La centrale nucléaire du Bugey menace la Savoie

Transcription

La centrale nucléaire du Bugey menace la Savoie
Tribune
12 avril 2016
Laurent Blondaz
La centrale nucléaire du Bugey
menace la Savoie
Accusant d’ingérence les autorités genevoises qui ont porté plainte
contre la centrale nucléaire du Bugey, le député de Savoie,
Bernard Accoyer, a volé au secours de cette installation, l’une des
plus anciennes de France. Pourtant, explique l’auteur de cette
tribune, la Savoie ne se relèverait pas en cas d’accident atomique.
Laurent Blondaz est le président du MRS, un mouvement
régionaliste savoyard qui "
".
Le 2 mars dernier, la ville et le canton de Genève (Suisse) ont
déposé une plainte en pénal pour mise en danger d’autrui au sujet
de la centrale nucléaire du Bugey (Ain), située à une septentaine
de kilomètres de la cité.
Précisions données quelques jours plus tard dans une conférence de presse, rassemblant Esther
Alder (maire de Genève), Antonio Hodgers (conseiller d’État), l’avocate Corinne Lepage, ainsi que
les représentants d’une association bugiste :
En fait, l’industrie nucléaire et l’État français ne font qu’un. Quatre jours seulement après cette
conférence de presse, l’ancien président de l’Assemblée nationale et député-maire d’Annecy-leVieux (Haute-Savoie), Bernard Accoyer, répliquait par un communiqué, qui fut rapidement repris par
la quasi-totalité des journaux nationaux. Selon lui,
"
", les centrales françaises ? Tout comme l’étaient les quatre réacteurs de Fukushima, la veille
du 11 mars 2011 ?
Le Japon est un pays pourtant largement reconnu pour sa fiabilité. Ses nombreuses méthodes de
qualité : lean, kaisen, Ishikawa, 5S et autres... font référence dans le monde industriel. Mais bien sûr,
les Français sont probablement plus intelligents que les Japonais et que les Genevois...
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Cette centrale a tout pour ne pas plaire
Pas si sûres en fait, ces centrales françaises. C’est ce que dit un autre Bernard, le professeur
Laponche, physicien nucléaire, polytechnicien, et donc lui-même issu du sérail industriel
énergétique :
Bernard Accoyer fustige par ailleurs "
" des autorités genevoises. Mais garantit-il qu’un
nuage radioactif français s’échappant d’un réacteur défaillant ne fasse pas "
" un jour dans le
ciel de la cité de Calvin ?
Ce qui est regrettable pour ce représentant du peuple, c’est qu’il ne mette pas en question la sécurité
des territoires et de ses habitants, dont ses électeurs annéciens, ainsi que l’ensemble des
Savoyards. Car oui, les populations risquent très gros. Les réacteurs 2, 3, 4 et 5 du Bugey, qui sont
actuellement en activité, sont les plus anciens de France, avec ceux de la très contestée
Fessenheim, en Alsace. Ils sont issus d’ailleurs de la même technologie. Toute la Savoie est située à
moins de 150 km de la centrale. De surcroît, les vents d’ouest dominants amplifient les risques.
Chambéry est à 50 km, Annecy à 70 km, que dire de Belley, du Bugey, et du proche Dauphiné, qui
seraient en cas d’accident une zone d’évacuation sans retour.
Et cette centrale a tout pour ne pas plaire : zone d’inondation, zone sismique, exposition aux
attentats en étant à moins de 15 km de la piste de l’aéroport de Lyon-Saint-Exupéry, soit à moins de
deux minutes de détournement d’avion. Le site du Bugey accueille aussi Iceda : la décharge
nucléaire nationale à ciel ouvert, ainsi que le réacteur n° 1, arrêté depuis plus de 20 ans, mais non
démantelé, comme le sont d’ailleurs l’ensemble des anciens réacteurs français. Et n’oublions pas
non plus l’encombrant réacteur
de Creys-Malville (Isère), situé à 15 km en amont, qui doit
rester accessible aussi pour son démantèlement.
Un lac de Haute-Savoie.
À Fukushima, cinq ans après, les fuites radioactives se déversent toujours dans l’océan. On
comptabilise plus de 1.900 décès indirects, et, malgré les déportations de plus de
150.000 personnes, dont certaines ne pourront jamais regagner leur lieu de vie. Les terres sont
contaminées et il ne sera pas possible d’y remédier. Une augmentation importante des cancers est à
redouter.
Qu’en serait-il si un accident similaire se produisait au Bugey ?
La Savoie entière perdrait son économie et son âme. Les eaux minérales d’Évian, de Thonon, d’Aix
seraient impropres à la consommation, ou à défaut, délaissées par les consommateurs. Idem pour
les reblochons : pastilles vertes pour "
", rouges pour "
", jaune et noir pour "
"?
Idem pour les tommes, beauforts, abondances ou autres chevrotins… mais aussi nos vins, et autres
produits du terroir qui marquent l’identité savoyarde. L’économie touristique serait aussi anéantie. Qui
viendrait encore en vacances se baigner dans un lac irradié, ou surfer une poudreuse d’isotopes
radioactifs, ou rechercher le calme intérieur dans une montagne contaminée ? Le risque pour la
Savoie est immense.
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La transition énergétique n’attend qu’une chose : que l’on fasse le bon choix !
Dans les années 1970, le philosophe Denis de Rougemont fustigeait déjà les "
"
des promoteurs de cette énergie. Nous n’aurions "
". Les tournures changent au fil des
décennies, mais la pression sur l’opinion publique reste la même. Aujourd’hui, on ose même apporter
de fallacieuses raisons environnementales : l’arrêt du nucléaire ne permettrait pas d’atteindre les
objectifs de la COP21 !
Cela demeure malheureusement d’une très vive actualité.
L’industrie nucléaire, contrôlée par une petite élite nationale issue du Corps des mines, n’apporte rien
à l’économie savoyarde. Pourquoi la défendre ? En revanche,
accueille le très
prometteur
, Institut national de l’énergie solaire. Une multitude de jeunes pousses et de PME
sont prêtes à éclore et à se diffuser régionalement. La transition énergétique n’attend qu’une chose :
que l’on fasse le bon choix !
Pour toutes ces raisons, le
, soucieux du devenir de ce territoire et de sa
population, soutient la plainte déposée par les autorités genevoises. Il demande la fermeture au plus
vite des quatre réacteurs du Bugey. Avant qu’il ne soit trop tard ! Il s’indigne vivement contre le
souhait irresponsable du gouvernement français d’augmenter de dix ans la durée de vie des
centrales, dont les réacteurs montrent déjà de nombreux éléments de fatigue.
➤ Lire aussi : Les centrales françaises et belges font peur à leurs voisins
Source :
Courriel à
Titre, chapô et inters sont de la rédaction.
Photos :
dessin : © Red !/Reporterre
lac : Pixabay (CC0)
Dans les tribunes, les auteurs expriment un point de vue propre, qui n’est
pas nécessairement celui de la rédaction.
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Denis de Rougemont, L’Avenir est notre affaire ! édition Stock, 1977.
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