Reprogrammation de cellules somatiques en cellules souches

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Reprogrammation de cellules somatiques en cellules souches
Mathias Mangion Joseph Bareille Thomas PRUDHOMME Reprogramation de cellules somatiques en cellules souches Master EGPR – Année 2008/2009
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Sommaire Reprogramation de cellules somatiques en cellules souches .....................................................................1
A. INTRODUCTION ...............................................................................................................................3
I. Étude bibliographique ......................................................................................................................4
1) Découverte et implications des 3 Facteurs clefs de la pluripotence ............................................4
2) Reprogrammation de cellules somatiques de souris en pseudo cellules souches. .......................7
3) Comment ces quatre facteurs clés peuvent-ils induire un retour de la pluripotence ?.................8
B. RESULTATS : Reprogrammation de cellules somatiques humaines. ................................................9
I. Obtention de pseudo cellules souches à partir de fibroblastes humains. .........................................9
II. Analyses de marqueurs spécifiques des CSEh...............................................................................10
III. Analyses épigénétiques des pseudo cellules souches. ................................................................... 11
IV. Les pseudo cellules souches obtenues peuvent être différenciées in vitro.....................................12
V. Discussion ......................................................................................................................................13
C. PROJET .............................................................................................................................................14
I. Potentiel de Ronin dans la reprogrammation cellulaire ? ..............................................................14
1) Ronin est-il un facteur de transcription spécifique des cellules pluripotentes humaines ?........15
2) Ronin peut-il reprogrammer des cellules somatiques humaines en cellules souches ? .............15
D. Bibliographie......................................................................................................................................16
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A.
INTRODUCTION Les cellules souches embryonnaires (CSE) sont dérivées de la masse cellulaire interne
d’embryons au stade blastocyste préimplantatoire (Figure 1 et 2) et conservent des caractéristiques
communes. En effet, les CSE sont capables de proliférer in vitro, de manière illimitée tout en
maintenant leur pluripotence (Evans and Kaufman, 1981 ; Thomson et al., 1998). La pluripotence
définit la capacité d’une cellule à se différencier dans les trois feuillets embryonnaires : endoderme,
mésoderme et ectoderme pour donner tous les tissus adultes. Toutefois les cellules pluripotentes ne
peuvent pas former le trophoblaste ou générer un nouvel embryon. Les CSE se distinguent donc des
autres types des cellules souches totipotentes (cellules présentent dans l’embryon de un jour, juste
après la fécondation, conduisant au développement de l’organisme.), multipotentes (cellules déjà
engagées vers une voie de différenciation tissulaire, à l’origine de plusieurs types de cellules d’un
tissu donné.), et unipotentes (cellules ne donnant naissance qu’à une seule lignée de cellules).
Figure 1 : Développement embryonnaire jusqu’au stade blastocyste. TE = trophectoderme, ICM = masse cellulaire
interne, EPI = épiblaste, PE = endoderme primitif.
Figure 2 : Le blastocyste.
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Par leurs capacités d’auto-renouvellement et de pluripotence, les CSE humaines (CSEh)
représentent un outil précieux dans le domaine de la médecine régénératrice, puisqu’en théorie,
elles pourraient générer un nombre illimité de cellules différenciées spécialisées. En France, à plus
ou moins long terme et sous réserve d’une modification de la loi, les CSEh pourraient être utilisées
en thérapeutique pour traiter des pathologies aujourd’hui incurables tel que le diabète de type I, la
maladie de Parkinson ou encore les blessures de la moelle épinière.
Aujourd’hui, pour des raisons éthiques et scientifiques, il n’est pas envisageable d’utiliser les
CSEh en clinique, cependant l’exploration des potentialités des ces cellules se poursuit à travers le
monde, permettant en 2006 une avancée majeure dans le domaine de la « reprogrammation » de
cellules somatiques en cellules souches (Takahashi and Yamanaka, 2006). Les auteurs de cette
publication ont montré qu’il était possible de reprogrammer des fibroblastes de souris adultes en
« pseudo-cellules souches » par transduction de quatre facteurs. L’année suivante, les mêmes
auteurs ont adapté, avec succès, cette méthode aux cellules humaines (Takahashi and Yamanaka,
2007). Bien que prometteuse, cette méthode manque toutefois d’efficacité et pose un problème
sanitaire (utilisation de rétrovirus et d’oncogènes) pour une application médicale.
