le tube de pitot n`a pas encore dit son dernier mot

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le tube de pitot n`a pas encore dit son dernier mot
 S olutions DÉBITMÉTRIE
LE TUBE DE PITOT
N’A PAS
ENCORE DIT
SON DERNIER MOT
■ Que reste-t-il au tube de Pitot ? Son prix, son côté pratique
-pas besoin de tronçonner le conduit- et une faible perte de
charge. Et même s’il n’atteint pas les précisions d’une turbine,
d’une tuyère, d’une plaque à orifice ou d’autres débitmètres à
pression différentielle, il a su aussi s’améliorer, côté performance
métrologique. Veris, le constructeur américain du tube de Pitot
moyenné Verabar, nous donne ses petites astuces.
P
armi tous les éléments primaires utilisés dans les débitmètres à pression
différentielle, le tube de Pitot moyenné fait figure de mauvais élève : précision médiocre, tendance à se colmater et
faible gamme de mesure. Il n’est même pas
présenté dans la norme Iso 5167, document
majeur qui décrit les caractéristiques métrologiques des débitmètres à appareil déprimogène. Et il n’est pas autorisé comme instrument de comptage dans les transactions
commerciales. Dans les meilleures conditions,
l’incertitude type annoncée par les constructeurs est de ± 1 %. Le tube de Pitot est également limité pour les liquides. Il n’aime pas
les liquides trop visqueux. « Pour cinq Pitot
du comptage, ils ne sont pas contrôlés très souvent. Et avec une durée de vie de plusieurs
décennies, on a tendance un peu à les oublier,
reconnaît Frédéric Vulovic, chef de projet à
Gaz de France. Ils sont surtout situés au niveau
des stations de compression ou de réservoirs
enterrés ». Ils peuvent être associés à un manomètre et sont alors utilisés comme indicateur
local ou associés à un transmetteur industriel
de pression différentielle qui délivre un signal
continu (4-20 mA).
M. Carfantan estime le marché français annuel
à “quelques” milliers de tubes.
Un marché pas si petit que ça qui prouve bien
que les tubes de Pitot ont su garder quelques
arguments sur les autres organes déprimogènes mais également sur les technologies qui
se sont développées ces dernières décennies
(comme les débitmètres électromagnétiques,
à Vortex, à ultrasons, à effet Coriolis...).
Pour les gros diamètres
Le premier argument est sans conteste le prix.
Il est irréfutable pour les conduites de gros
diamètres. « Sur une canalisation de 2 mètres,
un Venturi reviendra à 150 kF sans compter
l’implantation. Un Pitot vaudra 25 à 30 kF,
indique M. Carfantan. D’une manière générale, le marché des tubes de Pitot est ciblé sur
les conduites à partir de 300 mm. Certains
sont installés sur des diamètres de 3,8 m en
France, de 9,6 m aux Etats-Unis ».
Le second intérêt réside dans sa facilité d’installation : un simple piquage d’insertion. Pas
besoin de tronçonner la conduite comme c’est
le cas pour un grand nombre d’éléments
déprimogènes ou d’autres débitmètres (électromagnétique, à effet Coriolis). De plus, un
vendus pour des applications gaz, nous n’en
vendrons qu’un seul pour une application sur
liquides, souligne Joël Carfantan, p.-d.g. de
System C Industrie (distributeur de Veris, constructeur américain des tubes de Pitot Verabar). Et
La plupart de ces tubes sont donc utilisés sur
des fluides gazeux, souvent de l’air. Dans le
domaine de la climatisation, on trouve des
tubes de Pitot généralement “bas de gamme”
en aluminium, Dans l’industrie, ils sont installés par exemple sur des unités de cogénération ou sur de l’air de combustion dans les
unités thermiques. « N’étant pas utilisés pour
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Veris/System C Industrie
il s’agit essentiellement d’applications sur de
l’eau, douce ou salée ».
Les Pitot moyennés à insertion
prélèvent plusieurs points de
mesure sur le flux et produisent un signal de pression différentielle moyen représentatif du profil d’écoulement
dans la conduite. Ils sont fixés
à l’aide d’une simple bride et
peuvent être installés sans
arrêter l’écoulement.
MESURES 735 - MAI 2001
S olutions tube de Pitot peut être monté sur la conduite
en cours d’exploitation, sans avoir à arrêter
l’écoulement.
