VigIE fevrier
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VigIE fevrier
Sommaire Edito...................................................................1 Billet d'humeur : IE et recherche universitaire par Chritsian Harbulot ..............2 Agenda................................................................2 Dossier du mois : l’IE dans l’histoire............3 Le site du mois : Infoguerre...........................7 Zoom sur : le lobbying....................................7 Actualité : les lobbies du vin...........................8 Retour sur la conférence “les affrontements économiques entre les grandes puissances”...9 Lumière sur : la conférence “IE & innovation”.....................................................................9 A lire : Les Secrets de la guerre économique d’Ali Laïdi et Eric Denécé.........1 0 Invitation : Conférence IE & Innovation.....1 1 VigIE Directeurs de la publication : Nicolas Moinet, Directeur du Master IECS Vincent Filliat, Responsable du projet VigIE Directrice de la rédaction : Charlotte Couffrant Comité rédactionnel : Lydie Boret, Charlotte Couffrant, Annelyse Daumain, Ambroise Fensterbank, Vincent Filliat, Eugénie Le Moulec, Claire Léquipé, Marie Tardieux. Conception graphique : Ambroise Fensterbank, Claire Léquipé [email protected] Edito L'intelligence économique semble être un concept nouveau, une découverte du 20ème siècle... Pourtant, sans être définie en tant que telle, elle possède une histoire beaucoup plus ancienne et a existé de tous temps, à travers la stratégie militaire d'Attila ou encore les préceptes de Sun Tzu. L'Histoire de l'IE est ainsi le thème du dossier du mois. Ecrit par Jean-Pierre Bernat, il nous permet de mieux comprendre quelles sont les origines de ce concept et comment il a évolué vers le monde économique. Il est notamment important de constater que la la civilisation asiatique est pionnière en la matière. L'exemple du penseur Musashi, développé dans ce dossier, montre à quel point les asiatiques ont influencé le développement des concepts stratégiques. Ce contemporain de d'Artagnan a rédigé le fameux "Gorinno-Sho". Il y décrit sa vision de la tactique fondée sur la pratique de l'escrime et du combat armé. Ce livre révèle "le secret d'une stratégie victorieuse" qui reste encore aujourd'hui une référence pour les managers japonais. Cette anecdote parmi d’autres illustre parfaitement l'intérêt de se plonger dans cette histoire de l’IE, riche en apprentissages et en références. Rapportant de manière exhaustive cette trame de l'antiquité à nos jours, ce dossier vous sera présenté en deux épisodes, dont le prochain sera publié dans la lettre du mois de mars. L'Histoire de l'IE s'écrit aussi et surtout aujourd'hui, notamment à travers sa reconnaissance étatique et universitaire. En effet, si les asiatiques ont une culture favorisant ce concept, les européens commencent aujourd'hui à prendre en compte les enjeux stratégiques que la guerre économique implique. Nous publions ainsi ce mois-ci un billet d'humeur de Christian Harbulot décryptant la relation délicate entre l'intelligence économique et la recherche universitaire. Dans l'esprit de construire et de confirmer une véritable évolution de l'histoire de l'IE en France, nous vous proposons également le compte-rendu de la conférence tenue par le même Christian Harbulot au sujet des affrontements économiques entre les grandes puissances. L'IE fait donc de plus en plus parler d'elle. C'est dans cette optique que le Master IECS de Poitiers organise une conférence à ne manquer sous aucun prétexte ! Rassemblant étudiants, universitaires et professionnels autour des différentes problématiques actuelles de l'IE appliquées à l’innovation, cet évènement a pour but de faire se rencontrer ces différents acteurs et de favoriser la richesse de leurs échanges. Vous trouverez d’ailleurs un coupon d’invitation à cette conférence à la fin de la lettre ! Enfin, à travers les rubriques habituelles de VigIE, vous découvrirez le site infoguerre, les enjeux des lobbies du vin et une présentation de l'ouvrage d'Eric Denécé et Ali Laïdi "Les Secrets de la guerre économique". En vous souhaitant une bonne lecture, nous vous donnons rendez vous le mois prochain pour les 10 ans de l'Icomtec ! Charlotte Couffrant (P10) - Rédactrice en chef VigIE Fevrier 2006 Page 1 Billet d’humeur : Intelligence économique et recherche universitaire Si l'intelligence économique est une discipline qui est encore en devenir, le référentiel en intelligence économique, rédigé en 2004/2005 par une équipe d'universitaires et de formateurs sous la direction d'Alain Juillet, est une étape très importante dans la clarification du concept. Avant cette date, il existait une certaine confusion théorique qui nuisait au développement de la discipline, aussi bien sur le plan universitaire que dans le monde des entreprises. Désormais, le référentiel donne une idée précise des différents champs couverts par l'intelligence économique, en ne la réduisant pas à une vision purement documentaire, en établissant un lien entre les notions de développement et d'affrontement économique, et en intégrant le management de l'information à la stratégie globale d'un acteur économique. La transdisciplinarité imposée par la mise ne œuvre de ce concept est sans aucun doute l'obstacle le plus difficile à franchir par les universitaires. Mais, à l'image de ce qui s'est passé en médecine au cours des années 1990 (le corps médical français qui s'était longtemps opposé au principe d'une étude globale et transdisciplinaire du corps humain, a dû changer d'attitude sous peine de sombrer dans le ridicule), l'université devra progressivement s'accoutumer à cet exercice de croisement des connaissances. Dans le monde, la discipline est encore embryonnaire dans de nombreux pays, exceptés aux Etats-Unis, au Japon et dans quelques pays nord européens. En revanche, l'intérêt croît dans la plupart des pays pour des raisons évidentes : compétition durcie par le nombre croissant de pays industrialisés, tensions économiques provoquées par les crises pétrolières et les spéculations autour de l'énergie, diminution des ressources mondiales accentuées par la demande des nouvelles puissances, régénérescence des patriotismes économiques. Il demeure cependant une ambiguïté très importante qui limite la portée de l'intelligence économique : si la nécessité d'étudier l'utilité de l'information dans la dynamique économique s'impose peu à peu comme une nécessité, les entreprises se réfugient derrière le non-dit afin de dissimuler leurs actes lors d'un affrontement de nature informationnelle avec la concurrence. Cette contrainte objective rend la tâche particulièrement difficile aux chercheurs qui étudient les pratiques de management de l'information sous l'angle conflictuel. En effet, ils ne disposent pas d'éléments statistiques de source étatique ou patronale et se heurtent au silence des protagonistes lorsqu'ils cherchent à réaliser des études