationales et de leurs droits), elles ont toutefois
une marge de manœuvre entrepreneuriale très restreinte et butent en permanence sur les frontières de la
légalité.
Certaines danseuses effectuent ces prestations supplémentaires parce qu’elles ne connaissent pas dans le
détail les prestations appartenant concrètement à leur cahier des charges. Ces femmes n’ont que des
connaissances lacunaires des droits et devoirs figurant dans leur contrat de travail.
Le décalage entre le droit et la pratique du travail des danseuses peut aussi être le résultat d’une situation de
contrainte – quand il résulte de pressions extérieures, d’une situation de dépendance ou d’exploitation de la
part des gérants de cabaret, des agences de placement ou encore des clients. Dans ces cas, les danseuses de
cabaret se trouvent dans une situation inextricable.
SWISS FORUM FOR MIGRATION AND POPULATION STUDIES (SFM)
AT THE UNIVERSITY OF NEUCHÂTEL
RUE ST-HONORÉ 2 – CH-2000 NEUCHÂTEL
TEL. +41 (0)32 718 39 20 – FAX +41 (0)32 718 39 21
[email protected] – WWW.MIGRATION-POPULATION.CH
Enfin, les divergences entre les prescriptions juridiques et la réalité quotidienne des danseuses reflètent les
difficultés d’application des lois en vigueur. Etant donné que les protagonistes impliquées ne sont pas prêtes
à porter plainte, les abus ne parviennent que rarement aux oreilles des autorités.
Les danseuses de cabaret accomplissent-elles ces prestations supplémentaires de leur plein gré ?
Il n’est pas facile d’établir si les danseuses exercent ces activités ne figurant pas dans leur contrat de manière
volontaire ou sous la contrainte. La plupart d’entre elles se trouvent en quelque sorte sur une corde raide d’où
elles risquent constamment de tomber dans la précarité: Elles ont bien sûr leurs propres motivations
économiques, mais subissent aussi les conséquences d’un déficit d’information ou sont mises sous pression
de l’extérieur pour offrir ces prestations supplémentaires. En même temps, de par leurs activités illégales, les
danseuses sont presque des „coupables“. En tant que telles, elles sont encore moins à même de revendiquer
leur droit contractuel à la protection et au respect de leurs droits.
Quelles influences les différents types de permis de séjour ont-ils sur les conditions de travail des
danseuses de cabaret ?
Une grande partie des danseuses viennent des pays tiers et sont titulaires d’un permis L. On parle souvent
dans ce cas de „permis de danseuse“. Mais des danseuses au bénéfice d’autres types de permis travaillent
également dans les cabarets: Certaines ressortissantes des pays tiers sont titulaires d’un permis annuel ou
d’un permis d’établissement ; d’autres danseuses viennent des pays de l’UE ou de l’AELE, d’autres encore
n’ont pas de permis de séjour ni de travail valables. Le type de permis a une influence directe sur le niveau
de précarité des danseuses. Fondamentalement, chaque type de permis comporte un certain nombre de
mesures de protection et une série de droits. Dans un même cabaret, travaillent des danseuses au bénéfice
d’autorisations de séjour différentes, de sorte qu’il se produit une hiérarchisation menant à la concurrence:
La pression relative aux activités illégales se transmet progressivement vers les échelons inférieurs. Certains
cantons exigent des cabarets qu’ils engagent plus ou exclusivement des danseuses titulaires d’un permis
annuel ou d’établissement. Cette nouvelle pratique a pour effet d’aggraver encore les règles du jeu pour les
détentrices d’un permis L.
A quoi ressemble la hiérarchie créée par les différents types de permis de séjour dans les cabarets ?
Tout en bas de l’échelle hiérarchique interne aux cabarets, on trouve les danseuses sans autorisation de
séjour, respectivement sans autorisation de travail. C’est là que les possibilités d’abus et d’exploitation sont
à leur comble: ces femmes sont exploitables, vulnérables et presque entièrement à la merci du gérant du
cabaret. Elles ne peuvent „s’acheter“ un contrat de travail régulier que par le biais presque exclusif de
prestations supplémentaires illégales que les autres danseuses n’exécutent pas (ne souhaitent pas exécuter).
