Faux-semblant
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Faux-semblant
Faux-semblant Cette histoire m’est arrivée, il y a de cela quelques années maintenant. C’était à Londres, dans un petit musée d’art ancien dont je suis toujours le gardien, j’ai alors pensé devenir fou… Il était bientôt 21 heures, la fermeture approchait. Comme à mon habitude, je pris le temps d’admirer les tableaux exposés dans la salle des portraits avant de faire la routine qui précède la fermeture des bâtiments. Puisque c’était mon exposition préférée, j’avais développé, au fil des jours, une très bonne connaissance des œuvres, comme si je les avais moi-même peintes. Tout à coup, je remarquai une subtile différence sur le visage d’une des dames dont la figure avait été immortalisée sur une peinture. Je ne compris pas immédiatement en quoi elle consistait, puis je vis que ses lèvres n’avaient pas exactement le même positionnement que dans mon souvenir. J’avais beau m’approcher, me reculer, changer d’angle, je n’arrivais pas à m’enlever de la tête cette étrange perception. De retour dans mon appartement, je ruminai tout cela. Je tentai de me convaincre que mon imagination m’avait joué un tour, mais je ne pus m’en persuader. Je finis par trouver le sommeil en me disant que j’allais vérifier sur les lieux le lendemain. À mon réveil, je m’empressai de me rendre au musée avant son ouverture. J’arrivai dans la salle en question où je me rendis compte que le portrait avait réellement changé. Je reculai d’un pas rapide, quelque peu dépassé par la situation. Je me dirigeai vers la sortie avec empressement où je faillis foncer sur une de mes collègues. - Excusez-moi! M’écriai-je dans tous mes états. Je profitai de l’occasion pour lui faire part subtilement de mes soupçons. - Vous n’auriez pas remarqué un changement, quelque chose d’étrange, dans la salle des portraits? L’interrogeai-je avec un léger malaise. -Non, je n’ai rien remarqué de spécial. Peut-être ont-ils modifié l’éclairage, me répondit-elle. Je repartis en panique. J’étais maintenant certain d’être devenu fou. J’accourus vers la pièce d’où venaient tous mes tracas. Je fis quelques tours sur moi-même, regardai rapidement les toiles exposées. Un petit cri s’échappa de ma bouche. Je ne rêvais pas : l’aristocratie anglaise au grand complet avait les yeux rivés sur moi, l’ensemble des portraits me scrutait du fond de leur cadre. Je sortis de cette salle maudite, criant sur tous les toits que les tableaux avaient pris vie. C’est alors que mon patron, petit homme rondouillard, m’arrêta, le sourire aux lèvres, me disant que j’avais passé le test avec brio. Je ne comprenais absolument rien, j’étais bouche bée. J’appris par la suite que j’avais été le cobaye d’un tout nouvel examen de sécurité consistant à remplacer des œuvres par des fausses afin de s’assurer que les gardiens sauraient s’en rendre compte rapidement en cas de fraude. Il est vrai que je m’en étais aperçu particulièrement vite! Je repris donc mon travail, où il fut malheureusement difficile d’oublier cette mésaventure puisque tous les employés ne manquaient jamais une occasion de me rappeler la manière dont j’étais sorti en hurlant quelque temps auparavant. Estelle Gilbert 2e cycle du secondaire Classe de Johanne Labrecque École Joseph-François-Perrault