Clairefontaine : la vie en rose
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Clairefontaine : la vie en rose
investir >> usine du mois Le vélin velouté de notre enfance, une myriade de couleurs, une image forte avec la célèbre verseuse, une stratégie de développement et d’investissement sans cesse réaffirmée : les Papeteries de Clairefontaine, qui ont fêté leurs 150 ans en 2008, abordent l’avenir avec sérénité. Clairefontaine : la vie en rose... « C ’est une usine très attachante », comme aime à le rappeler Jean-Marie Nusse qui a présidé les Papeteries de Clairefontaine de 1971 à 2009 avant de devenir conseiller du président, Frédéric Nusse, son neveu, en juillet dernier. Cette usine basée à Etival-Clairefontaine (au cœur des Vosges) produit quelque 160.000 t/an de papier impression-écriture à base de fibres vierges et transforme cette production en ramettes, formats, bobines, enveloppes, cahiers, etc. Au cours de la visite, on est séduit par cette myriade de couleurs qui viennent égayer les ateliers et par la multitude de produits finis qui nous accompagnent souvent dans notre vie quotidienne : cahiers (de texte, fantaisie...), carnets à spirales, répertoires, enveloppes... De g. à dr : André Bauer, Jean-Marie Nusse et Jean-Olivier Roussat. INTÉGRATION EN AVAL Disposant d’une superficie de Jean-Marie Nusse : « Notre groupe enregistrée sur nos sortes en Europe l’année dernière. Nous 50 hectares sur les bords de la est le seul papetier d’Europe de avons donc globalement bien traMeurthe, l’usine d’Etival fait parl’Ouest à être à la fois producteur et versé cette crise. Ce résultat s’extie du groupe Exacomptatransformateur de papier. Ce qui plique par notre intégration en Clairefontaine (cf. encadré cicontre). « Notre groupe est le seul nous permet de contrôler nos produc- aval, par la qualité haut de gamme reconnue de nos produits papetier d’Europe de l’Ouest à tions à toutes les étapes de leurs et par nos positions commerciales être à la fois producteur et transfabrications et de proposer des pérennes, notamment par rapport formateur de papier. Ce qui nous articles de qualité constante. » à notre clientèle ramettes », permet de contrôler nos producexplique Jean-Marie Nusse. tions à toutes les étapes de leurs fabrications et de proposer des articles de qualité Le site d’Etival comprend deux usines en une : la preconstante », explique Jean-Marie Nusse. En revanche, les mière est dédiée à la production de papier et la seconde Papeteries de Clairefontaine ne sont pas intégrées en à la transformation. Deux machines à papier (MAP), de amont, sur la production de pâte, même si le site en a laize identique (3,40 m), affichent une capacité totale produit, au cours de sa longue histoire, précise Jeande quelque 160.000 t/an, dont environ le quart de Olivier Roussat, D.-g. de Papeteries de Clairefontaine et papiers couleur. Au fil du temps, ces machines ont été D.-g. délégué d’Exacompta-Clairefontaine. constamment modernisées. En finition, l’usine possède En 2009, le groupe a vendu 207.620 t de papier contre également deux coupeuses grands formats et quatre près de 217.000 t un an plus tôt. Soit une part de marcoupeuses ramettes qui traitent aussi du papier produit ché d’environ 15 % en France. « Pour l’essentiel, ce recul dans les usines d’Everbal et de Mandeure (cf. encadré de 4,5 % a touché les Papeteries de Clairefontaine. Mais il p. 24). doit être mis en regard de la baisse de 10 à 15 % qui a été 20 la papeterie 303 >> Avril-Mai 2010 usine du mois >> investir Repères. Le groupe Exacompta-Clairefontaine E xacompta-Clairefontaine est organisé en quatre départements et compte une cinquantaine de sociétés qui emploient un total de 3.300 personnes. Les Ets Charles Nusse détiennent 80 % du capital. En 2009, le groupe a réalisé un C.A. de 530,7 M€ (- 2,9 % par rapport à 2008). Au premier semestre, il a bénéficié d’un prix d’achat des pâtes assez bas mais, par la suite, ces prix ont constamment augmenté et les approvisionnements