ROSE ROTH / GSM / ESCEW

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ROSE ROTH / GSM / ESCEW
ROSE-ROTH / GSM / ESCEW
111 GSM 13 F
Original : anglais
Assemblée parlementaire de l’OTAN
ROSE-ROTH
GROUPE SPECIAL MEDITERRANEE ET
MOYEN-ORIENT
SOUS-COMMISSION SUR LA COOPERATION ET LA
CONVERGENCE ECONOMIQUES EST-OUEST
COMPTE-RENDU DE SEMINAIRE
Changements politiques et évolution de la sécurité en
Afrique du Nord : répercussions sur la paix et la coopération
dans les régions euro-méditerranéenne et transatlantique
MARRAKECH, MAROC
3 - 5 AVRIL 2013
www.nato-pa.int
14 mai 2013
Ce rapport de mission est publié à titre d’information uniquement et ne reflète pas nécessairement le point
de vue officiel de l'Assemblée. Il a été rédigé par Paul Cook, directeur du GSM et Andrius Avizius, directeur
de la Commission sur la Dimension civile de la sécurité.
111 SEM 13 F
TABLE DES MATIERES
I.
INTRODUCTION ......................................................................................................... 1
II.
L’OTAN ET LA REGION MOAN .................................................................................. 2
III.
LA SITUATION AU SAHEL ......................................................................................... 4
IV.
UNE REVOLUTION EN COURS : LE POINT SUR LA SITUATION EN SYRIE .......... 6
V.
LE DEFI DE L’IRAN A LA SECURITE DU MOYEN-ORIENT ET DU MONDE ............ 7
VI.
TRANSITION POST-REVOLUTIONNAIRE DANS LA REGION MOAN : PROGRES
ET OBSTACLES ......................................................................................................... 9
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I.
INTRODUCTION
1.
L’aide de la communauté euro-atlantique à la transition et à la stabilisation
post-révolutionnaires dans toute la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MOAN) est
d’une importance critique en cette période d’incertitude et d’insécurité. Il convient toutefois de la
gérer soigneusement en évitant toute ingérence et en tenant compte des sensibilités locales et de
l’hétérogénéité de la région. Une stabilité durable requiert une méthode globale qui passe par
l’association de toutes les parties prenantes – pays de la région, organisations internationales et
régionales – et par une extension de la coopération à des domaines allant de la « sécurité dure »
au développement politique et socio-économique.
2.
Telles sont les conclusions générales d’un séminaire de l’Assemblée parlementaire de
l’OTAN qui s’est tenu à Marrakech du 3 au 5 avril 2013 en collaboration avec la Chambre des
représentants et la Chambre des conseillers du Maroc, sous le haut patronage du roi
Mohammed VI et avec l’aide du gouvernement suisse.
3.
Intitulé Changements politiques et évolution de la sécurité en Afrique du Nord :
répercussions sur la paix et la coopération dans les régions euro-méditerranéenne et
transatlantique, le séminaire – le 82e de la série des séminaires Rose-Roth – rassemblait des
parlementaires de vingt-cinq pays membres de l’OTAN ou pays partenaires et des délégations du
Mali, de la Mauritanie, du Sénégal et du Tchad. Divers experts de renom, des responsables
gouvernementaux, des représentants d’organisations internationales et des membres de la
communauté diplomatique ont également pris part aux discussions.
4.
Les participants ont passé en revue la multitude de problèmes de sécurité liés à la transition
post-révolutionnaire dans la région MOAN et au Sahel. Le vice-président de l’Assemblée nationale
du Mali, Assarid Ag Imbarcaouane, a remercié la France, les voisins du Mali et les forces armées
des pays de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour les
sacrifices qu’ils ont consentis afin d’aider les autorités maliennes à rétablir l’ordre dans le nord du
pays. Il a toutefois rappelé que si des villes importantes comme Tombouctou avaient été reprises,
la sécurité au Mali restait extrêmement précaire. Des armes lourdes en provenance de Libye ont
été introduites dans la région, ce qui jette un éclairage particulier sur la dimension des problèmes
de sécurité à l’échelle régionale. Plusieurs intervenants ont souligné qu’il fallait maintenant s’atteler
à l’ouverture d’un dialogue sans exclusive entre les factions de cette région pluriethnique pour bâtir
une paix durable.
5.
Des parlementaires marocains ont fait observer que l’Afrique occidentale était confrontée,
indépendamment de la présence de groupes armés adeptes de la violence, à d’autres problèmes
de sécurité : criminalité organisée, traite d’êtres humains et trafic de stupéfiants (la région est
devenue la plaque tournante du trafic de cocaïne), immigration clandestine, piraterie et
détériorations environnementales. Rabat soutient activement la solution consistant à accorder un
statut d’autonomie à certaines régions pour améliorer la sécurité dans cette partie du monde. Le
président de l’Assemblée, Hugh Bayley (Royaume-Uni), a déclaré que ces problèmes ne
menaçaient pas seulement le Sahel, mais bien le monde tout entier. Il a instamment invité les
parlementaires à trouver le moyen de coopérer étroitement entre eux pour parer à ces graves
menaces.
6.
Les participants ont également réfléchi à la situation de pays tels que la Syrie, où la
transition a engendré l’instabilité, voire la guerre civile. Plusieurs intervenants ont indiqué que, pour
tragique qu’elle fût, la situation en Syrie pouvait encore empirer. Même après la chute de
Bachar el-Assad, les violences risquent de se poursuivre, conséquence de la nature disparate de
la rébellion et de la prééminence grandissante des extrémistes. D’aucuns ont estimé que les
événements de Syrie bouleversaient la géopolitique régionale en exacerbant la confrontation entre
les pays chiites et sunnites et en rallumant des conflits religieux en Iraq ou au Liban, par exemple.
Toutes les tentatives pour mettre fin à la violence en Syrie seront vaines aussi longtemps que les
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parties prenantes intérieures comme extérieures considéreront ce conflit comme un « jeu à somme
nulle ».
7.
Les participants ont largement souscrit à l’idée selon laquelle la consolidation des institutions
démocratiques et la mise en application de réformes significatives étaient cruciales pour une
stabilité durable de la région. L’absence d’Etat de droit et l’exclusion de certains groupes du
processus politique forment un terrain fertile pour le terrorisme et le séparatisme. Dans son
allocution liminaire, le secrétaire général adjoint de l’OTAN, Dirk Brengelmann, a cité l’exemple du
Maroc, pays de la région qui a su aborder la question des réformes et de la transition avec une
grande stabilité. Sous la direction de Mohammed VI, le pays a adopté une nouvelle Constitution
qui fait du Parlement le seul acteur législatif et qui donne de nouveaux droits aux citoyens. Ces
réformes ont permis au Maroc d’absorber une partie des chocs et de se maintenir en avant de la
vague des soulèvements arabes.
