Machine spéciale

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Machine spéciale
DOSSIER
Machine spéciale
Le secteur de la machine spéciale se porte bien. Bureaux d’études et fabricants s’appuient sur les solutions orientées product centric proposées par les
éditeurs. Grâce à leurs outils intégrés couvrant la simulation numérique, les
échanges de données ou les métiers complémentaires à la mécanique, ils peuvent concevoir plus rapidement, des machines plus performantes et optimiser
leur industrialisation grâce à la standardisation de leurs composants.
Multi-clients et
Multi-technologies
Lumière dans la grisaille
ambiante, le secteur industriel de la machine-spéciale
ne rencontre pas ou peu de
difficulté conjoncturelle à
l’heure actuelle. Bien sûr, le
constat est totalement différent si l’on intègre les fabricants d’outillages dans ce
secteur, une activité sinistrée en France. Tout n’est
pas rose bien sûr, et la
compétition est forte sur
l’habituel trio prix, performances, délais. Mais les
entreprises luttent à armes
égales et n’ont pas à faire
face à une concurrence
venue de pays low cost.
C’est en tout cas ce qui
ressort des témoignages
d’entreprises que nous
avons contactées pour ce
dossier. Bureaux d’études
comme fabricants intégrés, la majorité d’entre
eux travaillent pour des
donneurs d’ordres venus
de l’agroalimentaire, du
sport, du textile du luxe ou
encore l’emballage. C’est
sans doute cette diversité
de la clientèle qui permet
à ces nombreuses petites
structures de perdurer.
Ces entreprises sont majoritairement des PME entre
20 et 150 personnes. Les
exceptions sont constituées de groupes dont la
couverture est internationale et des TPE dans le cas
de bureaux d’ingénierie
pure. Elles assurent généralement la conception, le
développement et la fabrication complète de leurs
machines ; même si cellesci combinent plusieurs tech-
Philippe Lariche, Responsable technique d’Aricad : « Grâce aux fonctionnalités de TopSolid
nous nous sommes constitués notre propre librairie de pièces standards et paramétriques ».
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Réutiliser l’existant
E
ntreprise de 300 salariés créée en 1932, Zalkin
développe des machines à capsuler les bouteilles,
flacons, et récipients divers. Plus de 85 % de ces
machines sont constitués de pièces standards du
commerce ou sous-traités à l’extérieur. Les concepteurs utilisent une trentaine de licences Solid Edge et
quelques postes sous MicroStation. Trois licences flottantes de solutions Ansys permettent aux ingénieurs
d’optimiser le dimensionnement sur des pièces unitaires ou sur des sous-ensembles. L’objectif est logiquement d’économiser de la matière et notamment l’inox
qui rentre pour une large part dans la construction de
ces installations.
Sébastien Dufros, responsable CAO, souligne un
problème croissant dans le secteur des machines
spéciales, celui de l’augmentation de la taille des
assemblages. « Nos machines sont en moyenne
constituées de 1 000 à 2 000 pièces. On atteint une
limite et il devient nécessaire d’organiser les fichiers
pièces de manière rigoureuse. Nous utilisons pour
cela un outil de GDT maison qui gère la codification
des plans et leur indiçage. Les projets sont découpés
en sous-ensembles fonctionnels et répartis entre les
services chargés de leur développement. Par ailleurs,
le système d’information est connecté à l’ERP de l’entreprise. Cela nous permet de lancer des recherches
de cas d’emploi, en utilisant des critères techniques
systématiquement renseignés à chaque nouveau
projet ».
Sébastien Dufros souhaiterait aller plus loin dans
ce domaine, car la réutilisation de l’existant est une
clé pour optimiser l’industrialisation des produits.
« Nous avons par exemple essayé Geosearch, un
outil prometteur développé par Cadenas et utilisant la
comparaison géométrique pour trouver et comparer
des modèles 3D dans la plupart des formats CAO.
Le hic, cela nécessite au départ une organisation très
structurée de ces pièces et la mise en place de critères
nécessaires et suffisants… »
Pour optimiser la réalisation des documentations techniques et contractuelles, Zalkin a en plus développé
en interne un logiciel spécifique. Celui-ci récupère
dans l’ERP la nomenclature d’une machine, rapatrie
les fichiers Solid Edge de ces éléments et édite automatiquement les plans selon une mise en page standardisée par la PME.
« Nos machines sont constituées de 1 000 à 2 000 pièces.