La première partie de ce dossier sera donc consacrée à la présentation bibliographique du sujet.
Puis dans une deuxième partie, les résultats obtenus sur la reprogrammation de cellules somatiques
humaines seront présentés. Afin d’apporter de nouveaux éléments pour l’amélioration de cette
technique de reprogrammation, nous proposerons dans une troisième partie, la mise en place d’un
projet de recherche basé sur l’étude chez l'homme, de Ronin, nouveau facteur de transcription
capable de maintenir la pluripotence des CSE chez la souris (CSEs).
I. Étude bibliographique Le programme d’expression des gènes des cellules pluripotentes est un produit de la régulation
par des facteurs de transcriptions spécifiques, des enzymes modifiant la chromatine, des ARN
régulateurs ainsi que des stimuli environnementaux. La compréhension des mécanismes
moléculaires du circuit de la pluripotence fournit un aperçu des mécanismes nécessaires à la
reprogrammation.
1) Découverte et implications des 3 Facteurs clefs de la pluripotence Les premières études sur le sujet ont montré que les facteurs de transcription à homéodomaine,
Oct-4 et Nanog, étaient des régulateurs essentiels du développement précoce, caractéristiques des
CSE (Chambers and Smith, 2004; Nichols et al., 1998). Ces facteurs de transcription sont exprimés
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à la fois dans les CSE pluripotentes et dans la masse cellulaire interne du blastocyste à partir duquel
elles sont dérivées. La perturbation du niveau d'expression de Oct-4 et Nanog provoque la perte de
la pluripotence ainsi qu’une différenciation spontanée et inappropriée de l’ICM en trophectoderme
et des CSE en endoderme extra-embryonnaire (Chambers et al., 2003; Ying et al., 2002). Ces trois
facteurs, uniquement exprimés au cours des stades précoces du développement, sont des régulateurs
centraux du processus de régulation transcriptionnelle qui caractérise les CSE (Hart et al., 2004;
Nichols et al., 1998).
L’identification de leurs gènes cibles à travers tout le génome à fourni un aperçu des mécanismes
moléculaires par lesquels ces facteurs de transcription contribuent à la pluripotence des CSEh et
CSEs (Boyer et al., 2005; Loh et al., 2006). Ces expériences rapportent trois conclusion
fondamentales: (1) Oct-4, Sox2, et Nanog lient ensemble leur propre promoteur pour former une
boucle autorégulatrice inter connectée (Figure 3) , suggérant que ces trois facteurs de transcription
fonctionnent collaborativement pour maintenir leur propre expression, (2) les trois facteurs cooccupent souvent leur gènes cibles et (3) Oct-4, Sox2 et Nanog ciblent collectivement deux séries
de gènes, une qui est activement exprimée et l’autre qui est en silence dans les CSE mais sera
exprimée ultérieurement au cours de la différenciation cellulaire (Boyer et al., 2005) (Figure 4). En
plus de co-occuper leurs gènes cibles propres, Oct-4, Sox2 et Nanog co-occupent plusieurs
centaines d'autres gènes (Boyer et al., 2005; Loh et al., 2006).
Figure 3 : Boucle d’auto-régulation des facteurs de transcription Nanog, Sox2 et Oct4. La figure de gauche montre
que la dimérisation de Oct-4 et Sox2 a une activité transcriptionnelle. Le dimère formé se fixe sur le promoteur des
gènes cibles pour permettre la transcription de gènes spécifiques des cellules souches (ES cell). La figure de droite
représente la boucle d’auto-régulation des trois facteurs de transcription clefs de l’état de pluripotence Oct-4, Sox2 et
Nanog.
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Des expériences récentes (Chambers et al., 2007) suggèrent que Nanog stabilise l’état de
pluripotence au lieu de l'induire, que Oct-4, rapidement et complètement mis en silence au cours des
stades précoces de la différenciation, peut hétérodimériser avec le facteur de transcription Sox2, ce
dernier contribuant en partie à la pluripotence en régulant le taux de Oct-4 (Masui et al., 2007).
