1897-1911, la colonie pénitentiaire de La Couronne

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1897-1911, la colonie pénitentiaire de La Couronne
SOCIÉTÉ
1897-1911
La colonie pénitentiaire
de La Couronne
ANGOULÊME
La Couronne
et la destinée d’Albert Bénéteau…
Pierre CHENNEBAULT
D
COLL. JACQUES BELLEFAYE
omaine de Maison Neuve, janvier 1911.
Albert Bénéteau a seize ans. Il est placé
au cachot pour avoir dérobé une carotte
dans le jardin de la colonie et l’avoir
mangée. Il y reste enfermé vingt-et-un
jours. Le froid est intense, il en ressort les pieds
gelés. Le garçon sera amputé des deux pieds. Pour
une carotte volée !
Ce tragique fait divers entraînera peu de temps
après la fermeture de la colonie pénitentiaire de
Maison Neuve située à La Couronne1.
Domaine de Maison Neuve,
février 1985
Un vieil homme, penché sur sa canne, fatigué par
le poids des ans et celui des mauvais souvenirs,
progresse lentement dans l’allée du domaine.
Il semble découvrir les choses qui l’entourent tout
en les reconnaissant.
Jacques Bellefaye, le maître des lieux, vient audevant de lui. Jacques, jeune homme de vingt-cinq
ans, est l’arrière-petit-fils de Léopold Bellefaye,
l’ancien directeur de la Colonie horticole et pénitentiaire de Maison Neuve. Le vieil homme est un
ancien détenu de ce bagne pour enfants. Les plaies
infligées au « mauvais garnement » qu’il était alors
n’ont toujours pas cicatrisé. Gageons qu’elles ne
se sont jamais cicatrisées. Sa douloureuse enfance
a fait de ce vieil homme un compagnon « d’âme »
d’Albert Bénéteau.
« Tu sais, ça n’a pas été tout beau ».
Jacques Bellefaye a principalement
entendu parler du centre par sa grandmère avec laquelle il entretenait une
relation affective privilégiée. Et puis
par quelques photos « souvenirs »
retrouvées dans son grenier. Mais ce
sont les archives départementales qui
lui révèleront une grande partie de
l’épouvantable réalité. « Il y a des
choses qui ont été faites aux enfants
que je préfère garder pour moi », dit-il
encore, d’une voix empreinte d’émotion... Pourtant, la vérité, on la devine…
Enfants de la colonie
pénitentiaire et éléments de
l’affiche de la pièce de théâtre
Les Ombres de 16 ans.
Extrait de La Charente
du 12 février 1911.
1. Commune jouxtant Angoulême.
| Le Picton n° 212 | Mars Avril 2012 | 7