témoignage maquilleurs reconnus

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témoignage maquilleurs reconnus
Secrets de maquilleurs au cinéma
Par Valentine Pétry, publié le 23/05/2012 à 10:17
Pendant tout le tournage, ils partagent l'intimité des actrices, les embellissent
et créent leur personnage avec elles. A l'occasion du Festival de Cannes,
rencontre avec ces artistes méconnus.
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"Nous devons disparaître à l'écran. Ce qui compte au cinéma, c'est une émotion. Notre travail doit être
invisible." C'est l'une des plus grandes pointures du maquillage français, Didier Lavergne, oscarisé en
2008 pour sa transformation de Marion Cotillard en Edith Piaf dans La Môme, qui parle. Antistar,
homme de l'ombre, il travaille depuis quatre décennies auprès des plus grandes actrices sans
chercher la lumière. De fait, le maquilleur de plateau est un discret. Tous ont le même mot à la
bouche: le "naturel". D'ailleurs, les grands pays du cinéma les récompensent -aux Etats-Unis, l'oscar
existe depuis 1981. En Grande-Bretagne aussi: Paul Engelen, maquilleur de Natalie Portman
pour Star Wars (1999, photo ci-dessous), a reçu un British Academy Award-, il n'y a pas d'équivalent
en France.
Natalie Portman dans Star Wars, Episode 1: La Menace fantôme.
Lucasfilms Ltd/DR
Un maquillage est réussi "lorsqu'on ne remarque pas notre travail". Ces rois du pinceau sont pourtant
indispensables sur un plateau. Pénétrant dans l'intimité des actrices en touchant, transformant,
magnifiant leur peau, ils les aident à composer leur personnage. Et surtout, ils partagent leurs derniers
moments avant de jouer. Christophe Danchaud, qui a souvent maquillé Vanessa Paradis et Monica
Bellucci, et qui s'est maintenant tourné vers la photo de mode, explique: "Il y a presque une pointe de
jalousie chez certains réalisateurs, puisque l'étape maquillage est un moment de contact intense."
Marion Cotillard dans la comédie musicale Nine.
The Weinstein Company-Lucamar Productions/DR
Ce moment crucial est calfeutré, car "les actrices sont à notre merci. Il est nécessaire d'instaurer une
grande confiance, une complicité". La maquilleuse Aurélie Elich renchérit: "C'est un moment sacré,
très agréable pour une comédienne: on entre à une heure précise dans la loge, la porte se ferme et
on sait qu'on ne sera pas dérangé. Même lorsque le réalisateur veut parler à l'actrice, il prend rendezvous." Un assistant-réalisateur garde la porte. Derrière, toutes les combinaisons sont possibles: c'est
un moment de concentration, de détente ou l'occasion de travailler son texte. "Parfois, avant une
scène compliquée, les actrices confient leur appréhension. J'ai alors l'impression qu'on retire le
masque." Certaines actrices imposent parfois un maquilleur sur leur tournage, mais ce n'est pas la
norme, car il n'est pas question de le transformer en psy! Didier Lavergne confirme: "J'ai
accompagné Romy Schneider pendant dix films. Mais il y a des limites à cette relation, sinon on se
sclérose, on ne s'apporte plus rien, on devient presque une personne de compagnie." "Pour la
comédie musicale Nine, raconte Christophe Danchaud, c'est Marion Cotillard qui m'a appelé. On
voulait un look sixties. En réfléchissant, on s'est dirigé tous les deux vers un look inspiré d'Audrey
Hepburn. Sans qu'elle me l'ait vraiment demandé, c'était ce qu'elle souhaitait. Ensuite, le
réalisateur Rob Marshall a donné son accord."
Pour donner un visage à un personnage, il faut rechercher la justesse, pas forcément la
beauté
Pour donner un visage à un personnage, il faut rechercher la justesse, pas forcément la beauté. "C'est
le plus intéressant, poursuit Christophe Danchaud. On est au coeur de la création artistique, au plus
près du travail de cinéaste. C'est un véritable travail intellectuel, plus que sur un shooting de mode,
par exemple." Sa référence du maquillage parfait? "Annie Girardot dans Rocco et ses frères. Très
contemporaine et à la fois moderne, sensuelle et emprunte d'une grande dureté dans certaines
scènes."
Le chef maquilleur dialogue avec le réalisateur pour savoir ce qu'il imagine, puis "se met au service de
l'actrice", explique Didier Lavergne. Cela commence avant le tournage, pendant les lectures. Tout est
source d'inspiration. "Sur le tournage de La Fille sur le pont, on voulait amener quelque chose de la
mode dans le personnage de Vanessa Paradis. Je m'étais donc créé des mood boards de textures et
de couleurs inspirées des défilés."
Vanessa Paradis dans La jeune fille sur le pont.