Enfin, le troisième argument est celui de la
perte de charge. Là encore comparé aux
autres organes déprimogènes, le barreau
n’obture qu’une petite portion de la canalisation et ne génère donc qu’une faible
perte de pression. Il en résulte un gain économique au niveau de l’exploitation (gain
de puissance sur des pompes, par
exemple). M. Vulovic (Gaz de France) relativise cet avantage : « Sur les installations, il y
a souvent des régulateurs de fluide qui
induisent déjà une perte de charge. Celle
générée par le débitmètre n’est plus du tout
prépondérante ». Et si l’on souhaite une
absence totale de perte de charge, les débitmètres à ultrasons peuvent représenter une
meilleure alternative (oui, mais plus chère).
A côté de ses arguments “intrinsèques” au
principe même du tube de Pitot, d’autres se
sont greffés dans le temps, liés aux améliorations d’une part des transmetteurs de pression différentielle et d’autre part de la réalisation du tube en lui-même.
Ce tube, qui est introduit dans la conduite
parallèlement à l’axe, comprend deux
chambres internes. Chacune communique
avec l’écoulement dans la conduite au travers
d’orifices qui servent de prises de pression.
Entre les deux chambres, amont et aval, se
crée une différence de pression qui est proportionnelle à la vitesse d’écoulement. Plus
précisément, lorsque le fluide percute la sonde, il crée une zone devant la sonde de haute
pression supérieure à la pression statique de la
canalisation. Au fur et à mesure que le fluide
passe devant la sonde, il accélère et une zone
de basse pression est créée sur les côtés et derrière la sonde. Des vortex
sont induits en même
temps que le fluide se
sépare de la sonde et un
vide partiel se forme également à l’arrière de la
sonde.
Tout un chacun peut fabriquer dans son garage un
barreau avec des trous
pour les prises de pression. Le Pitot obtenu vaudra ce qu’il vaudra. « Il ne
faut pas mettre tous les
tubes du Pitot dans le
même panier », souligne
M. Carfantan.
Tout d’abord, il faut distinguer deux types de tube
de Pitot. Le Pitot monopoint, avec une seule prise de pression, mesure
une vitesse en un seul
point de l’écoulement (et
donc assez peu précise,
une incertitude de l’ordre
de ± 10 %). Le Pitot
moyenné (dont il est
question dans cet article)
est un tube qui traverse
toute la conduite. Réparties sur la longueur du
tube, des prises de pression multiples sont positionnées dans la zone de
haute pression (en amont
du tube) et dans la zone
de basse pression (en aval
du tube). Une pression
différentielle moyenne est
ainsi générée qui permet
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de calculer un débit moyen représentatif de
l’écoulement dans toute la conduite. Il est
recommandé de s’assurer qu’il y ait autant de
prises en amont qu’en aval (certains constructeurs se contentent d’une seule prise en aval).
Un modèle théorique
pour le coefficient de débit
La relation entre le débit volumique Q et la
différence de pression ∆P est, comme pour
tous les appareils déprimogènes, directement
proportionnelle :
Q = K. C√∆P
K est le coefficient de débit et C le facteur
de débit. Le coefficient K, qui est lié à la viscosité du fluide et au nombre de Reynolds,
est l’un des facteurs les plus importants pour
définir les performances métrologiques du
capteur. Il peut être assimilé au coefficient
de décharge d’une plaque à orifice. Mais si
ce dernier a été étudié de long en large et a
fait l’objet de nombreuses publications, il
n’en va pas de même pour le coefficient de
débit du tube de Pitot. Chaque fabricant
définit son propre coefficient avec une
méthode qui lui est propre, qui s’appuie la
plupart du temps sur des relations empiriques et qui ne peut s’appliquer que pour
ses propres tubes. Par ailleurs, il détermine
la valeur du coefficient dans certaines conditions d’étalonnage. Rien ne garantit qu’elles
soient assimilables aux conditions d’écoulement et aux dimensions de la conduite de
l’utilisateur final. C’est la raison pour laquelle le fournisseur américain Veris a établi, là
encore pour ses propres tubes, un modèle
mathématique qui permet de calculer le
coefficient de débit en tenant compte des
conditions réelles d’utilisation. Il a pu
démontrer que le calcul de K est indépendant du nombre de Reynolds.
Quant au facteur de débit C, il peut être
influencé par des variations de pression ou de
température. Pour améliorer la qualité de la
mesure, il est alors souhaitable d’associer au
Pitot un transmetteur multivariable capable
d’une compensation dynamique à la fois pour
la pression et la température.
