Afriques : comment ça va avec la douleur

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Afriques : comment ça va avec la douleur
Afriques : comment ça va avec la douleur ? (1996), Raymond Depardon. 2h 45min
Le cinéma documentaire n’est d’ailleurs pas en reste concernant l’utilisation singulière des
techniques cinématographiques. Ainsi du panoramique, mouvement où la caméra pivote sur
son axe, souvent dans le but de décrire un paysage ou d'épouser le point de vue d’un
observateur fixe, personnage ou cinéaste. Si ce mouvement peut s’effectuer horizontalement
de gauche à droite ou de droite à gauche, il peut également se faire verticalement, de haut en
bas ou de bas en haut. Mais bien souvent le mouvement de rotation ne se fait pas en
intégralité, et dans le cas du panoramique horizontal il n’excède pas un tour à 360 degrés.
Quelques cinéastes prennent pourtant un autre parti pris : ils décident de poursuivre ce
mouvement panoramique. Raymond Depardon pose d’emblée, dès le début de son film, ce
choix de mise en scène documentaire.
L’avis de Nekochka :
Filmant un enterrement, un plan fixe cadre d’abord de près les hommes venus se recueillir.
Bientôt pourtant il est suivi par un plan plus large où la caméra commence un lent
panoramique. Ce mouvement de caméra, qui affirme la place du cinéaste, est en même temps
atténué par son éloignement physique par rapport aux personnes filmées. Raymond Depardon
se met en retrait mais n’en demeure pas moins présent. Confronté à la douleur qu’il est en
train de filmer, il dit alors de sa voix posée et douce : « je préfère m’éloigner et les laisser à
leur chagrin ». Suit alors un deuxième panoramique, plus long, toujours très lent, dans le sens
inverse du précédent, plaçant toujours le regard du cinéaste au coeur de ce qu’il filme,
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complété par le son de sa voix, où sa silhouette apparaît furtivement, révélée par les rayons de
soleil de l’aurore. Soweto se découvre sous vos yeux : le commentaire compare l’immense
faubourg de Johannesburg à un camp d’isolement, de ségrégation, le considérant même
comme plus proche d’un camp de concentration que d’un bidonville. Le panoramique
continue son mouvement circulaire, et si les mêmes lieux reviennent à l’image, leur
réapparition est désormais enrichie de la réflexion que vous livre Depardon. Découvrir et
revoir pour mieux comprendre le monde, tel est le principe qui guide le film et se matérialise
par l’emploi récurrent de panoramiques. Près de vingt ans plus tard, ce point de vue demeure
toujours aussi poignant.
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