Exercice 1 : Une inégalité sociale est constituée par une différence d
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Exercice 1 : Une inégalité sociale est constituée par une différence d
Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ? Exercice 1 : Une inégalité sociale est constituée par une différence d'accès entre les membres d'une société à une ressource rare et socialement valorisée. Autrement dit, il y a inégalité sociale si tous les membres de la société ne possèdent pas de manière égale certaines ressources, qui sont désirées dans cette société. Les inégalités sont donc aussi multiples que les ressources valorisées dans une société : il peut s'agir des inégalités économiques (inégal accès aux richesses que produit la société), mais également des inégalités culturelles (inégal accès à la culture valorisée d'une société, comme le niveau de langue d'un individu, ou ses loisirs culturels, ou ses diplômes), inégalités de capital social (inégal accès aux « relations » sociales), inégalités de santé (probabilité d'être malade, espérance de vie), inégalités de genre (entre les sexes), etc. Il ne faut pas confondre les inégalités sociales avec les différences. Une différence est le fait que deux individus diffèrent entre eux par rapport à une propriété quelconque donnée. Par exemple, les individus peuvent avoir les cheveux blonds ou bruns. Une différence devient une inégalité à partir du moment où, en raison de cette différence, certains individus accèdent à des ressources socialement valorisées au contraire des autres. Par exemple, dans la plupart des sociétés modernes, le fait d'avoir une peau possédant une pigmentation foncée (différence biologique du derme) conduit à des inégalités sociales en raison du racisme. Bien que la plupart des individus qui bénéficient de l'inégalité aient tendance à penser que la différence justifie cette inégalité, il n'en est rien. Les inégalités sociales sont, en effet, le produit du fonctionnement de la société. Il n'y a pas de raison biologique au racisme, par exemple : il n'y a pas de différences d'aptitude entre les individus en fonction de la couleur de leur peau. Le racisme est un fait social, pas biologique. Les inégalités sociales ont donc une origine sociale : elles sont le produit du fait que l'organisation de la société conduit à ce que les individus n'aient pas le même accès aux ressources qui sont désirées dans cette société. Question 1 : Qu'est-ce que veut dire « socialement valorisée » ? Question 2 : Pourquoi les inégalités sociales sont-elles multiples ? Question 3 : Expliquez la phrase soulignée. Question 4 : Donnez l'exemple d'une autre différence, qui conduit à des inégalités. Exercice 2 : Il est possible de classer les inégalités en trois grandes catégories : 1. Avoir : les inégalités dans l'ordre de l'avoir. Ce sont les inégalités économiques. Dans nos sociétés, les individus accèdent de manière très inégale aux ressources matérielles disponibles. Ils ont des revenus et des patrimoines différents. En raison de ces différences, les individus n'ont pas les mêmes consommations ; ils n'habitent pas aux mêmes endroits ni dans le même type d'habitations. Ces inégalités jouent un rôle central dans nos sociétés. 2. Savoir :les inégalités dans l'ordre du savoir. Les individus ne disposent pas des mêmes savoirs et savoir-faire, de ce que Pierre Bourdieu appelle le capital culturel. a) Les inégalités de capital culturel « institutionnalisé », c'est-à-dire les inégalités de diplômes, qui sont le produit des inégalités scolaires (le fait que les individus réussissent de manière inégale à l'école). Ces inégalités jouent un rôle important dans nos sociétés. b) Les inégalités de capital culturel « incorporés » : les individus n'ont pas les mêmes manières de parler, ni de se comporter : or, certaines manières de parler et de se comporter sont valorisées et, au contraire, certaines sont dévalorisées. Les individus n'ont pas les mêmes pratiques culturelles (loisirs, lecture, musique, film, etc.) Or, certaines pratiques culturelles sont plus valorisées que d'autres. 1 Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ? 3. Pouvoir : les inégalités dans l'accès au pouvoir politique, c'est-à-dire aux décisions politiques. La probabilité pour un individu d'occuper une position de pouvoir est très différente en fonction de son sexe, de ses diplômes, de sa profession. De manière plus générale, les groupes sociaux sont plus ou moins capables de se faire entendre, d'imposer leurs intérêts, d'organiser la société d'une manière qui leur semble favorable. D'après A.Bihr et R.Pfefferkorn, Le Système des inégalités, La Découverte, 2009 Question 1 : Donnez des exemples de manières de parler et de se comporter qui sont valorisées et dévalorisées. Quelles conséquences cela peut-il avoir sur la vie des individus ? Question 2 : Donnez l'exemple d'un groupe social qui a du mal à influencer les décisions politiques en sa faveur. Exercice 3 : Le revenu réel disponible d’un individu est obtenu grâce à deux sources de revenu : premièrement, le revenu primaire. Celui-ci est constitué, d'une part, par le revenu d'activité, c'est-à-dire le revenu provenant de son activité professionnelle (qui est le plus souvent le salaire) et, d'autre part, les revenus du patrimoine que l'on tire de son patrimoine (par exemple, les dividendes de ses actions, les loyers des logements que l'on loue, etc.). A ce revenu primaire s’ajoutent les revenus sociaux (également appelés revenus secondaires) (RMI, allocations, etc.) et sont soustraits les prélèvements obligatoires. S'il y a des inégalités de revenu, c'est donc : a) parce qu'il y a des inégalités de revenu d'activité (et avant tout de salaire, qui est le principal revenu d'activité) b) parce qu'il y a des inégalités de patrimoine, et donc de revenus qui produit ce patrimoine. Les revenus sociaux ont, au contraire, tendance à diminuer les inégalités. Nous allons voir ce qui détermine les inégalités de revenus. Pour cela, nous allons tout d'abord analyser comment se constituent les inégalités de revenu d'activité, en nous concentrant sur le salaire. Question 1 : Exprimez sous la forme d'une équation le revenu disponible (revenu disponible = ….. + …......, etc.). Exercice 4 : Si on prend les individus payés à temps plein durant toute l'année, les inégalités salariales sont les plus faibles des inégalités économiques. Document 1 : Niveaux de salaires mensuels nets par sexe et par décile en 2010 : pour les salaires équivalent temps complet Ensemble Hommes Femmes 10 % des salariés gagnent moins de........euros (décile 1) 1 142 1 197 1 096 20 % ... 1 275 1 348 1 202 30 %... 1 396 1 482 1 300 40 % ... 1 525 1 622 1 403 50 % ... 1 675 1 782 1 527 60 % ... 1 862 1 984 1 686 70 % ... 2 111 2 266 1 903 80 % ... 2 510 2 734 2 212 90% des salariés gagnent moins de........euros (décile 9) 3 317 3 663 2 812 99 % ... 7 654 8 798 5 635 Moyenne 2 082 2 263 1 817 2,9 3,1 2,6 Rapport entre les 90 % et les 10 % (rapport interdécile) Source : INSEE 2 Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ? Rappel de méthode : les déciles On appelle déciles les 9 valeurs d'une variable qui coupent une série statistique en 10 parts égales (9 valeurs pour 10 parts : en effet, pour couper un gâteau en 3, il suffit de 2 coups de couteau ; pour le couper en 10, il suffit donc de 9 coups de couteau). Prenons par exemple comme variable les salaires en France. Le premier décile (noté généralement D1) est le niveau de salaire en dessous duquel il y a les 10 % des salariés les moins payés et au dessus duquel se trouvent les 90 % des salariés les mieux payés. Le deuxième décile est le niveau de salaire en dessous duquel il y a les 20 % des salariés les moins bien payés et au dessus duquel se trouvent les 80 % les mieux payés, etc. Niveau de salaire 10 % des salariés les mieux payés Décile 9 Décile 8 Décile 7 Décile 6 Décile 5 = …..................... Décile 4 Décile 3 Décile 2 Décile 1 10 % des salariés les moins bien payés Question 1 : Faites une phrase pour chacune des données en gras dans le document 1. Question 2 : Pourquoi le salaire moyen est une donnée trompeuse ? Question 3 : Lisez la donnée de la dernière ligne dans la colonne ensemble. Exercice 5 : Document 2 : Niveaux de revenu salarial mensuel sur l'ensemble des salariés en 2010 Décile 1er décile (D1) 1er quartile (Q1) Médiane (D5) 3ème quartile (Q3) 9ème décile (D9) D9/D1 Moyenne Ensemble 197 781 1459 2049 2883 14,7 1624 Femmes Hommes 164 661 1326 1856 2506 15,3 1393 237 955 1588 2235 3259 13,8 1834 Source : INSEE Si l'on s'intéresse à l'ensemble des individus qui ont reçu un salaire durant une année, quelque soit la durée de temps durant laquelle ils ont travaillé, et non pas aux seules personnes qui ont travaillé à temps complet toute l'année, on trouve, par contre, des inégalités salariales considérables (document 2). La raison en est que tous les salariés, d'une part, ne travaillent pas à plein temps et que, d'autre part, tous ne travaillent pas toute l'année. Autrement dit, tous les salariés n'occupent pas un emploi « typique » (à plein temps, à durée non limitée (CDI)). Certains occupent des emplois « atypiques » (à temps partiel et/ou à durée limitée (CDD, interim)), que l'on qualifie également d'emplois « précaires ». Enfin, certains salariés connaissent des périodes de chômage (particulièrement ceux qui occupent des emplois à durée limitée). En raison de cette précarité du travail, les inégalités entre l'ensemble des salariés sont beaucoup plus grandes que si on ne s'intéresse qu'aux seuls salariés à plein temps. 