8.
Par ailleurs, plusieurs intervenants se sont inquiétés de la tournure que prend la situation
politique en Egypte : l’aggravation des problèmes économiques et la polarisation croissante des
autorités et de l’opposition pourraient déboucher sur des désordres de plus grande ampleur, et l’on
ne saurait exclure une intervention des militaires pour rétablir l’ordre. Le chef de l’Etat peut encore
empêcher cela en ouvrant le dialogue avec l’opposition et en élargissant ainsi sa base pour
entreprendre des réformes substantielles, mais, de l’avis de divers participants, la volonté politique
de parvenir à un compromis semble malheureusement briller par son absence pour le moment.
9.
Pour ce qui est du rôle de l’OTAN, l’Alliance devrait veiller à l’harmonisation et à la
compatibilité de ses actions avec celles d’autres protagonistes régionaux et internationaux.
L’Alliance et ses membres doivent continuer à user de tactiques spécifiques à chacun de leurs
interlocuteurs du Dialogue méditerranéen. Plusieurs intervenants ont suggéré d’élargir ce dialogue
pour donner plus d’importance aux questions politiques et socio-économiques et aux droits
humains. Diego Mellado Pascua, chef a.i. de la division Soutien à la démocratie et Observation
électorale du Service européen pour l’action extérieure, a réaffirmé ce point de vue dans sa
description des démarches d’ouverture de l’Union européenne en direction des pays de la région
et des partenariats qu’elle forme avec eux ; selon lui, ces démarches et ces partenariats sont une
priorité absolue pour l’UE. Il est toutefois admis que le soutien consenti par la communauté euroatlantique se révèle de plus en plus pesant sur le double plan politique et financier, conséquence
des difficultés économiques et budgétaires auxquelles sont confrontés de nombreux pays alliés.
10. Depuis la fin de la Guerre froide, les séminaires Rose-Roth offrent aux parlementaires un
forum essentiel où ils peuvent travailler avec ceux de leurs homologues de pays situés à l’intérieur
ou aux abords de l’espace euro-atlantique qui sont chargés de gérer les transitions politiques et
économiques. Ces séminaires sont l’occasion d’échanges d’informations, d’enseignements et de
connaissances sur la démocratisation et sur les réformes des secteurs de la sécurité, en même
temps qu’ils aident les parlementaires alliés à mieux comprendre l’évolution politique, économique
et stratégique de la région. Le séminaire GSM, pour sa part, est un lieu de rencontre où
parlementaires des pays de l’OTAN et de la région MOAN discutent de politique et de sécurité et
réfléchissent aux moyens d’améliorer la coopération.
II.
L’OTAN ET LA REGION MOAN
11. Mohamed Cheikh Biadillah et Karim Ghellab, présidents, respectivement, de la Chambre
des conseillers et de la Chambre des représentants du Parlement du Maroc, se sont félicités de la
coopération avec l’OTAN et ont plaidé pour un approfondissement des relations avec l’Alliance et
son Assemblée parlementaire. Selon eux, la contribution de l’Alliance à la transformation de la
région en une zone de stabilité et de prospérité est essentielle. Ils ont également souligné le fait
que le séminaire était placé sous le haut patronage du roi du Maroc, ce qui est normalement
réservé aux événements d’une nature exceptionnelle.
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12. Nabil Adghoughi, directeur général des relations bilatérales et des affaires régionales au
ministère des Affaires étrangères et de la coopération du Maroc, a indiqué que le resserrement
des relations transméditerranéennes et transatlantiques était l’une des principales orientations
stratégiques de la diplomatie marocaine, avec le renforcement de la cohésion du Maghreb et la
participation aux activités de forums mondiaux tels que les Nations unies. Le dialogue avec l’OTAN
et l’UE est placé sous le signe du respect mutuel et de la non-discrimination et laisse à chaque
pays la faculté de décider du rythme auquel il entend développer sa coopération avec les
institutions euro-atlantiques. L’intervenant a demandé une intensification de ce dialogue et son
adaptation à la nouvelle situation stratégique : en effet, la région MOAN n’est plus une question
mineure pour l’OTAN, qui l’a inscrite en bonne place à son ordre du jour.
13. Après avoir remercié ses hôtes marocains, M. Bayley a fait observer que la communauté
transatlantique avait besoin de savoir ce qui était en gestation dans la région MOAN et de
concevoir de nouvelles stratégies pour aider celle-ci à se transformer d’une manière stable et
encore plus ouverte. Il ne s’agit pas d’un jeu à somme nulle, a insisté le président ; l’Alliance
partage des intérêts avec la région et doit travailler en étroite coopération avec les principaux
acteurs des milieux gouvernementaux et parlementaires et de la société civile.
14. M. Brengelmann a évoqué la politique de l’OTAN à l’égard de la région MOAN, où les
changements se succèdent rapidement. Il a rappelé que les transformations qui ont eu lieu en
Europe centrale et orientale à l’issue de la Guerre froide ont, dans une large mesure, donné
d’excellents résultats parce que l’OTAN et l’Union européenne ont su anticiper sur les
événements. Et voilà que, depuis deux ans, le monde arabe connaît une agitation sans précédent :
les peuples de la région se sont levés et aspirent à la dignité, à la démocratie et à l’Etat de droit.
Ces changements ont suscité de nouveaux espoirs, mais aussi de nouvelles incertitudes. En Syrie,
la révolution a débouché sur de nouvelles souffrances pour une population aux mains de
dirigeants sans merci.
15. L’intervenant a fait remarquer que les peuples, l’économie et la sécurité de la communauté
euro-atlantique et de la région MOAN étaient liés entre eux et que les questions s’y rapportant
devaient être traitées conjointement. La coopération se poursuit depuis des années, tant dans le
contexte du Dialogue méditerranéen, entamé en 1994, que sous d’autres formes. L’Alliance
apprécie tout particulièrement la contribution du Maroc et d’autres pays de la région aux opérations
conduites par l’OTAN, telles que Unified Protector, qui est destinée à faire appliquer les résolutions
du Conseil de sécurité de l’ONU et de la Ligue arabe au sujet de la Libye.