La plupart des gènes codant des régulateurs du développement étant mis en silence par Oct-4,
Sox2 et Nanog sont également occupés par les protéines du groupe Polycomb (PcG) (Bernstein et
al., 2006; Boyer et al., 2006; Lee et al., 2006) (Figure 4). Les PcGs sont des régulateurs
épigénétiques qui facilitent le maintien d’un état cellulaire par la mise en silence de gènes. Elles
forment des complexes de répression dont les composants sont conservés de la Drosophile à
l’Homme (Schuettengruber et al., 2007). Ces complexes inhibent le remodelage de la chromatine
par méthylation de l’histone H3K27, maintenant la mise en silence des gènes (Guenther et al.,
2007).
Figure 4 : Modèle du circuit de régulation de la pluripotence des cellules souches embryonnaires (ES). Les
facteurs de transcriptions Oct-4, Sox2 et Nanog les promoteurs des gènes actifs incluant d’autres facteurs de
transcription et des éléments de signalisation nécessaires au maintien des CSE. Les trois facteurs de transcription clefs
occupent également des gènes mis en silence qui codent des facteurs de transcription de la différenciation cellulaire. La
transcription des gènes de développement est également réprimée par les protéines PcG qui se fixe à l’ARN polymérase
2 et empêche la production de transcrits complets.
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En outre, des délétions ciblées codant les miRNA chez la souris révèlent qu'ils jouent un rôle clé
dans la régulation des gènes des CSE impliqués dans la pluripotence (Kanellopoulou et al., 2005).
Cependant la manière dont les miRNA fonctionnent pour réguler le développement des CSE n’est
pas encore comprise.
2) Reprogrammation de cellules somatiques de souris en pseudo cellules souches. La reprogrammation des cellules somatiques en cellules souches est un axe de recherche
prometteur pour la médecine régénératrice et la recherche. Les cellules souches, obtenues de cette
manière, assurent théoriquement un approvisionnement illimité, une absence d’incompatibilité HLA
et évite l’utilisation d’embryons humains. Plusieurs stratégies telles que la transplantation nucléaire,
la fusion cellulaire et la reprogrammation induite en culture ont été employées pour convertir les
cellules différenciées en pseudo cellules souches. Récemment, une nouvelle méthode de
reprogrammation par transduction de quatre facteurs a été développée (Takahashi and Yamanaka,
2006). Les auteurs de cette publication ont montré que la transduction de Oct-4, Sox2, c-Myc et
Klf4 seuls dans des fibroblastes de souris permettait d’obtenir des cellules dans un état proche des
CSE au niveau morphologique et moléculaire.
Pour leur étude, ils ont testé 24 gènes codant des facteurs de transcription choisis en fonction de
leurs implications éventuelles dans l’identité des CSEs. Afin d’évaluer ces gènes candidats pour la
reprogrammation de cellules somatiques, ils ont développé un système dans lequel l’induction de
l’état de pluripotence peut être détectée par la résistance au G418. Pour ce faire, ils ont inséré par
recombinaison homologue, une cassette βgeo (une fusion du gène de la β-galactosidase et du gène
de résistance à la néomycine) en aval du promoteur murin Fbx15, cible de Oct-4 (Figure 5). La
sélection des cellules par ce système n'a permi d’obtenir que des cellules partiellement
reprogrammées. Bien qu'indifférenciées et pluripotentes elles sont significativement différentes des
CSEs au niveau de l’expression de gènes caractéristiques de la pluripotence et de la méthylation de
l’ADN.
Afin d'obtenir des cellules pleinement reprogrammées, la sélection par le G418 a été prolongée
dans le temps et complétée par la sélection de cellules exprimant également Nanog ou Oct-4. De
cette manière, les cellules sélectionnées expriment plusieurs marqueurs de la pluripotence autres
qu’Oct-4, Sox2 et Nanog, apparaissant de manière séquentielle au cours de la dédifférenciation
(Phosphatase Alcaline et antigène de surface SSEA1).
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Ces données ont démontré que la pleine reprogrammation de cellules somatiques en cellules
pseudo-ES est progressive et peut être obtenue par la surexpression de seulement 4 facteurs, en
utilisant la procédure de sélection appropriée.
Figure 5 : Stratégie pour tester les facteurs candidats à la reprogrammation de cellules somatiques. L’induction de
l’état de pluripotence est détectée par la résistance au G418. Uune cassette βgeo (une fusion du gène de la βgalactosidase et du gène de résistance à la néomycine) a été insérée par recombinaison homologue en aval du promoteur
murin Fbx15, cible de Oct-4. Fbx15 peut être remplacé, puisqu'il n'est pas indispensable au maintien de la pluripotence
et au développement de la souris.
