Être à Cannes, c`est toujours le même frisson!
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Être à Cannes, c`est toujours le même frisson!
ARIANE MASSENET «Être à Cannes, c’est toujours le même frisson!» Journaliste et auteure, elle anime « Le Grand Journal » aux côtés de Michel Denisot depuis 2005 et reprend, comme chaque année, la direction de la Croisette pour accueillir, en direct de la plage, les plus grandes stars de la sélection. Propos recueillis par Adélaïde de Clermont-Tonnerre © GORASSINI/ABACA ASSISE À LA TERRASSE d’un troquet tout beau tout neuf du XVIIIe arrondissement, la veille de son départ, elle fume une cigarette avant de commander un deuxième expresso. Directe, modeste, Ariane vous regarde bien dans les yeux, répond sans détour et rit souvent d’elle-même. Une simplicité rafraîchissante, loin des caprices des divas cannoises. Le festival du film, vous en êtes à combien d’éditions ? Ma onzième ! Qu’est-ce que cela représente pour vous ? Pendant les préparatifs, je traîne les pieds parce que je sais à quoi m’attendre: un épuisant marathon. Mais une fois arrivée sur place, la magie et l’énergie me reprennent. J’aime l’adrénaline, l’excitation… J’aime aussi le côté bande. Pendant dix jours, l’équipe vit ensemble du matin au soir et c’est très sympathique. Enfin quand il fait beau, nous travaillons au bord de la mer, au soleil: il y a pire! Cette année, on annonce plutôt de la pluie… Ce qui est nettement moins favorable ! En 2008, il pleuvait des seaux d’eau et il y avait tant de vent que nous étions éclaboussés d’embruns. On voyait nos invitées arriver avec de grands décolletés et d’aussi grands sourires qui, au bout de cinq minutes, tournaient au rictus congelé! Que mettez-vous dans votre valise ? C’est un cauchemar de la faire ! Et encore, j’ai de la chance parce que nous avons une styliste qui est déjà partie avec d’énormes malles pour nous. Ce qui ne me dispense pas de la corvée… J’emporte en premier lieu ma veste de smoking, puis j’essaie de dénicher des chaussures habillées avec lesquelles 36 P●INT DE VUE on peut marcher des kilomètres et des hauts passe-partout. La première année, pleine de naïveté et d’ambition vestimentaire, je gardais les souliers du plateau pour aller dîner ou danser et j’ai cru mourir de douleur. Pas qu’aux pieds d’ailleurs. Depuis, je fais des réserves d’AdvilCaps pour ne pas avoir mal à la tête, parce que la Croisette, c’est la capitale du champagne et que l’on boit des bulles à toute heure du jour et de la nuit. Y a-t-il des moments difficiles à Cannes ? Être sans cesse en représentation, c’est assez pénible. Le matin, j’aimerais bien descendre de ma chambre, au Martinez, pour aller au bureau de Canal – dans le même hôtel – sans me maquiller ou m’habiller, mais même dans l’ascenseur ou le lobby, il y a toujours quelqu’un pour sortir un portable ou un appareil et vous prendre en photo. Or, comme tout le monde, je n’ai pas envie d’avoir une photo moche postée partout sur Internet. Autre torture au bout de quelques jours sans sommeil: les projections de 8h30, où il faut arriver très en avance… Vous n’avez pas des super-badges qui vous permettent de passer devant tout le monde? Nous avons des accréditations qui nous permettent d’entrer partout, mais pas de griller la queue! Il y a trois ans, Frédéric Beigbeder m’avait emmenée en scooter à cette fameuse projection du matin, mais il y avait tellement de gens que nous avons été refoulés ! D’abord c’était vexant, mais encore plus énervant de se lever à 7 heures après une nuit de trois heures pour se casser le nez! Comment décririez-vous votre journée type ? À Cannes, il y a des imprévus tout le temps, impossible d’imaginer une journée type. Un invité qui ne vient plus ou un qui se rajoute, un endroit où il faut aller, un film à voir au dernier moment, c’est même difficile de prévoir un rendez-vous et de s’y tenir… En revanche, nous passons tous les jours par le rituel de la préparation des interviews, la révision des fiches, les séances d’habillage, maquillage, coiffure et les répétitions quotidiennes pour que l’émission soit calée à la minute près. Votre plus joli souvenir du festival ? J’ai le souvenir, quand je travaillais avec Antoine de Caunes pour « Nulle part ailleurs », de Sylvester Stallone arrivant en bateau sur le plateau. Il dégageait une présence incroyable. Plus récemment, je garde l’image de Roman Polanski, un jour que nous recevions Emmanuelle Seigner. Il était assis au premier rang comme un simple spectateur pour admirer sa femme… Mais le meilleur, c’était sans doute l’année où j’ai accompagné Jeanne Moreau. Elle était merveilleuse… Un jour, elle nous a fait faire l’école buissonnière. Elle avait décidé que nous ne travaillerions pas, mais que nous irions plutôt visiter la fondation Maeght. C’était une super journée. Et le pire ? Ma