16. L’intervenant a souligné que le Dialogue méditerranéen de l’OTAN avait bien supporté
l’épreuve du temps et qu’il s’était révélé efficace pour le développement de la coopération dans la
région. C’est aussi un forum unique en son genre pour l’analyse des problèmes de sécurité
communs et pour l’instauration d’une collaboration pratique entre secteurs militaires. Il devrait,
dans l’avenir, continuer à aider les pays de la région dans un domaine où l’OTAN possède une
expérience spécifique : celui de la réforme du secteur de la sécurité. Les spécialistes de l’OTAN
pourraient contribuer à la création de structures dans ledit secteur et à l’élaboration de concepts de
défense. L’OTAN continuera à mener une coopération sur mesure via des programmes de
partenariat individuels consacrés, par exemple, à l’amélioration de l’interopérabilité des forces
armées, à la réalisation d’exercices ou de cours de formation conjoints, ou encore, à la mise en
place de capacités locales de lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, le
terrorisme et la piraterie. La méthode consistant à uniformiser la coopération ne peut fonctionner
en l’occurrence, puisque les pays de la région ont des besoins différents en matière d’assistance
de la part de l’OTAN.
17. L’Alliance doit aussi travailler main dans la main avec d’autres partenaires régionaux et
internationaux ou parties prenantes qui mènent des activités dans la région MOAN, a ajouté
l’intervenant, qui a expliqué de quelle façon l’OTAN intensifiait sa coopération avec ses
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partenaires : par exemple, elle collabore avec l’ONU et l’UE dans des domaines comme la sécurité
des frontières et le désarmement, avec la Russie et la Chine dans la lutte contre la piraterie, et
avec l’Union africaine dans le secteur de la logistique.
18. M. Imbarcaouane a estimé que des séminaires comme celui-là offraient à la classe politique
malienne une occasion exceptionnelle d’en apprendre plus sur l’OTAN et de mieux comprendre les
valeurs et le programme de celle-ci à l’intention de la région MOAN. Il a estimé, entre autres, que
l’Alliance devrait s’efforcer davantage de démontrer qu’elle ne se résumait pas à des troupes et à
des bombardements et qu’elle possédait aussi une dimension non militaire – humanitaire et
politique – considérable. Il a instamment pressé l’OTAN de prendre en compte, à chaque fois
qu’elle entreprendrait une mission militaire dans la région, les effets collatéraux d’une telle mission
sur les pays voisins du théâtre des opérations.
19. M. Brengelmann répond que les programmes de l’OTAN dans la région n’ont pas tous un
caractère militaire. Par exemple, l’Alliance apporte son aide en cas de catastrophe naturelle ou de
situation d’urgence. Lorsqu’elle conçoit des programmes de partenariat individuels avec des
partenaires régionaux, elle évoque toujours la question de la démocratie, des droits humains, de
l’égalité des genres et de l’Etat de droit, non seulement parce qu’elle repose sur des valeurs, mais
parce que la sécurité et la stabilité ne peuvent perdurer que si ces valeurs sont préservées.
III.
LA SITUATION AU SAHEL
20. Les événements du Mali et la situation au Sahel en général ont formé l’un des thèmes
principaux du séminaire. Des parlementaires de l’Assemblée et des représentants des pays de la
région MOAN ont salué l’intervention de la France et le rôle joué par les pays voisins du Mali ainsi
que par les forces de la CEDEAO et se sont félicités des résultats obtenus. Le sentiment a
toutefois prévalu que la situation restait très dangereuse et que le problème débordait largement
les frontières du Mali. La sécurité n’a pas été complètement rétablie et certaines zones rurales
comme certaines villes ne sont pas entièrement sûres. Le récent attentat perpétré à Tombouctou
montre qu’al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) opère dans cette région du Sahel, qui échappe
à toute loi, et donne ainsi une dimension mondiale à la situation.
21. M. Adghoughi a déclaré que le Maroc était extrêmement préoccupé par la situation au Sahel,
car la région se transforme en un foyer d’activités criminelles : terrorisme, traite d’êtres humains,
trafic d’armes et de stupéfiants, piraterie, franchissement illégal de frontières, et même
dégradations environnementales. L’intervenant et d’autres participants de la région ont fermement
souscrit à l’idée d’une stratégie globale pour venir à bout de ces problèmes, une stratégie qui
associerait toutes les parties prenantes à l’échelon régional et international.
22. Les autorités marocaines prônent aussi l’extension du principe de l’autonomie à certaines
régions du Sahara, moyen le plus prometteur selon elles de réduire l’insécurité grandissante.
L’autonomie est offerte au Sahara occidental, dont le statut a fait l’objet de questions de la part de
plusieurs membres de l’Assemblée.
23. Nicole Ameline (France), vice-présidente de l’Assemblée, a souligné l’importance que la
France attache à la région du Sahel. L’action des autorités françaises et de ses partenaires de
l’OTAN et de la MISMA (Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine) s’est
traduite par une diminution considérable de l’activité des mouvements terroristes dans le nord du
Mali, mouvements qui ont essuyé de lourdes pertes en hommes et en matériel. Il faut cependant
rester vigilant, comme l’ont prouvé les attentats de Tombouctou.
24. Mme Ameline a précisé que la présence militaire de la France au Mali était temporaire, mais
que le retrait des troupes se ferait de manière responsable et prudente. Elle a également souligné
que l’objectif principal consistait maintenant à aider les forces armées maliennes à se préparer à
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assumer la responsabilité intégrale de la sécurité du pays. Le rôle de l’EUTM (Mission de
formation de l’UE) Mali et de la MISMA [laquelle est appelée à se transformer en Mission
multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA)] sera
capital pour la pérennisation des résultats de l’intervention française. L’intervenante a insisté sur
l’importance de la conférence de haut niveau qui réunira les pays donateurs d’aide au Mali à
Bruxelles en mai 2013.
25. A plus long terme, toutefois, la clé d’une stabilisation authentique du Mali sera largement
fonction du renforcement et de la réconciliation politiques à l’intérieur du pays. Mme Ameline s’est
félicitée de la création de la commission « Dialogue et réconciliation ». Les élections qui doivent
avoir lieu en juillet marqueront une étape cruciale dans le renforcement politique du Mali.
26. L’intervenante a fait remarquer que la communauté euro-atlantique pouvait tirer
de grandes leçons de la crise malienne. Celle-ci a montré une fois de plus que la crédibilité de
l’Alliance dans la région dépendait dans une large mesure de l’existence de capacités militaires
adéquates sur lesquelles pouvoir compter. Il convient aussi de stimuler la solidarité euro-atlantique
et de rationaliser le processus décisionnel entre Alliés. Enfin, il faut renforcer les mécanismes de
détection et de prévention des crises.