On atteint un seuil où il devient obligatoire d’utiliser un outil
de GDT pour gérer rigoureusement nos fichiers » Sébastion
Dufros, responsable du bureau d’études de la société Zalkin.
nologies comme l’hydraulique, l’électrotechnique, la
tôlerie ou les automatismes.
Cet aspect multi métier est
largement pris en compte
par les éditeurs d’outils
de CAO. Qu’il s’agisse
des offres d’Autodesk, de
SolidWorks, d’UGS ou de
Missler, toutes intègrent des
modules pour la tôlerie, la
schématique électrique, le
piping 3D, l’assemblage
mécano-soudé, voire la
plasturgie pour certaines
d’entre elles. Et ces outils
sont bien entendu destinés
à être employés par des
non spécialistes de chacun
de ces domaines.
PDM et PME
Paradoxalement, ce sont
souvent les grandes entreprises qui ont mis en place
une politique systématique
de sous-traitance, qu’il
s’agisse de participer à
l’étude d’ingénierie ou bien
à la fabrication. Les entreprises qui ont organisé
leur conception produit
sur plusieurs sites, adoptent progressivement des
procédures et des outils
de gestion de données
collaboratives. Celles-ci
leur permettent d’échanger
des données en interne en
toute sécurité. « Lorsque
les projets sont déployés
sur plusieurs groupes de
travail, il faut pouvoir
conserver une traçabilité
de leurs évolutions, gérer
les cas d’emploi de certaines sous-parties, réutiliser
des composants existants,
et finalement disposer de
toutes les données – fiables
- liées à la vie de la machine
et à sa maintenance » souligne Alain Combier directeur technique d’Axemble,
distributeur des solutions
SolidWorks. En revanche,
lorsqu’il s’agit de communiquer avec les partenaires
externes, c’est encore le
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N
Standardiser pour mieux personnaliser
ewtec Packaging conçoit et réalise des solutions
automatisées de logistique pour la palettisation, le
stockage, l’ensachage de produits ou encore le remplissage de liquides. Cette entreprise de 400 salariés s’est
établie sur cinq sites français, chacun spécialisé dans un
métier.
Les projets qu’elle développe pour des clients du monde
entier sont complexes et mixent les technologies : mécanique, robotique, hydraulique, automatismes, etc. Ces
installations sont généralement dissociées fonctionnellement, et chaque sous-ensemble confié à l’un des cinq
BE compétent. Pour l’étude de certaines parties spécifiques, ou en cas de surcharge de travail, l’entreprise
fait également appel à des partenaires extérieurs. Et,
pour garantir le bon fonctionnement de son organisation industrielle, elle impose des procédures et un outil
de conception. Fabrice Breheret, responsable du BE
mécanique de Newtec Case Palletizing : « Nous avons
sélectionné nos prestataires d’études en fonction de leurs
compétences, et de leur capacité à travailler avec Autodesk Inventor. Nous refusons tout autre logiciel 3D même
si les passerelles existent, car il est impératif pour nous
de récupérer les fichiers natifs, pour garder la main sur
les conceptions... »
Ce choix a l’avantage d’uniformiser les échanges de
données techniques entre les intervenants, y compris
avec les clients. C’est le format DWF qui sert de véhicule
de communication. Il est généré automatiquement par
Autodesk Vault, que Newtec a également installé au
vieux couple mail/serveur
FTP qui est privilégié
« La gestion de données
est avant tout utilisée de
manière départementale.
Quelques grands comptes
comme Michelin travaillent
en multi-sites. Mais dans
ce cadre se tournent vers
des solutions dédiées
c o m m e S m a r Te a m »
rajoute-t-il. Et, contrairement à des secteurs comme
l’automobile, l’aéronautique et l’agroalimentaire
où le process est central,
les fabricants de machines
spéciales sont avant tout
orientés produit. Ils choisissent donc des solutions de
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sein de tous ses bureaux d’études. Ce format est utilisé
en interne par les concepteurs ou le service achat, par
les prestataires qui viennent travailler sur place, mais
aussi pour transmettre les plans de fabrication aux soustraitants. Fin 2008, Newtec a déployé un plateau pour
l’exécution des mises en plan de projets spécifiques par
un partenaire extérieur. « J’ai ainsi libéré notre bureau
d’études des travaux à faible valeurs ajoutées, afin de
se concentrer sur la conception et l’ingénierie qui est
le cœur de notre métier. Nous mettons à disposition
les fichiers natifs Inventor sur un serveur FTP, puis le
prestataire nous restitue les plans de détails et les plans
de montage que nous archivons alors dans Vault sur
notre serveur. » L’entreprise a étendue la 3D à l’atelier
« qui dispose depuis peu de PC dotés de viewers DWF
permettant à nos monteurs de consulter les plans 2 et 3D,
de masquer des éléments pour mieux voir des parties
cachées, et même de remonter des annotations vers le
BE ! » rajoute Fabrice Breheret.
