Les Salafis et le déclin de l`économie soufie de la prière
Transcription
Les Salafis et le déclin de l`économie soufie de la prière
Les Salafis et le déclin de l’économie soufie de la prière Une économie salafie de la prière économie salafie de la prière dans la région du Balé en Éthiopie Terje ØSTEBØ * La montée en puissance des mouvements de réformes islamiques contemporains a braqué les projecteurs sur les échanges et les réseaux commerciaux en Afrique subsaharienne. Alors, les réseaux qui relient l’islam d’Afrique subsaharienne au reste du monde musulman et le rôle des marchands locaux et des groupes de commerçants de la diaspora ont suscité un très fort intérêt, tout comme l’influence qu’exercent ces acteurs et ces réseaux sur les mutations en cours. On remarque d’ailleurs que le développement des échanges translocaux a relié entre eux des territoires plus vastes et la façon dont l’amélioration des moyens de communication a contribué à effacer les frontières locales ont conduit à la prise de conscience de l’existence de nouveaux courants idéologiques et au changement religieux. Malgré cela, rares sont les études qui ont abordé les relations nouées entre la réforme islamique et des schémas particuliers d’organisation économique. Plus précisément, peu de travaux ont pris pour objet les discours sous-jacents dans la relation entre la conception des échanges économiques qu’ont les marchands et une nouvelle perception des symboles religieux et de la pratique religieuse. Cet article, qui met l’accent sur le mouvement salafi dans la région du Balé en Éthiopie, entend montrer comment un environnement socioéconomique en mutation et le développement des échanges translocaux sont intrinsèquement liés au processus de réforme religieuse. Pour cela, nous utilisons le concept d’« économie de la prière » 1, ensemble complexe d’échanges * Terje Østebø est spécialiste des religions, ses recherches portent notamment sur l’islam en Afrique. Il a travaillé en Éthiopie et est l’auteur de nombreuses publications sur l’islam dans ce pays. Il travaille actuellement comme professeur associé à l’École NLA de religion, d’éducation et d’études interculturelles à Bergen (Norvège). 1. Ce concept est emprunté à Soares (2005), qui l’a lui-même repris de Last (1988). ■ Afrique contemporaine ■ d’offrandes symboliques et matérielles réalisés en contrepartie d’interventions divines, sous la forme de bénédictions et de prières (Eade, Sallnow, 1991). La perception des transformations actuelles de l’économie de la prière est semblable à celle de Benjamin Soares, pour qui l’évolution socioéconomique affecte cet échange et ouvre la voie à une « économie religieuse qui s’apparente davantage à un marché » (2005, p. 153). L’expansion d’une économie monétarisée, la diversification du travail et l’apparition de contribuables, par le développement d’une économie budgétaire, en constituent les aspects cruciaux. ■ Une économie salafie de la prière dans la région du Balé en Éthiopie ■ Au cours du XXe siècle, le réformisme islamique coïncide avec l’arrivée de nouvelles catégories de marchands et de nouveaux schémas commerciaux dans la région de Balé, aux effets décisifs sur l’économie morale. L’émergence de nouveaux groupes de commerçants engagés dans des transactions monétarisées produit une éthique individualiste plus forte qui correspond à l’appel à la réforme religieuse 2. L’évolution des structures socio-économiques a des conséquences durables sur l’économie de la prière, établie pourtant de longue date. Les commerçants en accélèrent la disparition, mais en permettent aussi la réapparition sous une nouvelle forme. L’ÉCONOMIE DE LA PRIÈRE CHEZ LES OROMO 3 Débutée à la fin du XVIIIe siècle, l’islamisation des Oromo dans le Balé a suivi un processus complexe d’accommodation d’anciennes pratiques 4. Plusieurs rituels préislamiques ont été conservés, fusionnés avec de nouveaux, modifiés et dotés d’une nouvelle signification. Les sanctuaires islamiques ont joué un rôle crucial dans ce processus, car ils constituaient des sites importants pour l’enseignement rudimentaire des dogmes islamiques, aidaient les individus à satisfaire leurs besoins quotidiens et, surtout, ont certainement contribué à la construction d’une identité musulmane collective. Plutôt que de détruire les lieux de culte existants, les propagateurs de l’islam ont souvent débuté leurs activités sur ces sites, ou à leur proximité, en les transformant en lieux dédiés à la vénération des saints musulmans. Le principal lieu de culte du Balé était le Dirre Sheikh Hussein, situé dans le district de Gololcha, dans le nord du pays 5 (voir la carte). Sheikh Hussein a vécu au XIIe siècle, le rétablissement du pèlerinage au début du XIXe siècle a été décisif dans l’islamisation des Oromo, et forme désormais un élément essentiel de l’économie de la prière de ce peuple. Pendant près de deux siècles, ce pèlerinage a représenté le rituel collectif le plus onéreux pour les musulmans oromo du Balé, et reste aujourd’hui même l’un des plus importants sanctuaires musulmans de la corne de l’Afrique 6. 2. Notre connaissance générale du concept de l’économie morale s’appuie sur Polanyi (1957) et Scott (1976). 3. Les Oromos sont un peuple d’Afrique de l’Est vivant majoritairement dans la région Oromia, en Éthiopie. Selon le recensement de 1994, ils représentent 32,1 % de la population nationale éthiopienne soit plus de 26 millions de personnes, c’est-à-dire, démographiquement, le premier peuple du pays juste devant les Amharas (30,1 %). 