S CHELLENBERG W ITTMER
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S CHELLENBERG W ITTMER
NEWSLETTER Novembre 2005 SCHELLENBERG WITTMER A vo ca t s Les conflits en matière de transactions M&A Arbitrage, expertise, médiation et autres possibilités de gérer les conflits lors de transactions M&A Une tendance nette se dessine depuis quelques années à soumettre les litiges en matière de transactions M&A à des tribunaux arbitraux et non plus aux juges étatiques. La médiation et les expertises sont également amenées à jouer un rôle toujours plus important dans le cadre de tels conflits. Cette Newsletter examine les raisons pour lesquelles on choisira plutôt un tribunal arbitral ou des modes alternatifs de résolution des conflits et quelles sont les possibilités qui s’offrent aux parties. 1 Le déroulement d’une transaction M&A Ces dernières décennies, la façon de mener une transaction M&A s’est relativement standardisée. Elle peut être résumée ainsi : Le vendeur et les acheteurs potentiels commencent par échanger des informations sur l’objet de la vente (la société visée) et le prix envisageable. Après cette première phase, le vendeur choisit un (ou plusieurs) acheteur(s) avec le(s)quel(s) il poursuivra les négociations. En règle générale, les parties signent alors une letter of intent ou échangent des déclarations équivalentes. Même si, à ce stade, les parties ne veulent pas encore se lier par un véritable contrat de vente, elles concluent en outre le plus souvent des accords de confidentialité (confidentiality ou non-disclosure agreements) qu’elles complètent selon les circonstances par des promesses d’exclusivité ou d’autres engagements de ce type. L’étape suivante voit la société visée soumise à un examen complet (appelé due diligence) qui, s’il est positif, permet de commencer les négociations proprement dites et de conclure le contrat de vente. Ce contrat peut porter sur les actions de la société ou sur la société elle-même, avec ses actifs et passifs. Les garanties, promesses et assurances données par le vendeur à propos de la société constituent le cœur de ce contrat, de même que les moyens de fixer ou d’adapter le prix. Le plus souvent, en matière de M&A, la conclusion formelle du contrat (signing) et son exécution par l’échange de l’objet du contrat contre le paiement du prix (closing) n’ont pas lieu en même temps. D’habitude, le contrat n’entre en vigueur que quelques semaines après le signing, au moment où certaines conditions posées par les parties se réalisent, par exemple lorsque l’administration (par ex. les autorités de la concurrence) délivre une autorisation de droit public ou que des personnes privées (par ex. le conseil d’administration ou des tiers) donnent leur accord. 2 Les risques de conflits potentiels Les conflits en matière de M&A peuvent être classés dans les trois catégories suivantes : 2.1 Conflits antérieurs à la reprise de l’entreprise (preclosing disputes) La reprise de l’entreprise ne peut pas être assurée tant qu’elle n’a pas eu vraiment lieu. Des divergences de vue peuvent naître à tout moment entre les parties. Le plus souvent, cellesci mettent alors fin aux négociations et cherchent à atteindre leur but autrement. Si un conflit éclate, il peut être de différentes sortes. I Conflit entre acheteurs : il s’agit en particulier de conflits entre des personnes qui se sont associées dans un consortium afin d’acquérir ensemble une société. Lorsque l’une d’entre elles décide d’acheter seule la société ou de se retirer du projet, des conflits peuvent naître en raison de divergences d’opinion sur les conséquences d’un tel comportement. I Conflit entre l’acheteur et le vendeur avant la conclusion du contrat : en général, ce genre de conflit naît à l’occasion de la violation de la letter of intent, de l’accord de confidentialité ou de celui d’exclusivité. Il arrive également qu’une partie reproche à l’autre d’avoir rompu les négociations de mauvaise foi et de lui avoir ainsi causé un dommage. 2.2 Conflits à propos des garanties offertes par le vendeur En matière de transaction M&A, les promesses et garanties font l’objet d’âpres négociations et constituent l’un des points essentiels du contrat de vente de l’entreprise. Avec l’influence grandissante de la culture juridique anglo-saxonne, ces assurances et garanties ont pris une importance croissante ces dernières années. Les parties créent ainsi leur propre régime contractuel dans lequel les règles légales ne jouent plus qu’un rôle secondaire. On trouve souvent dans les contrats M&A des clauses selon lesquelles il est par exemple garanti que le bilan sur lequel se fonde la reprise de l’entreprise est exact et complet et qu’il a été établi conformément aux standards comptables convenus entre les parties (par ex. US GAAP). La promesse que la société visée n’a pas conclu d’autres contrats importants que ceux qui ont été montrés à l’acheteur est également habituelle, de même que l’assurance que depuis la clôture du bilan, il ne s’est rien passé qui puisse influencer les activités de la société visée d’une manière sérieuse et négative. La violation de promesses et de garanties aboutit souvent à des divergences d’opinions entre les parties. Il est alors utile que le contrat en règle les conséquences ainsi que la manière de les résoudre. 