27. Mohamed Benhamou, président de la Fédération africaine des études stratégiques, a
souligné que ce serait une erreur de considérer le Sahel comme une région isolée. Les problèmes
que connaît celle-ci ou qui en proviennent dépassent ses frontières. La pauvreté et les difficultés
de gouvernance sont de puissants facteurs de déstabilisation, mais les facteurs extérieurs le sont
plus encore. Conséquence de sa situation géographique et de la porosité de ses frontières, le
Sahel est devenu une zone où la criminalité transfrontalière – traite d’êtres humains, trafic d’armes
et de stupéfiants (le Sahel est devenu une plaque tournante du trafic de cocaïne et d’armes de
petit calibre) – peut prospérer assez librement.
28. Les bandes armées expulsées de Libye et d’Algérie ont exploité le vide du pouvoir et
l’absence d’Etat de droit au Sahel. Ces bandes sont très souples dans leur configuration et
s’adaptent rapidement aux changements de circonstances sur le plan de la sécurité. Depuis la
défaite de leurs unités de grande taille par l’intervention internationale menée sous la conduite de
la France, les insurgés tendent à opérer en groupes plus petits et à adopter la tactique de la
guérilla. La montée du fondamentalisme et la présence de l’AQMI, très bien armée, font peser de
très graves menaces à l’échelle mondiale. L’intervenant a précisé qu’il ne voyait d’autre solution
qu’une riposte véritablement exhaustive et multidimensionnelle de la communauté internationale,
riposte qui pourrait s’accompagner d’une assistance socio-économique ; il a appelé les pays
développés à offrir un « plan Marshall » au Sahel.
29. M. Imbarcaouane a déclaré que l’intervention conduite par la France avait eu lieu à point
nommé, car son pays était sur le point de succomber à la menace terroriste. Il a rendu hommage
aux soldats français et à ceux des pays de la Cedeao qui avaient sacrifié leur vie pour aider le Mali
et tout le continent africain. Le Mali et quelques pays voisins sont confrontés à un terrorisme
d’origine internationale, plutôt qu’intérieure.
30. L’intervenant a également déclaré que le plan de route du Mali était placé sous le signe de la
stabilité ; ce plan prévoit le rétablissement du contrôle gouvernemental sur l’ensemble du territoire
national, la mise en place de la commission de réconciliation et l’organisation d’élections
présidentielle et législatives. Le Mouvement national de libération de l’Azaouad (MNLA) ne devrait
pas être exclu de la vie politique malienne s’il souhaite en faire partie et s’il en reconnaît la nature
laïque. Il faut toutefois qu’il commence par déposer les armes. Les autorités maliennes sont
disposées à redoubler d’efforts pour satisfaire les besoins de la communauté touareg.
31. Yoma Golom Routouang, membre de l’Assemblée nationale du Tchad, a appelé l’attention
des participants sur le fait que le Mali n’est pas le seul à être concerné : une zone beaucoup plus
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vaste, constituée de pas moins de onze pays membres de la CEDEAO, est touchée par des
conflits armés qui sapent le développement économique de la région. La diplomatie tchadienne
s’efforce de vivre en paix avec ses voisins immédiats. Elle fournit une assistance militaire à ceux
d’entre eux qui sont en butte à la violence et qui font appel à elle ; l’exemple le plus récent est celui
du Mali. Gilbert Le Bris (France) a déclaré que les soldats tchadiens étaient bien entraînés et
qu’ils s’étaient montrés courageux ; leur aide a été précieuse.
IV.
UNE REVOLUTION EN COURS : LE POINT SUR LA SITUATION EN SYRIE
32. Les participants au séminaire ont consacré beaucoup de temps à la Syrie, où la situation est
désespérée et où les besoins sont immenses. Les flux de réfugiés posent d’énormes problèmes
aux pays de la région et, singulièrement, à la Jordanie, où le nombre de Syriens ayant fui leur
patrie pourrait désormais atteindre le million. Le conflit ne fait qu’attiser les tensions
confessionnelles et pousse à l’affrontement les communautés chiite et sunnite.
33. Mohammed Taj-Eddine El Houssaini, vice-président du Centre d’études andalouses et du
dialogue entre les civilisations, a évoqué les efforts diplomatiques déployés pour parvenir à la paix
en Syrie. Il a noté que le conflit se transformait en guerre par procuration où les protagonistes non
syriens jouaient un rôle de plus en plus prépondérant. L’Arabie saoudite, Israël, l’Iran, les pays
occidentaux et la Russie sont tous parties prenantes à cette crise. Puisque l’ONU et la Ligue arabe
ne parviennent pas à trouver une solution diplomatique, les principaux pays de la région et de ses
environs devront prendre des mesures pour réconcilier leurs intérêts afin de trouver le moyen de
régler la crise. Les dilemmes auxquels les pays occidentaux se voient confrontés sont nombreux,
car il semble bien que les fondamentalistes exercent une domination croissante sur les
combattants de l’opposition.
34. Salam Kaouakibi, directeur adjoint et directeur de la recherche de l’Arab Reform Initiative et
lui-même syrien, a décrit avec beaucoup d’émotion la situation sur le terrain et a appelé de ses
vœux une intervention occidentale. Il s’agit non d’une guerre civile, mais bien d’une guerre contre
la Syrie menée par un régime brutal. Une centaine de milliers de personnes ont été tuées et
quelque trois millions de Syriens ont été déplacés. Cette brutalité sans bornes n’est pas nouvelle
en Syrie : cela fait des dizaines d’années que le régime réprime toute activité de l’opposition.
L’intervenant a regretté que le régime el-Assad ait été si bien considéré par la communauté
internationale dans le passé. Il a été qualifié – à tort – de séculier, alors que, de facto, il promouvait
l’islamisme et le djihadisme. Une autre légende présente le régime d’el-Assad comme un régime
alaouite. Les Alaouites constituent 12 % de la population et forment une minorité victime de la
situation. Ce sont des otages du régime. Plusieurs chefs de l’opposition sont des Alaouites.
