La photogrammétrie anime la mesure 3D en atelier ActiCM
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La photogrammétrie anime la mesure 3D en atelier ActiCM
031_034_Tend 1/02/05 17:19 Page 31 T endances MESURES TRIDIMENSIONNELLES La photogrammétrie anime la mesure 3D en atelier ActiCM ▼ Plus discrète que les traditionnels bras de mesure ou lasers de poursuite, la photogrammétrie offre pourtant de précieux avantages dans les applications de mesure 3D en production... Ces derniers temps, les annonces se sont multipliées. Le nombre d’acteurs sur ce marché s’accroît, les appareils deviennent plus précis, plus robustes, ils offrent la possibilité de réaliser des mesures dynamiques, et certains associent même la photogrammétrie avec des lasers de poursuite… Petit tour d’horizon d’une méthode qui gagne à être (re)connue. C’ est une méthode de mesure optique, mais pas forcément sans contact. Elle permet de réaliser des mesures tridimensionnelles, mais elle est basée sur des systèmes de mesure 2D. Et si son principe est vieux comme le monde ou presque, il a fallu attendre les années 1980 pour qu’elle trouve enfin sa place parmi les autres techniques de mesure utilisées en atelier... Bref, la photogrammétrie est une méthode de mesure atypique. Son propre nom est sujet à controverses. A l’origine, la méthode consistait en effet à photographier l’objet à mesurer sous différents angles, et à analyser en temps différé les photos obtenues pour en extraire une information tridimensionnelle. Mais lorsque les caméras CCD sont venues concurrencer l’appareil photo, et les supports numériques le traditionnel film argentique, plus personne n’a parlé le même langage : alors que certains utilisent le terme de “vidéogrammétrie” pour désigner une photogrammétrie dans laquelle l’appareil photo a été remplacé par une caméra numérique, d’autres préfèrent parler de “photogrammétrie numérique”, tandis que d’autres encore réservent le terme de photogrammétrie aux mesures en temps différé et celui de vidéogrammétrie pour les mesures en temps réel… Mais dans tous les cas, les limites demeurent floues. « Certains appareils photo permettent de prendre jusqu’à 25 images par seconde.A ce rythme-là, pour- MESURES 770 - DECEMBRE 2004 - www.mesures.com quoi ne pas les considérer comme des caméras? », s’interroge Jean-François Quinet, directeur général de Krypton France. A ce manque de clarté s’ajoute une histoire assez mouvementée... Initialement utilisée dans le domaine militaire (pour des applications de reconnaissance géographique au sol, puis à partir de prises de vues aériennes), la photogrammétrie a longtemps fait partie de ces méthodes de mesure dites en “2D 1/2”, pour lesEn bref quelles la troisième dimension (la profon- La photogrammétrie est une méthode de mesure deur) ne pouvait être 3D utilisée en atelier de évaluée qu’avec une production pour le contrôle de moyennes structures incertitude de mesure (de l’ordre de 20 m3) relativement importante. Elle offre une précision A côté des systèmes de comparable à celle des mesures mécaniques bras de mesure, mais avec (machines à mesurer triune liberté de mouvement dimensionnelles, bras de largement supérieure mesure, etc.), elle a donc Par rapport aux lasers de poursuite, elle est moins longtemps fait figure de précise, mais aussi parent pauvre. meilleur marché et plus Comme la vision indusrapide. trielle à ses débuts, il lui a 31 031_034_Tend 1/02/05 17:19 Page 32 Tendances Comment les joindre ActiCM Tél. : 04 76 91 37 60 - Fax : 04 76 35 00 07 http://www.acticm.fr Krypton Tél. : 03 44 03 49 39 - Fax : 03 44 03 49 59 http://www.krypton-intl.com Leica Geosystems Tél. : 01 30 09 17 49 - Fax : 01 30 09 17 01 http://www.leicageosystems.com/metrology Metride Tél. : 04 72 08 77 77 - Fax : 04 72 08 77 79 http://www.metride.fr NTI (représentant de GSI) Tél. : 02 38 59 30 51 - Fax : 02 38 59 30 97 GSI 32 fallu attendre les progrès réalisés dans le domaine de l’informatique et du traitement d’images à partir des années 1970 pour qu’elle soit enfin considérée à sa juste valeur… Désormais, la photogrammétrie suit l’évolution “naturelle” de toute méthode de mesure optique destinée au contrôle en production. Le nombre d’acteurs sur ce marché s’accroît, les appareils deviennent plus robustes, plus légers, plus simples d’utilisation, et la méthode s’accompagne régulièrement de nouvelles variantes. Ces derniers temps, les annonces se sont multipliées. A côté des “piliers” de la photogrammétrie (tels que Krypton ou Gom), de nouvelles sociétés ont vu le jour. C’est