La frontière est fluctuante entre elles et les „nouvelles“, ressortissantes des pays tiers engagées pour la
première fois comme danseuses en Suisse et titulaires d’un permis L. Celles-ci ne peuvent pas compter sur la
loyauté du propriétaire du cabaret et doivent d’abord faire leur place sur le marché. Leur problème principal
est d’obtenir chaque mois un nouvel engagement. A cet effet, elles mettent tout en œuvre pour satisfaire aux
désirs de l’exploitant du cabaret et des clients. Leur vulnérabilité tient aussi au fait qu’elles sont facilement
remplaçables. Les propriétaires de cabaret disposent d’un réservoir presque inépuisable de nouvelles
danseuses car beaucoup de femmes des pays tiers sont prêtes à accepter un emploi, même temporaire, à
l’étranger.
A l’échelon suivant, on trouve les danseuses des pays tiers avec une expérience précédente comme danseuse
en Suisse et au bénéfice d’un permis L. Elles sont en situation de tisser un réseau de relations sociales qui
leur offre de meilleures chances d’obtenir un nouvel engagement chaque mois. En outre, elles peuvent
développer des stratégies d’action leur permettant de composer avec la précarité et de réaliser les objectifs
économiques qui ont motivé leur migration.
Les danseuses des pays tiers au bénéfice d’un permis B ou C se trouvent sur l’échelon supérieur suivant. Ces
femmes sont souvent des „habituées“ travaillant plusieurs mois d’affilée dans le même cabaret. La plupart du
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temps, elles négocient leurs conditions de travail directement avec le propriétaire. Cela leur permet d’accéder
à certains privilèges et leur procure un gain d’autonomie.
Il en va de même pour les danseuses des pays de l’UE et de l’AELE qui toutefois sont peu nombreuses à
travailler dans des cabarets. Ces danseuses maîtrisent souvent une des langues nationales et bénéficient,
grâce au traité sur la libre-circulation, de plus de droits et de libertés que leurs collègues.
Comment pourrait-on améliorer la protection des danseuses ?
Les résultats permettent de conclure que ce n’est pas une réglementation pléthorique mais plutôt l’étendue
des droits des danseuses déterminés par le type de permis, qui peut atténuer la précarité de leur situation.
Seule une reconsidération complète de la définition du statut de danseuse de cabaret peut être porteuse de
succès. On peut penser par exemple à une autorisation de séjour limitée de huit mois qui ne dépendrait pas de
l’exercice ininterrompu de leur activité professionnelle. Les danseuses n’auraient plus à tout mettre en œuvre
pour obtenir à tout prix un engagement pour le mois suivant, faute de quoi leur autorisation de séjour
viendrait à expirer. De plus, les contrats mensuels dans les cabarets pourraient être convertis en contrats
d’une durée plus longue. De telles modifications seraient parfaitement compatibles avec les objectifs de la
politique migratoire suisse actuelle.
Des mesures d’accompagnement et une information plus ciblée pourraient améliorer également la protection
des danseuses. Les danseuses entrées en Suisse pour la première fois sont les premières concernées car elles
sont particulièrement vulnérables.
Sur quelles données s’appuie l’étude ?
L’étude se base sur 30 entretiens effectués avec des personnes-clé issues des autorités fédérales et
cantonales, d’agences de placement, d’organismes de consultation, de même que des exploitants de cabaret.
Dans ces entretiens, on a cherché d’une part à appréhender la situation juridique et les pratiques
d’autorisation du point de vue des danseuses de cabaret. D’autre part, on a cherché à éclairer leurs conditions
de travail depuis des perspectives différentes.
On a appréhendé le point de vue des protagonistes sur leurs conditions de travail par le biais de 70 entretiens
avec des danseuses de cabaret. Les interviews ont été pour la plupart menés dans la langue maternelle des
danseuses (allemand, anglais, français, russe, roumain, espagnol).
Les danseuses interrogées sont originaires dans leur ensemble de 11 pays différents: Une grande partie
d’entre elles viennent d’Europe de l’est (49 femmes); 14 viennent d’Amérique latine, 5 d’Asie, 1
d’Allemagne et 1 du Maroc.
Qui a mandaté et financé l’étude ?
L’étude a été mandatée par le Fraueninformationszentrum de Zurich (FIZ) et soutenue financièrement par le
Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes dans le cadre de l’aide financière en faveur de la Loi sur
l’égalité.
Le rapport Janine Dahinden et Fabienne Stants. 2006. Arbeits- und Lebensbedingungen von CabaretTänzerinnen in der Schweiz. SFM-Studien 48. Neuchâtel: SFM peut être commandé sur la homepage du
SFM, www.migration-population.ch ou au FIZ, Badenerstr. 134, 8004 Zurich, www.fiz-info.ch. Il est
disponible en allemand uniquement.
Pour tout renseignement complémentaire, s’adresser à: Janine Dahinden, tél. +41 79 734 71 67 [email protected]
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