35. De plus en plus, la communauté internationale est accusée d’irresponsabilité. L’aide que
fournit celle-ci est moindre que celle de la diaspora syrienne. On prétend souvent que seules la
Russie et la Chine sont responsables de l’inertie affichée par le reste du monde, puisque, très tôt,
les dirigeants européens et américains ont affirmé que le régime en place devait se retirer. Mais
les puissances occidentales ont aussi leur part de responsabilité, car elles n’ont aucun projet pour
l’avenir de la Syrie. L’islamophobie qui règne dans le monde occidental fait également partie du
problème, a affirmé l’intervenant.
36. Christopher Phillips (Université de Londres) a parlé de la situation en Syrie sur le plan de
la sécurité et de ses incidences régionales. L’Etat syrien est en train de s’effondrer lentement. Les
forces de l’opposition contrôlent de larges pans du nord et de l’est du pays. Elles se déploient
progressivement dans l’est et vers le sud dans l’espoir d’atteindre Damas des deux côtés.
37. Il est clair désormais qu’el-Assad n’abandonnera jamais le pouvoir. Il a adopté la politique de
la terre brûlée et manipulé les minorités – et, plus spécialement, les Alaouites – pour les amener à
penser qu’il en allait de leur survie ; tout cela montre qu’il préférerait morceler le pays en fiefs
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confessionnels plutôt que de quitter la tête de l’Etat. Il a été encouragé dans son cynisme et dans
sa volonté destructrice par de puissants alliés internationaux, la Russie, l’Iran et le Hezbollah, qui
lui ont fourni tantôt un soutien diplomatique ou financier, tantôt des armes et des combattants.
Aucun d’eux ne nourrit une affection particulière pour el-Assad, mais ils craignent qu’une victoire
de l’opposition ne fasse basculer la Syrie dans la sphère d’influence saoudienne et occidentale.
38. Les efforts des pays occidentaux, de la Turquie et des pays du Golfe pour unifier l’opposition
en exil, autrement dit la Coalition de l’opposition syrienne (COS), ont largement échoué et des
divergences se sont fait jour autour de questions idéologiques, de liens personnels et de soutiens
extérieurs. Les combattants djihadistes, qui rejettent totalement la COS, sont de plus en plus
nombreux : des combattants étrangers viennent grossir leurs rangs et ils utilisent les distributions
de l’aide humanitaire dans les régions dévastées par le conflit pour gagner le soutien de la
population locale. Même si el-Assad tombe, une guerre civile risque de se poursuivre sous une
forme ou une autre, a dit M. Phillips.
39. L’intervenant a estimé qu’à l’échelle de la région la tendance à une confrontation entre
sunnites et chiites représentait un grave danger. Cette confrontation a déjà lieu en Syrie, mais elle
pourrait avoir des répercussions néfastes à l’échelle de toute la région. Jusqu’ici, la majorité des
Syriens ont pu résister aux violences confessionnelles, mais cela pourrait changer et l’on peine à
imaginer comment, dans ce cas, la société syrienne pourrait jamais se reconstruire.
40. L’intervenant a soumis quatre recommandations à l’attention des pays membres de l’OTAN.
Premièrement, les voisins de la Syrie ont besoin d’une aide accrue sur le plan économique et sur
celui de la sécurité, ne fût-ce que pour pouvoir s’occuper des millions de réfugiés. Deuxièmement,
il ne convient pas d’armer les insurgés : quelles que soient les intentions initiales, les livraisons
d’armes risqueraient de tomber entre de mauvaises mains. Troisièmement, il faut s’efforcer de
convaincre les puissances régionales qui soutiennent l’un ou l’autre camp de renoncer à leur vision
du jeu à somme nulle. Enfin, il faut retourner à l’ONU. Des compromis doivent être faits par toutes
les
parties pour empêcher la désintégration de la Syrie. Il pourrait être envisagé de permettre à
la Russie de continuer à exercer son influence sur un gouvernement de transition comportant
quelques figures de l’ancien régime.
V.
LE DEFI DE L’IRAN A LA SECURITE DU MOYEN-ORIENT ET DU MONDE
41. La rapporteure du GSM, Raynell Andreychuk (Canada), a présenté le rapport sur le défi
que lance l’Iran à la sécurité du Moyen-Orient et du monde entier. Elle a tout d’abord fait observer
que le programme nucléaire iranien constituait l’une des principales menaces pesant sur la paix et
sur la sécurité de la planète. Il façonne inéluctablement les conditions dans lesquelles l’Alliance
opère sur le plan, précisément, de la sécurité. Pourtant, il s’est révélé difficile de bâtir un
consensus international sur la meilleure façon de gérer cette crise. Bien qu’ils fassent montre de
cohésion dans l’application d’un régime de sanctions contre l’Iran, les Etats-Unis et leurs alliés ont
parfois été divisés quant à l’attitude à adopter. La rapporteure a estimé que la communauté
internationale avait besoin de mieux comprendre comment la politique intérieure dictait les
ambitions nucléaires de l’Iran et comment se positionnaient à ce propos les protagonistes de la
scène intérieure iranienne – c’est-à-dire la société, le régime et même l’opposition, fût-elle
réprimée. Cependant, les préoccupations, les intérêts et les réactions éventuelles d’autres acteurs
régionaux majeurs (pays du Golfe et, plus largement, du Moyen-Orient) comme ceux de la Russie
et de la Chine doivent être pris en compte dans l’élaboration de la stratégie occidentale.
42. En tant que signataire du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) et d’un
accord de garanties généralisées, l’Iran est autorisé à utiliser la technologie nucléaire à des fins
pacifiques. Les inquiétudes de la communauté internationale quant aux capacités nucléaires
militaires du pays et aux intentions de ce dernier s’expliquent par le fait que les autorités de
Téhéran ont dissimulé à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) des volets
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importants du programme, contrevenant ainsi aux dispositions du TNP et de cet accord de
garanties. Elles s’entêtent à contester les preuves recueillies par les experts de l’AIEA, certes,
mais aussi le droit de celle-ci d’enquêter sur des cas de manquement à des obligations d’ordre
nucléaire.
43. Sur le plan diplomatique, l’intervenante a signalé que le Conseil de sécurité de l’ONU avait
adopté six résolutions sur le programme nucléaire iranien. Ces résolutions sont juridiquement
contraignantes et prévoient des sanctions d’une sévérité progressive contre l’Iran, les entités
iraniennes et les ressortissants iraniens. Les autorités de Téhéran semblent utiliser les
négociations pour gagner du temps qu’elles mettent à profit pour avancer dans l’exécution du
programme.
44. Selon Mme Andreychuk, la question nucléaire s’inscrit dans un défi stratégique de plus
grande ampleur. L’Iran est au centre même du nœud pétrolier le plus important du monde. Sa
position sur le détroit d’Ormuz et la mer Caspienne revêt une importance stratégique énorme.
