Projet de loi sur le Droit des étrangers

Transcription

Projet de loi sur le Droit des étrangers
14
14
HORS-SÉRIE DROIT SOCIAL
Karl Waheed Avocats
« Projet de loi sur le Droit
des étrangers » : une avancée
encourageante pour les DRH
Après avoir passé le barreau de New York en 1987 et de Paris en 1993,
Karl Waheed fonde son propre cabinet d’avocat : Karl Waheed Avocats. Il
intervient régulièrement sur des sujets d’intérêt pour les experts de la
mobilité internationale lors des conférences organisées par l’American
Immigration Lawyers Association, l‘American Bar Association, l’International Bar Association et l’Union Inter­nationale des Avocats. Plusieurs de
ses articles ont été publiés par le Bulletin de Migration du gouvernement
français, La revue Personnel et l’International Bar Association.
Maître Karl Waheed
Rencontre avec Maître Karl Waheed.
Concernant le projet de loi sur le « Droit des étrangers » adopté le 23 juillet 2015 : ne remet-il pas en cause les droits fondamentaux des personnes étrangères ?
Le GISTI (Groupe d’information et de soutien des immigrés) a fait
dernièrement une déclaration suite à ce projet de loi. En effet, il en
demande une révision afin d’intégrer la protection des personnes
enfermées dans les zones d’attentes et le droit à la confidentialité
des données personnelles détenues par les institutions. Mais l’association ne nie pas les améliorations faites en matière de droit des
séjours et d’obtention de la nationalité française qui est facilitée.
Nous sommes tout à fait en accord avec cette déclaration.
Cependant notre cabinet se concentre sur le droit des étrangers
applicable au personnel des sociétés multinationales.
Nos clients sont particulièrement attentifs au volet immigration
professionnelle de ce projet de la loi.
Je dirais que la France, et plus généralement l’Europe, est au seuil
d’une crise démographique. Notre population ne se renouvellera
pas si nos frontières ne s’ouvrent pas au monde extérieur. Un fort
protectionnisme au niveau du marché national du travail est insensé quand il y a un manque de travailleurs hautement qualifiés et
de main-d’œuvre moyennement qualifiée (artisans, aides aux personnes...). Sans oublier que ces personnes frappent à nos portes
pour échapper à la guerre ou à des conditions de vie impossibles.
Ce projet de loi encourage t-il les DRH à recruter des talents
étrangers ?
Ce projet de loi dispose que certains étrangers auront sur leur passeport l’appellation « passeport talents ». C’est un titre de séjour
HORS-SÉRIE REVUE PERSONNEL 565 / DROIT SOCIAL
valable quatre ans maximum renouvelable annuellement.
Il s’adresse aux :
- jeunes diplômés qualifiés ayant un diplôme de niveau Master
ou Doctorat obtenu en France ou une embauche dans une entreprise définie comme « jeune entreprise innovante », et un
salaire minimum défini par décret.
- Egalement aux travailleurs hautement qualifiés ayant un diplôme de niveau Bac + 3 ou 5 ans d’expérience professionnelle
avec un contrat de travail français pour une durée d’au moins 12
mois, et aux salariés en mission notamment lors d’un transfert
intra-groupe avec une ancienneté d’au moins trois mois.
- Il concerne aussi le domaine culturel et des arts. Un artiste
ayant un contrat validé par la DRAC ou la DIRECCTE ou une personne ayant une renommée internationale dans un domaine
scientifique, littéraire, intellectuel, éducatif, ou sportif, aura le
droit à ce passeport Talent.
C’est une avancée qui encourage ainsi les DRH à recruter des
étudiants ou travailleurs étrangers qualifiés souvent confrontés à la complexité du système administratif. Les autorisations
provisoires de travail pour les salariés en mission de moins de 3
mois en France sont ainsi vouées à disparaître. Ces autorisations
représentent aujourd’hui prés de 40% des demandes. Par conséquence, les détachements de courte durée doivent être déclarés
selon la règlementation en vigueur, ce qui constitue un moyen
adapté pour vérifier la légalité́ des détachements à posteriori.
Néanmoins, cette suppression reste un sujet controversé qui
ouvre la porte au débat.
Concrètement, l’objectif de ce projet de loi est donc de réduire la
HORS-SÉRIE DROIT SOCIAL
charge de travail des administrations et la complexité́ des procédures pour les entreprises.
Ces dernières années, la France a connu une vague de délocalisation importante. Ce projet loi incite t-il donc à la création
d’entreprise ?
De la même manière que le statut « talent », le projet de loi prévoit également le statut « start-up » pour attirer des jeunes entrepreneurs étrangers porteurs de projets de création de start-up
ou de clusters. Cet aspect de la loi va permettre de contribuer au
développement de l’économie française. Pour bénéficier de ce
statut, le créateur d’entreprises devra avoir un diplôme de niveau
Master ou cinq ans d’expérience et faire un investissement économique direct. Cette catégorie absorbe le statut « Contribution
Economique Exceptionnelle ». Le montant de l’investissement
devrait être abaissé de 10 000 000 d’Euros à 500 000 Euros, et le
nombre d’emplois à créer passerait ainsi de 50 à 10.
Cela reste tout de même une tentative, car l’environnement fiscal
souvent complexe peut décourager la volonté de créer une entreprise. Il faut ajouter qu’à travers ce projet de loi la France souhaite lutter contre l’immigration irrégulière.
Elle veut faire passer une idée simple, consensuelle et d’inspiration républicaine: “L’immigration peut être une opportunité pour
la France, si elle est maîtrisée, si l’accueil des talents est encouragé
et si l’intégration est favorisée.”
Dans quel cadre les entreprises vous sollicitent ?
Il faut savoir que 90 % de nos clients sont des entreprises du Cac 40
et des institutionnels. Nous rencontrons également des particu-
liers, souvent des scientifiques, ingénieurs, étudiants ou même des
artistes confrontés à des problématiques de droits fondamentaux.
Notre cabinet est composé de 30 avocats experts et spécialisés
dans le droit de la mobilité.
Les enjeux relatifs à la mobilité sont de plus en plus complexes.
Les entreprises n’ont plus la capacité de les gérer en interne et
doivent donc faire appel à une expertise extérieure.
À titre d’exemple, nous pouvons intervenir dans l’obtention
d’une autorisation de travail dans le cas d’un projet industriel où
un salarié étranger sera en mission ponctuelle sur le territoire.
Question d’actualité : avec le mouvement de la population
syrienne qui essaye d’échapper aux hostilités de leur pays
vers l’Europe, un débat sur la terminologie de « migrant » et
« réfugié » a été mis sur table. Quelles sont réellement les différences entre un migrant et un réfugié ?
Juridiquement parlant le terme « migrant » est utilisé pour désigner une personne entrant dans un pays étranger pour apporter
une valeur ajoutée, de part ses diplômes ou ses projets d’investissement.
Alors qu’un réfugié est une personne quittant son pays pour des
raisons de guerre ou politiques. Le réfugié doit alors démontrer le
niveau de persécution de son pays d’origine pour être accueilli et
surtout protégé par la loi du pays d’accueil.
Dans le cas des Syriens, ils entrent dans le cas des réfugiés et
peuvent donc demander le droit d’asile.
Ce sujet d’actualité est certes intéressant car de nombreux amalgames sont faits de la part des médias, mais il est important de
recadrer leur situation juridiquement parlant. HORS-SÉRIE REVUE PERSONNEL 565 / DROIT SOCIAL
15
15

Documents pareils