de cas. Si les guerres militaires laissent des traces visibles (batailles, destructions, témoignages des combattants), les affrontements économiques sont parfois aussi opaques que les manipulations financières en usage dans les paradis fiscaux. L'élaboration du savoir dans cette discipline implique donc une méthode d'enseignement qui prenne en compte ces difficultés dans le processus de recherche universitaire. Christian Harbulot Directeur de l'Ecole de Guerre Economique Agenda Conférence Séminaire Conférence “Innovation & Intelligence Economique” “La veille et la gestion de l'information au service d'une stratégie d'influence” “De la veille Technologique à l’Intelligence Economique” Le jeudi 2 mars 2006 de 9h à 12h30 à la Présidence de l’Université de Poitiers : 15, rue de l’Hôtel Dieu. Avec la participation d’Edith CRESSON, ancien Premier Ministre. Thèmes : stimulation de l’innovation, génération des activités nouvelles, état d’esprit et mode d’action... L’intelligence économique est un levier efficace pour répondre à ces défis. Organisé par le Master IECS de Poitiers et l’Incubateur Régional Poitou-Charentes Contact : [email protected] Tél. : 05 49 49 46 50 VigIE Les 23 et 24 février 2006 à la Résidence Maxim’s - Paris Objectifs : Maîtriser la collecte, le traitement, la distribution et les analyses des informations pertinentes Gérer les réseaux humains : identifier et suivre les acteurs clefs Mettre en place un dispositif de veille au service d'un projet de lobbying le 23 février 2006 de 19h30 à 22h, organisée par le Club IES, l’AA ESIEE et l’IFIE, à l’IAE de Paris (21, rue Broca Paris 5eme). Sujet : présentation des facteurs clés de succès pour la mise en place d’une veille technologique et d’une dynamique d’intelligence économique. Contact : [email protected] Site : www.ifie.net Tél. : 01 55 34 35 94 Contact : [email protected] Programme, tarifs et détails sur : www.lesechosformation.fr Page 2 Petite histoire de l’IE par Jean-Pierre Bernat Chargé de mission en veille stratégique au CIRAD et intervenant professionnel en knowledge management et en stratégie des entreprises pour le Master IECS de l'ICOMTEC, Jean-Pierre Bernat retrace l’évolution de la stratégie au fil du temps. L'intelligence économique (et ses nombreux avatars) semble avoir enfin pris racine dans notre culture nationale. Passant du "Rapport Martre" 1 au "Rapport Carayon" 2, elle passe d'une phase descriptive et prospective à une phase structurante et proactive. Dès lors apparaît la question logique : à quand remonte le concept même d'intelligence économique et qui peut logiquement en revendiquer la paternité ? Pour ce que nous conviendrons d'appeler "l'intelligence économique moderne" (par référence à la maintenant célèbre définition du rapport Martre) il semble que la réponse soit relativement simple à formuler. On trouve en effet trace des premières considérations sur l'importance de l'information de type décisionnel dans les travaux des économistes américains comme Peter Drucker ou J.F Rockart vers le milieu du siècle passé. Elle semble beaucoup plus ardue pour ce qu'il en est de la philosophie même de la décision stratégique, puisque force est de constater que l'application au monde de l'économie - et plus particulièrement à celui de l'économie industrielle - est une dérive des théories militaires sur la notion même de l'utilisation stratégique de l'information comme facteur visant à réduire un risque et par là comme outils d'accompagnement d'une tactique basée sur le mouvement. Sun Tzu : l'ancêtre commun A tout seigneur, tout honneur, on ne peut aborder le monde de l'intelligence économique sans entendre parler de Sun Tzu (parfois orthographié Sun Zi, voire Sun Tsé), et de son ouvrage de référence "L'art de la guerre" dont la principale traduction française est due à JeanJacques Amiot. Parmi ceux-ci, le plus ancien semble être un manuel de stratégie en "treize articles" (comprendre chapitres) rédigé vraisemblablement entre le Ve et le IVe siècle et attribué à un certain Sun Zi. Comme c'était alors l'usage, ce "document de base" a été maintes fois repris pour faire l'objet de commentaires, de développements, etc. Il migra ainsi vers la Corée, le Japon,… puis l'Europe (dont la France au XVIIIe siècle) acquérant au fil du temps et de ses pérégrinations une notoriété qui lui vaut aujourd'hui d'être reconnu comme l'un des tous premiers manuels de stratégie. Partant du fait que la guerre n'est pas un fait du au hasard mais l'aboutissement logique d'une évolution de situations, Sun Tzu propose de s'y préparer en utilisant tous les moyens à notre disposition : connaissance du terrain, connaissance des forces et de la psychologie de l'ennemi, utilisation d'espions, désinformation,… L'idéal étant de vaincre sans avoir même à mener de combat ! On peut voir dans ces techniques les prémices de ce que l'on nommera beaucoup plus tard, veille et intelligence économique. Et quelques retombées asiatiques de cette approche On doit tout d'abord citer Han-Fei-Tsé ou "Le Tao du Prince" qui réunit les œuvres du philosophe chinois Han Fei du IIIe siècle avant notre ère et qui constitue l'un des textes les plus importants de l'histoire de la pensée politique chinoise et sans doute mondiale. Il a sa place aux cotés des grands classiques que sont la République de Platon ou le Prince de Machiavel. Le programme qu'il contient a été appliqué à la lettre par un empereur, Qin Shihuang au IIIe siècle aussi vaste que l'Europe. Dans le même esprit, mais de façon un peu plus tardive, on trouve les "Trente-six Stratagèmes". Traduits, interprétés et enrichis de multiples exemples, ces Stratagèmes" sont au cœur de la sagesse chinoise et montrent qu'ils sont bien autre chose que de simples ruses militaires. Selon la coutume, en Chine, lorsque les dieux veulent aider un mortel qui a eu l'heur de leur plaire, ils lui offrent parfois un livre de stratégie. Les "Trente-six Stratagèmes" en font partie. Ils résument les principes essentiels de l'art politique chinois. Organisé en six recueils consacrés à chaque type de batailles - offensives, indécises ou même perdues - il sert également de guide dans le labyrinthe de la vie quotidienne et dans toutes les situations de conflit. Cette petite encyclopédie composée sous la dynastie des Ming (1368-1644) fut retrouvée par hasard en 1941 dans la province de Shaanxi. Après avoir été interdit par Mao Zedong, le livre est devenu dans les années 70 un best-seller, utilisé comme manuel de stratégie dans le monde des affaires et comme bréviaire de l'art de vivre. Attila : le bouillant conquérant On ne sait rien de sûr au sujet des Huns avant la fin du IIe siècle. Ce peuple nomadise alors dans la steppe au nord du Caucase. Après 425, un empire hunnique commence à prendre consistance sur le Danube moyen, quelques scribes romains passent à son service. C'est surtout l'œuvre d'Attila dont le nom est germanique, et qui règne de 434 à 453 qui marque cette civilisation. Ce souverain, loin d'être le barbare sans frein que l'on a souvent décrit, exploite avec une remarquable intelligence les dissensions du monde romain, dont il est bien informé. Attila est surtout connu dans l'historiographie et dans la tradition chrétienne occidentale pour avoir été le fléau de Dieu, ce qui lui a conféré une image des plus 1 Rapport commandé par le Commissariat Général du Plan en paru en février 1994 sous le titre "Intelligence économique et stratégie des entreprises" (sous la présidence de M. Henri Martre). 