Toute interruption du trafic maritime dans ces zones aurait des répercussions extrêmement
fâcheuses à l’échelle de la planète. Israël considère le défi iranien comme un défi à sa propre
existence, du moins pour l’instant. Malgré l’implication de quatre de ses membres, l’OTAN, pour sa
part, n’est pas un protagoniste de la crise iranienne. Les enjeux de celle-ci ne sauraient toutefois
laisser l’Alliance indifférente. Si l’Iran se dotait d’une arme nucléaire en état de fonctionnement,
l’Alliance se trouverait, pour la toute première fois de son existence, en présence de deux pays
possédant un arsenal nucléaire et situés à ses frontières directes. Ce bouleversement de la
situation militaire exigerait un remaniement en profondeur de la stratégie et du dispositif militaire
de l’OTAN. Cependant, les membres de l’Alliance sont divisés sur la question de l’attitude à
adopter face au problème iranien. Ces divisions sont l’une des raisons pour lesquelles l’Iran figure
à peine à l’ordre du jour des Alliés, même si l’OTAN aménage son système limité de défense
antimissiles en pensant essentiellement à ce pays.
45. Plusieurs risques sont liés à l’acquisition d’armes nucléaires par l’Iran. Le pays pourrait se
transformer en catalyseur d’une prolifération de ces armes dans la région. Des accidents
nucléaires, ou encore, le vol ou l’utilisation non autorisée d’armes nucléaires constitueraient autant
de menaces graves. Par ailleurs, les autorités de Téhéran pourraient être tentées de partager leurs
technologies nucléaires avec leurs alliés ou leurs partenaires ou de les vendre à des Etats plus
éloignés. Un Iran nucléarisé serait un acteur régional plus agressif et pourrait limiter les
déploiements occidentaux dans la région, compliquant ainsi les efforts consentis pour lutter contre
le terrorisme et la piraterie et préserver le libre accès aux voies de communication maritimes de la
région.
46. La rapporteure s’est demandé si le recours à la force armée serait envisagé au cas où des
mesures diplomatiques et économiques ne parviendraient pas à convaincre les dirigeants iraniens
de mettre un terme à leur programme nucléaire militaire. Manifestement, toute attaque contre les
installations nucléaires stratégiques – installations souvent « durcies » – serait extrêmement
complexe d’un point de vue militaire et il serait excessivement difficile de circonscrire une telle
opération, tout comme il serait très difficile d’obtenir un consensus à son propos.
47. Mme Andreychuk a conclu en déclarant que l’OTAN devait suivre attentivement l’évolution
de la situation et faire constamment le point sur l’attitude à adopter en fonction de cette évolution.
La communauté internationale devra définir des critères communs qui l’aideront à appréhender le
moment où l’Iran sera sur le point d’atteindre le seuil nucléaire. L’accent devrait être mis sur un
règlement négocié. Le problème consiste à renforcer la cohésion internationale autour de ces
grands points tout en maintenant la communication avec Téhéran.
48. Des participants ont soulevé divers points lors du débat qui a suivi l’intervention de la
rapporteure. Premièrement, le rapport devrait faire mention de la création d’une zone exempte
d’armes nucléaires au Moyen-Orient, question à laquelle certains analystes et gouvernements
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réfléchissent très sérieusement. Il devrait aussi évoquer l’offre de la Turquie d’aider l’Iran à enrichir
son combustible nucléaire en échange du respect par les autorités de Téhéran des obligations que
leur impose le TNP. Plusieurs participants ont demandé que le rapport insiste sur l’importance de
parvenir à une solution politique à la crise, encore que d’autres participants aient indiqué que cela
n’excluait pas nécessairement une solution militaire. Certes, une intervention militaire implicite de
la communauté internationale pourrait être un précieux instrument de négociation. Mais, à
l’évidence, le recours à une telle solution aurait des implications potentiellement catastrophiques ;
il doit donc n’être envisagé qu’en tout dernier ressort. Cela signifie qu’une action diplomatique
intensive associant des protagonistes comme la Russie ou la Chine est tout aussi essentielle. Un
participant a demandé que le rapport dresse un historique succinct des ambitions nucléaires de
l’Iran, de manière à mieux replacer la situation en perspective. Il a été noté aussi que le rapport
devait mentionner la nécessité d’un système de défense antimissiles. Un participant a estimé que
les répercussions des sanctions devaient être traitées plus en profondeur. Enfin, plusieurs
participants ont estimé que, compte tenu de la gravité du problème, il conviendrait d’organiser une
conférence consacrée à toutes les facettes du défi nucléaire iranien.
49. La rapporteure a remercié les participants de leurs suggestions, a convenu que le rapport
devrait être actualisé en fonction de celles-ci et comporter, notamment, une analyse du scrutin à
venir, des répercussions des sanctions et de la situation des droits humains dans le pays.
VI.
TRANSITION POST-REVOLUTIONNAIRE DANS LA REGION MOAN : PROGRES ET
OBSTACLES
50. Les participants ont chaleureusement applaudi aux efforts opportuns déployés par les
dirigeants marocains pour engager des réformes démocratiques, lesquelles ont permis au pays
d’absorber quelques-uns des chocs et de se maintenir en avant de la vague des soulèvements
arabes. La transformation démocratique d’autres pays de la région est plus désordonnée et les
derniers événements en Egypte sont particulièrement préoccupants.
51. Kenza el-Ghali, députée au Parlement du Maroc, a indiqué qu’à la suite des récents
changements constitutionnels, les pouvoirs du Parlement avaient considérablement augmenté.
Cette institution est désormais la seule habilitée à légiférer. Elle a également obtenu des moyens
supplémentaires de contrôle du gouvernement et des pouvoirs budgétaires.
52. Qui plus est, les citoyens ont maintenant plus de possibilités de prendre part directement au
processus politique et de soumettre des projets de loi. La société civile, y compris les
organisations s’occupant des femmes et des droits humains, a été largement associée à la
rédaction de la nouvelle Constitution. Celle-ci garantit une protection totale de la diversité
culturelle, ethnique et linguistique. L’intervenante estime que le modèle et l’expérience du Maroc
pourraient être suivis et reproduits dans d’autres pays connaissant une transformation
démocratique.
53. Dans son exposé, H.A. Hellyer (Brookings Institution), s’est concentré sur la situation en
Egypte. Il a fait observer que, dans ce pays, la révolution se poursuivait, car bon nombre des
problèmes hérités du régime Moubarak attendaient encore une solution.