le cas par exemple de l’isérois ActiCM, créé par des chercheurs du CEA en 2000. Celui-ci offre aujourd’hui deux lignes de produits basés sur la photogrammétrie : la gamme Actiris, que ses créateurs qualifient de “bras de mesure optiques”, et la gamme Advent, qui permet d’embarquer les caméras CCD sur des bras de robots pour automatiser le contrôle. Autre nouveauté, la création par l’ancien directeur de Faro Europe Nicolas Tanala de la société NTI, qui distribue les systèmes de mesure du constructeur GSI (un autre pilier de la photogrammétrie). Parmi eux, le V-Stars, l’un des rares systèmes dont la mesure est basée sur le traitement des images obtenues par un ou plusieurs appareils photo. Enfin, la branche métrologie de Leica Geosystems vient d’introduire une variante de la photogrammétrie : son système T-Probe, par exemple, associe un laser de poursuite et une caméra de photogrammétrie. Entre les bras de mesure et les lasers de poursuite Il faut dire que la méthode ne manque pas d’intérêt. Elle offre une précision comparable (voire supérieure) à celle des bras de mesure 3D, mais avec une totale liberté de mouvement. Car même s’il est souvent nécessaire d’utiliser un palpeur à contact (comme dans le cas d’un bras de mesure), celui-ci ne sert qu’à “matérialiser” le point de mesure devant les caméras. La plupart du temps, il se suffit donc à lui-même et aucun câble ne le relie au système de traitement. Conséquences, une grande maniabilité et un volume de mesure largement supérieur à celui d’un bras de mesure. Le système Advent d’ActiCM, par exemple, offre un volume de mesure allant jusqu’à 25 m3. Par ailleurs, le référentiel étant souvent lié à la pièce ellemême, il n’est pas nécessaire de la brider pour effectuer les mesures. Par rapport aux lasers de poursuite aussi, la photogrammétrie a ses avantages. « Elle offre notamment une vitesse d’acquisition supérieure et un gain de temps non négligeable dans l’installation et la mise en route du système », souligne Alain MartinRabaud, p.-d.g. de la société Métride et expert spécialisé dans la mesure 3D pour l’industrie. Grâce à ces avantages, la photogrammétrie est utilisée pour contrôler des pièces de moyennes et de grandes dimensions dans les ateliers de production, notamment dans le domaine de l’automobile, de l’aéronautique, ou dans les applications navales et nucléaires. Elle est par exemple utilisée pour contrôler des pièces en réception, détecter les dérives d’une production, ou pour des applications de rétroconception (ingénierie inverse). Mais derrière ces caractéristiques communes se cachent des systèmes de mesures très différents les uns des autres, et disposant chacun de leurs propres caractéristiques. Pour les comprendre, il nous faut revenir au principe de la photogrammétrie… Comme la vision stéréoscopique, elle reconstitue le relief d’une pièce à partir d’images prises sous des angles différents, tout comme le cerveau “fusionne” les images vues par les yeux pour appréhender le volume qui nous entoure. Ensuite, tout est basé sur le principe de la triangulation : c’est la position, sur le capteur CCD, du faisceau lumineux réfléchi par les points mesurés qui permet de déduire la position tridimensionnelle de ces points. Mais pour déterminer cette position, encore faut-il disposer d’un référentiel, et étalonner le système par rapport à des points dont on connaît les coordonnées. Pour cela, chacun ou presque a sa méthode. Les systèmes de mesure de Krypton, par exemple, utilisent des caméras CCD et un palpeur doté de cibles actives (des Leds infrarouges). « Nos palpeurs sont constitués de neuf diodes dont on connaît la position relative », indique M. Quinet. Lors de la mesure, l’opérateur procède comme avec un bras de mesure : il “pointe” chaque élément à mesurer à l’aide du stylet situé au bout du palpeur. Devant lui se situe une tête de mesure composée de trois caméras CCD linéaires. Cellesci détectent la position des cibles lumineuses et en déduisent, par triangulation, la position et l’orientation spatiale de la sonde (dans un référentiel situé au centre de la tête de mesure). Comme la sonde est préalablement étalonnée, le système en déduit alors la position de la bille du stylet… « Nous ne sommes pas dans une mesure à trois, mais à six degrés de liberté, puisque nous déterminons à la fois la position et l’orientation spatiale de la sonde, précise M. Quinet (Krypton). Pour cela,il nous faut trouver un nombre suffisant de relations entre les différentes inconnues du système. En utilisant des caméras matricielles (qui intègrent déjà le plan formé par la matrice CCD),il est possible de calculer directement l’orientation spatiale de la sonde.Avec des caméras linéaires, en revanche, nous sommes obligés de trouver une astuce pour la relation manquante.C’est pour cette raison que nous utilisons des cibles dont la position relative est connue ». La pièce est mesurée dans le repère des caméras, mais il est naturellement possible de convertir les coordonnées obtenues dans le référentiel de la pièce (il suffit pour cela de la dégauchir auparavant). Des cibles actives peuvent être aussi fixées sur la pièce ellemême. « Cela permet de conserver en permanence la connaissance de la position de la pièce, indique M. Quinet. Si quelqu’un déplace la pièce ou les caméras,la procédure de mesure en cours ne sera pas interrompue ». Autre exemple, le système de mesure Actiris conçu par ActiCM (voir notre numéro 760 page 7). Comme ceux de Krypton, il est constitué d’une tête de mesure et d’un palpeur à contact. Mais la tête comprend ici deux caméras CCD matricielles, et le palpeur, sans fil, comporte trois cibles dites “passives” (de petites pastilles de 5 mm de diamètre consti- MESURES 770 - DECEMBRE 2004 - www.mesures.com 031_034_Tend 1/02/05 17:19 Page 33 Tendances Principales méthodes de mesures optiques Méthodes de mesures optiques 2D 1D Mesures par triangulation Mesures polaires Caméra matricielle Scanner Laser Tachéomètre Projection Photogrammétrie Laser de poursuite de lumière Vidéogrammétrie structurée Codeur angulaire Télémètre Caméra linéaire Interféromètre tuées d’un matériau réfléchissant). Le principe, en revanche, est toujours le même : du moment que les caméras “voient” en permanence les cibles, elles peuvent en calculer la position spatiale, et donc en déduire celle des points touchés par le stylet. « L’opérateur mesure alors la position en 3D de n’importe quel point situé dans un volume de 3,5 m3,avec une précision volumétrique de l’ordre du dixième de millimètre », indique Hervé Soukiassian, directeur produit chez ActiCM. Comme dans les systèmes de mesure de Krypton, on peut aussi fixer des cibles de référence sur la pièce. Cette dernière peut alors être déplacée de plusieurs dizaines de centimètres sans que cela n’affecte la mesure. La photogrammétrie… et ses variantes ActiCM Pour les ressemblances, il faudra s’arrêter là. Les autres systèmes de mesure du marché 3D utilisent en effet des principes différents… Dans la gamme Advent d’ActiCM, par exemple, il n’y a plus de palpeur, et plus aucun contact. Les points de mesure sont matérialisés grâce à un projecteur de lumière blanche qui projette des cibles virtuelles à la surface de la pièce. Celles-ci sont détectées par plusieurs têtes de mesure (équipées chacune de deux caméras CCD) qui peuvent être embarquées sur un bras de robot ou fixées à demeure dans un tunnel de mesure. La méthode offre un volume de mesure allant jusqu’à 25 m3 et une précision de l’ordre du dixième de millimètre. Elle est notamment destinée au contrôle de caisses dans les lignes de production automobile. « Advent prend différentes images du véhicule,puis reconstitue les coordonnées en 3D des points mesurés par des techniques d’ajustement de faisceau », précise M. Soukiassian (ActiCM). L’intérêt? « gagner du temps dans l’acquisition des mesures ». Mais bien sûr, il faut toujours dégauchir auparavant la pièce avec des points de référence (trois au minimum), dont on connaît la position en 3D. Autre exemple, le V-Stars commercialisé par la société NTI. Contrairement aux précédents, ce système de MESURES 770 - DECEMBRE 2004 - www.mesures.com mesure est basé sur un (ou plusieurs) appareils photos, et sur un projecteur de lumière. L’appareil projette un grand nombre de cibles (jusqu’à 23000 en un flash), et prend un maximum de clichés. Grâce aux techniques de corrélation d’images et à quelques points de référence, la structure tridimensionnelle de la pièce peut alors être reconstituée… Bien sûr, il ne s’agit pas d’un appareil photo tout à fait ordinaire. Le système, qui pèse près de 2 kg, a été spécialement conçu pour la métrologie industrielle. « L’optique est spécifique, indique Nicolas Tanala, responsable Europe de NTI. Ses défauts sont connus et compensés en temps réel. De plus, l’appareil offre une durée d’ouverture de 60 µs,ce qui permet de réaliser des mesures en se déplaçant,ou de fixer l’appareil sur un bras de robot ». Quant au volume de mesure, « il n’y a pas de limite théorique, du moment bien sûr que les différentes cibles sont toujours visibles », estime