3 Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ? Document 3 : Revenus salariaux annuels sur l'ensemble des salariés en 2010 Revenu salarial Salaire journalier Jours rémunérés Ensemble 19 490 64 304 Moins de 25 ans De 25 à 39 ans De 40 à 49 ans De 50 à 54 ans 55 ans ou plus 6 910 18 240 23 250 24 760 24 400 35 59 70 73 77 196 311 331 337 315 Cadres Professions intermédiaires Employés Ouvriers 39 310 22 030 13 230 14 380 118 67 46 49 332 327 288 292 Temps complet Temps non complet 23 170 9 960 72 38 320 263 Source : INSEE Question 1 : Faites une phrase pour le D1 (document 2). Question 2 : Faites une phrase pour le rapport interdécile (D9/D1) (document 2). Question 3 : Pourquoi les inégalités de revenu salarial mensuel sont-elles beaucoup plus fortes que les inégalités des salaires équivalent temps plein ? Question 4 : Dans quels groupes sociaux la précarité du travail affecte le plus le revenu salarial ? (document 3) Exercice 6 Comment peut-on expliquer ces inégalités salariales ? On peut distinguer deux grandes théories : une théorie qui relève de la science économique, une autre qui relève plutôt de la sociologie (et dont Marx est l'une des principales sources d'inspiration). En science économique, depuis l'école néo-classique, l'analyse dominante consiste à considérer que les salariés sont payés en fonction de leur productivité marginale, c'est-à-dire de la production supplémentaire que génère un salarié s'il est embauché. Une entreprise embauche quelqu'un uniquement s'il lui rapporte au moins autant que ce qui lui coûte : les salariés sont donc payés en fonction de ce qu'ils produisent. Si un individu a un salaire deux fois plus élevé qu’un autre, c’est que sa productivité est deux fois plus grande. Or, les individus n’ont pas tous la même productivité marginale : c’est la raison pour laquelle il y a des inégalités de salaires. Il en est ainsi en particulier parce que les individus ne possèdent pas le même capital humain (diplôme, formation professionnelle, etc.). Dans cette théorie, si les inégalités de revenu salarial augmentent, c'est parce que les différences dans la productivité marginale augmentent entre les salariés (comme nous le verrons plus loin). Cette explication a du mal à expliquer le fait que dans des pays qui ont à peu près la même structure économique, on trouve des inégalités salariales très différentes. Par exemple, le rapport interdécile des salaires est approximativement de 5 aux EU, de 2,5 en Allemagne, et de 2 dans les pays scandinaves. Dans une perspective inspirée par Marx, les inégalités de salaire reflètent surtout les rapports de force entre les salariés et les patrons. Si les salariés sont bien organisés (syndicats, etc.), ils seront en position de force pour négocier de meilleurs salaires, et obtenir une part plus importante de la valeur ajoutée, au détriment des possesseurs de l'entreprise et des dirigeants salariés de celle-ci. Dans ce cas, 4 Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ? les salaires en bas et au milieu de la distribution salariale de l'entreprise seront donc relativement plus élevés que les salaires les plus hauts. Dans une perspective plus sociologique, les inégalités salariales reflètent l'acceptation par la société des inégalités sociales. Certaines sociétés acceptent facilement le fait qu’il y ait d’immenses inégalités (la société américaine), alors que d’autres trouvent cela inacceptable (les sociétés scandinaves). Par ailleurs, certaines tâches sont plus ou moins valorisées en fonction des sociétés, ce qui conduit à ce qu'un même métier soit plus ou moins bien rémunéré en fonction des sociétés. Question 1 : Comment explique-t-on les inégalités de salaire dans une perspective néo-classique ? Justifiez votre réponse en vous appuyant sur les données du document 3. Question 2 : Pourquoi cette analyse n'a pas de pertinence dans la tradition marxiste ? Question 3 : Pourquoi les représentations que se font les sociétés des inégalités et des différents emplois jouent-elles également un rôle ? Exercice 7 : Document 4 : Concentration du revenu total et du patrimoine total en France en 2010 100 Part cumulée détenue (en %) 90 80 70 60 50 40 Revenu 30 Patrimoine 20 10 0 0 10 20 30 40 50 60 70 Part cumulée des ménages (en %) 80 90 100 Source : INSEE Le document 4 est une « courbe de Lorenz ». Ce type de représentation graphique vise à représenter les inégalités de répartition. En abscisses, les ménages sont rangés par ordre croissant de revenu ou de patrimoine. En ordonnées, on représente la part cumulée du revenu total ou du patrimoine total détenue par la part cumulée des ménages. Cela signifie, par exemple, que les 10 % des ménages les plus pauvres ont reçu environ 4 % de l'ensemble des revenus distribués en France en 2010, que les 20 % des ménages les plus pauvres ont reçu environ 9 % de l'ensemble des revenus distribués en France, etc. Question 1 : Combien les 50 % des ménages les plus pauvres ont-ils reçu de l'ensemble des revenus ? Et les 90 % des ménages les plus pauvres ? Question 2 : Combien les 50 % des ménages les plus riches ont-ils reçu de l'ensemble des revenus en France ? Et les 10 % les plus riches ? Question 3 : Que représente la courbe en pointillés ? Quel est l'intérêt de la représenter sur une courbe de Lorenz ? Question 4 : Qu'est-ce que le patrimoine ? 5 Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ? Question 5 : Combien possèdent de l'ensemble du patrimoine en France les 30 % des ménages qui en ont le moins ? Les 50 % des ménages qui en ont le moins ? Les 10 % des ménages qui ont le plus de patrimoine ? Question 6 : Comment est réparti le patrimoine en France ? Exercice 8 : Les inégalités de patrimoine sont, de loin, les plus fortes des inégalités économiques. Ainsi, 10 % des ménages possèdent presque la moitié de l'ensemble du patrimoine en France. Les 30 % des ménages les plus riches possèdent 75 % de l'ensemble du patrimoine, tandis que les 30 % les plus pauvres n'ont quasiment aucun patrimoine. Comment peut-on expliquer des inégalités aussi considérables ? Il y a deux raisons essentielles, qui renvoient à la manière dont on acquière du patrimoine. L'épargne est la première manière d'accroître son patrimoine. Tous les revenus qui sont épargnés vont augmenter le patrimoine des ménages. Par conséquent, plus on épargne, plus on accroît son patrimoine. Document 5 : Taux d'épargne des ménages en fonction de leur niveau de vie en 2003 40 Taux d'épargne 30 20 Taux d'épargne moyen = 17% 10 0 -10 -20 Q1 Q2 Q3 Q4 Ménages répartis par quintile de niveau de vie Q5 Source : INSEE Or, la capacité d'épargne des ménages est une fonction plus que proportionnelle de leur niveau de revenu. Les ménages les plus pauvres sont incapables d'épargner : leur revenu est même trop faible pour qu'il puisse financer l'ensemble de leurs dépenses. Au contraire, plus on a un revenu élevé, plus on est en mesure de ne pas le dépenser entièrement. Ainsi les 20 % des ménages les plus riches ont un taux d'épargne de 36 %, très largement supérieur à la moyenne des ménages (17%). Par conséquent, ils pourront accumuler beaucoup de patrimoine, tandis que les plus pauvres ne le pourront pas du tout. Les uns auront donc un patrimoine conséquent, les autres n'en auront pas du tout : c'est bien ce que l'on retrouve dans la concentration du patrimoine (document 4). La deuxième manière d’acquérir du patrimoine est d'en hériter. Or, dans l'ensemble, les ménages les plus pauvres ont des parents qui étaient eux-mêmes pauvres. Au contraire, les ménages les plus riches ont souvent des parents qui étaient riches. Par conséquent, il existe une dynamique intergénérationnelle d'accumulation du patrimoine qui renforce les inégalités de patrimoine. Cette dynamique est d'autant plus forte qu'hériter du patrimoine permet d'accroître sa capacité d'épargne (quand on hérite de son logement, on peut épargner l'équivalent du loyer que l'on ne paye pas). En outre, les ménages qui ont le plus de patrimoine peuvent le placer plus efficacement : ils peuvent diversifier leurs placements, en sélectionnant notamment des placements risqués mais rentables (actions), à côté de placements sûrs. Au contraire, les ménages qui ont peu de patrimoine le placent dans un petit nombre de placements, généralement peu risqués mais peu rentables (Livret A à 1,5%). Question 1 : Quel est le taux d'épargne des ménages les plus pauvres ? Pourquoi ? Question 2 : Pourquoi le fait que l'épargne soit une fonction plus que proportionnelle du revenu conduit à ce que les inégalités de patrimoine soient plus fortes que les inégalités de revenu ? 6 Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ? Question 3 : Pourquoi l'héritage a tendance à créer un cercle vicieux qui renforce sur le long terme les inégalités de patrimoine ? Exercice 9 : Document 6 : distribution des niveaux de vie des individus en 2010 Décile Niveau de vie Les niveaux de vie 1er décile (D1) 10 430 2ème décile (D2) 12 990 3ème décile (D3) 15 180 4ème décile (D4) 17 190 Médiane (D5) 19 270 6ème décile (D6) 21 600 7ème décile (D7) 24 430 8ème décile (D8) 28 560 9ème décile (D9) 36 270 L'INSEE calcule, en plus du revenu des ménages, le niveau de vie des individus. Pour calculer ce niveau de vie, il divise le revenu du ménage par le nombre d' « unités de consommation » qui le composent, de la manière suivante : le premier adulte vaut 1 unité, les autres personnes de plus de 14 ans valent 0,5 unité. Les enfants de moins de 14 ans eux ne valent que 0,3. La raison de ce calcul tient dans les économies d'échelle qui existent dans un ménage. Quand on est deux, on a besoin d'acheter, par exemple, qu'une machine à laver (et pas deux), qu'une seule télé, etc. Ainsi deux individus vivant en couple avec 2000€ ensemble ont chacun un niveau de vie plus élevé qu'un individu qui vit avec 1000€. Pour trouver le niveau de vie de chacun de ces individus l'INSEE divise donc 2000€ non par 2 mais par 1,5, soit 1333€, ce qui rend bien compte du fait que ces individus ont un niveau de vie plus élevé que le célibataire vivant avec 1000€. Rapport interdécile (D9/D1) 3,48 Source : INSEE Les inégalités de revenu (même ajustées en tenant compte de la taille des ménages) sont plus fortes que les inégalités de salaires à temps plein, mais bien moins que les inégalités de patrimoine. Un examen de la composition des revenus des ménages nous permet de comprendre comment elles se construisent. Document 7 : Composition du revenu des ménages en fonction des déciles en 2010 En % de l'ensemble des revenus avant impôt 100 90 80 70 60 transferts sociaux retraites revenus du patrimoine Revenus d'indépendant salaires pression fiscale totale 50 40 30 20 10 0 D1 D2 D 3 D 4 D 5 D 6 D 7 D 8 D 9 D 10 Source : INSEE Les plus pauvres ont très peu de revenu d'activité, en particulier très peu de salaire. Il en est ainsi parce qu'ils ne travaillent pas (chômage) ou travaillent de manière précaire. Autrement dit, la pauvreté vient de l'absence d'activité professionnelle : elle est le produit de la précarité de l'emploi et du chômage de masse. Au contraire, plus le revenu augmente, plus la part des revenus d'activité s'accroît, en particulier les salaires. Autrement