Seconde réussite de Newtec : avoir su rationnaliser sa
production grâce à une conception modulaire. Puisqu’une machine spéciale est majoritairement constituée
d’éléments standards du commerce, l’entreprise à
poussé le raisonnement et s’est créée une bibliothèque
numérique de modules fonctionnels. Une installation
nouvelle résulte, en partie, d’un assemblage judicieux de
sous-parties déjà conçues. « Nous utilisons pour cela le
paramétrage naturel d’Inventor, pour des pièces seules,
et pour des sous-ensembles complets. Un simple tableur
Excel nous permet d’en piloter les paramètres, en fonction des données issues du cahier des charges comme
les cadences de travail par exemple. Soulignons également que grâce à cette base de donnée, nos commerciaux peuvent rapidement établir des devis en utilisant
AutoCAD pour gérer l’occupation au sol de chaque
blocs dynamiques constitutifs d’un projet… » explique
Fabrice Breheret.
Une démarche industrielle qui semble réussir au fabricant qui annonce un carnet de commande rempli et sans
doute de nouvelles embauches à venir…
conception intégrant CAO,
calcul et GDT.
Même les petites structures commencent à s’approprier les outils de gestion
de données techniques.
Pour Christian Arber directeur général de Missler,
« C’est surtout les fonctions
de gestion des entrées/
sorties de fichiers, de mise
à jour des indices et de
révision de documents qui
sont exploitées dans ce
cas. Et, l’intégration de ce
type d’outil avec la CAO
est primordiale pour être
accepté par les utilisateurs ».
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Standardisation
et modularité
Une machine spéciale s’est
souvent 80 % de pièces
standards du commerce.
Une logique qui pousse les
industriels à utiliser d’une
part les bibliothèques de
composants disponibles sur
le web ou intégrées à leurs
solutions CAO, et d’autre
part à se constituer leur
propre librairie de pièces
ou sous-ensembles fonctionnels. AutoCAD Mechanical
et Inventor par exemple intègre la bibliothèque développée par Cadenas et la
complète de fonctions spéci-
tionnel qui déterminera le
modèle de CAO » explique
Richard Comte, directeur
des ventes France et Afrique du nord de la division
Manufacturing d’Autodesk.
Des outils similaires sont
disponibles au sein de
TopSolid de Missler. Ce
modeleur permet de récupérer les modèles 3D (Step,
DXF 3D…) du commerce et
de leur attribuer une « intelligence » facilitant leur utilisation au sein d’un modèle 3D
mais également les étapes
ultérieures de production. Il
est ainsi possible d’associer
des trous de fixation à un
Eric Meyer, dirigeant de la société Memos : « Une machine
spéciale c'est de très nombreuses modifications. Il faut donc
choisir un outil CAO particulièrement souple pour être réactif. »
fiques favorisant leur réutilisation. « Design Accelerator est une base de données
dynamique de références
d’ingénierie intégrant un
calculateur en mécanique
et un générateur de composants. Elle permet de créer
des pièces normalisées en
fonction d’attributs physiques comme la vitesse, la
puissance et les propriétés
du matériau. La conception
des produits se fera ainsi
selon leur fonctionnement,
plutôt qu’à partir de leurs
propriétés géométriques.
C’est donc le modèle fonc-
vérin, de spécifier les positions extrêmes de la tige,
etc. Et finalement d’en faire
un composant complètement
personnalisé et réutilisable
à volonté par l’entreprise.
L’étape suivante visée par
les entreprises, c’est le lien
entre CAO et ERP. L’objectif étant de récupérer automatiquement dans l’ERP la
nomenclature issue de la
modélisation CAO. « Finies
les pertes de temps dues
aux ressaisies, aux erreurs,
à l’utilisation de composants
non validés par la direction des achats… Reste qu’il
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La 3D devient indispensable pour se comprendre
P
ME familiale, Avrillon emploie aujourd’hui 23
personnes et intègre tous les métiers depuis la
conception jusqu’à la mise en service des machines
spéciales, en passant par leur fabrication. Ses clients ?
