L`ORPAILLAGE EN GUYANE

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L`ORPAILLAGE EN GUYANE
L’ORPAILLAGE EN GUYANE : QUEL IMPACT SUR L’HOMME ET L’ENVIRONNEMENT
Mme Andrée AIMAN (Première Vice-Présidente du CCEE de la Guyane)
L’orpaillage en Guyane française, quel impact sur l’homme et l’environnement ? L’or de Guyane est
exploité depuis plus de 150 ans car le premier gisement aurifère a été découvert en 1855. Aujourd’hui,
l’or de Guyane est extrait, soit de manière légale par des exploitations soumises au contrôle de l’Etat, soit
de manière illégale et clandestine. Fin 2013, une trentaine de sociétés (artisans et PME) exploitaient
légalement le sous-sol guyanais. En revanche, l’orpaillage illégal prolifère et plusieurs milliers de
chercheurs d’or clandestins, venus principalement des régions défavorisées du Brésil et du Suriname –
appelés « garimpeiros» – se livrent à une exploitation sauvage du milieu avec toutes les conséquences
qui en découlent.
Premièrement, saccage de forêts tropicales uniques au monde. Deuxièmement, contamination des
populations amérindiennes Wayana sur le Haut-Maroni par le mercure utilisé pour agglomérer les petites
particules d’or. Troisièmement, climat de violence dont les Brésiliens et orpailleurs clandestins sont euxmêmes victimes.
L’Office national des forêts (ONF) a estimé, fin 2005, en Guyane que 1 335 kilomètres de cours d’eau
étaient directement impactés par les chantiers miniers illégaux et que 4 671 kilomètres de fleuves et
rivières étaient touchés par les pollutions en aval de ces chantiers. Toujours selon l’ONF, de 2000 à 2005,
les déboisements provoqués par les orpailleurs étaient passés de 4 000 hectares à 11 500.
La DRIRE estime que ce sont en moyenne chaque année, cinq tonnes d’or qui sont produites par les
opérateurs miniers légaux. On observe cependant, durant cette période que les quantités d’or extraites
légalement stagnent alors que les importations de mercure ne cessent d’augmenter. La DRIRE évalue
chaque année entre 5 et 10 tonnes d’or clandestin extraites du sous-sol guyanais, ce qui représenterait
de 100 à 200 millions de dollars au prix de l’once en 2014.
Il convient de souligner par ailleurs, que ce sont les terrasses alluvionnaires qui sont exploitées
illégalement et les fleuves qui contiennent les plus grandes quantités de mercure. Le danger vient des
nuisances induites tant pour l’homme que pour son environnement. L’orpaillage favorise indirectement la
mobilisation du mercure naturellement présent dans les sols et la circulation du mercure dont on se sert
pour l’amalgamer. Les effets néfastes sur l’environnement et sur la santé des populations sont nombreux.
L’or étant une ressource non renouvelable, force est de constater qu’il est soumis à un véritable pillage.
Aujourd’hui, les multinationales se montrent particulièrement intéressées par les gisements primaires et
tentent de retenir l’attention des décideurs en évoquant la possibilité de nouveaux investissements et la
création de nombreux emplois réservés aux Guyanais. Mais prudence et précaution doivent être au
rendez-vous des implantations éventuelles de ces compagnies aurifères qui profitent des carences
juridiques pour développer leur activité au mépris de la vie de l’homme.
Doit-on rappeler que la compagnie canadienne Cambior, il y a une dizaine d’années environ, n’avait pas
hésité à déverser des quantités importantes de cyanure dans les fleuves de notre voisin surinamais ?
L’orpaillage clandestin constitue un véritable fléau qui gangrène le cœur de la forêt guyanaise. Bien que
les pouvoirs publics mènent des interventions avec les forces de l’ordre (gendarmerie nationale) dans le
cadre d’opérations dites Anaconda puis Harpie contre les orpailleurs clandestins qui occupent plus de
500 sites, l’immensité de la forêt ne permet pas d’éradiquer le phénomène. L’orpaillage utilise des
techniques qui, par nature, ont des conséquences néfastes pour l’homme et l’environnement. Par
exemple, le lavage des sols qui a pour but de libérer les micros particules d’or a pour effet d’augmenter
la turbidité de l’eau des fleuves et par extension, celle du milieu marin et d’entraîner la disparition de la
faune et de la flore littorale. En outre, les sols de Guyane qui sont déjà naturellement riches en mercure,
par cette technique, libèrent ce métal sous sa forme la plus élémentaire. Il faut souligner qu’une part
importante du mercure utilisé par les orpailleurs clandestins est directement transférée vers le milieu
naturel au cours des travaux d’amalgamation de l’or.
La coopération régionale avec nos voisins du Brésil et du Suriname n’a pas été véritablement fructueuse
dans le domaine de l’orpaillage clandestin en l’absence d’un système juridique harmonisé. Pour exemple,
l’extraction par barge est interdite en Guyane, alors qu’elle est autorisée au Brésil et au Suriname, mais
malheureusement très souvent pratiquée clandestinement en Guyane.
Aujourd’hui, les orpailleurs clandestins utilisent du matériel semi-industriel pour exploiter le milieu : pelle
mécanique, pompe à eau à haute pression, procédés qui contribuent à détruire l’environnement.
