Trois défis pour pouvoir se réjouir de vivre plus longtemps
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Trois défis pour pouvoir se réjouir de vivre plus longtemps
Question de point de vue Rue de Gembloux, 48 - 5002 Saint-Servais Tél : 081/73.40.86 - Fax : 081/74.28.33 [email protected] Trois défis pour pouvoir se réjouir de vivre plus longtemps Cette analyse est téléchargeable sur : www.equipespopulaires.be Par Christine Steinbach, Présidente des Equipes Populaires Avec le soutien de Aujourd’hui, l’allongement de la durée de vie nous permet d’imaginer une deuxième vie après la retraite. Le troisième âge n’est plus le dernier âge. Il est potentiellement porteur de promesses, de rêves à accomplir, de projets à concrétiser… Il est aussi source d’inquiétudes pour les aînés d’aujourd’hui et pour ceux qui le seront demain. Préserver une véritable qualité de vie lorsque l’âge avance requiert d’interroger nos modes d’organisation en y intégrant la réalité du quatrième âge. Mais pas isolément des autres âges. Ainsi le maintien d’une sécurité sociale forte, le besoin d’accompagnement ou encore la nécessité de repenser l’habitat sont des aspirations qui répondent à une évolution plus générale de la société. Aucun économiste sérieux ne sous-estimera l’impact du vieillissement de la population en Belgique sur le budget de la Sécurité sociale. Mais à toujours penser la Sécu en termes de coûts on en vient à oublier ce que signifie l’existence d’un système d’assurance collective dans l’imaginaire collectif. Or le glissement de la société du salariat - dans lequel travail est protégé par des droits et une protection sociale - vers des formes nouvelles de précarité est vécue par beaucoup de nos aînés avec une acuité particulière qui permet de se remettre cette signification essentielle en mémoire. La Sécurité sociale aux sources d’une confiance en l’avenir « Pourvu que je ne vive pas au-delà de cent ans ! Mes moyens ne me le permettent pas et je ne veux pas avoir à demander quoi que ce soit à mes enfants ». Ainsi s’exprimait une dame octogénaire à la veille d’entrer en maison de repos et de soins. Une phrase qui interpelle. Si la perspective de vivre plus longtemps se résume à la crainte d’être à charge de ses enfants, qu’avons-nous vraiment gagné ? Mais la question ne se pose-t-elle pas autrement : que sommes-nous en train de perdre ? 1 Vivre plus longtemps, ça coûte combien ? Car ce sont les seniors qui, par la force des choses, expérimentent les transformations sociales avec le plus d’intensité. Ils ont connu « la vie d’avant ». Avant la mondialisation et son cortège de dérégulations ; avant Internet et le gsm ; avant les commandes à distance… Ils ont connu l’époque où on trouvait des petits commerces, où les banques avaient des guichets pour accueillir, où la poste était un service public… Ils ont vécu dans une culture où l’assurance sociale contre la perte d’emploi était légitime et où le diplôme ouvrait les portes d’une carrière. Et surtout, ils partageaient l’idée que les lendemains seraient meilleurs. Meilleur pour eux peut-être, pour leurs enfants certainement. Cela valait la peine de faire des sacrifices pour leurs études, pour les aider à « démarrer dans la vie »… C’était, pour penser en termes économiques, un « investissement rentable ». Ce progrès est en train de prendre l’eau. L’on craint de voir venir, avec les vieux jours et la perte d’autonomie, des frais que l’on ne pourrait pas assumer. Ce n’est pas un fantasme, on le sait. La question du coût de maison de repos ou de repos et de soins est préoccupante relativement au montant des pensions légales. La pension de retraite mensuelle pour un isolé salarié du secteur privé est en moyenne de 1.100€ pour les hommes et de 745€ pour les femmes (chiffre de 2011). Une étude du Crioc de 2010 avait calculé qu’il faut épargner 100 € par mois pendant 8 ans pour financer un séjour de cinq ans dans une MR en en Wallonie. Notons que les écarts