2.3 Conflits à propos de la détermination et de l’adaptation du prix 3 On constate depuis plusieurs années une tendance, en matière de contrats M&A, à faire appel à l’arbitrage plutôt qu’aux tribunaux étatiques. La médiation et les expertises jouent également un rôle toujours plus important dans les conflits. Les raisons pour lesquelles les parties disent préférer ces méthodes de résolution des conflits aux procédures ordinaires sont notamment les suivantes : I Pas de privilège de for au domicile d’une des parties : les contrats M&A sont souvent des contrats internationaux, conclus par des parties venant de pays différents aux traditions juridiques variées. Le tribunal étatique du domicile d’une partie est rarement accepté par l’autre. L’arbitrage et les autres méthodes de résolution des conflits offrent un for neutre. I Souplesse : les méthodes alternatives de résolution des conflits offrent aux parties une souplesse presque sans limite. Elles peuvent créer une procédure adaptée à leurs besoins dans le cadre d’une transaction déterminée. Elles peuvent par exemple décider la manière dont la procédure devra se dérouler (délais, nombre d’échanges et types d’écritures, etc.). Les parties peuvent également combiner différents types de procédure, en prévoyant par exemple une procédure de médiation avant la saisie d’un tribunal arbitral. Certaines questions peuvent aussi être soumises à un expert alors que d’autres sont réservées à un tribunal arbitral. I Rapidité : les procédures arbitrales ou les méthodes alternatives de résolution des conflits ne sont pas en ellesmêmes plus rapides qu’une procédure devant un tribunal étatique de première instance. Les parties peuvent par contre influencer la durée totale de la procédure en limitant les possibilités de recourir contre les décisions. Il est également possible d’envisager une procédure accélérée, comme par exemple celle prévue par le Règlement suisse d’arbitrage international (les Swiss Rules)1. Conformément à cette procédure (art. 42 Swiss Rules), les délais pour nommer les arbitres sont plus courts et le nombre d’écritures est limité ; la décision doit être rendue dans les six mois après la transmission du dossier au tribunal arbitral et ne doit être que sommairement motivée. Si le contrat de M&A ne fixe pas le prix, il prévoit en général des mécanismes pour le déterminer ou l’adapter, mécanismes qui peuvent être très différents d’un contrat à l’autre. En pratique, on trouve souvent une clause de répartition des passifs nets en fonction de la date d’entrée en vigueur du contrat. Le prix définitif correspond alors à la valeur de l’entreprise (cash and debt free) telle que fixée dans le contrat, après déduction des passifs nets. Il est également courant de prévoir que le prix sera adapté en fonction du chiffre d’affaires et du bénéfice futurs (clause dite earn out). Avec une telle clause, le vendeur peut tirer profit du développement positif de l’entreprise ou devoir renoncer à une partie du prix si les résultats ne correspondent pas à ce qui était attendu. De telles clauses mettent en jeu des montants importants. Les parties cherchent dès lors à influencer en leur faveur les mécanismes d’adaptation du prix. Le choix des principes comptables applicables, le type des amortissements et le moment où ils ont lieu ainsi que les critères présidant à la constitution des provisions sont souvent controversés. Le choix de l’arbitrage ou des méthodes alternatives de résolution des conflits La procédure accélérée peut également être prévue pour certains aspects du litige (par ex. pour trancher certaines questions de droit) alors que d’autres seront soumis à la procédure ordinaire devant le tribunal arbitral (par ex. la question de l’indemnisation). 1 Pour de plus amples informations sur les Swiss Rules, vous pouvez consulter notre Newsletter de mars 2004. 2 SCHELLENBERG WITTMER NEWSLETTER NOVEMBRE 2005 I Conflit entre l’acheteur et le vendeur après la conclusion du contrat mais avant son exécution : le plus souvent, il s’agit de divergences d’opinions à propos de la réalisation des conditions. C’est le cas par exemple lorsque le vendeur reproche à l’acheteur de ne pas l’assister suffisamment dans ses démarches avec l’administration en vue d’obtenir une autorisation ou qu’il prétend que le conseil d’administration a violé le contrat en refusant de donner son accord. SCHELLENBERG WITTMER NEWSLETTER NOVEMBRE 2005 La pratique a développé différentes méthodes pour accélérer la procédure de résolution des conflits. C’est le cas par exemple de la procédure Medaloa (Mediation and last offer arbitration), qui prévoit que les parties doivent commencer