Le train a déraillé en gare de Nozières

Transcription

Le train a déraillé en gare de Nozières
Edition de NIMES
Vendredi 7 Septembre 2007
Le train a déraillé en gare de Nozières-Brignon L'accident du ParisNîmes faisait vingt-huit morts et quarante blessés le 7 septembre
1957
Fait-divers Le train a déraillé en gare de Nozières-Brignon L'accident du Paris-Nîmes faisait vingt-huit
morts et quarante blessés le 7 septembre 1957
Depuis quelques semaines, les vendanges ont commencé et dans les vignes le personnel s'affaire. Le
soleil est au zénith. Mais ici, on ne regarde pas la montre. On attend le passage du Paris-Nîmes, signe
qu'il est midi, le moment de poser les outils pour la pause du déjeuner... Quelqu'un s'étonne : « On
dirait que le train a du retard aujourd'hui... » Sur la voie ferrée, des hommes travaillent encore. A 12 h
30, l'un d'eux aperçoit soudain le train qui fonce à toute allure sur l'aiguillage. Il court au-devant de la
machine, crie, agite son chapeau. Mais il est déjà trop tard. En une seconde, le convoi cahote sur
l'aiguillage, bondit hors des rails et la machine se couche dans un fracas du diable et un nuage de
vapeur. La loco percute un parapet et les wagons, arrachés de la voie, s'imbriquent avec violence les
uns dans les autres. Au choc effroyable succède un long et lourd silence. Les ouvriers sont atterrés.
« J'ai pensé que ce n'était pas grave lorsque j'ai vu sortir, des dernières voitures, des voyageurs
indemnes », témoigne l'un d'eux. Mais peu à peu montent, des compartiments disloqués, des clameurs
et des cris. Puis, dans une lente progression, des blessés se hissent par les fenêtres des compartiments
et les portières béantes. Les secours sont alertés. Ils arrivent d'Alès, de Nîmes et d'Avignon... On
comprend maintenant que, sous les décombres gisent des morts et des blessés graves, coincés entre
les tôles. Il faut avoir recours au chalumeau. Des cadavres atrocement mutilés, à peine identifiables,
sont sortis des compartiments enchevêtrés. Sur les quais, des scènes déchirantes : un père, les yeux
fous, cherche son enfant parmi les victimes. Hagards, des blessés réclament leur famille. Une maman
étreint ses enfants morts. Déjà de nombreux curieux sont sur les lieux, des journalistes, des
photographes, que la gendarmerie essaie de repousser. A la mairie de Boucoiran, on dresse une
chapelle ardente ou sont déposés les corps avant d'être rendus aux familles. La nuit tombe sur ce
samedi 7 septembre 1957. La plus grosse catastrophe ferroviaire qu'ait connue le Gard a tué vingt-huit
personnes et en a blessé une quarantaine. Martine SELLÈS
L'accident a fait la Une de Midi Libre mais aussi de nombreux médias nationaux.
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Vendredi 7 Septembre 2007
REPÈRES Questions et tentatives de réponses
REPÈRES Questions et tentatives de réponses
Pendant quatre jours, le quotidien Midi Libre se penchera sur l'événement. Car, cet accident qui a
bouleversé la France entière, suscite bien des interrogations. Il est indéniable que l'excès de vitesse en
fut la cause. Le train s'est engagé à près de 100 km/h sur l'aiguillage, malgré le disque 30 km/h qui se
trouvait en avant de la gare de Brignon- Nozières. Mais pourquoi une telle faute de ce mécanicien
reconnu par ses chefs et par ses pairs comme un mécanicien extrêmement consciencieux ? Celui-ci,
grièvement brûlé, déclarera au juge d'instruction qui l'interrogeait sur son lit d'hôpital : « Je ne me
souviens plus de rien. » L'enquête diligentée par le directeur général de la SNCF apportera quelques
éléments de réponse. Il apparaîtra que le mécanicien, avant de prendre sa machine à Langeac, n'avait
pas signé sa feuille de route signalant la voie unique en gare de Brignon-Nozières. De ce fait, il aurait
été averti du danger uniquement par le signal 30 km/h à quelque 1 200 mètres de l'aiguillage qu'il
aurait vu au tout dernier moment. Le docteur Roger Amalric témoigne : En 1957, Roger Amalric
(photo) est alors jeune médecin dans la commune de Brignon. Comme ses confrères installés dans le
canton, il va être appelé d'urgence sur les lieux. Il se souvient : « Lorsque je suis arrivé, je me suis
aussitôt dirigé vers le premier wagon d'où j'entendais crier. J'ai essayé de me faufiler dans
l'enchevêtrement de tôles. Sur mon passage j'ai cru voir un paquet que j'ai pris pour un colis. Je me
suis approché intrigué par le sang qui en coulait. C'était en fait un corps, complètement comprimé, et
ça faisait comme un paquet. J'ai appris plus tard que c'est ainsi que l'on retrouve les corps qui
dévissent en montagne. C'est un guide qui me l'a rapporté. Ce jour-là, j'ai compris que c'était une
femme à cause de ses longs cheveux. C'est macabre ce que je vous raconte-là, mais hélas, c'est la
dure vérité. En poursuivant mon avancée j'ai trouvé des blessés. A ceux qui ne souffraient pas trop,
j'ai délivré des antalgiques que j'avais dans ma trousse. Chez certains il m'a fallut faire une première
contention avec les moyens du bord pour calmer la douleur d'une fracture et tenter de dégager ceux
qui pouvaient l'être sans trop souffrir. Je me sentais impuissant devant ce scénario apocalyptique. Fort
heureusement des secours plus appropriés et par là plus efficaces ne tardèrent pas à arriver. C'était un
spectacle poignant. Il y a de cela cinquante ans, mais je m'en souviens encore. »
D'autres
témoignages
Max
Noël
:
87
ans,
ancien
conseiller
municipal
:
« A cette époque j'étais conseiller municipal et le Paris-Nîmes rythmait le quotidien des habitants des
villages environnants. J'ai bien entendu été averti de ce terrible accident. Je crois avoir été un des
premiers sur les lieux avec André Crouzat, garagiste à Brignon et David Rolland son mécano. Leur
chalumeau n'a pas chômé je peux vous le dire. J'ai encore en vision, cette femme échevelée, les pieds
nus sur le quai et le regard épouvanté. » André Michel : 85 ans, retraité SNCF, habite Vézénobres : «
Je n'ai pas vécu directement le déraillement du Paris ? Nîmes puisqu'à ce moment j'étais en poste à
Lunel comme facteur mixte. Bien entendu, cet accident on en parlait et on savait qu'il était dû à une
faute humaine. Vous savez, à cette époque, les trains fonctionnaient à la vapeur et au charbon, il fallait
souvent alimenter la chaudière, les conditions de travail étaient beaucoup plus difficiles, Il fallait tenir.
Les chauffeurs n'étaient malheureusement pas à l'abri d'une erreur. Aujourd'hui, c'est plus facile. Les
conducteurs sont soumis à un contrôle permanent, ils ont des formations, un suivi psychologique. Et
puis tout est automatique. Mais malgré tout on ne peut pas dire qu'il n'y aura jamais plus d'accident ici
au même endroit. C'est peu probable, mais on ne peut pas le dire. »
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