Article Titane V2_WEB
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Juin 2011 COMPOSÉS MIVOC DE TITANE La synthèse d’un composé MIVOC de titane est une épreuve de patience et l’affaire d’experts L’ALCHIMIE DU MARIAGE ENTRE PHYSIQUE ET CHIMIE La synthèse de composés MIVOC destinés à générer des faisceaux isotopiques intenses au-delà du 48Ca est un des points clé de la physique des noyaux très lourds et superlourds pour les années à venir. En support à l’activité expérimentale du groupe CAN dans la spectroscopie des noyaux très lourds, une action pluridisciplinaire a été engagée il y a six ans afin d’obtenir un composé MIVOC de titane. L’isotope de Titane 50 (50Ti) (22 protons) présente un nombre « magique » de neutrons (N=28) tout comme l’isotope de calcium 48 (48Ca) magique en neutrons et protons (N=28, Z=20). Cette particularité lui permet de présenter une plus grande probabilité de fusion avec des noyaux lourds. Ces isotopes sont une des clés de la synthèse des noyaux superlourds, tout comme ceux du chrome. Ainsi par exemple, l’étude spectroscopique d’un isotope du premier noyau super-lourd, le Rutherfordium 256 (256Rf, Z=104) devient accessible au travers de la réaction de fusionévaporation 50Ti + 208Pb 256Rf + 2 neutrons à condition de disposer d’un faisceau isotopique de 5 0 T i s u f fi s a m m e n t intense pour c o m p e n s e r l’extrême faiblesse de la section efficace de cette réaction (12 nb). Le développement de faisceaux, et plus Titanocène Cp*Ti(CH3)3 [1] particulièrement de composés organométalliques volatils (MIVOC) représente un domaine de recherche à cheval entre la chimie et la physique. Il demande des chimistes très compétents pour la synthèse de ces composés complexes et des physiciens pointus pour le développement des instruments et des processus d’utilisation et d’analyse des compositions des faisceaux expédiés sur cible. Seuls certains laboratoires disposent encore à ce jour des compétences nécessaires pour cette tâche complexe. C’est le cas de l’IPHC, né de la fusion de laboratoires de physique subatomique, de chimie, et de biologie. Ces développements sont réalisés en collaboration avec l’Université de Jyväskylä en Finlande qui présente également des compétences complémentaires en chimie et en physique pour le développement de nouveaux faisceaux. L e ( Tr i m é t h y l ) p e n t a m e t h y l cyclopentadienyltitane Cp*Ti(CH3)3 est un composé commercial de titane satisfaisant aux critères de la méthode MIVOC. Il présente une bonne pression de vapeur saturante et a permis à l’Université de Jyväskylä de fournir un faisceau intense de 48Ti. Cet isotope représente 73,72% du titane naturel alors que la proportion de 50Ti n’est que de 5,18%. Ceci impose l’utilisation de matériaux enrichis et la synthèse en laboratoire de ces composé délicats, rares et couteux. Grâce au travail acharné de Z. Asfari (IPHC/DSA) nous avons pu synthétiser et étudier deux molécules permettant de produire un faisceau de titane : le biscyclopentadienylbiméthyltitane Cp2Ti(CH3)2 et le (Triméthyl)pentaméthylcyclopentadienyltitane Cp*Ti(CH3)3 qui présentent des rapports C/Ti et H/Ti et une pression de vapeur similaires. Une étude assez complète de Cp2Ti(CH3)2 a pu être réalisée, allant jusqu’à la synthèse isotopique de ce composé. Il génère une bonne pression de vapeur mais présente une instabilité rendant son utilisation difficile. Grâce à la collaboration avec A. Ouadi (IPHC/DRS), il a été possible de trouver un solvant protecteur adapté à l’exploitation de cette forme chimique du titanocène. La récente réussite de la synthèse complète à l’IPHC du Cp*Ti(CH3)3 plus stable, qui s’est avérée relativement complexe à maîtriser, a ouvert la voie à la r é a l i s a t i o n d e f a i s c e a u x d e 50T i isotopiques intenses. Le produit synthétisé par Z. Asfari a pu être testé avec succès. Les premiers faisceaux issus d’une synthèse complète à l’IPHC ont été produits le 14 juin à l’Université de Jyväskylä. Ce résultat est le fruit de nombreuses années d’études pluridisciplinaires mais également du travail de deux doctorants de l’Université de Strasbourg, J. Piot et J. Rubert encadrés par O. Dorvaux et B. Gall. Test sur la source ECRIS 1 à l’Université de Jyväskylä L’intensité du faisceau obtenue à la sortie de la s o u rc e d e l ’ a c c é l é r a t e u r d é p a s s e largement celle nécessaire à l’obtention des 3,1.10 11 noyaux par secondes attendus sur cible pour l’étude du 256Rf. D’autres tests de faisceaux complémentaires sont en cours ou prévus auprès d’autres accélérateurs tels que les cyclotrons du GANIL (Caen, France) et du JINR (Dubna, Russie). La première synthèse isotopique interviendra cet été ouvrant l’accès à la spectroscopie du 256Rf programmée à l’Université de Jyväskylä fin de cet été. Il s’agira alors de la structure du noyau le plus lourd jamais étudiée… Ce faisceau ouvre également la possibilité de réaliser la synthèse des éléments les plus lourds et notamment l’élément comportant 120 protons recherché par plusieurs équipes internationales (le record mondial étant actuellement à Z=118). Cette réussite, à la lumière de ces perspectives, place l’équipe pluridisciplinaire de l’IPHC en haut de l’affiche. Contact : Benoît GALL IPHC/DRS/CAN 23 rue du Loess 67037 STRASBOURG CEDEX [email protected] [2]