4. Pour une discussion plus complète sur l’histoire de l’islam dans le Balé, voir Østebø (2005). 5. Le terme « Dirre », qui signifie littéralement « champ » dans la langue oromo, désigne ici l’emplacement géographique du Lieu saint. 6. Pour plus de détails sur le Dirre Sheikh Hussein, voir Andrzejewski (1974), Braukämper (2002, p. 129 et suiv.) et Østebø (2008). ■ Afrique contemporaine ■ L’économie de la prière des Oromo se caractérise par un système d’échange symbolique, marqué par un sacrifice (wareega) réalisé dans un sanctuaire. Le terme wareega désigne habituellement un vœu composé de trois éléments : le vœu, la confession en public du vœu et le sacrifice. En faisant un vœu, le confessant passe un contrat avec le saint, aux termes duquel il lui promet de lui apporter une offrande lorsque sa demande sera exaucée 7. Les sacrifices réalisés dans les sanctuaires peuvent revêtir différentes formes et être effectués en espèces ou en nature, auquel cas il s’agit souvent d’animaux ou de produits d’origine animale. En échange, le pèlerin reçoit une bénédiction dont il voit la concrétisation dans la pluie, l’abondance de nourriture, la santé du bétail, la prospérité et la fécondité des femmes. Ces bénédictions sont clairement liées au concept oromo de paix (nagaa), synonyme d’harmonie, de subsistance et de sécurité pour la communauté et pour chacun de ses membres (Aguilar, 1996). La charité et l’aumône faites aux pauvres en sont des aspects connexes. Même s’il n’est pas riche, un pèlerin est obligé de réaliser un don, en espèces ou en nature, ensuite redistribué aux pauvres. Appelée sadaqa 8, cette distribution des aumônes fait aussi partie de la célébration de la naissance du Prophète (mawlid al-Nabi), lors de laquelle est organisé un repas pour la collectivité 9. La sadaqa profite également aux gardiens des sanctuaires totalement tributaires des contributions de la population. La fabrication et le commerce des amulettes, ainsi que la divination à partir d’ouvrages de numérologie et d’astrologie islamiques, forment une source de revenus non négligeable pour les maîtres du rituel. En effet, la fétichisation (Masquelier, 1999, p. 236) du mot écrit comprend la fabrication d’amulettes curatives, morceaux de papier sur lesquels sont inscrites des citations du Coran destinés à être conservés à la maison, mangés ou portés comme des ornements protecteurs. La karaama 10 est au cœur de l’économie de la prière oromo. Considérée comme une qualité ou une capacité propre à certains individus, comme un don de Dieu, elle était aussi perçue comme une force habitant l’espace (sanctuaires, tombeaux ou d’autres lieux de culte). La karaama des gardiens 7. On pourrait parler de système d’« échange différé » au sens où le fidèle n’apporte l’offrande qu’une fois sa demande exaucée (Pankhurts, 1994, p. 935). 8. Sadaqa : aumône légale, l’une des cinq obligations religieuses de tout musulman. Spontanée, elle est laissée à la discrétion de chacun. 9. La distribution des aumônes intervenait également lors des funérailles et de la période de deuil obligatoire qui s’ensuivait, qui donnaient lieu à des fêtes somptueuses. 10. Tandis qu’en arabe karaama désigne les miracles réalisés par ceux qui possèdent la baraka (bénédiction divine), ce mot était communément utilisé dans le Balé pour désigner la capacité ou le pouvoir d’accomplir des miracles. ■ Une économie salafie de la prière dans la région du Balé en Éthiopie ■ des sanctuaires repose sur une combinaison de généalogie, d’appel du divin et d’initiation. Elle leur permet de servir d’intermédiaires entre les hommes et Dieu par l’intermédiaire d’un saint, qui, en échange d’offrandes, répond avec bienveillance aux demandes des fidèles. Aux yeux de la population, l’économie de la karaama reste amalgamée à la capacité des gardiens de bénir (eebaa) et de maudire (abaarsaa), deux aspects centraux de la culture oromo, la bénédiction étant donnée par Dieu et descendant sur l’être humain par une sujétion totale à Dieu, la malédiction se traduisant en revanche par des accidents et des souffrances subis dans la réalité immédiate. On pense que la générosité dans le don du wareega sera récompensée sous la forme d’une bénédiction, tandis que le refus de donner provoquera malédiction et punitions (Andrzejewski, 1972, p. 9). Les gardiens des sanctuaires sont liés par cette économie : on escompte clairement que les dons au sanctuaire doivent être redistribués, l’accumulation de richesses pouvant avoir un impact négatif sur la karaama. En résumé, l’économie de la prière chez les Oromo est le produit de plusieurs traditions religieuses, qui, rassemblées, constituaient un agrégat complexe rempli de significations pour les musulmans oromos. Incarnée dans les rituels concrets de la population, elle soutient l’harmonie et le bien-être des membres de la société (nagaa). Des mutations économiques et sociales profondes ont conduit à des évolutions considérables de cette économie de la prière. MUTATIONS SOCIO-ÉCONOMIQUES À partir de la conquête amhara et de l’inclusion du Balé dans le royaume chrétien en 1891-1892, les évolutions socio-économiques du XXe siècle ont des conséquences durables sur l’économie de la prière 11. La terre, considérée comme un bien commun dans la société pastorale oromo, devient progressivement un bien privé, susceptible de transactions. De vastes domaines sont attribués aux officiers