3) Comment ces quatre facteurs clés peuvent­ils induire un retour de la pluripotence ? Alors que des expériences ont clairement établi que Oct-4 et Sox2 étaient essentiels à la
pluripotence (Chambers and Smith, 2004; Ivanova et al., 2006; Masui et al., 2007), le rôle des deux
oncogènes c-myc et Klf4 dans la reprogrammation est moins claire. Bien que ces deux derniers
facteurs soient des pro-oncogènes, il a été supposé qu'ils pouvaient neutraliser mutuellement leurs
effets néfastes respectifs pour la cellule. En effet, c-myc supprimerait l’effet cytostatique de Klf4
qui inhiberait à son tour l’apoptose p53-dépendante induite par c-myc (Rowland et al., 2005). De
plus, il a été montré que la reprogrammation de cellules somatiques en absence de ces oncogènes
était possible mais avec une efficacité significativement plus faible (Nakagawa et al., 2008; Wernig
et al., 2008; Yu et al., 2007). Ces résultats suggèrent que c-myc et Klf4 potentialisent le processus
de reprogrammation.
Les protéines Myc sont connues pour provoquer le relâchement de la structure chromatinienne
des cellules somatiques, par liaison de nombreux sites dans tout le génome et par recrutement
d'histones acétylases (Knoepfler et al., 2006). En accord avec ce modèle, les pseudo cellules
souches partiellement reprogrammées possèdent des histones hyperacétylés dans la région
promotrice de plusieurs gènes spécifiques des CSE (Takahashi and Yamanaka, 2006). Le proocogène c-myc pourrait donc promouvoir un remodelage épigénétique permettant à Oct-4 et Sox2
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exogènes, d’activer ou de réprimer l'expression de gènes cibles tels leur équivalent génique
endogène et ainsi enclencher la boucle d’autorégulation nécessaire à l’état de pluripotence. En
outre, Klf4 semble fonctionner comme un cofacteur de Oct-4 et Sox2 (Nakatake et al., 2006).
Il est également supposé que Oct4 et Sox2 participent à l’expression et/ou au recrutement des
protéines PcG qui mettrait en silence les gènes des facteurs de différenciation. En effet, les
modifications de la chromatine H3K27me3 catalysées par PcG, absentes dans les MEFs, sont réétablies dans les pseudo cellules souches (Maherali et al., 2007; Wernig et al., 2007).
Pour finir, d'autres auteurs ont observé que de nombreux cycles de réplication de l'ADN
pouvaient être nécessaires in vitro, à l'inversion de l'état de silence du promoteur Oct-4 et au réétablissement de la boucle d'autorégulation interconnectée des facteurs Oct-4, Sox2 et Nanog (Loh
et al., 2007; Feldman et al., 2006).
B.
RESULTATS : Reprogrammation de cellules somatiques humaines. En 2006, Takahashi et Yamanaka ont réussi à obtenir des pseudo cellules souches par la
transduction de 4 facteurs de transcription dans des cellules fibroblastiques adultes de souris (K.
Takahashi and S. Yamanaka, 2006). Suite à la publication des ces résultats, ils ont transposé cette
technologie de reprogrammation aux cellules somatiques humaines. Les pseudo cellules souches
humaines obtenues se sont révélées similaires aux CSEh en terme de morphologie, de marqueurs,
d’expression génique et de statut épigénétique ainsi qu’au niveau des activités télomérases.
I. Obtention de pseudo cellules souches à partir de fibroblastes humains. L’obtention de pseudo cellules souches chez la souris a montré que la transduction des cellules
somatiques nécessitait l’utilisation d’un rétrovirus de haute efficacité. Afin d’obtenir des résultats
similaires avec des cellules somatiques humaines, l’efficacité de la transduction a été évaluée par
l’expression de la GFP (Green Fluorescent Protein). Le gène codant la GFP a été introduit dans des
fibroblastes humains (HDF : Human Dermal Fibroblast) avec un rétrovirus amphotropique.