54. L’Egypte a sérieusement besoin de profondes réformes, mais le gouvernement en place ne
dispose pas de la large confiance populaire qui lui permettrait de les mener à bien sans rencontrer
d’opposition ; l’ironie veut que le Conseil suprême des forces armées (CSFA) dispose précisément
de la forte légitimité requise pour engager des réformes révolutionnaires, mais il n’en a pas la
volonté. Le chef de l’Etat, Mohamed Morsi, a été élu de justesse et les réformes qu’il entreprend
sont essentiellement conçues pour asseoir son pouvoir plutôt que pour satisfaire les
revendications de justice et de dignité humaine de la place Tahrir.
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55. Le formidable appareil de sûreté de l’Etat – l’un des piliers du régime Moubarak – a été
démantelé mais, pendant la période de transition où le CSFA était au pouvoir, l’Etat de droit n’a
pas été restauré. Les institutions de l’Etat continuent à s’éroder, ce qui peut avoir de très graves
conséquences et se traduire par des troubles de l’ordre public.
56. Si les tendances actuelles se maintiennent, la consolidation de la révolution égyptienne
prendra du temps. La situation est insoutenable, d’autant que l’économie continue à se détériorer.
Si les dirigeants ne décident pas rapidement de dialoguer avec l’opposition et de travailler à une
réconciliation nationale, les choses risquent de prendre une tournure explosive, a dit l’intervenant.
57. Autre grand thème du séminaire : la contribution de la communauté internationale à la
transformation démocratique de la région. Le professeur Michael Clarke, directeur général du
RUSI (Royal United Services Institute), a posé la question de savoir si un parallèle pouvait être fait
entre la transition en Europe du Sud-Est et celle de la région MOAN. Selon lui, la situation est très
différente : non seulement les barrières idéologiques étaient moins nombreuses entre les pays
d’Europe occidentale et ceux d’Europe de l’Est, mais l’Ouest connaissait une période de
croissance économique.
58. La situation géopolitique s’est considérablement modifiée depuis les années 90, car il ne
peut plus être tenu pour acquis que les pays occidentaux seront toujours puissants et prospères.
De nouveaux centres de pouvoir font leur apparition à l’échelle mondiale. De plus, de nouveaux
processus, tel le confessionnalisme, prennent de l’ampleur dans la région. L’intervenant a donc
estimé que la transition de la région MOAN serait probablement plus lente et moins directe, mais
qu’elle pourrait quand même aboutir.
59. M. Kaouakibi a convenu que les processus qui se déroulent dans la région ne sauraient être
qualifiés de tout noirs ou tout blancs. Certes, la situation qui règne en Egypte est préoccupante,
mais l’on ne saurait sous-estimer la remarquable transformation de la Libye, où l’évolution des
choses – dont la victoire électorale des libéraux, l’existence d’une société civile dynamique et
l’instauration d’un système de partis politiques – a donné tort aux sceptiques. A bien des égards,
on peut aussi se féliciter de la situation en Tunisie.
60. L’intervenant a convenu aussi que la situation était très différente de ce qui s’était passé en
Europe centrale et orientale ; il a estimé qu’une analyse du processus de transformation qu’avaient
connu l’Espagne, le Portugal et l’Amérique latine serait plus pertinente. Il a aussi invité les
gouvernements occidentaux désireux d’apporter leur aide à des organisations de la société civile
de s’assurer que cette aide n’allait pas à des organisations non gouvernementales fictives ou
contrôlées par les autorités.
61. Greg Power, directeur de Global Partners and Associates, a évoqué la dimension
parlementaire de la transformation démocratique dans la région MOAN. L’instauration de la
démocratie parlementaire est confrontée à divers obstacles, dont le fossé qui existe entre les
pouvoirs théoriques des parlements et la faculté pour les parlementaires de les exercer
pleinement. Le système des partis politiques est encore faible et des problèmes se posent aux
deux extrémités de l’échelle : une multiplication abusive des partis ou la prépondérance d’un seul.
De nombreuses formations nouvelles connaissent des problèmes de discipline et de manque de
confiance. Les partis islamistes existent depuis plus longtemps et peuvent compter sur de vastes
réseaux sociaux, mais ils sont habitués à être dans l’opposition et ne sont pas toujours à l’aise dès
qu’il s’agit d’assumer des responsabilités. De leur côté, les responsables gouvernementaux ont
souvent le sentiment qu’ils n’ont pas à rendre de comptes aux parlements. Les parlementaires ne
font pas toujours la distinction entre les branches exécutive et législative. La compréhension de la
culture parlementaire, que l’on tient pour acquise dans les pays occidentaux, manque encore à
l’appel dans la région MOAN. Mais il a fallu des décennies aux pays occidentaux pour développer
cette culture, laquelle ne peut apparaître du jour au lendemain dans la région en question.
L’intervenant s’est dit persuadé qu’elle finirait par se développer là aussi.
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62. Linda Duffield (Westminster Foundation for Democracy – WFD) a décrit la contribution de
sa fondation au processus de réforme dans le monde arabe. Elle a souligné que les partenaires
occidentaux devaient respecter la souveraineté des pays concernés et veiller à ne pas s’immiscer
dans la politique intérieure. Ce sont les institutions locales qui doivent conduire le changement,
tandis que les sociétés occidentales doivent fournir leur assistance. La WFD travaille avec de
nombreux parlements de la région, les aidant à mettre en place des systèmes de surveillance, de
contrôle budgétaire, de vérification et de recherches, formant les nouveaux parlementaires et, en
particulier, aidant les femmes parlementaires. Elle apporte l’expérience du Royaume-Uni, certes,
mais aussi d’autres pays de la région. Elle va au-devant de tous les protagonistes politiques, y
compris ceux qui professent les valeurs islamiques, mais aussi des jeunes et des organisations de
la société civile.
63. Stephen McInerney, directeur exécutif du Project on Middle East Democracy (POMED), a
parlé du soutien des Etats-Unis à une région MOAN en pleine évolution. L’aide américaine à cette
région a augmenté de 20 % depuis les soulèvements arabes. Cependant, les pressions qui
s’exercent sur l’économie des Etats-Unis et sur le budget fédéral la restreignent désormais. Ainsi,
l’aide extérieure américaine a diminué de 10 % à l’échelle mondiale. Selon l’intervenant,
l’assistance des Etats-Unis à la région est actuellement de 8 milliards de dollars, dont 80 % sous la
forme d’une aide militaire et 14 % sous la forme d’une aide économique. Les quelque 5 % restants
vont au secteur « Démocratie et gouvernance » : une moitié échoit au soutien aux parlements et à
la primauté du droit, un tiers à la société civile et le solde à la défense du pluralisme et à
l’observation électorale.