de l’armée et aux colons venus du Nord, mais les Oromo d’origine deviennent également de prospères propriétaires terriens. Les nouvelles structures touchent durement les populations locales. Les paysans sont non seulement réduits à l’état de métayers, redevables d’un 11. Même si nous désignons la conquête comme étant une conquête amhara, nous sommes tout à fait conscient que ce vocable recouvre une réalité complexe. L’empereur Ménélik appartient aux Amhara, mais il descend d’une lignée issue du Choa. Il a pris le pouvoir et menacé la position des élites tigray et amhara plus au nord. De plus, au sein du royaume du Choa, les Oromo sont assez nombreux, ils appartiennent à l’élite et constituent une part importante des généraux et de l’armée de Ménélik. Voir Merera (2003, p. 102 et suiv.) et Darkwah (1975, p. 6) pour plus de détails. ■ Afrique contemporaine ■ tribut aux propriétaires, mais doivent en plus verser une taxe à l’État, aggravant lourdement leur situation. Les efforts déployés pour moderniser et centraliser l’administration politique sous le règne de l’empereur Hailé Sélassié entraînent le développement d’institutions administratives et la rationalisation des procédures de recouvrement de l’impôt (Clapham, 1969, p. 17 et suiv.). Ces évolutions se traduisent également par une recrudescence de la corruption et de l’assujettissement économique de la part des administrateurs locaux, exacerbant les problèmes de la population locale et aggravant l’aliénation foncière et la pauvreté (Tareke, 1977). À partir du début des années 1950, les transactions foncières se multiplient avec l’arrivée des Oromo du Choa. Ces derniers s’installent d’abord comme métayers des Oromo Arsi 12 et rachètent progressivement des terres pour leur propre compte. L’arrivée de cette population, formée d’agriculteurs sédentaires, permet l’expansion à grande échelle de l’économie agricole dans le Balé. La production croissante de produits agricoles, que les propriétaires terriens oromo arsi peuvent échanger contre de l’argent, est vivement encouragée : elle augmente leur capacité à remplir leurs obligations fiscales. Elle contribue aussi à renforcer les excédents agricoles et favorise l’économie monétaire, qui, avec l’amélioration des moyens de communication, conduit au développement du commerce translocal, et à l’urbanisation. Cette dernière est due à l’alourdissement du fardeau fiscal, qui contraint les paysans incapables de satisfaire aux obligations fiscales imposées par l’État. Ceux-ci sont alors expulsés de leurs terres et contraint à migrer vers les villes. La précarisation économique conduit à un regain de ferveur religieuse. Le fardeau fiscal, la confiscation des terres et la dégradation des conditions économiques de la population rurale des années 1950 et 1960 revigorent la pratique du pèlerinage, dont l’aumône faite aux pauvres constituait un pan particulièrement important. Par ailleurs, l’expansion de l’économie monétaire conduit à la marchandisation des dons circulant au sein du système d’échange symbolique. Le wareega, sous la forme d’argent, gagne alors en importance, source de rivalités entre gardiens des sanctuaires. La révolution, en 1974, et les nouvelles mesures adoptées par le régime du Derg (1974-1991) ont des conséquences durables sur les pèlerinages dans les sanctuaires. Tandis que le régime marxiste considère que la religion est incompatible avec le projet de bâtir une Éthiopie nouvelle et prospère, 12. « Oromo Arsi » est le nom exact des Oromo qui vivent actuellement dans le Balé, l’Arsi et certaines régions du sud du Choa. Les Oromo du Choa sont originaires du nord du Choa (au nord d’Addis-Abeba), où le manque de terres et le dur traitement que leur infligeait la noblesse locale les a contraints à migrer vers les zones plus fertiles du sud de l’Éthiopie. Voir Blackhurst (1974) pour plus de détails. ■ Une économie salafie de la prière dans la région du Balé en Éthiopie ■ les événements particuliers du Balé dans les années 1970 se conjuguent aux insurrections récurrentes contre le pouvoir politique qui culminent avec la guerre de l’Ogaden (1977-1978) 13. L’insécurité généralisée des années 1970 qui rend tout déplacement périlleux a un effet décisif sur la réduction du nombre de pèlerins qui se rendaient dans les sanctuaires. La pratique du pèlerinage régresse aussi en raison de mesures répressives prises par le régime, en particulier le « programme de villagisation » lancé peu après la guerre de l’Ogaden : la création de villages s’accompagne de multiples activités chronophages auxquelles les villageois sont contraints de prendre part. Les habitants des villages sont obligés d’effectuer de nombreux travaux pour la collectivité, d’adhérer à différentes associations et d’assister à de nombreuses réunions plénières pour recevoir une « formation idéologique ». Le régime du Derg a également un effet durable sur la direction de Dirre Sheikh Hussein. L’engagement des chefs religieux dans des activités antigouvernementales les contraint à se réfugier en Somalie, ce qui prive le sanctuaire d’une direction cohérente et laisse le champ libre aux luttes de pouvoir intestines (Miller, 2005, p. 6). La situation se complique encore lorsque le régime organise le village-sanctuaire selon ses propres structures administratives et nomme ses propres dirigeants, fidèles au régime en place. L’autorité dans le sanctuaire est structurée selon deux lignes très différentes, l’une reposant sur la