L’industrie agroalimentaire et notamment les fabricants
de fromages. Un secteur où la course à la productivité
est constante. « En deux ans, nous avons multiplié par
trois la cadence de travail de nos machines de dépilage
de claies par exemple. Nos clients sont très attentifs au
ROI. Ils souhaitent automatiser
au maximum leurs installations.
Ils souhaitent diminuer la masse
salariale, supprimer les tâches
pénibles, tout en s’assurant de
la qualité grâce à la répétabilité d’une machine » souligne
Gérard Vallin, le dirigeant. Pour
tenir ces objectifs, la CAO 3D
est devenue le passage obligé.
Quatre personnes travaillent
au bureau d’études. « Régulièrement au cours du développement d’un projet, nous
organisons une projection des modèles 3D pour échanger nos idées. Grâce à elle, on se comprend mieux. Elle
favorise une démarche collaborative entre la direction,
la technique, et éventuellement le client pour aborder
des points difficilement lisibles en 2D comme les aspects
de nettoyabilité, de montage ou de maintenance. Et
puis, quel atout pour « vendre » notre idée au client. Des
images ou une animation montrant le fonctionnement
sont mille fois plus efficaces qu’un long discours… »
s’agit de faire correspondre souvent deux systèmes
référentiels différents ! »
rappelle Christian Arber.
Simuler pour
optimiser
On notera pour finir une
percée timide des outils
de simulation numérique.
Comme l’explique Philippe
Lariche, responsable technique de la société Ericad
qui étudie et fabrique des
machines spéciales pour
le secteur de l’emballage
ou celui de l’automobile :
« C’est souvent le client qui
décide de l’utilisation d’un
outil de calcul pour répondre à une spécification technique précise. L’analyse de
structure est peu courante,
le dimensionnement de nos
installations garantie leur
résistance mécanique. En
revanche, nous sommes
parfois amenés à étudier
leur résistance aux vibrations afin de garantir un
fonctionnement en dehors
de la fréquence propre. »
Plus que le calcul de structure, c’est sans doute les
solutions de simulation
dynamique ou de cinémati-
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Avrillon utilise également la 3D pour travailler plus efficacement avec un ergonome pour des machines faisant
appel à un opérateur. Enfin, très tôt dans le cycle de
développement, l’Apave utilise les vues 3D fournies par
le BE pour valider les solutions proposées.
L’agroalimentaire aime l’inox, matériau neutre pour
les aliments et facilement nettoyable. Mais l’inox coûte
cher ! « Et puis nos clients sont de plus en plus sensibles
à l’apparence des installations que nous leur livrons »
déclare Gérard Vallin. « Il faut
aussi dire également que notre
responsabilité est de plus en plus
engagée sur les produits que
nous délivrons comme par exemple des cuves pour le stockage
de saumure. Il est de notre ressort
de choisir le bon matériau, de
prévoir les renforts aux endroits
judicieux et d’optimiser la structure globale pour fournir une
solution sécurisée, mais justement
dimensionnée » rajoute-t-il. C’est pourquoi l’entreprise
s’est dotée de CosmosWorks, solution de SolidWorks
pour optimiser le dimensionnement des projets.
Pour le dirigeant, pas de solutions miracles pour
résister à la crise actuelle. Mais le bon sens entrepreneurial : « être réactif aux appels d’offres, s’appuyer
sur son savoir-faire pour se diversifier sectoriellement,
enfin ne pas hésiter à proposer plusieurs solutions au
prospect, l’une mécanique et la seconde robotique par
exemple ».
que qui rencontre du succès
auprès des professionnels de ce secteur. Quels
que soient les besoins, ils
sont aujourd’hui couverts
par des offres comme
CosmosWorks de SolidWorks, ou Velocity Series
de Siemens PLM Software.
Orientées pré-dimensionnement et adaptées à la
population de BE, ces solutions ont évolué progressivement vers toujours plus
de performances.
Grâce au rachat par Autodesk de Solid Dynamics
puis de PlassoTech, Inven-
tor permet aujourd’hui de
réaliser des simulations
numériques sur des pièces
unitaires, mais aussi sur
des assemblages en statique linéaire, thermique,
flambage, fréquence
modale et en cinématique
et dynamique. L’éditeur
vient par ailleurs de finaliser l’acquisition d’Algor.
Inventor devrait donc dans
les prochaines versions
bénéficier de nouvelles
fonctionnalités de simulation multiphysique, de
la simulation des écoulements, des pressions et des
fluides. 