2 Rapport commandé par le Premier Ministre et paru en juin 2003 sous le titre "Intelligence économique, compétitivité et cohésion sociale" VigIE Page 3 sombres. En réalité, ce fils du roi d'un des peuples les plus puissants de son temps est devenu, aux yeux des Européens occidentaux, l'image emblématique du souverain-guerrier nomade, se confondant dans l'imaginaire populaire avec les traits que l'on prêtera plus tard à Gengis Khan : sanguinaire, aimant la guerre et les pillages par-dessus tout, cruel et rusé. Cependant, l'époque à laquelle vécut Attila (vers la fin de l'empire d'Occident) son opposition avec le général Aetius (par ailleurs nommé le dernier des Romains) et l'origine de son peuple ont frappé l'imaginaire collectif et contribué à faire d'Attila la figure typique du barbare s'opposant à la civilisation. pour favoriser le développement de son commerce. Du fait de sa position géographique à la limite de l'Atlantique nord et du nord-ouest de la Russie, elle a dû forger une stratégie économique tenant La Ligue hanséatique Les commerçants de villes telles que Hambourg, Brême, Lubeck colportent dans ces régions laines et peaux de Russie, dentelles et draps d'Angleterre, huiles scandinaves. Ils se regroupent vers 1250 pour former la puissante Ligue hanséatique, un syndicat professionnel chargé d'assurer la défense commune des villes membres contre les "pillards de mer et de terre" et qui acquiert de fait une indépendance quasitotale vis-à-vis des autorités terrestres (autorité qu'elle conservera jusqu'au XVe siècle). compte de la fragilité de sa position géoéconomique. Comme elle ne pouvait avoir un rapport de forces direct avec des puissances mondiales comme les Etats-Unis ou l'ex-URSS, ni même avec ses voisins allemands, c'est dans la perspicacité et la diplomatie que résidait pour ce pays une voie de développement adaptée. La Suède a tiré de cette attitude le surnom de "petit Japon d'Europe", en compensant les handicaps géoéconomiques par un développement fondé sur une ingénierie stratégique de l'information. 35 des 100 premières sociétés suédoises concentrent plus de 80 % de leur chiffre d'affaires à l'Export. Une immense partie de la population parle deux, voire trois langues et l'éducation nationale y est performante (3 % d'illettrés en Suède contre 20 % aux Etats-Unis). Un tiers de la population adulte suit des cours de formation permanente. L'existence de plus de 100 journaux paraissant au moins quatre fois par semaine participent à une circulation rapide de l'information. Ce qui comparativement représente le triple du marché américain pour un pays de la taille de la Floride, a donc constitué en matière d'information un marché trois fois plus important que celui des Etats-Unis. Cette association commerciale fournit donc une première organisation et obtient de nombreux privilèges au profit des marchands des villes de la future ligue hanséatique. On peut dater le passage de la Hanse des marchands à la Hanse des villes à 1280, lorsqu'une opération de blocus contre Bruges est organisée dans le but de protéger les privilèges acquis (suivi en 1284 du même type d'opération contre la Norvège). Si la Suède a réussi assez tôt à se libérer du joug de la Ligue hanséatique, elle a su en garder l'approche méthodologique VigIE Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, la Suède, favorable à une approche pragmatique de la situation internationale, choisit une politique globale de défense. Ce pays à la charnière des deux blocs a donc développé un modèle de compromis fondé sur l'hégémonie de la social-démocratie, où 30 % de la population active appartient au secteur public et où la sécurité économique est considérée comme une priorité. Pour atteindre cet objectif, les autorités suédoises ont pratiqué une politique de concertation entre les milieux politiques, sociaux et économiques. En outre, le nombre de citoyens nés en dehors de Suède est encore aujourd'hui très marginal. Cette caractéristique renforce la cohésion culturelle de la population. Les nombreuses conquêtes, reprises et pertes de territoires, favorisent le développement d'une certaine culture du secret. Ces fondements historiques et culturels facilitent la formation de partenariats d'entreprises ainsi qu'une coopération entre patronat et syndicats devenue légendaire dans les années soixante-dix. L'exiguïté du territoire fait que les chefs d'entreprises connaissent souvent leurs homologues pour avoir été à l'armée avec eux ou pour avoir partagé les mêmes bancs universitaires. Musashi : le penseur Escrimeur le plus célèbre du Japon, Miyamoto Musashi (1584-1645) est contemporain de d'Artagnan et aussi sinon plus célèbre que ce mousquetaire. Pour information, sa biographie romancée s'est vendue au Japon à plus de 120 millions d'exemplaires. Durant sa jeunesse tumultueuse, ce samouraï rédige ses "Trente cinq leçons de tactique". Mais c'est à la fin de sa vie qu'il se retire sur la montagne Kimpô et trouve le calme nécessaire pour écrire son fameux "Gorin-no-Sho" (Ecrits sur les cinq roues). Page 4 Le titre de cet ouvrage se réfère à une symbolique d'origine bouddhiste : la roue, symbole traditionnel, le nombre cinq, renvoyant aux cinq éléments de la cosmologie bouddhiste qui représentent la nature entière et figurent les étapes du progrès spirituel. Il y développe sa philosophie de la tactique fondée sur une vie basée sur la pratique de l'escrime et du combat armé. L'escrime y est analysée comme exercice d'habileté, de vitesse et de maîtrise de soi et vise à obtenir cette libération de l'esprit qui seule garantit le succès, non seulement dans les arts martiaux, mais dans tous les domaines des arts, y compris dans celui des arts du management. Ce traité porte sur les arts martiaux et plus particulièrement l'escrime. Mais les principes qu'il énonce trouvent aussi à s'appliquer à toutes les activités de nature stratégique, à tous les gestes de la vie quotidienne : "Je comprenais bien, écrit Musashi, comme il est difficile de maintenir une position face aux événements. [...] J'ai appliqué les principes (avantages) de la tactique à tous les domaines des arts. En conséquence, dans aucun domaine je n'ai de maître." Le Traité des Cinq Roues n'est donc pas seulement un livre de stratégie guerrière ou pour l'action. C'est aussi un guide sur la Voie, qui énonce les principes d'un art de vivre. Livre à la fois d'action et de sagesse, ou plutôt de sagesse dans l'action, il révèle le secret d'une stratégie