karaama inhérente au site et relevant de l’univers religieux du sanctuaire, et l’autre strictement laïque et dérivée des structures centralisatrices d’un corps politique extérieur. Cette situation ouvre la voie à un certain degré de « corruption » et incite des individus ou des groupes d’individus à chercher constamment à s’arroger le produit des offrandes pour s’enrichir personnellement. À mesure que le nombre de pèlerins diminue, les gardiens se mettent à labourer la terre de Dirre, une activité jusqu’alors interdite, cet espace étant considéré comme sacré (Nure, 2006, p. 33 et 86). LA TRAJECTOIRE DU SALAFISME DANS LE BALÉ L’arrivée du salafisme dans le sud-est de l’Éthiopie est largement facilitée par l’occupation italienne (1936-1941). Dans le cadre de leurs efforts visant 13. L’incursion a été menée par le Front de libération des Somalis Abbo (SALF), dont les hommes de troupe étaient des Oromo musulmans du sud-est de l’Éthiopie, mais cette organisation avait clairement des liens avec les autorités somaliennes. Opérant avec les forces régulières somaliennes pendant la guerre de l’Ogaden, le SALF a été considérablement affaibli après l’offensive éthiopienne en 1978. Pour de plus amples détails, voir Tareke (2000, 2002). ■ Afrique contemporaine ■ à améliorer leur image de protecteurs des musulmans éthiopiens, les Italiens encouragent activement et subventionnent les pèlerinages dans les villes saintes qui empruntent les moyens de communication qu’ils développent 14. À leur retour, les pèlerins commencent par introduire l’enseignement salafi dans la ville de Harar, avant que cet enseignement ne gagne les Oromo de la région de Hararge, puis les contrées voisines, l’Arsi et le Balé. L’expansion du commerce translocal permet de donner un nouvel élan religieux au Balé 15. Depuis la fin des années 1940, un certain nombre d’Oromo musulmans s’établissent en qualité de petits marchands dans la ville de Robe et répondent aux besoins croissants du marché local 16. À la faveur de l’effacement des frontières intérieures opéré par le commerce translocal, ces marchands prennent rapidement connaissance des autres courants religieux qui existent alors dans les zones voisines (et à Addis-Abeba). En 1959, ils décident d’édifier et de financer la mosquée Nour, première mosquée de Robe. Ils s’y réunissent régulièrement pour étudier le Coran par eux-mêmes et accomplissent chacune des prières quotidiennes. Leur démonstration de piété montre au grand jour leur spécificité, car rares sont les personnes de leur âge à participer régulièrement aux prières dans une mosquée. Déterminés à apporter un changement, ils ont pour préoccupation principale les pratiques religieuses qui existaient alors et, en particulier, le pèlerinage aux sanctuaires, la célébration du mawlid al-Nabi et les rituels funéraires, qu’ils jugent contraires aux véritables valeurs de l’islam. À compter de la fin des années 1960, le retour dans le Balé d’un uléma formé en Arabie Saoudite marque la région d’une empreinte explicitement salafi. Cette venue coïncide avec la nouvelle politique adoptée par l’Arabie Saoudite dans les années 1960, qui fonde des établissements d’enseignement supérieur islamique afin de renforcer l’influence saoudienne et salafi dans le monde arabe et au-delà. La possibilité de suivre un enseignement religieux supérieur en Arabie Saoudite se répand rapidement dans le Balé. Dans les années 1970, de plus en plus de musulmans du Balé ont franchi la mer Rouge en quête de savoir. Le mouvement salafi est toujours à l’état embryonnaire au début des années 1970 et son expansion reste bloquée par le régime du Derg. La chute de ce régime et la transition politique de 1991 ouvrent un tournant décisif. Le nouveau régime lève les restrictions qui pesaient jusqu’alors sur la reli14. En 1933, il n’y avait, selon Erlich (2007, p. 73 et suiv.), que 11 pèlerins éthiopiens au Hijaz (sur un total de 19 500 pèlerins comptabilisés). En 1936, ils étaient entre 1 600 et 1 900, et leur nombre est retombé à 57 seulement après le rétablissement de la monarchie en 1941. 15. Pour une discussion plus complète sur l’histoire du salafisme dans le Balé, voir Østebø (2008). 16. Robe est actuellement la capitale du Balé et une place forte du mouvement salafi. ■ Une économie salafie de la prière dans la région du Balé en Éthiopie ■ gion et crée des conditions favorables pour les salafis du Balé, permettant au mouvement de se répandre rapidement pendant les années 1990. L’adhésion aux doctrines salafis est générale, tout comme la dénonciation des pratiques traditionnelles. Le pèlerinage aux sanctuaires diminue alors fortement et les célébrations du mawlid al-Nabi disparaissent quasiment. Malgré tout, le mouvement salafi se fragmente progressivement pendant la période qui suivit la chute du régime du Derg. Les aînés salafis, ulémas 17 formés en Arabie Saoudite et marchands salafis, s’opposent rapidement avec un mouvement de jeunes, appelés localement les Ahl al-Sunna 18, qui ne suit pas une structure administrative et n’est pas doté d’une structure bureaucratique ou d’un leadership, mais est constitué d’une organisation informelle autour de figures locales qui agissent relativement indépendamment les unes des autres. Le mouvement Ahl al-Sunna trouve une oreille attentive auprès de la jeune génération du Balé, qui se met à sillonner intensément les zones rurales et exhorte les habitants à se conformer aux pratiques obligatoires de