sont devenus difficiles depuis début 2010. L’année dernière, le groupe a dégagé un résultat d’exploitation en hausse de 9,5 % à 14 M€ et un résultat net de 4,4 M€, en léger recul. En 2010, la production devrait être sensiblement identique à celle de 2008. Le groupe est coté à la Bourse de Nancy depuis tout juste 100 ans. ◗ Papeteries de Clairefontaine à Etival-Clairefontaine (Vosges) produit des papiers, ramettes, formats, bobines, cahiers, copies et enveloppes. Il s’agit de la principale société de production du groupe. Comptant 649 personnes, elle est également le centre logistique “Papier” du groupe avec la présence, quasiment dans l’usine, d’une plate-forme gérée par TMF d’une capacité de plus de 20.000 t. Les Papeteries de Clairefontaine chapeautent Papeterie de Mandeure (dans le Doubs, 132 personnes, usine acquise en 1990) qui produit les forts grammages (classement, billetteries...), Everbal (à Evergnicourt, dans l’Aisne, 169 personnes, société acquise en 1994), spécialiste des papiers 100 % recyclés non désencrés, Chatelles Transformation (à Raon l’Etape, dans les Vosges, 40 personnes) qui fabrique des cahiers et Papierfabriek Schut (aux Pays-Bas, 42 personnes), acquise en 1998 et spécialisée dans les papiers d’art. ◗ Exacompta, à Paris, spécialisé dans le classement, le façonnage d’articles de bureau, les registres, manifolds, fiches bristol, liasses, etc. ◗ Clairefontaine-Rhodia, à Ottmarsheim (Haut-Rhin), distributeur de cahiers, blocs, pochettes dessin, etc. ◗ A.F.A., à Paris et spécialiste des calendriers et agendas (Quo Vadis notamment). DES INVESTISSEMENTS CONSTANTS POUR AMÉLIORER ENCORE ET TOUJOURS LA QUALITÉ La politique d’investissement du groupe est, autant que possible, réalisée sur ses bénéfices ; en moyenne, le quart seulement des résultats est reversé aux actionnaires afin d’assurer un auto-financement maximal. Dans ses décisions d’investir, le groupe cherche essentiellement à réaliser des améliorations qualitatives. « En 2005 et 2006, nous avons fortement modernisé la section presse de nos machines en installant, sur chacune d’entre elles, une presse à sabot Smarnip fournie par PMT, ce qui était un concept tout à fait novateur à l’époque pour produire du papier bureautique, explique André Bauer, directeur de production et directeur technique. En 2009, nous avons également investi 3,5 M€. Nous avons ainsi modifié la presse de la MAP 5 pour améliorer l’état de surface. Sur la MAP 6, nous avons allongé l’égouttage avec du matériel PMT et installé un système de branlement de la table de formation fourni par Voith. Nous avons aussi modifié la pré-sécherie de la MAP 6 avec l’aide de PMT afin de gagner en stabilité de feuille. Ces modifications, parfois mineures, nous ont permis de bien améliorer la flexibilité de nos équipements, de diversifier notre production et notre plage de grammages et de limiter les goulots d’étranglement. » En 2010, le site investira également dans deux chaînes de décerclage automatiques des balles de pâte fournies par Metso qui seront opérationnelles cet été. En outre, les deux machines seront dotées d’un nouveau système QCS Honeywell qui permettra d’enregistrer trois paramètres clés en même temps (grammage, humidité et épaisseur). Par ailleurs, suite aux bons résultats obtenus sur la MAP 6, la formation de feuille de la MAP 5 sera également améliorée avec un nouveau branlement Allimand. Ces investissements s’élèvent à 2 M€. >>> Jean-Marie Nusse devant un échantillon de papier provenant de la bobine-mère de la MAP 6. La qualité est un impératif de tous les instants pour une marque aussi forte que Clairefontaine. Vues de la MAP 6 qui a démarré en 1974. Entièrement reconstruite en 1997, cette machine atteint la vitesse de 1.000 m/min. La coupeuse ramettes Bielomatik d’une capacité de 250 t/jour (400 m/min). Un investissement de 5 M€ réalisé en 2005. 