dit, dans notre société, l'activité professionnelle est la principale source de revenu, et plus celle-ci génère des revenus élevés, plus on est riche. On constate toutefois que, chez les plus riches, les revenus du patrimoine occupent une place 7 Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ? importante. On voit ainsi la conséquence de la répartition très inégalitaire du patrimoine : très peu de ménages ont un patrimoine réellement important, et celui-ci leur fournit des revenus élevés qui viennent renforcer les inégalités de revenu. Toutefois, même chez les plus riches, les revenus d'activité dominent (parmi ces revenus, on compte plus de revenus d'indépendant, en raison de la présence de nombreuses professions libérales chez les plus riches). Nous ne vivons plus dans une société « de rentiers » : aujourd'hui être riche, c'est travailler en étant soit un cadre à forte rémunération, soit un chef d'une entreprise importante, soit une profession libérale, tout en ayant un patrimoine élevé. Être pauvre, au contraire, c'est n'avoir pas de travail, ou un travail précaire, et aucun patrimoine. L'inégalité face à l'emploi est donc la source la plus importante des inégalités de revenu, que les inégalités de patrimoine ne font qu'amplifier. Par contre, l'État providence joue un rôle essentiel dans la diminution des inégalités de revenu. Ainsi, il fournit 40 % des revenus des plus pauvres qui, par contre, ne payent presque pas d'impôts directs. Au contraire, les plus riches ne reçoivent presque pas de prestations sociales, et payent de 25 % de leur revenu total en impôts directs. Question 1 : Faites une phrase avec le rapport interdécile des niveaux de vie. (document 6) Question 2 : Pourquoi les pauvres sont-ils pauvres ? Justifiez votre réponse avec des données du document 7. Question 3 : Pourquoi les riches sont-ils riches ? Justifiez votre réponse avec des données du document 7. Question 4 : Pourquoi ne vivons nous pas dans une « société de rentiers » ? Question 5 : Comment l'État diminue-t-il les inégalités de revenu ? Exercice 10: Document 8 : Rapport interdécile du niveau de vie en France, 1970-2011 5 4,5 4 3,5 3 2,5 Source : INSEE Question 1 : Faites une phrase pour 1970. Question 2 : Comment ont évolué les inégalités de revenu depuis 1970 ? 8 Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ? Part du décile supérieur dans le total (revenus ou salaires) Exercice 11 : Document 9 : L'inégalité des revenus en France, 1910-2010 50% 45% Part du décile supérieur des revenus dans le revenu national 40% Part du décile supérieur des salaires dans la masse salariale 35% 30% 25% 20% Source : Thomas Piketty Les recherches de Thomas Piketty nous permettent de mieux comprendre comment ont évolué les inégalités de revenu au XXe siècle. Ces travaux ont permis de montrer que l'on a assisté à un effondrement des inégalités de revenu au cours du siècle dernier. Les 10 % les plus riches avaient presque la moitié du revenu national en 1900. Un siècle plus tard, ils n'en ont plus que 35 %. Cet effondrement a surtout eu lieu au cours des deux guerres mondiales, particulièrement la seconde. Par ailleurs, les travaux de Piketty donnent une explication de cette évolution. Si l'on analyse les inégalités salariales au cours du XXe siècle, on constate qu'elles n'ont presque pas évolué. L'essentiel de la baisse des inégalités de revenu est donc dû à l'effondrement des inégalités de patrimoine. Le patrimoine possédé par les 10 % les plus riches était considérable au début du XXe siècle (80 % du patrimoine total). Il était à l'origine d'immenses inégalités de revenu. Ces patrimoines étaient si importants que les plus riches, au début du XXe siècle, étaient presque tous des rentiers. Les guerres, ainsi que les grandes crises du XXe siècle, ont détruit une grande partie de ce patrimoine. Et c'est ainsi qu'est morte la société des rentiers, et que les inégalités de revenu ont diminué. En outre, et c'est aussi important, le XXe siècle a vu l'apparition de l'impôt progressif sur le revenu, dont les taux de prélèvement ont fortement augmenté durant et après la Seconde Guerre mondiale, pour atteindre des niveaux très élevés (taux marginal supérieur de 91 % aux États-Unis en 1941). Par conséquent, les plus riches ne pouvaient plus, après paiement de l'impôt, disposer d'une épargne aussi importante qu'auparavant. Cet impôt sur le revenu a interdit que se remette en place la dynamique d'accumulation du patrimoine que nous avons vu à l'exercice 8. Enfin, après la Second Guerre mondiale, l'État providence s'est fortement développé, avec ses revenus de transfert, ainsi que la mise en place d'un salaire minimum, qui augmente fortement après 1968. Cela a conduit à une nette élévation relative du revenu des 10 % les plus pauvres (qui explique l'essentiel de la baisse du rapport interdécile après 1970 (document 8)). Ces évolutions se retrouvent dans tous les pays développés, jusqu'aux années 1980. Et elles sont dues aux mêmes causes (destruction du patrimoine durant les guerres et les crises ; impôts sur le revenu ; développement de l'État providence). Question 1 : Faites une phrase pour la part du décile supérieur dans les revenus totaux en 1910 et 2010. 9 Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ? Question 2 : Pourquoi assiste-t-on à une chute soudaine des inégalités au cours du XXe siècle ? Question 3 : Pourquoi n'augmentent-elles pas ensuite ? Document 10 : Evolution du rapport interquintile en Europe 1997 2010 Allemagne 3,6 4,5 Espagne 5,9 6,8 France 4,2 4,6 Italie 5,1 5,6 Royaume-Uni 5,2 5,3 Suède 3 3,6 UE (15 pays) 4,6 5,1 Source : Eurostat Part du décile supérieur dans le revenu national Exercice 12 : Document 11 : L'inégalité des revenus aux Etats-Unis, 1910-2010 50% 45% 40% 35% 30% 25% Source : T.Piketty Depuis les années 1980, les inégalités de revenu ont augmenté dans tous les pays développés. Cette augmentation a été très importante dans les pays anglo-saxons, en particulier aux États-Unis. Ainsi, aujourd'hui, aux États-Unis, les inégalités sont revenues à leur niveau du début du siècle, et elles continuent de croître. La société américaine, qui était à l'époque décrit par la série Mad Men (les années 1960) plus égalitaire que la société française, est aujourd'hui la plus inégalitaire de toutes les sociétés développées. Les inégalités ont beaucoup moins augmenté en Europe continentale. Mais l'augmentation est toutefois significative, en particulier en Allemagne, autrefois très égalitaire. Même dans les sociétés scandinaves, les plus égalitaires de toutes les sociétés, les inégalités se sont accrues. 800 000 700 000 Document 12 : Evolution du revenu des ménages en France 2004 2010 + 178 900 € soit + 32,3% 600 000 500 000 + 35 900 € soit + 17,7% 400 000 300 000 200 000 100 000 + 1 300 € soit + 7,3% + 2 400 € soit + 6,7% Les 50 % des personnes Les 10 % les les plus riches plus riches gagnent au moins gagnent au moins + 8 000 € soit + 9,8% Les 1 % les plus riches gagnent au moins Les 0,1 % les plus riches gagnent au moins Les 0,01 % les plus riches gagnent au moins source : INSEE Cette augmentation des inégalités répond partout à la même logique : plus on est riche, plus ses revenus augmentent relativement plus vite. C'est le cas même en France, où les inégalités ont moins augmenté qu'ailleurs. Aux États-Unis, ce processus a pris une forme extrême : depuis 30 ans, le revenu médian a stagné, celui des 10 % les plus riches a augmenté de 80 % et celui des 0,1 % les plus riches de plus de 300 %. Question 1 : Comment les inégalités ont-elles augmenté en France, par rapport aux autres pays (appuyez-vous sur les données des documents 9, 10 et 11) ? 10 Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ? Question 2 : Comment se situe, aujourd'hui, la France parmi les sociétés développées en termes d'inégalité ? (appuyez vous sur les données des documents 9, 10 et 11) Question 3 : Comment s'opèrent l'augmentation des inégalités ? Exercice 13 : Les inégalités de revenu ont augmenté à travers deux processus. La première et plus importante cause est l'augmentation très forte des inégalités de revenus salariaux, surtout par le haut (en particulier aux États-Unis), mais aussi par le bas (notamment en France). En effet, les salaires les plus élevés dans les entreprises (cadres dirigeants, métiers de la finance) ont explosé. On ne voit pas très bien cette évolution à travers le rapport interdécile, car c'est le salaire des 1 % les mieux payés qui a explosé, pas celui des 10 % les mieux payés. Les dirigeants salariés des plus grandes entreprises, comme certains traders, ont maintenant des revenus égaux à plusieurs siècles de SMIC (doc 4 p. 277 du manuel). Les inégalités de salaires ont également augmenté, « par le bas », en raison de la dégradation des rémunérations salariales des plus pauvres, frappés par le chômage et la précarité. La seconde cause de l'accroissement de ces inégalités est l'augmentation des inégalités de patrimoine (qui joue un rôle nettement moins important, toutefois), notamment en raison de la hausse des prix immobiliers et du cours des actions. En France, selon T.Piketty, la première cause explique 2/3 de l'accroissement des inégalités et la seconde 1/3. Question 1 : Quel rapport peut-on faire entre le document 12 et l'évolution des salaires ? Question 2 : Pourquoi la hausse des prix de l'immobilier (ou des actions) accroît les inégalités de patrimoine ? Exercice 14 : Ces évolutions peuvent s'expliquer à travers plusieurs causes, non exclusives. Première cause : le progrès technique « biaisé ». Le progrès technique, en particulier les NTIC, favoriserait les travailleurs les plus qualifiés et défavoriserait les moins qualifiés. Il permet de supprimer les emplois non qualifiés, remplacés par des robots et des ordinateurs (ex : OS dans les usines). Il conduit, au contraire, à faire apparaître des emplois très qualifiés (informaticiens, etc.). Autrement dit, la productivité marginale des moins qualifiés diminue, et celle des plus qualifiés augmente, d'où l'évolution divergente de leur rémunération. Cette évolution est aggravée par la mondialisation, qui conduit à ce que les salariés les moins qualifiés soient concurrencés par les salariés des pays les moins développés, qui leur sont substituables, grâce aux délocalisations. Au contraire, les travailleurs les plus qualifiés peuvent vendre le produit de leur compétence à un marché plus vaste, ce qui en accroît la valeur. Troisième cause : le rapport de force au sein des entreprises s'est totalement modifié, en faveur des actionnaires et des cadres dirigeants. Comme nous le verrons, les employés sont moins capables de faire la grève et d'imposer leurs intérêts (en raison notamment du chômage de masse et de la précarité, qui leur fait craindre le licenciement en cas de protestation). Au contraire, la gouvernance des entreprises s'est réorganisée pour favoriser les actionnaires (accroissement des dividendes, recherche des plus-values), en associant les cadres dirigeants à l'intérêt des actionnaires (distribution de stock options). Enfin, l'impôt progressif sur le revenu, qui avait joué un rôle essentiel dans la diminution des inégalités, a baissé nettement dans tous les pays développés, passant de taux parfois très élevés (taux marginal de 70 % en France 1945) à des taux plus faibles (40 % en France jusqu'à l'année dernière). Le cercle vicieux de l'accumulation patrimoniale peut donc reprendre. 