l’islam, dans une optique strictement salafi. L’essor rapide du mouvement Ahl al-Sunna et la rigidité dont témoignent ces jeunes dans les activités qu’ils mènent au titre de la dawa 19 (appel à l’islam) suscitent rapidement l’inquiétude des aînés salafis. Des rivalités se développent entre les deux camps. Lorsque le conflit devient violent, les autorités locales interviennent et exercent des pressions considérables sur les adeptes du mouvement. Ses principaux dirigeants sont arrêtés et d’autres contraints de fuir la région, ce qui freine considérablement son expansion. À compter de la fin des années 1990, il perd largement son élan et se retrouve aujourd’hui majoritairement confiné aux zones rurales. L’ÉLABORATION D’UNE ÉTHIQUE INDIVIDUALISTE Ces changements politiques, socio-économiques et religieux ont à l’évidence érodé la légitimité de l’économie de la prière oromo. Ils ont conduit à une reconfiguration de ses principes et ouvert la voie à une nouvelle définition de l’islamité. L’apparition d’un groupe de marchands urbains constituant une nouvelle entité dans la structure sociale du Balé a été le signe 17. Uléma : « érudit », docteur de la Loi musulmane, juriste et théologien. Ce terme, qui est, à l’origine, un pluriel, a été francisé sous cette forme. 18. Le terme Ahl al-Sunna (« les gens de la sunna ») renferme bien entendu une certaine ambiguïté. Si les musulmans sunnites du monde entier s’en réclament, dans le Balé en Éthiopie, ce terme a de plus en plus servi à désigner la jeune génération de salafis. Il a été utilisé par les salafis eux-mêmes que par leurs adversaires. 19. Dawa : « appel » en arabe ; désigne la technique de prosélytisme religieux utilisée par différents courants musulmans pour étendre leur aire de diffusion. ■ Afrique contemporaine ■ d’une différentiation accrue au sein de la société oromo et du développement d’une nouvelle éthique individualiste. Dès 1959, Spencer Trimingham parlait de l’« esprit urbain » du marchand musulman marqué d’un caractère « plus individualiste et plus large d’esprit » que son coreligionnaire de la campagne (1959, p. 25). De même, Robin Horton évoque les marchands « en grande partie affranchis de [leurs] microcosmes » et plus réceptifs aux idées nouvelles (1975, p. 376 et suiv.). D’autres, comme Lansine Kaba, affirment que l’émergence de la réforme islamique est accompagnée de la montée d’une « éthique individualiste » (1974, p. 70) 20. Si le commerce en Éthiopie a historiquement été monopolisé par les musulmans, les musulmans oromo du Balé n’ont pas de tradition d’activités mercantiles. Ils se contentent de pratiquer leur commerce sur les marchés locaux, tandis que le commerce translocal est aux mains des marchands non oromo et des expatriés du Yémen. Des marchands musulmans oromo sont arrivés dans une ville comme Robe largement grâce aux relations entretenues avec les Yéménites. De même religion, ces derniers recrutent activement les musulmans oromo locaux, et servent ainsi d’importants modèles dans l’émergence d’un groupe indigène de marchands musulmans 21. Migrants venus des zones rurales, ces marchands urbains bénéficient d’une relative indépendance par rapport aux structures traditionnelles existantes. En s’enrichissant dans une certaine mesure, ils ont amélioré leur statut au sein de la société oromo et ont constitué une base de pouvoir propre à l’abri des pressions sociales du clan et de la famille. Par leur ascension sociale et leur ambition à un niveau où chaque homme doit subvenir luimême à ses besoins, ils ressentent clairement la nécessité d’inscrire leur éthique individualiste dans un ensemble de justifications doctrinales. Axés sur l’art de faire de l’argent, les marchands élèvent le dur labeur et l’autonomie économique au rang des véritables valeurs de l’islam. Critiquant les dépenses excessives, les attaques en règle du système d’échange symbolique dans les sanctuaires se sont trouvées intriquées dans une double perspective : la nécessité de purifier l’islam des bid’a (innovations) et la volonté d’éradiquer les abus d’ordre économique. C’est donc bien le développement d’une éthique individualiste qui conduit à considérer les rituels effectués dans les sanctuaires comme un abus de pouvoir et comme une forme d’exploitation économique allant à l’encontre du message de justice sociale transmis par 20. Des observations analogues ont été faites dans d’autres parties de l’Afrique, où les réformistes ont mis en l’accent sur le travail et l’autonomie économique (Brenner, 2001, p. 67, 148 et suiv. ; Masquelier, 1999, p. 222 ; Umar, 1993, p. 176 et suiv.). 21. Pour une discussion d’ensemble sur la communauté yéménite en Éthiopie, voir Hussein (1997) et Manger (2006). ■ Une économie salafie de la prière dans la région du Balé en Éthiopie ■ l’islam. Les gardiens des sanctuaires sont durement critiqués parce qu’ils évitent le dur labeur et ne vivent que des aumônes faites par le peuple. L’attitude des marchands n’est pas un signe d’avarice. Au contraire, ils partagent leur richesse et l’utilisent pour défendre la cause de l’islam. Ils font des dons pour financer la construction d’édifices religieux, d’abord la mosquée Nour, puis la madrasa Salafiyya en 1976 22. Ces conceptions résultent d’un processus dialectique mêlant insatisfaction intérieure et influence extérieure, cette dernière provenant des régions voisines. La création de la madrasa Salafiyya joue un rôle important car elle procure aux marchands une base sûre