22 la papeterie 303 >> Avril-Mai 2010 Machines de transformation. Chaque jour, les Papeteries de Clairefontaine produisent 500 t de papier, 120.000 cahiers et articles scolaires et 3 millions d’enveloppes. Essai d’un des nouveaux chariots sans conducteur (AGV). Le nouveau bâtiment de stockage s’étend sur 6.000 m2 et sur une hauteur de 14 m. Sa capacité sera de 20.800 palettes, avec six niveaux de racks et trois transtockeurs. Il sera pleinement opérationnel d’ici à la fin de l’année. usine du mois >> investir >>> Enfin, d’ici à cet été, le nouveau bâtiment de stockage automatisé avec AGV (chariots sans conducteur) fournis par BA Systèmes sera également opérationnel*. Au moment de notre visite, les essais étaient en cours. « Nos MAP sont de taille moyenne et produisent des séries assez longues, explique Jean-Marie Nusse. Or nous souhaitons livrer nos clients à J+1. Nous devons donc disposer de stocks et de références suffisants. » Le nouveau bâtiment s’étendra sur 6.000 m2 et sur une hauteur de 14 m. Sa capacité sera de 20.800 palettes, avec six niveaux de racks et trois transtockeurs. Il sera pleinement opérationnel d’ici à la fin de l’année. Au global, cet investissement s’élève à 9 M€. Pour les années 2009 et 2010, les investissements réalisés par les Papeteries de Clairefontaine atteindront presque 15 M€. Pour les prochaines années, André Bauer indique que « les projets porteront essentiellement sur l’amélioration de l’enduction et de l’état de surface, avec, en particulier, le développement de nouveaux papiers pour l’impression numérique. Nous travaillerons également à améliorer notre flexibilité. » UNE SITUATION HISTORIQUEMENT TENDUE SUR LE MARCHÉ DE LA PÂTE Du fait de sa non-intégration en amont, les Papeteries de Clairefontaine disposent d’un très large choix de pâtes, ce qui leur permet de diversifier les provenances afin d’aboutir à une composition optimale des papiers. En moyenne, l’usine utilise environ 80 % de fibres longues et 20 % de fibres courtes. Evidemment, dans un contexte de marché très tendu comme c’est le cas actuellement, avec des hausses à la fois fortes et rapides, la non-intégration sur la pâte renchérit les coûts. « Cette situation est tout à fait historique par l’ampleur des hausses et par la raréfaction des volumes, estime Jean-Olivier Roussat. Elle s’explique par divers facteurs concomitants : fermetures d’usines fin 2008-début 2009 suite à des surcapacités, croissance de la Chine et de l’Asie en général qui attire les volumes, une série de phénomènes climatiques exceptionnels (pluies torrentielles aux EtatsUnis et dans la Péninsule ibérique, tsunami au Chili), ainsi que des mouvements sociaux, en Espagne et en Scandinavie notamment. Toutefois, si la situation est effectivement très tendue pour le moment, nous pensons qu’une certaine détente devrait intervenir pendant l’été. » « Par ailleurs, en dehors de la Chine, on installe peu de grandes unités non intégrées, ajoute Jean-Marie Nusse. En revanche, on assiste à quelques conversions d’usines vers la production de papiers bureautiques fabriqués à partir de investir >> usine du mois Repères. Papeteries de Clairefontaine ➔ Parc machines/Equipements • Production de papier avec deux MAP de laize identique (3,40 m) : MAP 5 (1961, 600 m/min) et MAP 6 (1974, 1.000 m/min). Elles ont été largement reconstruites au fil des années. Capacité de production totale : 160.000 t/an. Soit, chaque jour, 500 t de papier, 120.000 cahiers et articles scolaires et 3 millions d’enveloppes. • Finition, avec deux coupeuses grands formats Strecker et Bielomatik et quatre coupeuses ramettes (deux Will de six et huit poses et deux Bielomatik de dix et deux poses). • Transformation. A partir de la bobine, huit machines à cahiers ou à copies (marques Will, Womako et Bielomatik) et sept machines à enveloppes (marques Winkler & Dunnebier ou Clairefontaine). Par ailleurs, cinq machines à enveloppes partent du format. Sans oublier de nombreuses machines complémentaires (pelliculeuses, nouvelle machine qui mélange les couleurs dans les ramettes...). ➔ Principaux fournisseurs • Constructeurs MAP : Metso, PMT, Voith, Allimand