11 Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ? Question 1 : Que veut dire que le progrès technique est biaisé ? Question 2 : Quelle critique peut-on faire à cette thèse, au regard de la manière dont augmentent les inégalité (exercice 12) ? Question 3 : Pourquoi la mondialisation peut avoir accroître les inégalités ? Question 4 : Pourquoi la transformation du rapport de force entre salariés et entreprises peut accroître les inégalités de salaire ? Question 5 : Qu'est-ce qu'une stock option ? Niveau des inégalités Exercice 15 : Temps On doit à S.Kuznets la première analyse de l'évolution des inégalité, qu'il étudie dans les années 1950. Pour Kuznets, les inégalités devaient augmenter au début du développement du capitalisme, parce que seule une partie de la population participe à la révolution industrielle et s'enrichit. Puis, à partir d'un certain niveau de développement, les inégalités diminuent, tout le monde accédant à la société industrielle. L'évolution des inégalités forme donc une courbe en cloche, dite « courbe de Kuznets ». Quand Kuznets écrit cela, les faits lui donnent raison. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Comme le note T.Piketty, les inégalités ont baissé pour des raisons accidentelles (guerres mondiales) ou en raison de décisions politiques (État-providence). Ces causes sont donc fortuites, et leurs conséquences réversibles. Question 1 : Expliquez la phrase soulignée. Exercice 16: A partir du document 2, page 203 du manuel, répondez aux questions suivantes : Question 1 : Faites une phrase avec « 34 » (1ère ligne, 1ère colonne). Question 2 : En suivant la méthode du tableau, lisez la colonne sur la visite des musée en 2005. Comparez avec la colonne théâtre. Concluez. Question 3 : Lisez les colonnes « internet » et « vacances », « téléphone ». Concluez Question 4 : Lisez la colonne « espérance de vie ». Question 5 : Comment ont évolué les inégalités culturelles ? Les inégalités de consommation (aidez vous pour ce dernier point du doc. 1) ? Comment lire les tableaux sociologiques avec des CSP (à l'exception des tables de mobilité) ? Vous rencontrerez souvent des tableaux où figurent, d'une part, les différentes CSP et, d'autre part, des comportements sociaux (pratiques culturelles, consommation, espérance de vie, etc.). 12 Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ? Le but de votre lecture va être de faire apparaître des corrélations entre CSP et ces comportements sociaux. Pour cela vous devez procéder en 3 étapes : 1. Regardez le comportement des cadres puis celui des ouvriers. Dégagez l'hypothèse d'une corrélation du type « plus on est en haut de la hiérarchie sociale, plus (ou moins) on a tel comportement ». Exemple : « plus on est situé en haut de la hiérarchie sociale, plus on va au théâtre » (doc 2 p. 203). 2. Vérifiez cette hypothèse en descendant la hiérarchie sociale : comparez les cadres aux professions intermédiaires, puis les professions intermédiaires aux employés, puis les employés aux ouvriers. Si, à chaque fois, la CSP la plus haute a plus (ou moins) tel comportement que celle immédiatement en dessous, alors votre corrélation est vérifiée. 3. Une fois cette corrélation établie, regardez la ligne « ensemble » pour apprécier l'importance de ce comportement social. Exemple : « Seulement 17 % des Français vont au théâtre au moins une fois par an. C'est donc un loisir rare ». Vous pouvez alors résumer les informations de la manière suivante : « Seulement 16 % des Français sont allés au théâtre au moins une fois en 2005. Toutefois, plus on est situé en haut de la hiérarchie sociale, plus on va au théâtre. Ainsi, plus du tiers des cadres vont au théâtre (36%), alors que presque aucun ouvrier n'y va (6%). » => Attention à ne pas écrire une phrase du type : « on va au théâtre quand on est situé en haut de la hiérarchie sociale », ou « les cadres vont plus au théâtre » : ces phrases ne mettent pas en évidence une corrélation (le fait que les cadres vont plus au théâtres que les PI, qui y vont plus que les employés, qui y vont plus que les ouvriers). => Mettez de côté les « agriculteurs exploitants », « les artisans, commerçants » et les « retraités ». Ces CSP sont trop hétérogènes pour qu'elles permettent de dégager des corrélations. Il est toutefois possible qu'elles aient un comportement social qui soit à relever, en plus de la corrélation que l'on a établie sans elles. Exercice 17 : Les différentes inégalités sociales et économiques interagissent partiellement entre elles. Elles se nourrissent, en grande partie, les unes des autres. Il y a ainsi un cercle vicieux des inégalités : une inégalité en provoque une autre, qui en provoque une troisième, etc. Il y donc une dynamique cumulative des inégalités, qui est le produit du fait que les inégalités s'alimentent les unes les autres. Cette dynamique tend à polariser la société, entre ceux qui cumulent tous les avantages sociaux, et ceux qui cumulent tous les désavantages sociaux. Et ce cercle vicieux s'exerce d'une génération à l'autre, ce qui renforce la polarisation de la société sur le long terme : en effet, les inégalités de situations de parents font que les enfants ne disposent pas des mêmes capacités et dispositions dans leur réussite scolaire et professionnelle future. Ce processus cumulatif s'exerce au sein des inégalités économiques. Ainsi, les inégalités de patrimoine provoquent, en partie, les inégalités de revenu, puisque le patrimoine produit des revenus. Or, les inégalités de revenu, en retour, produisent les inégalités de patrimoine : comme nous l'avons vu, seuls les 20 % des français les plus riches ont assez de revenu pour accumuler du patrimoine grâce à l'épargne. Les inégalités de patrimoine génèrent donc les inégalités de revenu qui, à leur tour, génèrent les inégalités de patrimoine. Les inégalités économiques (« avoir ») interagissent également avec les inégalités culturelles et scolaires (« savoir »). En effet, les inégalités économiques conduisent à des inégalités dans le logement : à la fois dans la qualité de celui-ci et sa localisation. Les plus pauvres vivront ainsi dans 13 Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ? des quartiers défavorisés, et leurs enfants iront dans des établissements scolaires aux résultats plus faibles. Ces enfants auront également de moins bonnes conditions de travail (pas de chambre et de bureau à soi). Comme on le verra au chapitre suivant (théorie de Boudon), les parents auront également moins de moyen à leur donner pour les aider dans leur scolarité (cours particulier, etc.) L'environnement du quartier donne également (ou non) des relations sociales utiles (capital social) et des aspirations différentes (difficile de vouloir devenir ingénieur quand on en connaît aucun et que l'on ne sait comment faire pour le devenir, par exemple). Ces inégalités économiques vont, par conséquent, contribuer au fait que, en moyenne, la. réussite scolaire est corrélée avec la position sociale. Mais, à leur tour, les inégalités scolaires vont nourrir les inégalités économiques. En effet, le diplôme joue un rôle déterminant dans l'emploi occupé, autrement dit dans les inégalités face à l'emploi. Ceux qui auront obtenu un diplôme d'un niveau faible, ou aucun diplôme, vont, probablement, faire partie des 10 % les plus pauvres, victimes du chômage et de la précarité, en raison de leur faible capital humain. Au contraire, ceux qui auront un diplôme élevé pourront occuper les professions les mieux rémunérées. Et les inégalités face à l'emploi vont déterminer les inégalités de revenu. Il en va de même du « capital culturel » : le fait d'avoir été éduqué dans un milieu de cadre, et d'acquérir les manières de parler d'un cadre, favorisera l'embauche et la progression dans sa carrière. Comme on le verra au chapitre suivant, ces inégalités de « capital culturel »sont également déterminante dans la réussite scolaire : les inégalités de « savoir » se nourrissent donc entre elles également. Ainsi, on voit que les inégalités économiques se nourrissent entre elles, et qu'elle nourrissent également les inégalités scolaires et culturelles, et que celles-ci nourrissent à leur tour les inégalités économiques, durant une vie donnée et d'une génération à l'autre. Toutefois, beaucoup de sociologues, à la suite de Marx, considèrent que les inégalités économiques sont les plus structurantes dans nos sociétés capitalistes : elles ont plus d'impact que les inégalités culturelles ou de pouvoir, et sont à l'origine des principaux groupes sociaux dans notre société (comme on le verra dans le IV). Question 1 : Que veut dire que les inégalités « font système » ? Question 2 : Pourquoi les inégalités ont tendance, spontanément, à s'accroître d'une génération à l'autre ? Question 3 : Faites un graphique qui résume ces interactions entre inégalités. Exercice 18 : Les causes des inégalités sociales de santé sont multiples et diverses. C’est d’ailleurs plutôt leur cumul plutôt que l’une ou l’autre d’entre elles qui peut les expliquer. L’une des principales, encore souvent sous-estimée dans les enquêtes épidémiologiques, est constituée par les conditions de travail. Sont ici en question non seulement les accidents ou les maladies auxquels conduit l’exercice courant de bon nombre de professions, mais encore, de manière beaucoup plus