DR
Bien sûr, la connaissance du cinéma nourrit le travail des maquilleurs: on cherche la brillance des
films des années 1930, le glamour des années 1950... Et tout ne se fait pas du premier coup. "Pour
créer Cléopâtre, incarnée par Monica Bellucci dans Astérix et Obélix, Alain Chabat m'avait demandé
de m'inspirer de la bande dessinée: il fallait que ce soit ludique, léger, influencé par les hiéroglyphes
égyptiens et en même temps très glamour. On a fait de nombreux essais avant de trouver le
maquillage ad hoc." Le travail ne se cantonne pas à l'application d'un fond de teint sur la star du film.
Scarlett Johansson dans La jeune fille à la perle.
Delux-Pathé Pictures/DR
Sur le tournage de La Jeune Fille à la perle, qui raconte la genèse de la peinture de Vermeer, Aurélie
Elich était chargée du maquillage des seconds rôles et de la figuration, soit environ 300 personnes.
"J'ai écumé les musées d'Amsterdam, de Bruges et fait des recherches sur l'esthétique des œuvres
du Siècle d'or. Je voulais étudier la forme des visages, les couleurs et les lumières des Pays-Bas.
Grâce à cela, j'ai opté pour des teints très pâles, laiteux, des visages ronds et doux, des sourcils
effacés, des joues roses, saines et naturelles. Les teints étaient plus bruts et granuleux qu'en
général."
Mais tout ne se prépare pas toujours des mois à l'avance. Didier Lavergne a été contacté 15 jours
avant le tournage de La Môme, qui lui a valu son Oscar. "Les prothèses que Marion Cotillard avait
essayées ne convenaient pas, elles faisaient trop marionnette. J'étais en compétition avec des
pointures américaines, deux personnes déjà oscarisées. En acceptant, je savais que je prenais des
risques." Il décide de travailler sans prothèses, pour un résultat naturel. "Il me fallait une méthode très
précise. Le maquillage durait quatre heures et demie. Pour combler la différence d'implantation des
cheveux, j'ai annoncé à Marion qu'il fallait qu'elle se rase le crâne sur 1,5 centimètre." Il a aussi dû
trouver des solutions pour gérer les différentes époques de la vie d'Edith Piaf. Jeune, elle avait des
sourcils très fournis, puis elle se les rasait... "J'ai prévenu Marion qu'elle aurait l'air un peu
extraterrestre", confie-t-il.
Marion Cotillard grimée en Edith Piaf dans La Môme.
DR
L'autre allié du maquilleur sur le plateau, c'est le chef opérateur, responsable de l'image. C'est en
fonction de sa lumière que le maquilleur peut faire des dizaines d'essais, jusqu'à obtenir la bonne
nuance sur la peau. Sans compter que les journées durent souvent seize heures: tout doit tenir. Il n'y
a que sur les grosses productions que l'on démaquille pour la pause-déjeuner.
Réinterpréter les codes, c'est le coeur de notre métier. Pas de gloss sur un film
historique!
Maquiller n'est pas gommer. Même si "la vidéo numérique met en évidence les moindres défauts",
déplore Didier Lavergne, le métier ne se résume pas à les cacher. "On peut rajouter une brillance, ou
des cernes. L'absence de maquillage sur la peau, combinée avec des yeux pénétrants, peut être très
belle", confie Ana Lozano, qui a maquillé Penélope Cruz à plusieurs reprises. Parmi ses produits
fétiches, le SweatStop, qui matifie la peau. L'essentiel est de ne pas faire de faute, d'anomalie. "Une
comédienne qui se réveille en portant du rimmel, c'est regrettable." Pour les films en costume, on
triche, on utilise des mascaras transparents, l'enjeu étant de trouver des matières appropriées à
l'époque. "Réinterpréter les codes, c'est le cœur de notre métier. Pas de gloss sur un film historique!
Pour un rendu authentique, on utilise des pigments tapotés aux doigts sur les lèvres et les joues,
façon fruits écrasés", explique Christophe Danchaud.
Tous soulignent l'importance du soin: "Au bout de trois mois de tournage, je vois une vraie
amélioration de la qualité de peau des actrices qui se font dorloter entre nos mains", raconte Aurélie
Elich, qui utilise pour cela les marques Kiehl's et Dr. Hauschka. Base à mélanger sur la paume, fond
de teint à étendre avec application, fard gras sur la paupière, pigments... L'enchaînement d'étapes
s'est écourté. Mais reste le même. Seules les actrices changent.
En savoir plus sur http://www.lexpress.fr/styles/maquillage/secrets-de-maquilleurs-aucinema_1116072.html#2dAmQ4j2RBobjRXt.99
Source : http://www.lexpress.fr/styles/maquillage/secrets-de-maquilleurs-au-cinema_1116072.html

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