toute première montée des marches, justement avec Jeanne Moreau. Nous étions dans la voiture qui avançait mètre par mètre dans une foule de gens, leurs nez écrasés contre la vitre. J’avais un trac fou et j’avais eu la mauvaise idée de choisir un ensemble en soie orange très fragile. Avec la chaleur, j’avais deux disques sous les bras que je gardais serrés le long du corps pour ne pas que cela se voie. J’étais raide comme un piquet sur le tapis rouge. Les photographes hurlaient « Jeanne, Jeanne ! », mais aussi « la orange dégage, la orange dégage!», or «la orange»… c’était moi! INTERVIEW Ariane Massenet avec Alain Delon sur le plateau du « Grand Journal de Cannes », jeudi dernier. P●INT DE VUE 37 INTERVIEW ARIANE MASSENET Votre meilleure interview ? Tarentino, que nous avons reçu plusieurs fois, me bluffe toujours. Scorsese, Coppola, Woody Allen… Madonna aussi. Plus parce que j’étais ravie de l’avoir à mon tableau de chasse que pour l’interview… elle n’a duré que quatre minutes ! Spielberg enfin, parce qu’il est génial, mais j’aurais aimé passer des heures à lui poser des questions. Y a-t-il encore des gens que vous rêveriez d’interviewer ? Brad Pitt, pour compléter ma collection. Parce que c’est une immense star qui donne peu d’interviews. Et Sean Penn, parce qu’il refuse tout et que j’aime beaucoup ce qu’il fait. Qui est-ce qui vous fait le plus envie dans cette sélection ? Je trouve la sélection un peu austère et pour peu que le volcan s’en mêle, cela risque de nous compliquer la tâche, mais Michael Douglas m’amuse, Tim Burton, bien sûr, et Godard, pour savoir qui se cache derrière le mythe. La plus grande claque cinématographique que vous ayez reçue à Cannes ? Irréversible, avec Monica Bellucci et Vincent Cassel, m’avait vraiment perturbée. Ce film m’est resté longtemps. Babel, également, était très fort. J’aimerais bien recevoir Iñaritu, d’ailleurs. Quel réalisateur! Dans un registre plus léger, Looking for Éric, de Ken Loach m’a beaucoup plu l’année dernière. 38 P●INT DE VUE Y aura-t-il une nouveauté cette année ? Nous accueillerons un concert live quotidien, ce qui m’enchante. Notamment Lady Gaga, que nous recevrons également sur le plateau… Émeute garantie! Si vous n’étiez pas à Cannes, où seriez-vous ? En vacances! Je prendrais pour la première fois depuis dix ans le week-end de l’Ascension et je filerais au Cap Ferret. De toute façon, le Festival ne vaut la peine que si l’on y travaille, sinon on se retrouve en marge de tout. Quelle est, selon vous, la clé du succès du « Grand Journal » ? Les stars américaines connaissent la place de Canal + dans le financement du cinéma, et elles savent qu’avec le direct, nous ne les retiendrons qu’un temps limité. Le ton aussi. Nous parlons avec légèreté de choses graves, et avec gravité de choses légères. Nous faisons attention à ne pas être complaisants tout en restant respectueux. Michel Denisot surtout en impose et notre alchimie à tous fait que nous pouvons passer de Tony Blair à Robbie Williams sans que cela semble incongru. Si vous deviez qualifier Michel Denisot ? Statutaire, professionnel, emblématique de Canal +. Il est là depuis le début. La presse a écrit qu’il pensait à se retirer… Lorsque Michel a signé pour cette émission, il s’est engagé sur quatre ans, au point de dire que s’il devait rester une cinquième année, il le ferait gratuitement! Maintenant il pense partir en 2012, mais je crois que la formule est tellement bonne qu’il sera vraiment difficile d’y renoncer. Imaginez-vous votre vie sans cette émission? Quand Antoine de Caunes a arrêté «Nulle part ailleurs» pour faire du cinéma, je me suis dit que je ne retrouverai jamais rien d’aussi intéressant, ni avec quelqu’un d’aussi drôle et intelligent. Si «Le Grand Journal» devait s’arrêter, je penserais sans doute la même chose, tout en espérant que la vie me réserve une aussi bonne surprise que les précédentes… Avez-vous des adresses à nous recommander sur la Croisette ? J’ai très envie d’essayer un petit restaurant de poisson qui a l’air formidable : La Guérite, sur l’île Sainte-Marguerite, où l’on ne peut venir qu’en bateau. Sinon j’aime beaucoup Fred l’Écailler, autre délicieuse table de la mer, loin du brouhaha cannois. L’année dernière, Michel (Denisot) nous a invités un dimanche à déjeuner à l’Eden Roc. Il avait loué un bateau pour faire l’aller-retour. Je n’y étais jamais allée… Le restaurant au bord de l’eau était divin. Le soir, j’ai monté les marches avec lui. J’ai vraiment vécu Cannes ce jour-là comme une grande vedette. Ce n’était pas une journée type, mais c’était une journée parfaite. ● © M.BRUNO/CANAL +, GUIGNEBOURG/ABACA (2), ELIOT Ariane en est à sa onzième édition du Festival de Cannes. Elle apprécie la magie et l’effervescence de cet événement, et de vivre du matin au soir « en bande » avec son équipe de travail.