fréquente, l’usure générale, physique et psychique, de l’organisme, que peuvent provoquer des conditions de travail pénibles. [...] [Deuxième facteur] : les habitudes alimentaires [et les] diverses addictions (tabagisme et alcoolisme notamment). L’effet du revenu est avéré dans de nombreux aspects de la consommation alimentaire, notamment quant à la variété des produits consommés, la part des fruits, légumes et poisson dans l’alimentation. Mais s’ajoute l’incidence du niveau de formation générale des personnes, au moins aussi importante que le facteur revenu. [Ainsi] la corrélation la plus forte est celle entre la prévalence de l’obésité et le niveau de diplôme. La consommation de tabac est 14 Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ? fortement liée aux conditions de vie des individus. On fume d’autant plus souvent que l’on est moins diplômé et qu’on dispose d’un revenu moins élevé. […] Niveau de vie et niveau des diplôme se combinent ainsi pour déterminer la situation relative des différentes catégories sociales. Jouent ici le niveau de formation générale, qui rend plus ou moins sensible aux informations en matière de santé et d’hygiène de vie, mais aussi, plus largement, une culture du corps (un rapport au corps et aux apparences corporelles) très différente d’un milieu social à l’autre. Un dernier élément contribue à expliquer les inégalités face aux maladies et à la mort : l’inégal accès aux soins. Faute de consulter à temps généralistes ou spécialistes, lorsque le mal est encore bénin, les membres des catégories populaires sont plus souvent que les autres contraintes d’êtres hospitalisés pour faire face à des pathologies qui se seront aggravées au fil du temps. Là encore, il faut invoquer les inégalités d’information en matière de prévention, de dépistage et de soin ; mais aussi des différences de culture du corps, façonnant des représentations différentes de la maladie et de la mort. Mais les inégalités de recours au système de soins s’expliquent encore par un facteur économique : son coût monétaire. Alain Bihr et Roland Pfefferkorn, « Les inégalités sociales de santé », Interrogations, n°6, 2008 Question 1 : Pourquoi les inégalités de santé sont en partie dues à des inégalités économiques ? Question 2 : Pourquoi les inégalités de santé sont en partie dues à des inégalités de « capital culturel » ? Question 3 : Quels effets en retour peuvent avoir les inégalités de santé sur les autres inégalités ? Exercice 19 : Le premier grand théoricien des classes sociales est Karl Marx. Sa réflexion est fondatrice, notamment parce qu'elles a influencé toutes les théories postérieures (même celles qui se sont placées en opposition). Pour Marx, la société est structurée en classes sociales antagonistes. Les inégalités économiques répartissent, pour lui, les hommes en plusieurs groupes sociaux, qu'il appelle des classes sociales. Ces classes sociales résultent de l'organisation inégalitaire de la production économique, qui est fondée sur l'exploitation. Autrement dit, pour Marx, la manière dont la société est structurée est le résultat de la manière dont l'économie est organisée. L'organisation de la société reflète l'organisation de l'économie. Pour Marx, la production économique est, en dehors des sociétés primitives et de la société communiste dont il souhaite l'avènement, organisée autour de l'exploitation de certains individus par d'autres. C'est, en particulier, le cas dans le cas du capitalisme : certains individus possèdent les moyens de production (ils constituent la classe capitaliste) ; les autres individus sont forcés de vendre leur force de travail aux premiers pour pouvoir vivre (ils constituent le prolétariat). Dans la mesure où les prolétaires sont forcés de vendre leur force de travail aux capitalistes, ceux-ci peuvent les exploiter, c'est-à-dire ne pas leur donner toute la valeur qu'ils ont créée par leur travail. Le profit des capitalistes vient de là : du fait qu'ils ne payent pas aux prolétaires tout ce que ceux-ci ont produit. Ainsi, ce que Marx appelle le rapport social de production, c'est-à-dire la manière dont les individus rentrent en relation dans le cadre de la production économique, répartit les individus en deux classes sociales. Une classe sociale est donc composée par l'ensemble des individus qui occupent la même position dans les rapports sociaux de production (l'organisation de la production). Par ailleurs, les relation entre les classes sociales sont hiérarchisées et antagonistes. En effet, une classe sociale (les capitalistes) exploitent une autre classe sociale (les prolétaires). Le but des prolétaires est donc de faire cesser cette exploitation. Le but des capitalistes est de l'intensifier pour accroître leur profit. L'exploitation engendre, par conséquent, la lutte des classes. 15 Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ? Question 1 : Qu'est-ce qu'une classe sociale pour Marx ? Question 2 : Pourquoi, pour Marx, l'organisation de la société reflète-t-elle l'organisation de l'économie ? Question 3 : Pourquoi les classes sociales sont-elles antagonistes ? Exercice 20 : La grande industrie agglomère dans un endroit une foule de gens inconnus les uns aux autres. La concurrence les divise d’intérêts*. Mais le maintien du salaire, cet intérêt commun qu’ils ont contre leur maître, les réunit dans une même pensée de résistance-coalition. Ainsi la coalition a toujours un double but, celui de faire cesser entre eux la concurrence, pour pouvoir faire une concurrence générale au capitaliste. Si le premier but de résistance n’a été que le maintien des salaires, à mesure que les capitalistes à leur tour se réunissent dans une pensée de répression, les coalitions, d’abord isolées, se forment en groupes, et en face du capital toujours réuni, le maintien de l’association devient plus nécessaire pour eux que celui du salaire. [...] Les conditions économiques avaient d’abord transformé la masse du pays en travailleurs. La domination du capital a crée à cette masse une situation commune, des intérêts communs. Ainsi cette masse est déjà une classe vis–à-vis du capital, mais pas encore pour elle-même. Dans la lutte [...], cette masse se réunit, elle se constitue en classe pour elle-même. Les intérêts qu’elle défend deviennent des intérêts de classe. Karl Marx, Misère de la philosophie, 1847. * La concurrence les oppose les uns aux autres. Question 1 : Qu'est-ce qui unit les prolétaires ? Question 2 : Expliquez la phrase soulignée. Exercice 21 : Cependant, le caractère distinctif de notre époque, de l'époque de la bourgeoisie, est d'avoir simplifié les antagonismes de classes. La société se divise de plus en deux vastes camps ennemis, en deux grandes classes diamétralement opposées : la bourgeoisie et le prolétariat. […] A mesure que grandit la bourgeoisie, c'est-à-dire le capital, se développe aussi le prolétariat, la classe des ouvriers modernes qui ne vivent qu'à la condition de trouver du travail et qui n'en trouvent que si leur travail accroît le capital. […] Le développement de l'industrie ne fait pas qu'accroître le nombre des prolétaires ; il les concentre en masses plus importantes ; leurs forces augmentent et ils en prennent davantage conscience. [...] Les petites classes moyennes d'autrefois, petits industriels, marchands et rentiers, artisans et paysans tombent dans le prolétariat ; d’une part, parce que leurs faibles capitaux ne leur permettant pas d’employer les procédés de la grande industrie et ils succombent dans leur concurrence avec les grands capitalistes ; d’autre part, parce que leur habileté technique est dépréciée par les nouvelles méthodes de production. Ainsi le prolétariat se recrute dans toutes les classes de la population. De toutes les classes qui, à l'heure présente, s'opposent à la bourgeoisie, le prolétariat seul est une classe vraiment révolutionnaire. Les autres classes périclitent et périssent avec la grande industrie; le prolétariat, au contraire, en est le produit le plus authentique. [Elles] ne sont donc pas révolutionnaires, mais conservatrices; bien plus, elles sont réactionnaires : elles cherchent à faire tourner à l'envers la roue de l'histoire. Karl Marx et Friedrich Engels, Le manifeste du parti communiste, 1848 Question 1 : Comment doit évoluer la structure sociale pour Marx ? Question 2 : Pourquoi les « classes moyennes d'autrefois » sont-elles réactionnaires ? 16 Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ? Exercice 22 Dans ses études sur le travail agricole en Prusse-Orientale, Weber utilisait le terme de Stand (groupe de statut) pour désigner des groupes sociaux comme les Junkers *, les industriels et les fonctionnaires. […] Weber insistait sur le fait que le comportement collectif des Junkers ne pouvait pas être compris d'un point de vue strictement économique. Il lui semblait également nécessaire de prendre en compte les idées dérivées de la sous-culture de chaque groupe, de ce que Weber appelle son « style de vie ». De ce point de vue, les travailleurs agricoles étaient tout autant un Stand que les Junkers : leur résistance à l'obséquiosité [envers leur maîtres] était devenue un élément fondamental de leur manière de voir le monde, de la même façon que les traditions patriarcales faisaient partie du style de vie des Junkers. Weber utilise [ainsi le terme de groupe de statut] pour tous ces groupes sociaux, insistant sur le fait que les distinctions de prestige ont en plus de leur aspect négatif, fondé sur l'envie, un aspect positif. Par exemple, le refus des Junkers d'établir des relations d'égal à égal avec les membres de la bourgeoisie était la preuve non seulement de leur mépris envers eux mais également d'un authentique désir de préserver leur mode de vie. [...] Pour Weber, comme pour Marx, l'origine fondamentale des « classes » tient dans la distribution inégale du pouvoir économique et, par conséquent, dans une distribution inégale des chances. Mais, pour Weber, cette causalité économique n'épuise pas les conditions de formation des groupes sociaux. Il est nécessaire de concevoir un concept qui tienne en compte l'influence des idées dans la formation des groupes sociaux. Par contraste avec la « situation de classe », qui est déterminée économiquement, nous souhaitons désigner par «situation de statut » toute composante de la destinée sociale des individus qui est déterminée par une estimation sociale spécifique, positive ou négative, du prestige. Dans son contenu, ce prestige statutaire s'exprime normalement par un style de vie généralement attendu de tous ceux qui prétendent faire partie du groupe. Lié à cela, on trouve des restrictions dans les relations sociales. Ces restrictions peuvent limiter les mariages convenables à l'intérieur du groupe de statut. En plus du prestige statutaire, qui repose toujours sur la distance et l'exclusion, on trouve toutes sortes de monopoles matériels. Ces préséances honorifiques peuvent consister dans le privilège de porter certains habits spécifiques, de manger des nourritures qui sont tabous pour les autres, de porter des armes.