par se soumettre à une médiation. Si celle-ci échoue, le tribunal arbitral doit simplement trancher entre les deux dernières offres (last offer) des parties. La médiation est souvent couronnée de succès dans ce type de procédure. Si elle échoue, chaque partie doit faire attention à formuler une offre qui tienne suffisamment compte des faits si elle ne veut pas que le tribunal arbitral tranche en faveur de l’offre de l’autre partie. I Compétence particulière des arbitres : les parties ont une grande influence sur le choix des personnes appelées à trancher leur conflit. Elles peuvent nommer les arbitres ou les médiateurs en fonction de la nature du conflit. Elles peuvent ainsi désigner une personne particulièrement qualifiée dans le domaine concerné par le litige. Selon la question à résoudre, les parties peuvent nommer un arbitre ou un médiateur qui dispose de connaissances particulières, par exemple en matière comptable, technique ou juridique. I Confidentialité : même si l’obligation de garder le secret n’est pas inhérente à l’arbitrage ou aux autres modes de résolution des conflits, les parties peuvent prévoir dans leur contrat que la clause de confidentialité s’étend à la résolution des litiges. I Exécution : les sentences arbitrales ont l’avantage sur les jugements des tribunaux étatiques de pouvoir être exécutées pratiquement dans le monde entier. A ce jour, 137 Etats ont ratifié la Convention de New York de 1958 « on the Recognition and Enforcement of Foreign Arbitral Awards », qui traite de la reconnaissance et de l’exécution des sentences arbitrales étrangères. A l’inverse, l’exécution des jugements étatiques à l’étranger dépend de traités bilatéraux ou multilatéraux, ce qui peut poser problème notamment en cas d’exécution dans des Etats situés en dehors de l’Union européenne et des Etats-Unis et avec lesquels aucun traité n’a été conclu sur la question entre les Etats concernés. 4 Les méthodes alternatives de résolution des conflits Toutes ces raisons montrent qu’il peut être avantageux pour les parties à une transaction M&A de soumettre leurs conflits non pas aux tribunaux étatiques mais à l’arbitrage ou à d’autres méthodes de résolution des conflits. Parmi les nombreuses méthodes qui existent, on citera notamment : 4.1 L’arbitrage Le plus souvent, les parties à un contrat M&A choisissent de soumettre leurs litiges à l’arbitrage. Il existe différents types de clauses d’arbitrage, la tendance générale étant de choisir l’arbitrage institutionnel. En particulier dans les litiges relatifs au pre-closing, les parties veulent obtenir rapidement une décision afin que l’exécution de la transaction ne soit pas remise en cause. Au vu de cet aspect temporel, il est recommandé de choisir une procédure arbitrale institutionnelle, qui donne moins de possibilités aux parties de ralentir délibérément la procédure, en particulier lors de la désignation des arbitres. Les règles applicables à la procédure arbitrale devraient être suffisamment souples pour que les arbitres soient libres de les adapter, après avoir consulté les parties (par ex. en limitant le nombre d’écritures ou en fixant des délais plus courts). Les parties ont le choix de soumettre leurs litiges à un arbitre unique ou à un tribunal arbitral composé de plusieurs personnes. L’arbitre unique aurait par exemple l’avantage, par rapport à un tribunal composé de plusieurs membres, de pouvoir trancher rapidement les requêtes de mesures provisoires, qui sont d’une grande importance dans les litiges de pre-closing. Il est aussi recommandé de préciser dans le contrat que l’arbitre unique devra avoir des compétences particulières dans certains domaines. 4.2 Les Standing Arbitrators ou Dispute Boards Un tribunal arbitral peut être désigné avant même qu’un litige ne naisse, par exemple en même temps que les parties passent une clause arbitrale ou dans un certain délai après cela (clauses dites standing arbitrators ou dispute boards). Cette procédure de nomination anticipée permet d’économiser du temps lorsqu’un litige éclate, même si elle peut aussi entraîner des frais inutiles. Les parties peuvent en outre décider de communiquer certaines informations aux arbitres dès qu’ils ont été nommés, comme le contrat de vente ou les caractéristiques essentielles des parties, afin que ceux-ci se familiarisent d’ores et déjà avec le dossier. Cette manière de faire permet aux arbitres de prendre une décision plus rapidement lorsqu’un litige survient. Il est rare de trouver des clauses dites standing arbitrators ou dispute boards dans les contrats M&A. Elles sont usuelles dans les très gros projets de construction. Il est cependant parfaitement concevable de prévoir un tel instrument pour certaines transactions M&A, notamment lorsqu’un grand nombre de points doivent être clarifiés et de conditions réalisées entre le signing et le closing. 