victorieuse, d'un trajet initiatique qui passe par la maîtrise de soi. C'est pour cette approche qu'il demeure une référence des managers japonais. Venise la sérénissime Venise, et par delà l'Italie, sont restées présentes dans l'esprit des gens par des œuvres majeures dont la plus accomplie reste "Le prince" ouvrage écrit de juillet à décembre 1513, alors qu'exilé en ses terres de San Casciano à une dizaine de kilomètres de Florence il supporte difficilement cet isolement et qu'il dédie cet ouvrage à son maître Laurent de Médicis. Dans cette vision et après avoir classé les Etats selon leurs types (démocraties,..) Machiavel examine comment les conquérir et surtout les conserver. C'est d'ailleurs le principal mérite de cet ouvrage. Il s'éloigne des traités utopiques, qui dans la lignée de "La République" de Platon ne cessaient de décrire un Etat idéal. Il essaye de développer une vision lucide faite de tensions, de compétitions et de luttes plus ou moins loyales entre les différents princes italiens et développe une suite de méthodologies propres à rendre plus VigIE efficaces les visées de ce prince. Ces "théories" furent reprises et mises en application par la sérénissime république de Venise où les doges organisèrent la collecte et le traitement de l'information - via une cohorte de prostituées dont l'objectif assigné était de capter le maximum d'information auprès des marchands étrangers de passage pour affaire dans la capitale - en une quasi religion d'Etat au seul but de conforter et d'étendre la puissance commerciale de l'empire vénitien sur l'ensemble des territoires alors connus. Richelieu et le Père Joseph Progressons dans le temps pour parvenir vers les années 1600. En France, elles virent la montée en puissance d'Armand Jean du Plessis, plus communément connu sous son titre de Cardinal de Richelieu. Cette irrésistible ascension s'appuya sur deux outils efficaces. D'une part une "brigade de courtisanes" (à l'image de ce qui avait merveilleusement fonctionné à Venise) mais ici non pas orientée vers le domaine du commerce mais plutôt vers celui de la politique ; et l'établissement d'une "éminence grise", le fameux Père Joseph. Né en 1577 dans une vieille famille de robe, François Le Clerc du Tremblay porte le nom de Père Joseph de Paris depuis son entrée chez les frères mineurs capucins en 1599 et son ordination en 1604. Après une éducation très poussée, notamment au collège de Boncourt où il fut le condisciple de Bérulle, un séjour à la cour et une campagne militaire qui le conduisit au siège d'Amiens, il fut introduit par Bérulle dans un des foyers religieux de la capita- le, l'hôtel de Mme Acarie, centre d'une effervescence spirituelle qui joua un rôle décisif dans sa rupture avec le monde. A la fois mystique et homme d'action, il manifesta une activité débordante, organisant des missions dans les provinces de l'Ouest gagnées au calvinisme, réformant l'abbaye de Fontevrault et l'ordre tout entier, fondant en 1606 la Congrégation des filles du Calvaire. Mais sa préoccupation centrale fut la croisade contre les Turcs, qu'il célébra dans un long poème en vers latins, la Turciade. Cette croisade de toute la chrétienté, unie sous les auspices et la direction de la France pour chasser d'Europe le Musulman et reprendre les Lieux Saints, fut le but principal de sa vie publique entre 1616 et 1625. Cela l'amena à conduire maintes missions diplomatiques et à s'associer au duc de Nevers, héritier des Paléologues, pour lancer une alliance chrétienne. Ce projet échoua, mais l'idée persista sous une autre forme, et la création des missions capucines dans l'Empire ottoman en 1625 marqua le passage de l'action militaire à l'action pacifique de l'apostolat. Dès l'année précédente et jusqu'à sa mort en 1638, il fut le collaborateur attitré de Richelieu et partagea avec lui le pouvoir tout en restant dans l'ombre, ce qui lui valut le surnom d'Eminence grise. En charge principalement de la diplomatie, il s'appuya sur un service de renseignements bien organisé, préparant les projets, conduisant les négociations, intervenant dans les différents épisodes de la "guerre couverte" qui opposait la France aux Habsbourgs dans les années 1620. L'Angleterre victorienne La Grande-Bretagne a été la première puissance économique mondiale de la révolution industrielle. Cette place historique dans le groupe des pays industrialisés rend son étude d'autant plus intéressante. Dès la création des manufactures textiles, l'intelligence économique a joué un rôle fondamental dans la maîtrise de l'innovation technique. Ainsi, pour protéger la machine à filer le coton, les manufactures du Lancashire faisaient peser sur les ouvriers des métiers des menaces de sanctions draconiennes au cas où ils dévoileraient les caractéristiques de cette invention à des marchands étrangers (amputation de la main). L'information tient aussi un rôle central dans les conflits d'influence autour de la commercialisation des produits pétroliers. A la fin du siècle dernier, les autorités britanniques placèrent un ancien Page 5 responsable des services secrets à la tête de l'Anglo Persan Oil pour contenir les ambitions européennes de la multinationale américaine Standart Oil. Cette synergie entre le monde du renseignement et le monde industriel correspondait à une tentative de réponse aux multiples facettes du problème pétrolier au Moyen-Orient : - Coloniales avec la défense des intérêts de l'empire face aux autres empires coloniaux - Géostratégiques avec l'interdiction à la Russie tsariste de contrôler l'Iran - Culturelles et ethniques avec la gestion des contradictions interarabes - Economiques enfin, avec le contrôle des gisements et des concessions. A cette même époque, la GrandeBretagne obtint pendant un demi-siècle l'exclusivité des gisements du pétrole iranien grâce à une opération de ses services de renseignement. Les autres pays concurrents n'arrivèrent pas à une telle mobilisation des forces. Cela s'explique par le fait que la Grande-Bretagne était alors la seule puissance dont les élites avaient intégré la fonction "intelligence économique" dans leur système de décision. La culture de l'intelligence britannique trouve ses origines dans le développement de l'empire. Il existe une continuité historique dans l'application de ce principe. Le commerce triangulaire entraîna un affrontement avec le royaume d'Espagne. Pour briser le monopole des compagnies des Indes hollandaises et s'assurer la maîtrise des mers, les Anglais ont vaincu la flotte hollandaise et sont devenus les apôtres du mercantilisme. Face à la France révolutionnaire, le Premier Ministre Pitt estima que la sécurité de l'empire maritime dépendait d'un service secret organisé à l'échelle mondiale et renforcé par des institutions à but scientifique comme la Royal Society of Geography qui par le financement de très nombreuses expéditions d'exploration contribuait à une cartographie mondiale des nouvelles colonies et à une meilleure connaissance des