entre Régions sont conséquents : avec cette même épargne, on pouvait y séjourner 12,5 ans à Bruxelles et 18,5 ans en Flandre. A l’hébergement s’ajoute évidemment un ensemble de services et de soins nécessaires. La dame octogénaire que nous citions plus haut avait effectué ses calculs. Sa pension s’élève à 1.170€. Son séjour en maison de repos, tout compris lui coûte1.800€ par mois. Son « bas de laine » lui permet de combler la différence sans faire appel aux enfants … à condition de ne pas vivre centenaire ! L’imaginaire collectif, on le sait bien, procède toujours un peu du mythe, et chacun le décline en fonction de ses réalités propres. Il n’empêche que ceux et celles qui sont aujourd’hui dans le quatrième âge ont vécu quelques décennies marquées par les bienfaits d’une protection sociale et d’une assise économique qui contribuaient à envisager l’existence avec une certaine sérénité. Parce qu’il y avait assurance collective, il y avait davantage de confiance dans l’avenir. Parce que le système de protection sociale a fait ses preuves, il a suffi de quelques décennies pour que l’on passé de l’idée que les enfants nous aideraient dans la vieillesse, à l’idée que nous pourrions être là pour eux, en cas de besoin. En passant des solidarités chaudes (entraide familiale) aux solidarités froides (systèmes d’assurance collective), les familles ont pu libérer de l’épargne pour l’avenir. Il faut souligner l’inquiétude voire l’angoisse de beaucoup de personnes âgées qui acceptent très mal la perspective de devoir compter sur leurs enfants pour leurs vieux jours. Vivre plus longtemps signifie forcément dépenser pendant plus longtemps. On grignote donc davantage l’épargne, au risque de ne pas pouvoir laisser grand-chose en héritage, ce qui fait déjà mal. Mais ne laisser pour héritage qu’une dette parce qu’on aura eu besoin de 2 l’aide du CPAS pour payer la maison de repos, fait encore plus mal ! Une série de facteurs entrent en compte pour nourrir cette inquiétude, outre l’état de santé de la personne : on pose davantage d’actes techniques que par le passé sur le plan médical et leur teneur échappe parfois à la compréhension des proches. Le degré d’exigences est plus élevé qu’autrefois sur ce qui touche à la qualité de vie. Le temps mobilisé pour les obligations professionnelles, familiales, etc. qui font qu’on ne peut se rendre aussi disponible qu’on le souhaiterait, influence aussi la vision qu’on a de la situation. Et, autre conséquence de l’allongement de l’espérance de vie, beaucoup de personnes (souvent des femmes) qui prennent soin d’un parent âgé ont elles-mêmes atteint un certain âge. Il n’est pas rare que, tout en travaillant encore, elles gardent leurs petits-enfants certains jours et ont un père ou une mère qui nécessitent des soins et de l’aide. Enfin la (sur ?)valorisation de l’autonomie dans nos sociétés fait qu’on a davantage de craintes quant à la perspective d’une plus grande dépendance : ce que l’on craint pour ses parents, on le craint pour soi aussi. Ce renversement de perspective révolte d’autant plus l’esprit que l’ascenseur social est plutôt en panne. Les études n’ouvrent plus si facilement les portes d’un emploi et cet emploi n’est plus nécessairement durable. L’on se dit que nos enfants vivront moins bien que nous. L’idée qu’on devra les aider si on le peut s‘accentue… et pas seulement l’idée ! Philippe Defeyt, économiste et président du CPAS de Namur notait que non seulement les enfants restent parfois tardivement chez leurs parents, mais qu’on en voit revenir vivre chez eux vers la quarantaine, après une séparation et/ou une perte d’emploi. Pour les aînés comme pour leurs descendants, le maintien d’une sécurité sociale forte, capable d’intégrer les évolutions de la vie est le premier chantier à creuser dans le souci d’une qualité de vie, pour leur génération et pour celles qui suivent. En tout état de cause, ces témoignages mettent en évidence combien le besoin d’un