4.3 La médiation La médiation a pris une grande importance ces dernières années, notamment comme étape préalable à l’arbitrage. Il en existe de différentes sortes. Il est par exemple possible de désigner un médiateur neutre (appelé mediator) ou de prévoir que la direction générale de chaque partie devra chercher une solution à l’amiable. Il est nécessaire de préciser dans le contrat s’il est obligatoire de faire appel à la médiation avant d’introduire une procédure, par exemple devant un tribunal arbitral, ou si cette étape est seulement facultative. Si la médiation est obligatoire, le tribunal arbitral devra se déclarer incompétent ou suspendre la procédure tant que la procédure de médiation n’est pas terminée. Afin d’éviter des lenteurs et des frais inutiles, il est essentiel de prévoir des délais pour la procédure de médiation. 3 d’expertise de la CCI. Les parties peuvent également prévoir dans leur contrat une procédure particulière. “If a dispute arises in connection with this agreement, [e.g. the Chairpersons of the Boards of Directors/senior representatives from each party with the authority to settle the dispute] will, within [...] days of a written request by one of the parties, meet and seek to resolve the matter in a good faith effort. 5 If the dispute is not resolved by negotiation within [...] days of the written request, or if the parties fail to confer within […] days of the written request, the parties will attempt to settle it by mediation [e.g. in accordance with the LCIA2 Mediation Procedures/ in accordance with the ICC3 ADR Rules]. Une grande attention doit présider à la rédaction des clauses de résolution des conflits, afin d’éviter tout litige à propos de leur interprétation. Les parties doivent rédiger et négocier ces clauses suffisamment à l’avance, et non au dernier moment, juste avant la signature du contrat. C’est le seul moyen de garantir que la méthode choisie est adaptée aux besoins spécifiques de la transaction et que la procédure sera efficace. If the dispute has not been settled by mediation within […] days following the filing of a request for mediation, such dispute shall be settled by arbitration in accordance with [(e.g. the Swiss Rules of International Arbitration of the Swiss Chambers of Commerce/ the Rules of Arbitration of the International Chamber of Commerce/ the LCIA Rules)]. The number of arbitrators shall be ... (one or three). The seat of the arbitration shall be in ... (city and country) and the arbitral proceedings shall be conducted in [English/German/any other desired language].” 4.4 L’expertise Enfin, les contrats de M&A prévoient de plus en plus souvent de faire appel à des experts (dont les rapports sont appelés expert determination), que ce soit en dehors de toute procédure arbitrale ou dans le cadre de celle-ci. Ces expertises peuvent être un moyen efficace de clarifier des questions de fait, notamment pour déterminer la valeur d’une entreprise ou examiner des documents comptables. La clause doit distinguer soigneusement les compétences respectives de l’expert et du tribunal arbitral. Il est ainsi possible de dresser une liste exhaustive des domaines d’intervention de l’expert tout en laissant au tribunal arbitral une compétence générale et résiduelle. Il est également recommandé de préciser si l’expert est compétent pour trancher des questions juridiques préjudicielles (par ex. l’interprétation de dispositions sur la manière d’établir les comptes) ou si celles-ci doivent être laissées au tribunal arbitral. Résumé Les parties à une transaction M&A peuvent choisir la manière dont elles entendent résoudre leurs conflits potentiels parmi un grand nombre de variantes possibles. Il ne leur reste qu’à les utiliser ! Contacts Le contenu de cette Newsletter ne peut pas être assimilé à un avis ou à un conseil juridique ou fiscal. Il ne fait que donner un aperçu de certains aspects des conflits en matière de transaction M&A. Si vous souhaitez obtenir un avis sur votre situation particulière, votre personne de contact habituelle auprès de Schellenberg Wittmer ou l’un des avocats ci-après répondra volontiers à vos questions: I A Genève: GABRIELLE KAUFMANN-KOHLER [email protected] LAURENT LÉVY [email protected] I A Zurich: GEORG VON SEGESSER [email protected] NATHALIE VOSER [email protected] En règle générale, les rapports des experts lient les parties, à moins que celles-ci n’en décident autrement. Une expertise n’est cependant pas assimilable à une décision susceptible d’exécution forcée. Il n’y a que peu de normes institutionnelles régulant l’activité des experts. A titre d’exemple, on peut citer le règlement 2 3 LCIA = London Court of International Arbitration ICC = International Chamber of Commerce 15bis, rue des Alpes Case postale 2088 CH-1211 Genève 1 Tél. +41 (0) 22 707 8000 Fax +41 (0) 22 707 8001 Löwenstrasse 19 Case postale 6333 CH-8023 Zurich Tél. +41 (0) 44 215 5252 Fax +41 (0) 44 215 5200 www.swlegal.ch 4 SCHELLENBERG WITTMER NEWSLETTER NOVEMBRE 2005 La clause suivante montre comment différentes méthodes de résolution des conflits peuvent être combinées :