contraintes géographiques sur le flux de matières premières (ex: cartographie du Nil visant à analyser les possibilité de régulation pour améliorer le fonctionnement via l'Egypte de la route de la soie et des épices). Hormis quelques périodes d'activité moins intenses, les systèmes d'information étatiques ont constamment soutenu les intérêts économiques de l'empire. Après la Seconde Guerre Mondiale, cet atout culturel s'est dilué avec la perte de compétitivité de l'industrie d'OutreManche. Aujourd'hui, la force de la culture de l'intelligence britannique se concentre surtout à la City. Les compagnies d'assurances, les institutions financières et les banques font appel à ce type de savoir-faire dans la conduite de leurs affaires. Un certain nombre de grandes entreprises pratiquent aussi le "business intelligence". Elles ont créé des postes spécifiques consacrés à cette activité. Il existe enfin un marché privé de l'information qui constitue une source de diversification pour la presse économique. Les lettres spécialisées, les bases de connaissance ciblées sur les entreprises et sur leurs opérations commerciales constituent un des points forts d'un marché jusque-là dominé par les opérations de conseil. Cette continuité historique a progressivement amené la création de départements "marketing intelligence" dans les entreprises, et ce dès la fin des années cinquante. Le "marketing intelligence" dans la culture britannique se traduit par renseignement économique. Si la Grande-Bretagne a réussi partiellement un transfert de ce savoir "intelligence" (dans le sens anglo-saxon) vers le marke- ting, elle a en même temps transposé sa forte spécialisation et compartimentalisation liée à ce savoir. Le "marketing intelligence" est toutefois devenu une discipline tout à fait acceptée comme toute autre discipline de gestion. L'émergence précoce de cette discipline en Grande-Bretagne, orientée vers une collecte intensive de l'information sur les marchés extérieurs, a favorisé l'apparition de cabinets privés en "business intelligence", discipline proche de l'intelligence économique, voire identique. On se souviendra que le mode de fonctionnement du British External Trade Office (BETRO) a servi de modèle aux japonais lorsqu'ils créèrent le JETRO (Japan External Trade Organization). En France, ce concept a été ignoré dans les années 1970-1980. Lier l'histoire géopolitique et géoéconomique d'un pays comme la GrandeBretagne à l'évolution de sa pratique de l'intelligence économique, permet de comprendre pourquoi elle bénéficie de la plus forte concentration en Europe de cabinets de conseil en intelligence économique. Le rôle joué par la GrandeBretagne comme tête de pont de groupes américains en Europe a également contribué à la progression rapide de ces sociétés de conseil dans le pays. Ce n'est pas un hasard si la présidence de l'Association des professionnels de l'intelligence économique en Europe (Society of Competitive Intelligence Professionals - Europe) se situe en Grande-Bretagne et si elle fut longtemps présidée par le directeur "business intelligence" de la société américaine 3M... Jean-Pierre Bernat Suite et fin de ce passionnant voyage dans le prochain numéro de VigIE ! Sources : les principales idées émises dans cet article sont extraites des ouvrages suivants : Sun Tse : L'art de la guerre (traduit par Jean-Jacques Amiot) - Le Grand Livre du Mois Editeur. M. Musashi : Ecrits sur les cinq roues (traduit par M et M Shibata) - Le Grand Livre du Mois Editeur. N. Machiavel : Le Prince (traduit par Jean-Vincent Périès) - Le Grand Livre du Mois Editeur. Les Trente-Six Stratagèmes (traduit par François Kircher) - Rivages poche/Petite Bibliothèque éditeur. Han-Fei-tse ou le Tao du Prince (traduit par Jean Lévi) - Editions du Seuil. J-M Mathey : Comprendre la stratégie - Editions Economica. B Castiglione : Le livre du courtisan (traduit par Alain Pons) - Editions Gérard Lebovici. B Gracian : L'art de la prudence (traduit par Amelot de la Houssaie) - Le Grand Livre du Mois Editeur. A et H Toffler : Guerre et contre-guerre (traduit par Pierre-Emmanuel Dauzat) - Fayard Editeur. Ainsi que différents sites Internet dont : http://www.algerie-dz.com/article1538.html http://www.infoguerre.com http://c.asselin.free.fr/french/guerre_info_ihedn.htm http://www.internetactu.net/?p=622 VigIE Page 6 Le site du mois : Infoguerre Ce mois-ci, VigIE teste un site bien connu des professionnels de l'intelligence économique : Infoguerre. Un site, qui, comme son nom l'indique, diffuse largement les théories de la guerre économique. Né en 1999 "de la collaboration de journa- grâce à un moteur de recherche interne. dénoncer les traîtres ou bien encore la listes, consultants, universitaires" mais Cet outil permet donc aux nouveaux visi- page "Give me information", inaugurée à aussi des spécialistes des questions de ren- teurs et aux "non-experts" de rechercher la suite de l'Appel du 18 juin. Cet appel seignements, Infoguerre avait alors pour l'information utile grâce aux traditionnels invite les internautes à être vigilants voire ambition d'observer et d'analyser la guerre mots-clés sur un site qui peut parfois à mener l'enquête s'ils détiennent ou interde l'information relative au domaine éco- sembler illisible. ceptent une information indiquant qu'une nomique mais aussi politique et militaire. Toutefois, le site offre une particularité entreprise se prépare à "attaquer un Désormais, le site se fixe pour objectif de tout à fait intéressante : il aborde la ques- concurrent de manière déloyale". En effet, "décrypter l'information et analyser les tion de la guerre économique sous les "l'information est aujourd'hui une arme stratégies de puissance". Un positionne- angles de l'environnement, de la démocra- terriblement efficace pour déstabiliser un ment fort pour le site d'information du tie, de la santé et de la culture. concurrent" et "lorsqu'une entreprise en cabinet C4ifr dirigé par Christian Harbulot Parmi les grandes rubriques, la première attaque une autre, elle laisse des traces". et intégré à Spin Partners. est entièrement consacrée à définir les La rubrique "Pages" concerne des biblioprincipes fondateurs de la guerre écono- graphies et autres notes de lecture. mique mais aussi l'origine et les applica- Classées selon les différentes thématiques La philosophie d'Infoguerre est plus tions de la guerre de l'information. Cette et concepts propres à la guerre éconoqu'explicite : l'information est aujourd'hui rubrique est à rapprocher de celle intitulée mique, l'internaute retrouve des ouvrages une arme décisive dans la lutte qui oppose "doctrines" qui "souhaite donner à tout un clés. Le site offre également la possibilité les entreprises mais aussi les Etats pour chacun les moyens de mieux décrypter les de télécharger librement l'ouvrage de assurer leur sécurité et leur compétitivité. menaces et les enjeux de la guerre de l'in- Christian Harbulot, la France doit dire Pour illustrer ces concepts, le