pour continuer à délibérer sur les questions qui les préoccupent, et pour s’arroger le contrôle du savoir religieux. L’émergence du mouvement Ahl al-Sunna, dans les années 1990, confère une nouvelle signification au concept d’éthique individualiste, qui implique à la fois une coupure plus claire avec les pratiques locales oromo et un recentrage sur la piété personnelle. Les dépenses considérables occasionnées par les cérémonies traditionnelles constituent un aspect important de la culture oromo qu’il faut combattre. Les Oromo ont coutume d’organiser de grandes fêtes et de donner la gabara (dot) lors des mariages traditionnels. Les partisans d’Ahl al-Sunna prônent des cérémonies plus modestes et l’abandon de la gabara. Ils critiquent pour la même raison les cérémonies funéraires : ils condamnent les démonstrations d’affliction excessives et considèrent les festins et le don de sadaqa incompatibles avec les vertus de l’islam. Si la critique porte clairement sur les origines préislamiques de la cérémonie de la sadaqa, elle en vise surtout l’aspect économique. Selon les partisans des Ahl alSunna, ces énormes dépenses sont un fardeau injuste pour la famille du défunt, dont les maigres ressources sont exploitées. Ces appels à la modestie dans les dépenses sont directement motivés par l’importance que revêt la piété personnelle aux yeux des partisans d’Ahl al-Sunna, comprise comme l’expression de ce qu’Oliver Roy qualifie de « néofondamentalisme ». Elle est décrite comme une nouvelle « forme de religiosité », dont il est dit qu’elle représente un phénomène différent de l’islamisme politiquement orienté. Plutôt que de privilégier la politique partisane et la question d’un État islamique, les néofondamentalistes se focalisent sur la pureté religieuse, condamnent le shirk (pêché d’association qui est le fait d’associer d’autres « dieux » et idoles à Dieu) et s’attachent à la piété religieuse et au salut de l’individu (2004, p. 232). La place accordée à l’éthique individualiste apparaît clairement dans la manière dont les militants 22. Dans cette école, l’enseignement était assuré dans une large mesure par des diplômés de retour d’Arabie Saoudite. Il était prodigué dans des salles de classe et organisé selon un programme explicite affichant une orientation clairement salafi. ■ Afrique contemporaine ■ d’Ahl al-Sunna s’adressent à la jeune génération. Ouvertement préoccupés par le laxisme religieux des jeunes, ils cherchent à blâmer leur indifférence aux principes de l’islam. Ils préconisent une séparation plus stricte entre les garçons et les filles, condamnent la consommation de tabac, d’alcool et de khat. La pop music éthiopienne et le cinéma occidental sont considérés incompatibles avec un mode de vie musulman, du fait de leurs références sexuelles immorales. Pour renforcer la morale des jeunes, les militants d’Ahl al-Sunna accordent beaucoup d’attention à l’observance des piliers de l’islam, en particulier les prières quotidiennes et le jeûne. En outre, ils sont d’ardents partisans de la sunna, ce qui inclut une attention toute particulière aux questions de tenue et de présentations : barbe et pantalon raccourci au-dessus de la cheville pour les hommes pour éviter la vanité (isbal) ; port du voile (nikab) pour les femmes qui se cachent le visage. Ces pratiques deviennent rapidement des marqueurs importants d’identité des adeptes d’Ahl al-Sunna, qui se démarquent ainsi des non-salafis, mais aussi d’autres salafis. DE « L’ICI-BAS » À « L’AU-DELÀ » On a souvent appliqué une terminologie wébérienne à la réforme de l’islam dans l’histoire récente de l’Afrique, avec des termes comme « désenchantement » et « rationalisation » de la réalité (Brenner, 2001). Ces termes portent une perspective téléologique que nous pensons injustifiée. Le concept d’« abstraction » possède un plus grand pouvoir explicatif. Considéré dans le cadre de la transformation de l’économie oromo, de la prière oromo et du développement d’une éthique individualiste, ce concept permet de comprendre le recentrage sur l’écriture et la reconfiguration du système d’échange symbolique. Plusieurs chercheurs ont observé l’importance de l’écriture dans les mouvements de réforme islamiques en Afrique et dans d’autres régions (Masquelier, 1999 ; Niezen, 1991 ; Soares, 2005, p. 181 et suiv.). Cette importance est également manifeste dans le Balé, étant donné l’attitude des salafis à l’égard des écritures islamiques. Ces salafis se sont écartés du modèle antérieur d’éducation religieuse pour se recentrer sur la compréhension du sens du texte, plutôt que sur la mémorisation et la récitation. La foi véritable et les formes admises de culte devant reposer sur la parole écrite, cela signifiait que les pratiques illicites ne pouvaient être évitées que si le croyant acquérait effectivement les connaissances nécessaires. Cette approche se démarque nettement des pratiques antérieures, qui enchâssent l’écriture en l’inscrivant dans un univers ésotérique. Plutôt que d’être matérialisé dans des ■ Une économie salafie de la prière dans la région du Balé en Éthiopie ■ amulettes protectrices, ou dans certaines formules, le texte sacré renferme un message intelligible accessible à tous et applicable dans le monde réel. Une telle démocratisation de l’écriture est un indicateur de plus de cette poussée de l’individualisme et de la responsabilité de chacun dans la transformation de l’économie de la prière. Ce processus est allé de pair avec