Planète Paix n°504 - Référence : Hiroshima
Transcription
Planète Paix n°504 - Référence : Hiroshima
Planète Paix n°504 – Référence : Hiroshima-Nagasaki : Il y a 60 ans, l’horreur… Dossier Référence : Hiroshima-Nagasaki : Il y a 60 ans, l’horreur… Les bombardements d’Hiroshima et Nagasaki ont été conduits comme de véritables expériences scientifiques. La bombe d’Hiroshima baptisée « Little Boy » (« P’tit Gars »), était une bombe à l’uranium en unique exemplaire, dont le modèle n’avait encore jamais été expérimenté. La commission chargée de préparer l’opération avait recommandé de la conduire « sur des villes populeuses » et « sans avertissement ». L’heure du bombardement ne devait rien non plus au hasard : les habitants habitués aux fausses alertes vaquaient déjà à leur travail. « L’exécution » fut « un succès complet » ; le président Truman s’exclama : « C’est le plus grand jour de l’histoire ». Hiroshima Ce 6 août 1945 à 2 heures 30 locale, la météo sur Hiroshima étant satisfaisante, le bombardier B 29 Enola Gay décolle de l’aéroport militaire américain de Tinian, dans les îles Mariannes. Le commandant Tibbets, qui s’entraîne depuis des mois à cette mission, est le seul de l’équipage à connaître la nature de la bombe de quatre tonnes qu’il transporte dans ses soutes. A 8 h 15, la bombe est larguée sur Hiroshima ; elle explose quarante-cinq secondes plus tard, à 600 m d’altitude au-dessus du centre de la ville. Les deux blocs d’uranium 235 qu’elle contient sont violemment projetés l’un contre l’autre par l’explosif ; la masse critique de combustible nucléaire étant atteinte, la réaction en chaîne se propage en un éclair. Les premiers noyaux d’uranium éclatent projetant des neutrons qui vont casser les noyaux voisins, qui émettent à leur tour des neutrons qui déclenchent de nouvelles fissions… La puissance nucléaire s’emballe : 10*24 noyaux d’uranium fissionnent en une cascade de « générations », soit en moins d’un millionième de seconde. Pour la première fois dans l’histoire humaine, la matière se métamorphose en une colossale énergie. La destruction d’un peu plus d’un kilogramme d’uranium libère 60 000 joules, l’équivalent de 13 000 tonnes de TNT concentré dans un tout petit espace La température atteint plusieurs centaines de millions de degrés, la pression plusieurs millions d’atmosphères. La première bombe atomique, que les Américains ont baptisé Little Boy (petit garçon), a recréé les conditions qui règnent à l’intérieur du Soleil. Mais, c’est un soleil de mort. Nagasaki Le 9 août au matin, ce fut le tour de Nagasaki. Entre-temps, la météo s’était gravement détériorée, mais c’est encore elle qui détermina le sort de cette autre ville. L’annonce d’une grosse dépression arrivant sur le Japon incita l’état-major spécial du général LeMay, établi sur l’île de Guam auprès du Q.G. du général Spaatz, à décider le matin du 8 août ce second bombardement, en l’avançant de deux jours et sans en référer à Washington ni solliciter un nouvel ordre du président Truman : la « fenêtre météo » avait toute chance de se refermer définitivement. Baptisée « Fat Man » (« Gros Mec »), elle promettait encore mieux que « P’tit Gars », car elle était du même type que celle au plutonium expérimentée le 16 juillet à Alamogordo, dans le désert du Nouveau Mexique. A l’arrivée au-dessus de l’île de Kyûshû, le « Bock’s Car », qui portait la bombe, se dirigea d’abord sur Kokura, sa cible principale, au-dessus de laquelle il tourna vainement car elle était masquée par un plafond nuageux. Aux commandes de l’appareil, le jeune major Sweeney dut prendre le chemin du retour, en passant par Nagasaki. Au moment où son radar lui permit d’identifier la ville, le « Bock’s Car » ne disposait plus d’assez de carburant pour rejoindre sa base de départ dans le Pacifique, l’île de Tinian, ni même Iwo Jima, plus proche. Sa seule chance d’éviter un crash en mer avec une bombe atomique à bord était d’atteindre l’île d’Okinawa -c’est ce qui eut lieu- mais à condition de se débarrasser de la bombe amorcée, qui pesait cinq tonnes. Sweeney consulta rapidement trois membres de son équipage, et à eux quatre ils décidèrent de larguer la bombe au radar, contrairement aux ordres. Il était 11 heures 01, heure locale. Ce bombardement approximatif et la topographie vallonnée de Nagasaki expliquent que « Gros Mec » ait finalement fait moins de victimes que « P’tit Gars ». Selon les estimations, à la fin de l’année 1945, la bombe d’Hiroshima avait tué 140 000 personnes, celle de Nagasaki 70 000. Des dizaines de milliers de blessés succombent aujourd’hui encore. Source : Science et Avenir n°582 août 1995