site fournit formation" et regroupe les doctrines de la non. donc de nombreuses ressources structu- guerre de l'information selon les Etats rées autour d'une page d'accueil et de neuf (France, Japon, Allemagne, Chine, A noter enfin, Infoguerre dispose depuis rubriques principales. La page d'accueil se Etats-Unis, etc.) juillet 2004 d'un blog, nouvel outil de compose d'un éditorial mensuel et met en communication indispensable sur la toile. avant quelques lignes des derniers articles publiés ainsi qu'une revue de presse inter- Les rubriques suivantes traitent de l'actuaClaire Léquipé (p11) nationale, sobrement intitulée "La presse lité, proposent des interviews, annoncent en parle…" Concernant la navigation, les des événements ou bien compilent le articles sont classés selon leurs dates de courrier des lecteurs. parution, accessibles grâce à un système Des rubriques "classiques", comparées à la http://www.infoguerre.com de rubriques précises, ils le sont également page "Transfuge", qui n'hésite pas à http://infoguerre.blogspot.com Le lobbying en quelques mots… Souvent mal perçu, parfois décrié, le lobbying est une pratique de plus en plus répandue et qui touche des secteurs divers et variés. Néanmoins, on remarque bien souvent que les malentendus provoqués par la discipline sont liés à une mauvaise connaissance de ce qu'est réellement le lobbying. VigIE vous propose donc un bref rappel de ce qu'est le lobbying et vous livre quelques conseils pour mener une action performante. Le lobbying, c'est avant tout une discipline, mais aussi et surtout un "état d'esprit" (Edith Cresson). Il permet d'analyser et de comprendre un problème, afin d'en expliquer la teneur et les conséquences, à ceux qui détiennent le pouvoir de décider. Contrairement aux Etats-Unis où cette pratique est un sport national, en France, le règlement de l'Assemblée Nationale interdit toute expression des groupes d'intérêts. Cependant, le lobbying est aujour- VigIE d'hui de plus en plus toléré et employé car il permet d'engager le dialogue entre la sphère politique et la sphère économique dans un environnement mondialisé et complexe. Malgré tout, de nombreux exemples témoignent du retard accumulé par la France dans ce domaine. L'attribution des Jeux Olympiques 2012 à la ville de Londres en est une parfaite illustration. Chacun a mené son combat d'influence mais les Britanniques ont une fois de plus démontré leur habilité et leur savoir-faire. Cet exemple prouve aussi que le lobbying est une démarche de professionnels et qu'il réclame des compétences particulières et l'adoption d'une certaine méthodologie. Avant de se lancer, quelques conseils à retenir. Il est tout d'abord essentiel de bien connaître le dossier à défendre : ses forces mais aussi ses faiblesses. Il est également impératif de s'informer sur le dossier de la partie adverse afin d'anticiper les éventuelles attaques. Ensuite, il s'agit de s'adresser à l'interlocuteur adéquat et de mettre en œuvre sa stratégie d'influence. Car le lobbying est avant tout une affaire d'influence et implique d'avoir une véritable culture du réseau (réseaux professionnels, syndicaux, etc.). Finalement, les qualités essentielles d'un bon lobbyiste sont une grande disponibilité, une bonne capacité d'analyse, une aptitude au compromis, de la persévérance, du tact, de la patience et une certaine ouverture d'esprit. En effet, aujourd'hui, le lobbying tend à s'internationaliser et à se développer par delà nos frontières. Par exemple, ses actions sont menées auprès de la Commission Européenne à Bruxelles ou auprès du Parlement de Strasbourg. Claire Léquipé & Marie Tardieux (p11) Page 7 Crise viticole : lobbying sans modération ! En cet hiver rigoureux, il existe une tradition vieille de 15 siècles, la saint Vincent. Ce jour-là, les vignerons fêtent leur saint patron. De nos jours, c'est l'occasion pour les vignerons de se rassembler autour d'une grande tablée et de quelques bonnes bouteilles pour parler de l'époque où la France était réputée pour ses grands crus, où les vins français s'exportaient sans difficulté et chaque français consommait 100 litres de ce breuvage par an. Depuis quelques années, pour faire face à la crise, les professionnels du secteur viticole tentent de réagir en s'organisant et en faisant, eux aussi, du lobbying. Lobby du vin contre lobby Communication et publicité sur le D’après l'Association Nationale de anti-vin vin : la bataille du lobbying viticole Prévention en Alcoologie et Addictologie, R é c e m m e n t , En janvier 2004, les viticulteurs perdent la cet amendement revient à "mettre la santé France 2 consa- première manche pour l'assouplissement publique sous tutelle de la viticulture". crait une de ses de la loi Evin qui réglemente la publicité Certains redoutent d'ailleurs que cet amenémissions, Mots pour l'alcool et le tabac. En effet, d'après dement fasse jurisprudence et qu'il puisse Croisés, aux lob- Philippe Douste-Blazy, ancien ministre de être décliné sur d'autres enjeux de santé bies alcooliers, en la santé, il était "absolument nécessaire de publique tels que la lutte contre le tabac, la particulier les ne pas modifier l'esprit de la loi Evin dans lutte contre l'obésité etc. Les plus virulents lobbies du vin. Le un pays qui compte 45 000 décès annuels parlent déjà d'un "conseil de modération et sujet, "Alcool : santé contre lobby", oppo- dus à l'alcool et 5 millions de personnes de prévention avec l'industrie agroalimensait Hervé Chabalier, journaliste, ancien exposées à des difficultés médicales, psy- taire qui contrôlerait les campagnes de alcoolique et auteur du rapport sur la lutte chologiques et médico-sociales du fait de lutte contre l'obésité". contre l'alcoolisme, aux défenseurs du leur consommation d'alcool". monde viticole. A la suite de l'émission, les D'où vient la puissance du lobby vitiréactions ne se sont pas faites attendre, En octobre 2004, l'amendement 69 au cole ? notamment face aux mesures proposées projet de loi sur le développement des ter- L'unanimité politique obtenue sur cet par la MILDT (Mission Interministérielle ritoires ruraux est adopté, il autorise la amendement montre le premier point fort de Lutte contre la Drogue et la publicité à faire référence aux caractéris- du lobby viticole représenté par des proToxicomanie) concernant l'augmentation tiques organoleptiques du vin à travers "sa ducteurs, des négociants, des emboudes avertissements sanitaires sur les éti- robe", "son nez" etc. teilleurs et des distributeurs : il transcende quettes. Pierre Torres, expert viticole et Au mois d'octobre 2005, les lobbies viti- le clivage droite - gauche en regroupant auteur du livre "Vigneron, sois fier de coles obtiennent finalement un droit de plus d'une centaine de députés qui relayent l'être" réagit vivement à ce projet : "je ne regard systématique sur les campagnes de les revendications de la filière. parle pas de l'impact de ces étiquettes, dites publicité contre l'alcoolisme préparées par "informatives", sur le tourisme viticole les pouvoirs publics. Dans une belle unani- L'autre force de ce lobby est son réseau français... Venez découvrir nos terroirs et mité politique, et avec le soutien du gou- géographiquement réparti sur tout le terrises produits vernement, l'Assemblée Nationale adopte toire français. Réseau qui entretient des liens étroits avec le groupe d'étude parlementaidangereux !" un amendement créant un "Conseil de re sur la viticulture qui compte 80 élus. Il est vrai que depuis quelques années, la modération et de prévention". Cette inspublicité et la communication constituent tance sera consultée sur "les projets de Le premier argument mis en avant par les le sujet de polémique principal entre les campagne de communication publique groupes de pression tels que l'Association lobbies du vin et les partisans d'une lutte relative à la consommation des boissons Nationale des Elus de la Vigne et du Vin sans concession contre l'alcoolisme. Ce alcoolisées et sur les projets de textes légis- (ANEV) ou encore l'association Vin et bras de fer se déroule sur fond de crise du latifs et réglementaires intervenant dans Société repose sur la précarité de la situasecteur viticole. La France est toujours le son domaine de compétence". Il sera com- tion du vin français, fleuron de notre culpremier producteur mondial de vin, mais posé des professionnels des filières ture. En effet, selon eux, c'est tout un pan le vignoble français gronde. Plus grave : à concernées "et notamment des filières viti- de l'économie française qui serait l'étranger, les vins français perdent pro- vinicoles", de représentants d'associations concerné par la crise du milieu viticole. de santé et de la sécurité routière, de parlegressivement des parts de marchés. mentaires et de représentants des Face aux militants de la santé publique, le lobby viticole évoque un argument plus Tant que la crise n'existait pas, les diffé- ministères et des organismes publics. contesté : le vin, consommé en quantité rentes régions viticoles n'agissaient pas En d'autres termes, le lobby viticole, relayé raisonnable, serait un bon moyen de préensemble. Il était hors de question pour un bourguignon de travailler avec un bordelais! par des députés de tous bords, vient d'ob- vention contre les accidents cardio-vascuMais, confronté à une crise des débouchés, tenir un droit de contrôle sur les cam- laire. C'est le fameux "French paradox". les viticulteurs adoptent la stratégie du lob- pagnes de prévention contre l'alcoolisme. Reste à savoir si le lobbying est la réponse bying en s'efforçant d'influencer les pou- On imagine que les membres de la filière adéquate pour faire face à la crise ? La voirs publics et les décideurs pour viticole qui participeront au "conseil de publicité sur le vin est-elle la véritable défendre leurs intérêts. Leur stratégie modération et de prévention" feront leur cause de la baisse des ventes ? Ce sont les consiste à faire pression sur les parlemen- maximum pour qu'il n'y ait plus de publici- doutes émis par les partisans de la lutte taires afin que le vin puisse, à travers la tés qui "diabolisent le vin", selon les contre l'alcoolisme en réponse au lobby communication, bénéficier d'une meilleure termes du ministre de l'agriculture, viticole. image auprès des consommateurs réels et Dominique Bussereau. potentiels. Lydie Boret (P10) VigIE Page 8 Retour sur la conférence “les affrontements économiques entre les grandes puissances” de Christian Harbulot Le 26 janvier dernier se déroulait à Chasseneuil du Poitou l'assemblée Générale de FuturExport, le club des exportateurs de la Vienne 1. A cette occasion, les organisateurs avaient invité Christian Harbulot - doit-on encore le présenter ? - afin que ce dernier explique aux entrepreneurs poitevins l'affrontement entre les grandes puissances économiques et les types de stratégie permettant de gagner cette guerre. Une équipe VigIE s'est rendue sur place… de véritables guerres. Des conflits insidieux qui utilisent non-plus les armes et la force, mais font appel à des techniques et des stratégies nouvelles basées sur l'influence, la maîtrise des connaissances et la richesse. Des stratégies qui, en France, contrairement aux Etats-Unis ou au Japon, sont mal maîtrisées. En effet, pour le Directeur de l'Ecole de Guerre Economique, la France se contente trop souvent de réagir en se limitant à la défense. Christian Harbulot a débuté son intervention par des définitions de concepts fondamentaux de l'intelligence économique et plus particulièrement les notions chères aux théories de la guerre économique. Très rapidement, il est entré dans le vif du sujet et s'est attaché à démontrer l'existence d'échiquiers invisibles sur lesquels les puissances se livrent Les mots sont lancés et la salle commence à frémir, certains dans le public s'insurgent contre cette vision "trop pessimiste", d'autres encore évoquent "la perte de notre romantisme, au seul profit de la stratégie" et y voient, semble-t-il, un problème. Christian Harbulot s'adapte, utilise pléthore d'exemples concrets, en lien direct avec l'actualité et le quotidien de l'auditoi- re : l'OPA sur Danone, l'affaire Gazprom en Russie, les exemples de réussite "à la française", etc. Il souligne l'importance de "jouer collectif" mais aussi la nécessité de réunir le dialogue politique et patronal, à l'heure où "le premier lobby contre la patriotisme économique reste le MEDEF". Ce patriotisme économique restant trop souvent associé, par les décideurs, à l'idée de renationaliser les entreprises. Les réactions des entrepreneurs poitevins face à cet exposé sont symptomatiques d'un problème français global. Certains cependant acquiescent vivement et en redemandent. Preuve qu'aujourd'hui encore l'intelligence économique et la guerre économique bousculent, dérangent, font peur mais surtout progressent. Claire Léquipé & Marie Tardieux (p11) 1 Crée en 1977, FuturExport, le club des exportateurs de la Vienne regroupe des entreprises qui exportent leurs productions à l'international, parmi les adhérents, on compte des entreprises industrielles, des prestataires de services en commerce, marketing international, des établissements de formation en filières internationales. Le 2 mars à Poitiers, le master IECS crée l'événement Dans un climat de compétition économique exacerbé, il est devenu vital pour les entreprises comme pour les acteurs du développement territorial de stimuler l'innovation pour générer des activités nouvelles. Etat d'esprit et mode d'action, l'intelligence économique peut être un levier efficace pour répondre à ce défi. C'est pourquoi le Master professionnel Intelligence Economique et Communication Stratégique de l'Université de Poitiers (ICOMTEC) et l'Incubateur Régional Poitou-Charentes créent l'événement ! L'Icomtec n'en est pas à son coup d'essai. Depuis sa création en 1996, la formation a multiplié les rendez-vous en intelligence économique dans la région. Depuis dix ans se succèdent, lors