(M.Weber, Économie et société, t.2). [Dans] l'ordre des statuts, les hommes sont groupés par leur prestige et leur style de vie. Toutes les actions fondées sur des considérations de statut sont orientées par le « sentiment des acteurs qu'ils font partie du même groupe ». Pour préserver leur statut, les individus s'opposeront à l'idée que la richesse en tant que telle est le fondement légitime du prestige. S'il en était autrement, un homme riche pourrait prétendre avoir plus de « prestige » qu'un autre, descendant d'une lignée familiale prestigieuse, ce qui mettrait en péril l'ordre des statuts. R.Bendix, Max Weber, 1960 *Les Junkers est le nom que portaient les aristocrates, possesseurs de vaste propriétés terriennes, en Prusse. A l'époque de Weber, la plupart des généraux allemands étaient des Junkers, de même qu'une grande partie des hauts fonctionnaires. Question 1 : Est-ce que pour Weber la structure sociale ne résulte que des inégalités économiques ? Question 2 : Pourquoi les Junkers était un groupe de statut, et pas une classe sociale ? Question 3 : Pourquoi le style de vie est essentiel à l'existence d'un groupe de statut ? Question 4 : Définissez les groupes de statut. 17 Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ? Exercice 23 : Nous n'avons pas de définition universellement acceptée des classes sociales. Pour autant, pour caricaturer les positions, deux courants traversent la sociologie. D'un côté, nous avons la tradition marxienne, selon laquelle les classes sociales sont des des collectifs structurés par une position spécifique dans le système économique définie notamment au travers de la propriété des moyens de production, marqués par un conflit central (l’exploitation), animés éventuellement par la conscience collective de leur intérêt. Cette tradition est parfois qualifiée de holiste (‘ολον = tout) parce qu’ici, la totalité est plus que la somme des individus qui la forment, la classe existant indépendamment et au-dessus de ses membres, en leur dictant leur rôle, par delà la capacité de création des individus. Cette tradition est qualifiée aussi de réaliste, parce que les classes sont supposées former des entités véritables et tangibles, et non pas des constructions intellectuelles. D’un autre côté, la tradition weberienne suppose que les classes sociales sont des groupes d’individus semblables partageant une dynamique probable similaire (Max Weber parle de Lebenschancen ou « chances de vie »), sans qu’ils en soient nécessairement conscients. La classe sociale n’est pas autre chose, a priori, que la somme des individus (individualisme contre holisme) que le chercheur décide d’assembler selon ses critères propres ; ainsi, les classes sont des noms plus que des choses (nominalisme contre réalisme). Karl Marx attendait donc beaucoup de la classe sociale, alors que Max Weber y voyait un mode de découpage social parmi d’autres : les marxistes conçoivent difficilement que les classes sociales existent sans conscience de classe, sans être des classes en soi et pour soi, des groupes non seulement repérables, mais aussi en mesure de par leur organisation, de construire leur histoire collective. Louis Chauvel, « Le retour des classes sociales », Revue de l'OFCE, n°79, 2001 Question : complétez le tableau ci-dessous. Approche réaliste Approche nominaliste Auteurs emblématiques Type de hiérarchie qui opposent les classes sociales Rôle des classes sociales dans la stratification sociale Place de l'individu Conscience de classe 18 Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ? Exercice 24 Pierre Bourdieu (1930-2002), un des grands sociologues du XXe siècle, s'est efforcé de penser la stratification sociale dans les sociétés modernes, en s'appuyant à la fois sur la tradition marxiste et sur la tradition weberienne. Pour Bourdieu, la société moderne est hiérarchisée en classes sociales. Il distingue trois grandes classes sociales : les classes populaires, les classes moyennes (qu'il nomme la « petite-bourgeoisie »), et les classes supérieures (la « classe dominante », dans son vocabulaire). Bourdieu pense qu'il n'y a pas que la production économique qui hiérarchise la société. Pour Bourdieu, il existe notamment un autre mécanisme qui hiérarchise les individus : ce qu'il nomme le « capital culturel ». Le capital culturel est l'ensemble des ressources culturelles dont disposent les individus pour obtenir une position dans la société : leur savoirs (leur « culture ») et leur savoir-faire (leur manière de parler, par exemple), ainsi que leurs diplômes et qualifications scolaires. En effet, Bourdieu constate que, dans les sociétés modernes, beaucoup de positions sociales s'obtiennent grâce à ce « capital culturel ». Ainsi, la plupart des cadres dirigeants des grandes entreprises occupent une telle position autant grâce à leur diplômes que grâce au capital économique que leur ont transmis leurs parents. Il existe d'autres formes de « capitaux » (notamment le capital social) qui hiérarchise la société, toutefois Bourdieu considère que le capital économique et le capital culturel sont les plus importants. Ainsi, c'est à partir de ces deux mécanismes de hiérarchisation que se structure l'espace social. Ainsi les individus seront situés plus ou moins haut dans cet espace social (cf. graphique du doc 7 page 188) en fonction du volume total de capital (économique et culturel) qu'ils possèdent. Toutefois, la composition du capital total joue également un grand rôle : les individus se répartiront en fraction dominée (s'ils possèdent surtout du capital culturel dans leur capital total) ou dans la fraction dominante (s'ils possèdent surtout du capital économique dans leur capital total) de leur classe sociale. Pierre Bourdieu a donc une vision multidimensionnelle de la structure sociale. Question 1 : Pourquoi la théorie de la structure sociale de Pierre Bourdieu s'oppose à celle de Marx ? Question 2 : Qu'est ce que le capital culturel ? Question 3 : Pourquoi Bourdieu lui attribue une place centrale dans sa théorie de la structure sociale ? Exercice 25 Pour Bourdieu, le style de vie des individus, c'est-à-dire leur façons de penser et d'agir, sont le produit de la place qu'ils occupent dans l'espace social. En fonction de la quantité de capital économique et de capital culturel dont un individu dispose, il aura certaines manières d'agir, certaines pratiques culturelles, certains goûts musicaux, alimentaires, etc. Il y a ainsi une coïncidence entre l'espace social et l'espace des styles de vie : chaque classe (ou mieux chaque fraction de classe) sera immédiatement identifiable par son style de vie. Bourdieu pense que dans cet espace des styles de vie se joue un aspect essentiel de la légitimation de l’ordre social. En effet, dans la mesure où les pratiques sociales sont hiérarchisées et que ces hiérarchies reflètent les hiérarchies sociales sous-jacentes, les styles de vies ont de puissants effets de distinction et de légitimation. Par exemple, les groupes sociaux dominants en aimant des musiques plus valorisées socialement que les groupes sociaux dominés s'en distinguent. Mais cette distinction est aussi légitimation : les groupes sociaux dominants apparaissent comme distingués, et donc dignes de la position qu'ils occupent, en raison de leur culture. Les classes dominantes s'efforcent d'imposer leur culture aux classes dominés, pour perpétuer leur domination. De leur côté, les individus des 19 Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ? groupes sociaux dominés s’efforcent d’imiter les pratiques culturelles des groupes sociaux dominants pour se valoriser socialement. Bourdieu rejoint ainsi la tradition marxiste, dans la mesure où il pense qu'il existe des luttes permanentes entre les classes sociales. Toutefois, pour Bourdieu, les conflits entre les classes se jouent avant tout au niveau culturel. Question 1 : Sur le graphique du doc 7 p. 188 que délimite la courbe en gris ? En quoi est-elle une illustration de la théorie de Pierre Bourdieu ? Question 2 : En quoi Bourdieu rejoint-il la tradition marxiste ? Exercice 26 L'INSEE a élaboré, en 1954, une représentation de la structure sociale française, la nomenclature des Catégories Socio-Professionnelles (les CSP). Cette nomenclature a été révisée en 1982 pour laisser place au Professions et Catégories Socioprofessionnelles (les PCS). (Attention : l'usage de l'ancien terme de CSP est extrêmement répandu, à la place du terme exact de PCS). Cette classification de la population en catégories a eu un grand succès social : ainsi ces catégories sont très souvent utilisés, bien au delà des statisticiens de l'INSEE. Pourtant, il ne s'agit que d'une analyse possible de la stratification sociale française, et non pas de la « réalité » même de cette société. Les PCS sont, d'ailleurs, de plus en plus souvent critiquées, car elles seraient mal adaptées aux évolutions de la société française (comme on le verra dans la suite du chapitre). L'INSEE cherchait, à travers cette classification, à répartir « la population en un nombre restreint de catégories présentant chacune une certain homogénéité sociale. […] Pour cela, le classement doit être conçu de manière à faire apparaître le mieux possible les différences de situation, de comportement et d'aptitudes » (INSEE). L'INSEE fait l'hypothèse que c'est la profession exercée qui est à l'origine de ces groupes sociaux ayant des situations et des comportements communs. Ainsi, l'INSEE distingue 486 professions, qu'il regroupe en 31 catégories socioprofessionnelles (CS), elles-même regroupées en 6 groupes socioprofessionnels (GS). L'INSEE a une vision multidimensionnelle de la structure socio-professionnelle : les groupes socioprofessionnels