64. La Libye bénéficie d’une aide considérable, alors qu’elle ne recevait rien sous l’ancien
régime. Depuis des dizaines d’années, l’Egypte est l’un des principaux bénéficiaires de l’aide
américaine. L’aide militaire fournie à ce pays ne s’est pas modifiée, mais l’aide économique a été
suspendue par le Congrès en raison des préoccupations suscitées par l’évolution de la situation.
65. On reproche aux Etats-Unis de ne pas encourager les progrès dans le domaine des droits
humains. Leurs interventions diplomatiques sont souvent critiquées pour leur étroitesse de vues et
pour leur focalisation sur la sécurité et la stabilité à court terme au détriment de la démocratie. Ils
veulent certes contribuer à la stabilisation de la région, mais ils ignorent la dimension politique de
cette transition. Ils doivent comprendre que les problèmes économiques et les problèmes de
sécurité de la région ont des causes politiques.
66. Sur le plan militaire, les Etats-Unis hésitent généralement à recourir à la force armée,
conséquence des traumatismes du passé, et la Libye était une exception. Ils ne rechignent pas ou
guère, toutefois, à fournir des armes et du matériel aux gouvernements de la région, y compris aux
régimes autoritaires. Dans le prolongement des soulèvements arabes, les ventes d’armes
américaines aux pays du monde arabe ont plus que triplé. Certains voient dans cette tendance
une manière de protéger les bénéficiaires contre l’Iran, tandis que d’autres y voient une manière
de les protéger des changements intérieurs. En guise de conclusion, M. McInerney a déclaré que
les Etats-Unis ne ménageaient pas leurs efforts pour gagner en crédibilité dans la région, mais
qu’ils n’y étaient pas encore parvenus.
67. Dans son exposé, M. Mellado Pascua a insisté sur le soutien de l’Union européenne à la
construction de la démocratie dans la région MOAN. Il a fait observer que ladite région venait en
tête des priorités à long terme de l’UE. Celle-ci a adapté sa politique en fonction des processus qui
s’y déroulent. Le soutien à la démocratie et à la transition démocratique est au cœur de cette
politique. Cette stratégie est conçue pour appuyer des politiques déjà engagées et pour éviter les
interférences. Les traditions démocratiques ne peuvent être exportées. Le concept du « plus pour
plus » est destiné à venir en aide aux pays qui sont prêts à progresser.
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68. La politique de l’UE envers la région se fonde aussi sur ce que l’on appelle en anglais
les « 3 M » (Money, Mobility and Market), autrement dit : plus d’argent, une plus grande mobilité et
un meilleur accès au marché. L’Union offre une aide financière destinée à contribuer au processus
de réforme et, essentiellement, aux réformes judiciaires et économiques et à la lutte contre la
corruption. Elle s’engage aussi à faciliter la mobilité des habitants de la région en facilitant les
voyages à destination de ses Etats membres. Enfin, l’accès au marché est une composante
majeure du partenariat UE-Région MOAN. L’UE voudrait rendre cet accès plus aisé ; par exemple,
elle étudie la possibilité de signer avec le Maroc un vaste accord portant sur l’aménagement d’une
zone de libre-échange.
69. Dans le contexte des efforts qu’elle déploie pour soutenir le processus de réforme, l’UE
cherche à traiter avec les gouvernements de la région MOAN, certes, mais elle souhaite aussi
travailler avec la société civile et l’aider financièrement. C’est là un élément fondamental de la
nouvelle stratégie axée sur la démocratie de l’Union européenne vis-à-vis de la région.
70. Giji Gya du Centre pour le contrôle démocratique des forces armées de Genève (DCAF) a
parlé de la contribution de son organisation dans le contrôle démocratique du secteur de la
sécurité dans la région MOAN. Le DCAF, qui compte 61 membres, se propose d’aider les pays
concernés à améliorer la gestion du secteur en question, de le rendre plus transparent et d’obtenir
qu’il rende davantage de comptes. Il travaille avec une large gamme d’institutions, dont la police,
les forces armées, les services de renseignement, la justice et les institutions pénales, les autorités
frontalières, les organes de surveillance parlementaire et les services du médiateur, ainsi qu’avec
le secteur privé, la société civile et les médias.
71. Le rôle des parlements dans le contrôle démocratique des secteurs de la sécurité et de la
défense est vital. Les Constitutions nationales devraient comporter des dispositions spécifiques à
cet égard. Le DCAF aide les législateurs à se doter des capacités requises, notamment en
proposant aux nouveaux parlements et gouvernements des bases de données et les résultats de
divers travaux de recherche. Ces résultats sont disponibles dans trente langues. Le Centre
coordonne ses activités avec celles d’autres organisations internationales, dont l’Assemblée
parlementaire de l’OTAN, l’OSCE et l’ONU (PNUD). Il s’occupe de projets dans la plupart des pays
de la région MOAN et du Golfe et s’efforce d’encourager les activités de réappropriation locale et
de coopération. Il accorde en outre beaucoup d’attention aux questions d’égalité des genres.
72. Les participants au séminaire se sont également penchés sur les aspects économiques de la
transformation de la région. Simon Neaime, doyen de la faculté d’économie de l’Université
américaine de Beyrouth, a indiqué que, pour 2013, le taux de croissance moyen de la région
MOAN devrait atteindre 2,2 % (contre 6,4 % en 2008), soit un chiffre inférieur à la moyenne
mondiale mais supérieur à ceux de la plupart des pays développés. Les problèmes que
connaissent ceux-ci ont des retombées négatives sur la région MOAN. Le niveau des
investissements étrangers directs (IED) restent peu élevés. Compte tenu du faible niveau des
échanges intrarégionaux, de politiques monétaires rigides et des risques de désordres de nature
politique ou militaire, les perspectives économiques ne sont guère brillantes. Les bouleversements
politiques et militaires n’ont pas encore fait sentir tous leurs effets sur la croissance, l’emploi, la
pauvreté, les indices de développement humain (santé et éducation). Les déséquilibres
macroéconomiques existants sont une source de préoccupations ; faute de mesures adéquates,
certains pays pourraient être confrontés à une crise de la dette. De nouveaux troubles sociaux ne
sauraient être exclus, a conclu l’intervenant.
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