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Vendredi 16 Février 2007 | 5:00 | Beyrouth
Spécial - LE FIGARO
De la «Joconde» aux princesses Strozzi
Par François HAUTER
François HAUTER
Au terme d’un long travail de recherches, un généalogiste italien pense avoir
retrouvé les descendantes de la fameuse Monna Lisa, peinte par Léonard de Vinci.
Deux sœurs d’une vingtaine d’années, que « Le Figaro » a rencontrées à Paris.
Il était un prince de Toscane qui avait deux filles, aussi gracieuses, gaies et
charmantes l’une que l’autre.
La cadette, Irina, était d’un naturel doux et avenant, et parlait sept langues. Après être devenue une pianiste
virtuose, elle étudia l’économie à l’Université Bocconi, à Milan. Puis elle fit un stage d’entreprise chez des amis
de la famille, au 10 Downing Street, chez Tony Blair, et à Bruxelles, chez le président de la Commission
européenne, Manuel Barroso. À 24 ans, il y a quelques jours encore, elle parachevait son apprentissage de
femme d’affaires chez JP Morgan.
L’aînée, Natalia, drôle et coquette, avait appris la danse avec Rudolf Noureïev, tourné des films avec Alberto
Sordi et Claude Lelouch, et publié, à 29 ans, ses Mémoires en Italie (Facile de s’en souvenir, Edizioni
Polistampa). L’ouvrage, traduit en russe, avait remporté un immense succès sur les rives de la Moskova et de
la Neva. Pianiste de talent elle aussi, Natalia se trouvait moins « intellectuelle » qu’Irina, car elle n’avait appris
à parler que cinq langues étrangères.
Les deux princesses Strozzi passaient tranquillement leurs vacances entre Positani et Saint Barthelemy, avec
d’autres jeunes gens de leur âge et de leur condition. Le reste de l’année, elles habitaient chez leur père, le
prince Gerolamo Strozzi, dans leur domaine de Cusona, en Toscane. En attendant leurs princes charmants
respectifs, elles s’adonnaient à l’art de l’œnologie, car c’était une tradition familiale depuis mille douze ans.
Dante, Boccace et Michel-Ange n’avaient-ils pas consacré des poèmes à leur chianti fameux ?
Las, le mois dernier, un généalogiste des familles de Florence vint troubler ces paisibles existences. Le
spécialiste, un certain Domenico Savini, s’était plongé dans les archives familiales des Strozzi, qui furent au
XIVe siècle les grands concurrents des Médicis. Soudain, M. Savini surgit d’une bibliothèque. Et il révéla aux
deux princesses Irina et Natalia, tout ébahies, qu’elles étaient les dernières descendantes de la Joconde !
Domenico Savini, le généalogiste, vit à Florence. C’est là qu’il nous a expliqué comment, de Monna Lisa, il
était arrivé jusqu’à Irina et Natalia. Son hypothèse est fondée sur celle que les historiens considèrent comme
la plus probable, depuis le témoignage de l’architecte Giorgio Vasari : la jeune femme peinte par Leonardo
s’appelait, avant son mariage, Lisa Gherardini. À 16 ans, en 1495, elle avait épousé le fils d’un marchand de
soie de dix-neuf ans son aîné, Francesco di Bartolomeo del Giocondo. Lisa del Giocondo donnera deux fils et
une fille à son mari. Son portrait fut commandé par son époux à Leonardo en 1503. Mais le peintre ne le
remit jamais au mari. Il le garda auprès de lui.
De Monna Lisa, on sait peu de choses, sinon qu’elle mena une existence recluse et discrète dans sa maison
familiale de la via della Stufa. Elle mourut le 15 juillet 1542 et fut inhumée au couvent Sant’Orsola. La lignée
directe des del Giocondo s’éteignit à la fin du XVIIe siècle, mais survécut par la branche féminine. D’abord,
par une alliance entre Maddalena del Giocondo avec Niccolo del Garbo. Puis par l’union du fils de Maddalena
avec Lisabetta de Mozzi. Les archives des Mozzi del Garbo qui, par le jeu des alliances patriciennes, sont
passées au XIXe siècle dans la famille Bombicci-Pontelli évoquent un portrait de Monna Lisa. Domenico Savini
a établi la filiation entre Monna Lisa et les princesses Strozzi grâce à la comtesse Maria Luisa Guicciardini, née
Bombicci-Pontelli, héritière des archives des Mozzi, des del Garbo et des del Giocondo. « La chose la plus
intéressante, explique le généalogiste, est que les archives de la famille Mozzi parlent d’un portrait de Monna
Lisa qui se trouvait encore au XIXe siècle dans la galerie des peintures familiales. Je ne suis pas historien de
l’art, mais je suis certain que la famille Mozzi est le trait d’union entre les familles del Giocondo et les
Strozzi.»
Le Figaro, qui aime les contes de fées, décida immédiatement de confronter la Joconde et les petites Strozzi.
Rendez-vous fut pris avec les jeunes femmes, à Paris. Dans un café, Irina et Natalia rappelèrent d’abord
qu’au-delà de la divine surprise d’une filiation possible avec la Joconde, leurs ancêtres se trouvaient aussi
bien dans la galerie des Batailles du château de Versailles (Piero Strozzi, maréchal de France) qu’à Florence,
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ville dont leur grand-père, Francesco Guicciardini, avait été le maire (en même temps d’ailleurs que ministre
de l’Agriculture et des Affaires étrangères). « Nous n’avons pas de pape dans la famille, que des saints»,
rappela Natalia, en évoquant saint Stanislas Kostka, que Jean-Paul II aimait beaucoup. La jeune Irina, qui
rêve de politique, se souvint de la figure de son aïeul Francesco Guicciardini, gouverneur des États
pontificaux, philosophe et historien. On parla aussi de Gregory Peck et de Rostropovitch, et de nombreuses
autres personnes encore, toutes plus connues les unes que les autres, des intimes de la famille. Natalia insista
sur sa nouvelle vocation de comédienne (« Des rôles en costume, si possible », précisa-t-elle) et de son rêve
le plus secret : éviter le riche mariage d’amour en étant reconnue par un prince charmant pour ses seules
qualités. L’heure tournait et le moment de la photo souvenir avec la Joconde et les deux princesses était enfin
arrivé.
Mais l’Administration française ne l’entendit pas de cette oreille : « Il est hors de question de photographier la
Joconde ! tonna une fonctionnaire péremptoire. Et d’abord, monsieur le conservateur doit s’assurer de la
véracité de cette histoire fantaisiste ! » Au ton de l’agent de la fonction publique, on sentait bien la patrie en
danger. Défense de toucher à l’icône la plus célèbre de l’art mondial, que François Ier avait achetée à
Leonardo da Vinci 4000 ducati (une somme extravagante à l’époque). Les descendantes de Monna Lisa
n’eurent donc pas leur photo souvenir et s’en retournèrent en Italie sans pleurer. En dissimulant leur
déconvenue ; comme il sied à des princesses de Toscane, elles déclarèrent simplement que c’était là un
manque d’éducation de la part des fonctionnaires de ce pays.
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