de ces conférences organisées par les étudiants, des têtes d'affiche comme B. Carayon, A. Juillet, F. Jakobiak, R. Pautrat et bien d'autres. Au fil des années, elle a su faire évoluer les thématiques proposées pour un public toujours plus conscient de l'intérêt de l’intelligence économique et demandeur d'informations de pointe VigIE dans ce domaine. Ce cru 2006 réserve une triple thématique. L'Intelligence économique, l'innovation et la création d'entreprises seront pour la première fois mises en relief au cours d'une même journée. Nous tenterons de répondre à la question suivante : comment l'intelligence économique et l'innovation peuvent-elles favoriser la création d'activités nouvelles dans les entreprises et sur les territoires ? Pour ce faire, deux tables rondes vont se succéder : - dans la première, il sera question de "l'intelligence économique, fonction clé de l'entreprise pour stimuler l'innovation et favoriser la création d'activités nouvelles" avec, la participation de Guy CRESPY, Hervé DANIEL, Pierre GOHAR et Sandra MARTIN. - La seconde abordera "l'Intelligence économique, accélérateur du développement des territoires" avec, notamment, la participation de Philippe CLERC, Jacques FANOUILLAIRE, Jean-Luc HANNEQUIN, Béatrice LAGARDE et Jacqueline SALA. Notons également la participation exceptionnelle du préfet de région Bernard PREVOST, et de l'ancienne Premier Ministre et Commissaire européen en charge de la recherche et de l'innovation Edith CRESSON. Le rendez-vous est pris pour le jeudi 2 mars 2006 de 9h à 12h30 à la Présidence de l'Université de Poitiers (15, rue de l'Hôtel Dieu). L'entrée est libre mais le nombre de places est limité… Jean-Sébastien Franc (P10) Co-organisateur de la conférence “IE & Innovation” Page 9 A lire : Les Secrets de la guerre économique Au-delà de l'intelligence économique, nous entendons parler de guerre économique. Ce terme peut faire peur mais c'est une réalité. Dans l'ouvrage Les Secrets de la guerre économique, Ali Laïdi et Eric Denécé (Pseudonyme : Denis Lanvaux) décrivent ce concept, ses enjeux, ses secrets, ses techniques… Paru en 2004 aux éditions du Seuil. Dès le premier chapitre intitulé "les jeux à tout prix", les auteurs décrivent un exemple de guerre économique à travers la stratégie mise en place par les responsables du dossier de la candidature parisienne pour l'attribution des Jeux Olympiques d'été 2008. Au cours de l'hiver 2000, un des responsables du comité a fait appel au cabinet Atlantic Intelligence dirigé par Philippe Legorgus, un ex-gendarme du GIGN. L'objectif de cette manœuvre était de trouver toutes les informations possibles sur les membres du Comité International Olympique (CIO) et de suivre de très prés la candidature chinoise. L'opération baptisée "Azalée" est donc lancée. Les membres de l'équipe Legorgus misent sur les nombreuses atteintes aux droits de l'homme, les persécutions des minorités religieuses, la question du Tibet et le peu d'éthique écologique du régime chinois. Un an plus tard, c'est la mission "Caribou" qui est lancée au Canada. Mais le 13 juillet 2001, Pékin est désigné comme hôte des jeux olympiques 2008. Avec du recul, les raisons de l'échec de la mission Azalée sont dues à l'engagement tardif de l'opération, à l'absence de stratégie clairement établie et au soutien timide de l'Etat. Dans les chapitres suivants, Ali Laïdi et Eric Denécé abordent l'histoire, les armes de la guerre économique et la place de la France. La guerre économique est un concept nouveau qui tire ses origines du Moyen Age. En effet, certains banquiers avaient déjà à cette époque leurs VigIE propres services de renseignements. On apprend aussi que ce sont les Japonais qui ont été les précurseurs en matière de guerre économique. Concernant ses armes, les auteurs définissent plusieurs techniques offensives de conquête de marchés ou de déstabilisation : - le benchmarking offensif qui consiste à observer et à reproduire les bonnes idées des autres - la contrefaçon concurrentielle qui consiste à copier un produit et non un processus - le débauchage concurrentiel qui a pour but de détruire l'image du rival et d'attenter directement à son chiffre d'affaires - la "War room" qui est la mise en place d'une chambre de guerre commerciale au sein d'une entreprise - enfin le lobbying qui consiste à influencer directement ou indirectement les processus d'élaboration, d'application ou d'interprétation de mesures législatives, normes ou règlements. Un des chapitres présente les "quatre mousquetaires " de l'intelligence économique en France et retrace l'histoire de cette discipline dans notre pays à travers les rapports Martre et Carayon. Selon les auteurs, quatre français ont su comprendre les principes de la guerre économique. Il s'agit de JeanBernard Pinatel (co-directeur de Datops, leader européen en matière de veille technologique sur les médias), Bernard Esambert (auteur de "La guerre économique mondiale"), Philippe Clerc (responsable de l'intelligence économique à l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie) et Christian Harbulot (directeur de l'École de Guerre Economique et Directeur associé du cabinet C4IFR). nomique : l'intelligence humanitaire et la guerre des grandes écoles. L'utilisation de l'humanitaire, et plus spécifiquement des ONG, comme instrument d'influence économique, politique et culturelle vise à ouvrir les marchés émergents ou à s'assurer de nouvelles zones de pouvoir. Pour installer ses réseaux d'influence dans une Afrique brisée par tous les fléaux, il faut passer par l'action humanitaire. D'où la présence d'une multitude d'ONG en tous genres qui ne font pas uniquement de l'humanitaire, mais savent ouvrir des marchés à l'industrie nationale. En effet, par nature et bien souvent désormais par vocation, les ONG accomplissent un véritable travail de marketing (études des goûts et du comportement des populations, introductions et tests de nouveaux produits, orientation de normes locales et conditionnement éventuel, etc.) Autre type de guerre, celle des grandes écoles de commerce et notamment HEC et ESSEC. En 1999, 13 étudiants reçus à HEC préfèrent poursuivre leur cursus à l'ESSEC. La diffusion d'un mail d'un étudiant d'HEC remet en cause la valeur de ces diplômes. Bernard Ramanantsoa, directeur d'HEC, et deux professeurs contactent un spécialiste de l'intelligence économique (Eric Denécé) pour mener à bien la mission "Volutes" de mars à juin 2000 dont l'objectif est de déstabiliser l'ESSEC. Cet ouvrage dessine donc les contours et les zones d'ombre d'une guerre économique en perpétuelle évolution. Marie Tardieux (P11) Parmi les exemples, deux illustrent parfaitement la notion de guerre éco- Contact : Nicolas Moinet, ICOMTEC - Université de Poitiers Master IECS Téléport 5, BP 30064, 86 132 Jaunay-Clan cedex Tel : 05 49 49 46 50 / Fax : 05 49 52 22 31 Mail : [email protected] Site de l’ICOMTEC : http://icomtec.univ-poitiers.fr - Site du Master : http://www.ie-poitiers.net Page 10