L’amélioration des transmetteurs a permis par
ailleurs d’élargir l’étendue de mesure vers les
faibles débits. « Les transmetteurs actuels
“basse échelle” peuvent détecter des ∆P aussi
faibles que 2,5 mm de colonne d’eau
(0,25 mbar), indique M. Carfantan. Ainsi
dans certaines conditions, un tube de Pitot
peut présenter la même dynamique qu’une
plaque à orifice ».
Au niveau du barreau lui-même, la linéarité du capteur et donc sa dynamique peuvent
être également augmentées en maintenant
un écoulement turbulent aux plus faibles
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S olutions ➤ Longueurs droites amont et avales
Obstruction
Dimension A
Dimension B
Sans redresseur Avec redresseur
Coude
7
7
3
Coude multiple
dans le même plan
9
9
3
Coude multiple
dans un plan
différent
18
9
3
Divergent
8
8
3
Convergent
8
8
3
Vanne de régulation
24
9
4
Pour que l’écoulement du fluide ne soit pas perturbé lorsqu’il arrive sur le tube de Pitot, il est
nécessaire de respecter un certain nombre de longueurs droites en amont et en aval (une longueur correspond au diamètre de la conduite). Ce nombre de longueurs dépend de la nature
même de l’élément perturbateur (coude, divergent, convergent…) et de la présence ou non
d’un élément redresseur.
vitesses possibles. Le manque de fluide à
l’arrière du tube crée un vide partiel qui luimême génère une résistance à la pression.
Pour limiter cette résistance (qui est d’autant
plus prépondérante aux faibles débits), Veris
propose un tube doté d’une surface rugueuse. Selon le constructeur, cette rugosité,
sur la face avant, amène les couches séparées à tomber en un ensemble de tourbillons dans l’espace situé derrière le
détecteur, ce qui a pour effet de réduire le
vide partiel et donc la résistance à la pression. On peut illustrer le phénomène avec
l’exemple des balles de golf. Celles-ci
volent beaucoup plus loin et avec des trajectoires beaucoup plus nettes depuis
qu’elles disposent sur leur surface de cavités ou alvéoles (au nombre de 384 exactement) qui réduisent la traînée et assurent la portance. Pour les mêmes raisons,
les bords d’attaque des ailes des nouvelles
générations d’avions (Airbus ou Boeing)
ont été rendus rugueux.
Pour revenir au tube de Pitot, il ne faut pas
non plus négliger sa forme. Elle doit être
étudiée pour que les vortex se forment suffisamment en aval afin de ne pas affecter la
mesure de la pression. Les tout premiers barreaux ont été naturellement conçus avec une
forme ronde sans réellement tenir compte
des principes fondamentaux d’aérodynamique et de mécanique des fluides. Les fournisseurs ont ensuite peaufiné le design, en
forme d’ellipse, de pointe de diamant
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(l’Annubar de Dietrich) ou, pour le Verabar
de Veris, une forme dite en balle de revolver.
Là encore, cette forme cherche à tenir compte des effets de la théorie de la couche limite. Elle déplace la zone “basse pression” sur
les côtés du tube et permet ainsi le positionnement des orifices en avant de la zone
de vide partiel. Ceci réduit le risque d’obturation de ces prises. « Dans une rivière, les
débris et les déchets s’agglutinent toujours
derrière les rochers, illustre M. Carfantan.
Pour des mesures d’air chaud fortement
chargées en particules, là où des Pitot traditionnels s’obstruent en quelques semaines,
les barreaux en forme de balles fonctionnent
depuis plus d’un an ».
A Gaz de France, le Verabar a été testé. M. Vulovic est sensible aux bons résultats : « Il est
certain que cela va dans le bon sens. Mais
j’émettrais quand même une restriction.
Nous observons toujours que la prise de pression la plus haute, c’est-à-dire celle située au
plus près du point d’insertion, est majorée
par rapport aux autres points de pression.
C’est sans doute encore un point à améliorer avant de pouvoir, un jour peut-être, envisager l’utilisation du Pitot dans le cadre
d’opérations de comptage et de transactions
commerciales ».
MPVP
Les éléments techniques ont été fournis par
System C industrie,
le distributeur de Veris en France.
Tél. : 0475548603 — Fax : 0475548609
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