sont construits à partir de quatre grands critères. Premièrement, le statut juridique de la profession (ce qui conduit à distinguer ceux qui travaillent à leur compte (les indépendants) des salariés) ; deuxièmement, la qualification (le diplôme nécessaire pour occuper la profession exercée) ; troisièmement, la position hiérarchique ; quatrièmement, le secteur d'activité (primaire, secondaire ou tertiaire). Ainsi, parmi les 6 groupes socioprofessionnels, les deux premiers sont composés d'indépendants: les Agriculteurs exploitants (ce groupe ne comprend que les agriculteurs qui possèdent leur terre et ne sont pas salariés) ; les Artisans, commerçants et chefs d'entreprises. La différence entre les deux groupes est le secteur d'activité : primaire pour les agriculteurs ; secondaire et tertiaire pour les autres. Les autres groupes socioprofessionnels sont tous des salariés. Ils sont classés essentiellement en fonction du niveau de diplôme et de la place dans la hiérarchie des entreprises. En bas de la hiérarchie, on trouve les Employés et les Ouvriers : la distinction entre les deux se fait par le secteur d'activité (tertiaire contre secondaire). Employés et ouvriers regroupent l'ensemble des professions d'exécution, ne nécessitant pas une qualification élevée. Puis viennent les Professions intermédiaires (techniciens, infirmières, etc.) qui ont une place intermédiaire dans la hiérarchie professionnelle. En haut, on trouve les Cadres et professions intellectuelles supérieures : dans ce groupe socioprofessionnel se trouvent les individus occupant le haut de la hiérarchie professionnelle dans les entreprises (les cadres). On y trouve également les individus dont la profession implique la possession d'un diplôme élevé (comme les professeurs ou les professions libérales (avocats, médecins, etc.)). 20 Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ? A l'intérieur de chaque groupe socioprofessionnel, l'INSEE applique d'autres principes de classification : ainsi les salariés sont distingués selon qu'ils travaillent pour le secteur public (les fonctionnaires) ou pour le secteur privé. Les artisans, commerçants et chefs d'entreprises sont classifiés entre ceux qui emploient plus de 10 salariés et les autres. Les 6 Groupes socioprofessionnels (parfois appelés CSP) (graphique d'après L.Chauvel) Question 1 : Quel est le but de l'INSEE avec sa nomenclature des PCS ? Question 2 : Sur quelle hypothèse se fondent-elles ? Question 3 : Qu'est-ce qui différencient les CSP dans le triangle et celles dans les ovales dans le graphique ci-dessus ? Question 4 : Quels sont les autres principes de classification appliqués par l'INSEE ? Question 5 : Pourquoi l'INSEE a-t-il mis dans la même CSP les cadres, les professeurs et les avocats ou les médecins ? Exercice 27 Les catégories socioprofessionnelles sont-elles des classes sociales ? La réponse à cette question n'est pas simple, mais elle est globalement positive. En effet, on retrouve dans la nomenclature de l'INSEE, l'idée essentielle de K.Marx : la société est hiérarchisée en groupe sociaux distincts en raison des processus économiques. Ainsi, L.Chauvel écrit que « les CSP permettent de parler de classes sociales sans jamais en prononcer le mot. » Toutefois, les CSP ont également une dimension wébérienne. En effet, elles sont fondées sur l'idée que, si la profession joue un rôle central dans les clivages de la société, ces clivages sont multidimensionnels. Ainsi, contrairement à la vision de Marx, au clivage entre possesseurs des moyens de production et les autres, les CSP ajoutent les clivages induits par le diplôme, le secteur d'activité, la place dans la hiérarchie de l'entreprise (pour les salariés). Les CSP font ainsi apparaître de 21 Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ? nombreux groupes sociaux, bien au-delà de l'opposition capitalistes/prolétaires. En outre, le but profond des CSP est de regrouper des individus qui ont une même vision du monde, des mêmes manières de penser et d'agir, un même style de vie (comme Weber avec ses groupes de statut, ou Bourdieu, qui a été une des sources théoriques de la révision de la classification en 1982, entreprise par deux statisticiens proches de lui). Ceci constitue d'ailleurs la force des CSP, et une raison importante de leur succès : elles décrivent bien les principaux groupes de la société française, comme le montre le fait que les principales pratiques sociales ou culturelles sont souvent corrélées avec la CSP (comme la pratique de la lecture, l'abstention électorale, etc.). Il en est ainsi parce qu'elles mettent clairement en évidence que la hiérarchie la plus importante dans la société moderne se joue entre les salariés eux-mêmes, entre ceux qui ont un pouvoir de décision au sein des entreprises (les cadres) et ceux qui sont cantonnés à des tâches d’exécution (les ouvriers et les employés), plutôt qu'entre ceux qui possèdent les moyens de production et les autres. C'est toutefois la critique que lui adressent certains auteurs (pas nécessairement marxistes) : les CSP rendent très difficilement visible la distinction entre les capitalistes et les autres. En effet, si la classification de l'INSEE distingue les indépendants des salariés, elle ne fait pas apparaître très clairement les « vrais » capitalistes, au sens de Marx, puisqu'elle mélange les petits patrons (parfois sans salarié, comme un petit artisan qui travaille seul) avec les grands patrons dans un unique groupe socioprofessionnel, celui des Artisans, commerçants et chefs d'entreprise. Question 1 : Pourquoi Louis Chauvel peut-il écrire que les CSP sont des classes sociales cachées ? Question 2 : Pourquoi les CSP ne correspondent pas à une vision marxiste de la structure sociale ? Question 3 : Quel clivage social les CSP font-elles bien apparaître et quel clivage ne montrent-elles pas clairement ? Exercice 28 : Complétez le texte. Les sociétés modernes sont caractérisées par l'absence de.....................légalement définies. Légalement, les individus naissent tous égaux. Toutefois, dans les faits, il existe des........................ économiques et sociales entre les individus. Depuis Karl Marx, de nombreux sociologues considèrent ainsi que la société est composées de classes sociales, c'est-à-dire de groupes sociaux, homogènes et distincts, constitués par leur place dans la …................... et qui partagent, en outre, le plus souvent une …...................., c'est-à-dire une conscience de leurs intérêts, ainsi que des manières de vivre en commun. Pour Marx, la société moderne est constituée autour du rapport d'exploitation du capitalisme : il n'y a donc que deux classes sociales, les …........... et les …....................On peut toutefois considérer que les hiérarchies sociales constituées autour de la production sont plus nombreuses : ainsi Max Weber considère que les classes sociales sont constituées par des individus qui ont les mêmes « chances de revenus » et donc les « mêmes chances de................... », ce qui le conduit à distinguer plusieurs autres classes sociales, comme la classe moyenne. D'autre part, pour M.Weber, les membres d'une classe sociale n'ont pas nécessairement une................................ et ne sont donc pas nécessairement en …................. contre les autres classes. Au final, pour Weber, les classes sociales ont donc des frontières floues : les niveaux de revenu et de consommation forment un continuum, et les individus n'ont pas nécessairement une conscience de classe. Par conséquent, c'est le sociologue qui trace des frontières qui n'existent pas nécessairement dans la réalité en délimitant des classes sociales. Max Weber a donc une vision « …........... » des classes sociales, au contraire de Marx qui a une vision « ….................. ». Pour ce dernier, les classes 22 Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ? sociales existent réellement : les individus occupent nécessairement une place et une seule dans les rapports de production, ce qui les fait appartenir à une classe et en partager la conscience de classe. Par ailleurs, pour Weber, les hiérarchies constituées par les processus économiques ne sont pas les seules : il existe également des hiérarchies liées au.................. qui créent des.............................. et des hiérarchies liés à l'accès au pouvoir politique. Pierre Bourdieu synthétise ces deux approches, en s'efforçant de montrer que la société moderne est hiérarchisée en plusieurs classes sociales dont les individus ont une même quantité de …....................... et de............................. et partagent un ….................... commun. Exercice 29 A partir des années 1960, des sociologues, comme R.Nisbet, affirment que les classes sociales sont en train de disparaître de nos sociétés. Cette idée s'appuie sur une évolution sociologique tout à fait majeure : la moyennisation de la société. Celle-ci s'opère selon trois processus fondamentaux : 1) le fait que de plus en plus d'individus appartiennent à la classe moyenne (moyennisation « sociologique ») 2) le fait que, comme on l'a vu, les inégalités économiques entre les individus diminuent (moyennisation « économique ») 3) le fait que, en outre, le style de vie de la classe moyenne se diffuse dans toute la société (vers le haut comme vers le bas), ce qui conduit à une disparition des identités de classe (moyennisation « culturelle »). 1) La moyennisation «sociologique » On peut définir la classe moyenne comme la classe sociale située au milieu de hiérarchie sociale, entre les classes supérieures et les classes populaires. Cela conduit à repérer les individus constituant cette classe comme occupant une position intermédiaires dans l'organisation de la production, c'est-à-dire en suivant la nomenclature des PCS, les professions intermédiaires, mais également une partie des cadres et professions intellectuelles supérieures (professeurs, certains cadres « moyens », qui n'occupent pas le sommet de la hiérarchie de leur entreprise), voire même une partie des employés. De ce point de vue, la transformation de la structure sociale a conduit à une moyennisation de la société française : il y a un grossissement de la « constellation centrale » (professions intermédiaires, etc.) et d'une diminution de la base (les ouvriers). Document 13 : Évolution de la part des CSP en France entre 1962 et 2009 En % de l'ensemble des actifs occupés 45 Agriculteurs exploitants Artisans, commerçants et chefs d'entreprise Cadres et professions intellectuelles supérieures Professions intermédiaires Employés Ouvriers 40 35 30 25 20 15 10 5 0 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 23 Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ? Question 1 : Quelles CSP ont vu leur part relative le plus augmenté ? Lesquelles ont leur part relative le plus diminué ? Question 2 : En quoi ces évolutions montrent que la société française s'est moyennisée ? Question 3 : Comment peut-on expliquer ces évolutions ? 