Chantier d’orpaillage clandestin en Guyane
Pollution au mercure en Guyane. Il est incontestable que l’orpaillage est un des
principaux facteurs de contamination mercurielle en Guyane. Bien que l’utilisation
du mercure soit en principe interdite depuis 2006, elle continue tout de même à être
utilisée sur de nombreux sites dans le cadre de l’orpaillage illégal, puisque l’amalgame est chauffé au
chalumeau et à l’air libre. Les vapeurs du mercure sont alors libérées et inhalées par l’homme. Il convient
de rappeler que les sols guyanais sont géologiquement riches en mercure (huit fois plus en moyenne
qu’en France métropolitaine). Le mercure libéré par le traitement des sols aux lances à eau, très volatil
en climat équatorial et tropical pollue l’air, les brumes, les pluies, l’eau et les sédiments. Ce mercure
naturel libéré par l’homme s’ajoute aux importantes quantités évaporées par les orpailleurs et contamine
durablement le réseau trophique.
Une étude menée par l’ISVS et l’INSERM a fait état des résultats de l’imprégnation mercurielle chez une
population amérindienne. Il a été relevé que dans plus de 50% des cas, les Amérindiens présentent une
concentration mercurielle supérieure à la valeur recommandée par l’OMS. Cette imprégnation mercurielle
proviendrait de la consommation de la chaîne alimentaire quand on sait que les Amérindiens consomment
principalement du poisson et que le mercure est souvent rejeté dans les rivières.
D’autres études ont démontré que le barrage hydroélectrique de Petit-Saut fonctionnait comme un
bioréacteur et que la raréfaction de l’oxygène à moins de cinq mètres de profondeur rendait la formation
de méthyl-mercure possible.
Dès que la forme organique du mercure est présente dans le milieu aquatique, sa bioamplification devient
difficilement contestable et les risques pour les populations s’en trouvent accrus.
On peut penser que la présence des mangroves sur le littoral guyanais favorise le stockage de méthylmercure dans les sédiments vaseux.
Autre conséquence environnementale, le procédé au cyanure est devenu le plus utilisé au monde. Il
repose sur le fait que le cyanure peux se complexer et rendre soluble l’or, permettant alors une lixiviation
de ce dernier, mais en abandonnant de volumineuses quantités de déchets très toxiques et écotoxiques
qui doivent être stockés en bassin derrière des digues solides, ce qui est particulièrement difficile en
Guyane.
Ce procédé chimique de lixiviation avait été envisagé dans les mines des Camp Caïman et Cambior, puis
abandonné.
Le cyanure est un poison qui est toxique à très faible dose pour les cellules animales et végétales. Il est
très soluble dans l’air. Or, l’eau de nombreuses rivières de Guyane est utilisée, par les Amérindiens et
d’autres habitants en forêt, comme une eau potable, pour la toilette, le lavage, la cuisson des aliments.
Bien que plusieurs directives européennes portent sur la question des activités minières et en particulier
des déchets miniers, des déchets toxiques, il faudrait interdire l’utilisation du cyanure dans l’extraction
minière.
Conséquence de la pollution au mercure sur la population amérindienne
La déforestation. Une autre conséquence de l’exploitation de l’or alluvionnaire est la déforestation qui
résulte du remaniement des sols. Les sites d’orpaillage illégal sont totalement détruits. La couche fertile
superficielle contenant la matière organique est décapée, lessivée vers les fleuves ou recouvertes de
déchets miniers. Il y a également lieu de considérer tous les dégâts écologiques collatéraux induits par
l’exploitation aurifère : perturbation de la faune, perturbation du cycle de l’eau et destruction des
écosystèmes aquatiques, création des pistes, vols d’hélicoptères, d’avions, risques liés aux carburants,
rejets des déchets divers, pollution par le plomb (source de saturnisme), disparition de certaines espèces
animales protégées, abandon de déchets et matériaux par les clandestins.
Déforestation illégale en Guyane française
En conclusion, il faut bien reconnaître qu’en dépit d’un certain nombre de mesures prises, l’activité
aurifère illégale continue de se développer en Guyane française. Si la photographie satellitaire et la
télédétection sont de bons outils en termes de localisation des sites d’orpaillage clandestin et de
surveillance des effets sur l’environnement, il est clair que cela n’est pas suffisant et qu’un déploiement
d’hommes conséquent sur le terrain est nécessaire afin de sécuriser le territoire.
Mais la perméabilité des frontières appelle la coopération vigilante et active de nos voisins brésiliens et
surinamais dans la lutte contre les orpailleurs clandestins (3 000 orpailleurs clandestins selon les
statistiques officielles, 8 000 selon les ONG). On constate également une augmentation très nette des
exploitations clandestines dans le primaire.
Selon le rapport de l’IEDOM 2011, un nombre plus important de puits exploitant l’or primaire ont été
découverts : 172 en 2011, contre 67 en 2010.
Il faut rappeler enfin, que la Guyane s’est inscrite dans une démarche de développement durable qui n’est
pas compatible avec l’orpaillage, légal ou illégal, puisque dans les deux cas, il ne s’agit pas d’une activité
propre. L’arsenal juridique, même s’il a progressé, doit être encore renforcé et le Parc Naturel Amazonien
de Guyane, compte tenu de sa grande superficie (19 000 km² d’espaces protégés) doit faire l’objet de
toutes les attentions et protections. Des cycles d’information pour les populations doivent être réalisés
afin d’amplifier les prises de conscience sur la vulnérabilité de l’environnement et les risques encourus
par l’homme liés aux activités d’orpaillage en Guyane française.
Je vous remercie de votre attention.

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