accompagnement de qualité, à haute valeur humaine, tant pour les seniors que pour leur famille est une donnée incontournable pour la qualité de vie des aînés. Un grand besoin d’accompagnement On observe actuellement que les gens entrent le plus souvent en MR/MRS lorsque vivre seul(e) devient un risque, souvent après un accident ou une aggravation subite de l’état de santé (perte d’équilibre, pertes de mémoire, perte de la sensation de faim et de soif…). Plus l’état de santé est fragilisé, plus le personnel soignant est forcément sollicité et plus les familles ont tendance à s’inquiéter du bon suivi des soins. Nous sommes frappés par le nombre de témoignages des proches qui ont le sentiment (avéré ou non) que leur parent(e) n’est pas suffisamment accompagné(e), qu’eux-mêmes ne sont pas tenus informés de l’évolution des choses. De telles inquiétudes doivent évidemment être objectivées, mais certainement pas balayées. Habiter un logement : un concept à repenser La Belgique (comme d’autres pays européens) a toujours privilégié l’accès à la propriété comme moyen d’accès au logement. Et de ce fait, une vision plutôt linéaire s’est imposée dans notre imaginaire collectif. On achète une maison, un appartement, on se charge pour cela d’un crédit hypothécaire plus ou moins important, généralement pour une période longue (20 ans, davantage aujourd’hui) et l’on 3 se projette ainsi dans du long terme. Peut-être en achètera-t-on ensuite une ou deux autres que l’on mettra en location. L’investissement immobilier a longtemps été compris comme un rempart contre l’inflation. Il est aussi encouragé par les penseurs hostiles à l’EtatProvidence comme un moyen de se construire une formule de pension indépendamment de la sécurité sociale. C’est le concept d’ « asset based welfare state » qui veut que l’individu agisse pour son quotidien comme le ferait un bon entrepreneur en investissant judicieusement. de la vie, et sachant que ces étapes ne sont plus aussi linéaires qu’auparavant, loin de là ? Les enfants vont et viennent, les familles se recomposent, différentes générations se croisent, on déménage plus fréquemment, pour des raisons professionnelles ou familiales… Le logement doit être repensé en tenant compte de ces évolutions. Un enjeu politique est certainement de soutenir les segments locatifs du parc immobilier largement négligés, que ce soit en termes de développement du secteur public ou en termes de régulation du parc privé, afin de les rendre plus accessibles et mieux entretenus. Ce qui importe est moins de posséder des murs que d’être logé confortablement à un prix abordable. Mais il arrive cette maison devienne un poids. Lorsque surgissent des problèmes de santé et que l’on en vient à se demander si l’on va encore pouvoir rester chez soi, et à quelles conditions. C’est bien souvent au moment où les soucis de santé occasionnent des frais nouveaux, tandis que les moyens financiers ont diminué qu’il faut encore envisager des transformations dans son logement ou se résigner à le vendre pour en chercher un autre, plus petit, plus pratique, plus adapté. La situation peut devenir d’autant plus difficile à assumer financièrement si l’un des deux conjoints doit entrer en MR/MRS tandis que l’autre reste à la maison. Or ce type de situations n’est plus rare. Sans remettre en cause ni l’importance ni le droit d’avoir un « chez soi », il nous semble q’une réflexion de longue haleine s’impose à la fois culturellement et politiquement sur les manières de concrétiser ce « chez soi ». La vision classique d’un logement individuel acheté pour toujours doit pouvoir être contrebalancée par d’autres formules d’habitat. Quels espaces de vie pouvons-nous envisager de partager avec d’autres pour ne pas nous trouver un jour forcés de le faire sans y avoir songé avant, faute de moyens financiers, faute d’assez d’autonomie, etc. ? Comment penser un habitat qui puisse être adapté à moindres frais aux différentes étapes 4