et ABK • Produits chimiques : Hercules, Clariant, Roquette, Omya, Sicolor, 3V, Kemira, BASF, Emsland et KMC • Maintenance : Sommin, Endel Suez, Sodel, Forclum et Siemens • Energie : GDF Suez, Alpiq, EDF, Exeltium, Turbomach et Stein Energie • Process : Honeywell, Metso Automation, Siemens et ABB • Divers : Terralys (Suez Environnement) • Unité de production de carbonate de calcium précipité (Omya) installée en 1992, une première en Europe. Dès 1974, Clairefontaine est également le premier papetier français à avoir adopté la production en pH neutre. fibres recyclées. Nous ne sommes Jean-Olivier Roussat : « Concernant approvisionneront l’usine, en provenance d’un rayon inférieur à donc pas inquiets outre mesure la pâte, si la situation est effecti100 km. « Nous réaliserons une quant à la disponibilité en pâte vement très tendue en ce moment, économie d’au moins 35.000 t de neuve sur le long terme. » Malgré tout, cette année, selon Jean- nous pensons qu’une certaine détente CO2 par an », annonce André Marie Nusse, les Papeteries de Bauer. Ce projet de 28 M€ sera devrait intervenir pendant l’été. » Clairefontaine seront prises dans financé par Clairefontaine à hauun traditionnel effet de ciseaux et devront tailler dans leurs teur de 20 %. Un ingénieur a été récemment recruté afin marges : « Mais, comme nous avons su le faire dans le passé, d’étudier tous les aspects de ce projet (rentabilité à long nous trouverons les évolutions nécessaires afin d’adapter nos terme, prix de l’électricité et du gaz, évolution de l’allocamachines et de nous développer, dans le papier numérique par tion et du coût des quotas de CO2...). Cette chaudière bioexemple, sans pour autant augmenter nos volumes. Nous masse se substituera à deux chaudières gaz, le complément avons également l’avantage de nous situer au cœur du marétant toujours assuré par la cogénération avec turbines à ché européen. » En dehors des ventes internes au groupe, gaz. « Etant donné les délais de construction de la chaudière, les Papeteries de Clairefontaine commercialisent ainsi la de l’ordre de 18 mois, la centrale démarrera au mieux en moitié de leur production en France et la moitié à l’export, 2012 », indique André Bauer. en grande partie en Europe. Pour l’avenir, Exacompta-Clairefontaine entend maintenir « Toutes nos pâtes sont certifiées FSC, PEFC ou encore TCF, ce le cap de la qualité et ne cherche pas à tout prix à se dévequi nous permet de répondre à toutes les demandes de nos lopper par croissance externe : « Notre organisation structuclients », précise également Jean-Olivier Roussat. Quant aux rée autour de quatre entités complémentaires a créé un papiers, ils sont certifiés NFE, Ange bleu (pour les recyclés) ensemble cohérent, conclut Jean-Marie Nusse. Si des opporou encore PEFC (pour la papeterie scolaire). Le site a égatunités d’acquisitions se présentent, comme cela a été le cas lement reçu la certification ISO 9000 et ISO 14000 et prédans le passé, elles devront s’inscrire parfaitement dans notre pare l’ISO 18000 (QSE), son obtention étant prévue d’ici à stratégie d’ensemble et apporter une réelle valeur ajoutée en 2012. Un coordonnateur est en charge du suivi de toutes termes géographiques et de produits. » Sérénité, sagesse et les certifications. confiance, tels semblent être les mots clés de ce groupe familial qui, avec la renommée tout en finesse de sa PROJET BIOMASSE : UNE ÉCONOMIE D’AU MOINS marque, écrit sur son vélin velouté, l’histoire d’une certaine 35.000 T DE CO2 PAR AN qualité papetière française depuis maintenant 152 ans... En février dernier, les Papeteries de Clairefontaine ont été Valérie Lechiffre retenues par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) pour construire une centrale biomasse de 3,3 MW (*) Cf. détails techniques sur la fourniture de BA Systèmes à Claiélectriques. Quelque 85.000 t de plaquettes forestières refontaine dans “La Papeterie” n° 299, octobre 2009, pp. 16/17. 24 la papeterie 303 >> Avril-Mai 2010