2) La moyennisation « économique » On peut également définir la classe moyenne comme étant constituée par l'ensemble des individus ayant un revenu proche du revenu médian (20 % au-dessus et 20 % au-dessous). Il y a moyennisation si les inégalités de revenu diminuant, un nombre croissant d'individus gagnent un revenu proche du revenu médian. Question 4 : Montrez que le document 8 de l'exercice 10 met en évidence la moyennisation de la société française. Exercice 30 3) La moyennisation « culturelle » A côté de la transformation de la structure sociale, la moyennisation a une dimension symbolique et culturelle. Depuis la Seconde Guerre mondiale, notamment en raison du développement de la consommation de masse, le style de vie des classes moyennes s'est imposé dans l'ensemble de la société. En particulier, les ouvriers qui avaient une culture propre très forte, se mettent à imiter les professions intermédiaires. D’autre part, les grands bourgeois se mettent également à adopter une culture de classe moyenne, en abandonnant une grande partie de la culture bourgeoise traditionnelle. Les normes de consommation deviennent ainsi de plus en plus proches. Tout le monde accède à la consommation de masse (frigo, voiture, télévision). Les innovations de produits se diffusent de plus en plus vite. Quand un nouveau produit apparaît, l'ensemble des groupes sociaux y accèdent de plus en plus rapidement. Les normes culturelles de la classe moyenne se diffusent, de même que leurs attitudes. Par exemple, les familles nombreuses disparaissent à la fois chez les ouvriers et les bourgeois, au profit de la famille avec un ou deux enfants, dominante dans les classes moyennes. De la même façon, le rapport entre l’homme et la femme au sein du couple ressemble de plus en plus dans toutes les classes sociales à celui qui existe dans les classes moyennes (comme en témoigne la diffusion du divorce). Les pratiques culturelles de la classe moyenne se diffusent dans toute la société : musique (la chanson s'est imposée par rapport à la musique classique, centrale dans la culture bourgeoise), cinéma (qui est le prototype du loisir de masse, trans-classiste), cuisine (H.Mendras cite l'exemple du succès social du barbecue, qui s'est diffusé dans toute la société, alors qu'il est à l'opposé du repas bourgeois traditionnel), etc. en témoignent. L’impression subjective de faire partie des classes moyennes augmente. Cela se traduit par un double processus : premièrement, la conscience de classe recule, notamment chez les ouvriers. D'autre part, lorsque les individus ont le sentiment d'appartenir à une classe sociale, il s'agit de la classe moyenne, même si ils n'en font pas objectivement partie. La majorité des individus feraient ainsi partie de la classe moyenne et, lorsque ce n'est pas le cas, vivraient comme elles, et n'auraient donc plus le sentiment d'appartenir à une autre classe sociale, parce qu'elle partage le style de vie de la classe moyenne. Au centre de cette analyse, on trouve ainsi l'idée que la classe ouvrière, qui formait leur cœur de la structure de classe chez Marx, est en train de disparaître, à la fois quantitativement, mais aussi faute de conscience de classe, et d'un style de vie qui la distingue encore de la classe moyenne. 24 Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ? Question 1 : En quoi le doc 1 p. 203 confirme-t-il l'analyse du texte ? Question 2 : En quoi le doc 23 p. 195 confirme-t-il l'analyse du texte ? Exercice 31 La deuxième analyse qui conduit à contester l'analyse en terme de classes sociales est plus récente, et fondée sur les évolutions du marché du travail et des statuts professionnels. Ces évolutions ont conduit à l'apparition de nouvelles inégalités, qui traversent les groupes sociaux, et qui font que les individus peuvent avoir des destins sociaux très différents, alors même qu'ils appartiennent, théoriquement, au même groupe social. En raison des transformation du marché du travail, il existe en effet des clivages au sein des groupes sociaux : les emplois précaires et le chômage concernent un nombre croissant d'individus, notamment parmi les jeunes, et brisent l'unité des groupes sociaux. En effet, même parmi les groupes sociaux les plus exposés à la précarité, les ouvriers et les employés, tous les individus ne le sont pas. Il y a des ouvriers très qualifiés, qui ont une vraie stabilité professionnelle, et des ouvriers sans qualification qui vont d'interim en périodes de chômage. Les uns vivent dans des pavillons, les autres dans des « cités » de relégation sociale. Leur mode de vie n'est en rien comparable. A la place de clivages entre classes sociales, il existerait donc aujourd'hui surtout une opposition entre « stables » et « vulnérables », intégrés et exclus. Document : Population active occupée selon l'âge et le statut des emplois en 2009 et taux de chômage selon l'âge (en%) 15-24 ans 25-49 ans 50 ans ou plus Ensemble Non salariés 1,9 10 16,1 11 Salariés dont 98,1 90 83,9 89 -Intérimaires 5,2 1,6 0,6 1,6 -Apprentis 16,3 0,1 0 1,4 -CDD1 27,3 7,3 4,5 8,2 -CDI2 49,3 81 78,7 77,9 Ensemble des emplois 100 100 100 100 Taux de chômage 23,7 8,2 6,1 9,1 1. CDD : Contrat à durée déterminée (au maximum 18 mois). 2. CDI : Contrat à durée indéterminée. Source : INSEE Question 1 : Faites une phrase avec les données soulignées (doc 2) . Que constatez-vous ? Question 2 : Illustrez la phrase soulignée à l'aide des données pertinentes du document. Question 3 : En quoi ces évolutions constituent également une limite à la classification des PCS ? 25 Chapitre 4 : Comment analyser la structure sociale ? Exercice 32 A côté des clivages entre classes sociales, il existe d'autres principes de différenciation dans nos sociétés modernes, qui échappent aux oppositions entre classes sociales, voire les remplacent, notamment en raison de la moyennisation et de la diminution de la place du travail dans nos vies (nous travaillons deux fois moins qu'il y a un siècle). Premier clivage : l'âge. A partir des années 1950, une « culture jeune », ou adolescente, a émergé, qui, à l'époque, s'est traduite notamment par l'apparition de nouveaux styles musicaux portés par les jeunes (le rock) (même si ces styles se sont diffusés, par la suite, à toutes les classes d'âge). Cette culture jeune est le produit du développement de la scolarisation pour tous. Au lieu d'être directement plongés dans le monde du travail à la sortie de l'enfance, les individus sont de plus en plus longuement scolarisés. Par conséquent, durant une période de plus en plus longue, les « jeunes » ne sont plus des enfants, mais pas non plus des « adultes » actifs. Cette situation sociale commune a conduit à l'apparition d'un style de vie différent des adultes qui travaillent, à des goûts culturels, des références qui leur sont propres. Ces goûts culturels sont souvent construits en opposition à ceux des « adultes », affichant un refus marqué de la culture « légitime » (c'est-à-dire, par exemple, de la musique classique, et des formes les plus acceptées de la musique populaire). Les personnes de cette classe d'âge ont même un sentiment d'appartenance à un groupe d'âge commun : les « jeunes ». Toutefois, certains sociologues contestent l'importance de cette culture commune : les clivages de classe qui séparent les jeunes sont, pour eux, plus importants que leur références culturelles communes. C'est par exemple le cas de P.Bourdieu pour lequel « la jeunesse n'est qu'un mot ». De fait, la « culture jeune » est très clivée elle-même en fonction du groupe social auquel appartient le jeune (l'écoute du rap ou le port de vêtement « banlieue » est par exemple très clivant). Par ailleurs, Louis Chauvel met en avant ce qu'il appelle le « destin des générations ». En particulier, il oppose la génération née de 1940 à 1960 et celles nées après. La première est rentrée sur le marché du travail durant les Trente Glorieuses. Ses membres n'ont eu aucun mal à trouver un travail, ont bénéficié d'une carrière rapide et de fortes augmentations de salaire. Par exemple, durant les Trente Glorieuses, il fallait 25 ans pour que le salaire d'un ouvrier rattrape le salaire d'un cadre d'une année t donnée. Avec 25 ans de retard, un ouvrier avait donc le même niveau de vie qu'un cadre de l'année t. Aujourd'hui, les augmentations salariales sont si faibles qu'il faut plus de deux siècles. En outre, les membres de ces générations ont bénéficié d'un État providence généreux (retraite à 60 ans). Les générations suivantes ont des insertions lentes et difficiles sur le marché du travail, des carrières plus lentes et de moins fortes augmentations salariales. Elles payeront pour les retraites de leurs aînés, sans bénéficier des mêmes avantages (retraite à 65 ans). Il y aurait donc une quasi lutte entre les générations, qui remplacerait celle entre les classes sociales. Autre principe : le sexe. Toutes les sociétés humaines sont fondées sur la domination masculine, c'est-à-dire que, dans toutes, les hommes occupent les positions sociales les plus valorisées et que cette domination est perçue comme légitime, normale. Quelque soit leur classe sociale, les femmes subissent une même domination masculine, en particulier une division du travail qui leur est défavorable. Toutefois, le propre de la nôtre est que cette domination est contestée : elle n'apparaît plus comme légitime, et la répartition des tâches se transforme lentement. Cela conduit certaines femmes à mettre en avant leur statut social de femme, à lutter pour sa promotion, plutôt que leur position de classe. Cela est d'autant plus le cas que notre société s'individualise. Question 1 : En quoi le document 28 p. 197 confirme-t-il la thèse du texte ? Question 2 : Pourquoi les clivages de genre dépassent-ils les clivages de classe ? 26