un mouvement de modernisation accrue qui, sous le régime du Derg, a interrompu la continuité des théories et des systèmes explicatifs de la réalité en œuvre jusque-là et a produit une vision du monde en accord avec des sentiments plus rationnels. En évacuant le concret de la contingence religieuse, on obtient une perception nouvelle du divin passant de représentations concrètes à une compréhension plus abstraite. Les salafis mettent l’accent sur l’unicité de Dieu (tawhid) et rejettent toutes manifestations du divin autres que le Dieu unique, conduisant à une conception beaucoup plus restreinte du divin. Robert Hefner (1998, p. 156 et suiv.) a lui aussi noté cette nouvelle conceptualisation des symboles religieux dans son étude des changements intervenus dans l’islam en Indonésie. Les réformateurs de l’islam s’y sont détournés « du concret en faveur d’une abstraction du divin » : ils sont passés de la vénération des sanctuaires, du culte des ancêtres et des esprits à la célébration d’un idéal monothéiste. Robert Hefner ajoute que la conception de Dieu « dans des termes moins manipulables et plus abstraits » résonne avec des « instruments d’explication et de contrôle plus empiriques », offerts par la science moderne. Clairement discernable dans le Balé, le recentrage sur le tawhid éloigne l’activité religieuse d’une relation avec le concret et l’immanent et érode la perception d’une karaama incarnée dans les sanctuaires, les rituels, les figures emblématiques ou concrétisée dans des objets et des artefacts. Ce processus d’abstraction a affecté la compréhension populaire du divin, jusque-là censé se matérialiser dans la réalité concrète. Il fait perdre de leur pertinence à la vénération et aux offrandes accompagnant ces manifestations, affectant à son tour le système d’échange symbolique. L’évacuation progressive du concret et de l’immanent de l’activité religieuse et le processus d’abstraction acquièrent une nouvelle signification à travers l’enseignement des militants d’Ahl al-Sunna, explicitement orienté vers l’eschatologie. Lorsqu’ils s’adressent aux jeunes, les prêcheurs reviennent sans cesse sur la perspective d’un salut ou d’une damnation après la vie. Il s’agit clairement d’une abstraction de la réalité immanente en tant que source de bien-être des êtres humains, et de la mise en évidence d’un royaume distinct en intermédiation directe avec la vie de tous les jours des fidèles, ainsi que de l’avènement d’une nouvelle acception de ce que veut dire être musulman. Cet enseignement orienté vers l’eschatologie est à son tour intrinsèquement lié à la question de la pureté rituelle et de la piété per- ■ Afrique contemporaine ■ sonnelle. Il est devenu une justification majeure de l’éthique individualiste du mouvement Ahl al-Sunna. En liaison avec cela, les militants d’Ahl al-Sunna mettent en lumière les « récompenses religieuses », qui peuvent à juste titre être considérées comme une continuation, mais aussi comme une reconfiguration notable de l’ancien système d’échange symbolique. Contrairement au système antérieur qui se concrétisait par l’offrande de cadeaux matériels en échange de bénédictions directement et immédiatement tangibles pour la collectivité, la récompense religieuse tient au fait que la possibilité pour le croyant d’accéder au Paradis, ou à ses strates supérieures est renforcée. Au lieu de faire des sacrifices en échange de bénédictions dans les sanctuaires, les offrandes sont données directement à Dieu, non pas en espèces ou en nature, mais sous forme d’actions vertueuses. Ces dernières s’inscrivent dans un univers éthique, dont l’individu est l’acteur central. Ces récompenses sont non concrètes et ne sont reçues que dans l’autre monde. Le système d’échange différé tranche avec la dichotomie d’inspiration wébérienne entre une piété de « l’au-delà » et de « l’ici bas ». La première est un ascétisme mystique lié aux traditions soufies et la seconde un engagement sociopolitique lié à l’islamisme moderne. À notre avis, le système d’échange symbolique qui prévaut dans les Lieux saints du Balé est clairement orienté vers l’ici-bas. Les offrandes comme les bénédictions accordées sont concrètes et directement en prise avec la réalité immédiate des fidèles. En revanche, la nouvelle signification des récompenses religieuses prônée par les militants d’Ahl al-Sunna est explicitement orientée vers l’au-delà. Elle est abstraite et située au-delà de la réalité immédiate. CONCLUSION Il est clair qu’il existe des corrélations entre la réforme islamique et les nouveaux modèles d’organisation économique. Comme nous l’avons expliqué, la transformation de l’environnement socio-économique a eu un impact durable sur l’économie de la prière et a conduit au développement de nouveaux modèles d’échanges commerciaux translocaux. Ce dernier aspect reste essentiel pour comprendre la disparition de l’économie de la prière, effondrement dans lequel l’arrivée de marchands locaux et l’émergence d’une éthique individualiste, conjuguées à un appel à la réforme religieuse, ont joué un rôle décisif. En quête de justifications doctrinales pour leur entreprise mercantile, les marchands ont qualifié les pratiques religieuses existantes de déviantes par rapport à l’adoration correcte de Dieu et au message de justice ■ Une économie salafie de la prière dans la région du Balé en Éthiopie ■ sociale délivré par l’islam. L’arrivée du mouvement Ahl al-Sunna et la fragmentation du mouvement salafi