M.Tanala. En revanche, la précision se dégrade avec l’augmentation de la distance. « Avec un seul appareil photo,nous obtenons une précision de 5 µm,auxquels il faut ajouter 5 µm par mètre.Avec plusieurs appareils photos, la précision est de 10 µm, plus 10 µm par mètre ». Un système similaire est actuellement employé au CERN à Genève. « La photogrammétrie y est notamment utilisée pour contrôler des pièces cylindriques de 10 mètres de diamètre lors de leur réception, précise M. Martin-Rabaud (Métride). En prenant 300 photos de la pièce,les opérateurs obtiennent en temps différé une mesure 3D avec une incertitude garantie de deux à trois dixièmes de millimètre ». D’autres systèmes utilisent une méthode hybride basée sur l’association de la photogrammétrie et de lasers de poursuite. C’est le cas par exemple du T-Probe de Leica Geosys- 33 031_034_Tend 1/02/05 17:19 Page 34 Tendances tems. Comme les systèmes de mesures de Krypton ou d’ActiCM, il est basé sur un palpeur (sans fil) doté d’un réflecteur et d’un réseau de diodes dont la position relative est connue. Mais « c’est le laser de poursuite qui fournit la position du réflecteur, alors que la caméra de photogrammétrie détermine l’orientation du réseau de diodes », explique Mehand Idri responsable des ventes de Leica Geosystems.A partir de ces données, le système calcule alors la position en 3D de la pointe du palpeur. Cette solution permet de bénéficier des avantages de la photogrammétrie (la vitesse d’acquisition et la simplicité de mise en œuvre) en lui ajoutant ceux du laser de poursuite (le volume de mesure et la précision). « Grâce à la distance de travail du laser de poursuite,ce système peut permettre par exemple de contrôler une section d’avion », indique M. Martin-Rabaud (Métride). Les mesures se font en temps réel, avec une fréquence de l’ordre de 100 Hz. Ajouter de la dynamique Ce dernier exemple le prouve, il n’y a pas de concurrence entre les différentes méthodes de mesure 3D, mais une réelle complémentarité. En matière de précision de mesure, le 34 laser de poursuite reste la référence. Pour donner un ordre d’idées, l’un des derniers modèles introduit par Leica (le LTD 800) permet de mesurer des objets situés dans un volume de mesure de 80 mètres de diamètre, à la cadence de 3000 points par seconde, avec une précision de l’ordre de 10 µm/m... Il est d’ailleurs utilisé sur les lignes de production de l’A380 à Hambourg (pour le contrôle des opérations d’assemblage des tronçons de fuselage). Mais le laser de poursuite reste aussi une solution onéreuse, et il n’offre aucun moyen de compenser l’influence d’éventuels chocs ou les vibrations de l’atelier… Pour des contrôles de pièces de plus petites dimensions et lorsque la précision de mesure n’est pas un critère primordial, on lui préfère souvent le bras de mesure. « En fait,le choix de la méthode de mesure est toujours un compromis entre plusieurs critères : le volume de mesure nécessaire, la précision et la vitesse de mesure attendues, la robustesse du système et sa simplicité de mise en œuvre,indique M. Soukiassian (ActiCM). La photogrammétrie, par exemple, offre une précision largement suffisante pour l’utilisation que l’on en fait, et un gain de temps appréciable dans la mise en œuvre du système et l’acquisition des mesures ». Certains vont même plus loin en exploitant les possibilités dynamiques de la méthode. « En utilisant des caméras linéaires fonctionnant à haute fréquence,nous offrons à la photogrammétrie un champ d’applications beaucoup plus vaste que de simples mesures statiques en 3D », indique M. Quinet (Krypton). Il est possible, par exemple, de contrôler l’ouverture et la fermeture de portières de voiture sur lesquelles on aurait au préalable fixé des Leds infrarouges, de mesurer la déformation de pièces soumises à de fortes contraintes, mais aussi et surtout de surveiller le mouvement relatif de certains éléments par rapport à d’autres : « Si l’on fixe trois diodes sur un bras de robot, et trois autres sur un autre, on peut suivre la trajectoire de l’un par rapport à l’autre,surveiller la manière dont ils travaillent ensemble, etc. », souligne M. Quinet. Comme Krypton est le seul constructeur à utiliser des caméras linéaires, c’est aussi pour l’instant le seul à proposer l’option dynamique. Naturellement, cette option a un coût (il faut ajouter près de 40000 euros à un système statique coûtant près 100000 euros), mais elle reste, pour M. Quinet, « l’avenir de la photogrammétrie ». Marie-Line Zani MESURES 770 - DECEMBRE 2004 - www.mesures.com