démontrent que le changement religieux est un processus complexe et continu. Elles indiquent qu’une situation nouvelle et l’apparition d’un public nouveau et diversifié ont fait passer d’autres thèmes au premier plan, notamment la reconfiguration d’une éthique individualiste insistant sur la piété personnelle et l’abstraction de symboles religieux. La question du changement religieux reste intimement liée à des processus politiques, sociaux et économiques. S’il faut se garder de réduire le changement religieux au marché, le développement d’une économie de la prière salafi dans le Balé n’en montre pas moins les liens entre les nouveaux modèles d’échange économique et une perception nouvelle de la pratique et des symboles religieux. BIBLIOGRAPHIE AGUILAR, M.I. (1996), “Keeping the Peace of Waso Boorana, Becoming Oromo through Religious Diversification”, in P.T.W. Baxter, J. Hultin et A. Triulzi, Being and Becoming Oromo, Lawrenceville, Red Sea Press. AHMED, H. (1997), “A Brief Note on the Yemeni Arabs in Ethiopia”, Proceedings of the 13th International Conference of Ethiopian Studies, Kyoto, pas d’éditeur. ANDRZEJEWSKI, B.W. (1972), “Allusive Diction in Galla Hymns in Praise of Sheikh Hussein of Bale”, African Language Studies, vol. XIII, n° 1. ANDRZEJEWSKI, B.W. (1974), “Sheikh Hussein of Bali in Galla Oral Traditions”, in E. Cerulli, IV Congresso Internationale Di Studi Etiopici, Rome, Accademia Nazionale dei Lincei. BLACKHURST, H. (1974), A Community of Shoa Galla in Southern Ethiopia, thèse de doctorat, Manchester, université de Manchester. BRAUKÄMPER, U. (2002), Islamic History and Culture in Southern Ethiopia : Collected Essays, Hambourg, Lit Verlag. BRENNER, L. (2001), Controlling Knowledge : Religion, Power and Schooling in a West African Muslim Society, Blomington, Indiana University Press. CLAPHAM, C. (1969), Haile Selassie’s Government, Londres, Longman. DARKWAH, K.R.H. (1975), Shewa, Menelik and the Ethiopian Empire, 1813-1889, Londres, Heineman. EADE, J., SALLNOW, M. (1991), Contesting the Sacred : the Anthropology of Christian Pilgrimage, Londres, Routledge. ERLICH, H. (2007), Saudi Arabia and Ethiopia : Islam, Christianity and Politics Entwined, Boulder et Londres, Lynne Rienner. GUDINA, M. (2003), Ethiopia : Competing Ethnic Nationalism and the Quest for Democracy, 1960-2000, Addis-Abeba, N.P. Shaker Publishing. ■ Afrique contemporaine ■ HEFNER, R.W. (1998), “Secularisation and Citizenship in Muslim Indonesia”, in P. Heelas, D. Martin et P. Morris, Religion, Modernity and Postmodernity, Oxford, Blackwell. HORTON, R. (1975), “On the Rationality of Conversion, Part II”, Africa, vol. VL, n° 4. KABA, L. (1974), The Wahhabiyya : Islamic Reform and Politics in French West Africa, Evanston, Northwestern University Press. LAST, M. (1988), “Charisma and Medicine in Northern Nigeria”, in C. O’Brien et C. Coulon, Charisma and Brotherhood in African Islam, Oxford, Clarendon. MANGER, L. (2006), “Globalization on the African Horn : Yemenis in Southern Somalia and Ethiopia”, in R. Loimeier et R. Seesemann, The Global Worlds of the Swahili : Interfaces of Islam, Identity and Space in 19th and 20th century East Africa, Berlin, Lit Verlag. MASQUELIER, A. (1999), “Debating Muslims, Disputed Practices : Struggles for the Realization of an Alternative Moral Order in Niger”, in J. Comaroff et J.L. Comaroff, Civil Society and the Political Imagination in Africa, Chicago, University of Chicago Press. MILLER, J. (2005), Prophecy as History : The Political Content of Mystical Stories at the Shrine of Sheikh Hussein, non publié. NIEZEN, R.W. (1991), “Hot Literacy in Cold Societies : A Comparative Study of the Sacred Value of Writing”, Comparative Study of Society and History, vol. XXXIII, n° 2. NURE, U. (2006), The Pilgrimage to Dirre Sheikh Hussein : Its Social Organization and Overall Roles, MA-thesis in Social Anthropology, Addis-Abeba, université d’AddisAbeba. ØSTEBØ, T. (2005), A History of Islam and Inter-Religious Relations in Bale, Ethiopia, Stockholm, Almquist and Wiksell International. ØSTEBØ, T. (2008), Localising Salafism : Religious Change among Oromo Muslims in Bale, Ethiopia, thèse de doctorat, Stockholm, université de Stockholm. PANKHURST, A. (1994), “Reflections on Pilgrimages in Ethiopia”, Proceedings of the 12th International Conference on Ethiopian Studies, East Lansing, Michigan, Red Sea Press. POLANYI, K. (1983), La Grande Transformation, Paris, Gallimard. ROY, O. (2004), Globalised Islam : The Search for a New Ummah, Londres, Hurst. SCOTT, J. (1976), The Moral Economy of the Peasant, New Haven, Yale University Press. SOARES, B. (2005), Islam and the Prayer Economy : History and Authority in a Malian Town, Édimbourg, Ann Arbor. TAREKE, G. (1977), Rural Protest in Ethiopia, 1941-1970 : A Study of Three Rebellions, thèse de doctorat, New York, université de Syracuse. TAREKE, G. (2000), “The Ethiopia-Somalia War of 1977 Revisited”, International Journal of African Historical Studies, vol. XXXIII, n° 3. TAREKE, G. (2002), “From Lash to Red Star : The Pitfalls of Counter-Insurgency in Ethiopia, 1980-82”, The Journal of Modern African Studies, vol. XL, n° 3. TRIMINGHAM, S.J. (1959), Islam in West Africa, Londres, Clarendon. UMAR, M.S. (1993), “Changing Islamic Identity in Nigeria from the 1960s to the 1980s : From Sufism to Anti-Sufism”, in L. Brenner, Muslim Identity and Social Change in Sub-Saharan Africa, Bloomington and Indianapolis, Indiana University Press.