L’expérience contrôle a consisté à introduire le gène codant la GFP dans des fibroblastes
embryonnaires de souris (MEF : Mouse Embryonic Fibroblats) avec un rétrovirus écotropique
(Morita et al, 2000). L’expression de la GFP a ensuite été observée en microscopie à fluorescence et
quantifiée en cytométrie de flux. Ces expériences révèlent que plus de 80% des MEF expriment la
GFP alors que les cellules HDF ne l’expriment qu’à 20%, soit une efficacité de transduction 4 fois
plus faible dans les fibroblastes humains. En vue d’améliorer ce rapport, les auteurs ont fait
exprimer de manière stable des récepteurs de souris (Slc7a1), cibles des rétrovirus écotropique, dans
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les cellules HDF. Ces cellules HDF-Slc7a1 ont ensuite été transduites par un rétrovirus écotropique
portant le transgène de la GFP. Cette stratégie a permis de multiplier par 3 le pourcentage de
cellules exprimant la GFP dans les cellules HDF-Slc7a1, passant de 20 à 60%.
Les pseudo cellules souches ont été générées selon le protocole schématisé en figure 6A. Des
rétrovirus codant les facteurs de transcription Oct4, Sox2, Klf4 et c-Myc ont été introduits dans des
cellules HDF-Slc7a1. Ces cellules sont cultivées environ un mois puis sont analysées. L’observation
des cultures a montré la formation de regroupements organisés typiques de colonies de CSE
(Figure 6B). Chacune de ces colonies a été prélevée pour pouvoir étaler les cellules sur une couche
de cellules nourricières en présence bFGF, un facteur classiquement utilisé pour maintenir l’état de
pluripotence des CSEh en culture. La morphologie de ces cellules, similaire aux CSEh, est
caractérisée par un large noyau et un petit cytoplasme. Par la suite, les analyses moléculaires de
l’état de pluripotence seront réalisées sur les cellules issues du clone 201B.
A
B
Figure 6 : Induction des pseudo cellules souches à partir de cellules HDF adultes. (A) Schéma temporel du
protocole d’induction des pseudo cellules souches. (B) Image d’une colonie obtenue qui se présente sous le même
aspect qu’un une colonie de CSEh. Barre = 200 µm.
II. Analyses de marqueurs spécifiques des CSEh. Les analyses par Western Blot de protéines marqueurs des CSEh ont montré entre autre que le
niveau d’expression des trois facteurs clefs de la pluripotence, OCT4, SOX2, NANOG était
similaire dans les pseudo cellules souches et les CSEh (Figure 7A). De plus, les pseudo cellules
souches révèlent la présence de la télomérase, enzyme caractéristique de cellules « immortelles ».
Par ailleurs, il a été montré que le niveau d’expression de klf4 et de c-Myc augmentait d’un facteur
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5, après transduction rétrovirale des cellules HDF mais que le niveau d’expression de ces facteurs
dans les pseudo cellules souches obtenues était comparable à celui des HDF (Figures 7A),
suggérant une mise en silence du rétrovirus. Une RT-PCR utilisant des amorces spécifiques pour les
transcrits rétroviraux a en effet, confirmé une mise en silence des quatre rétrovirus. Les résultats
obtenus par Western Blot ont été vérifiés par RT-PCR et la présence de certains de ces marqueurs a
été observée par immunofluorescence. Des mesures enzymatiques ont également démontré
l’activité de la télomérase ainsi qu’un temps de doublement équivalent aux CSEh.
Une étude du profil global d’expression génique a été réalisée afin de déterminer les similitudes
entre les pseudo cellules souches, les cellules HDF et les CSEh. L’expérience consiste à hybrider la
totalité des ARN cellulaires transcrits sur une micropuce du génome humain complet (Whole
Human Genome Microarray, Agilent). L'expérience indique que les pseudo cellules souches ont un
profil d’expression génique plus ressemblant à celui des CSEh qu’à celui des cellules HDF (Figure
7).
A
B
Figure 7 : Les pseudo cellules souches obtenues présentent des marqueurs géniques de CSEh. (A) Analyse par
Western blot de gènes marqueurs de la pluripotence de pseudo cellules souches (iPS 201B) au jour 1, 2, 3, 6 et 7, de
cellules souches embryonnaires humaines (CSEh, ES sur la figure), de cellules de tératomes NTERA-2 et de
fibroblastes humain de peau (HDF). (B) Comparaison des profils d’expression génique des pseudo cellules souches
avec les cellules HDF et les CSEh (lignée H9) avec une puce à oligonucléotide. Les flèches indiquent le niveau
d’expression de Nanog, Sox-2 endogènes et Oct-4 endogènes. Les lignes rouges indiquent la diagonale et les variations
entre les échantillons.
III. Analyses épigénétiques des pseudo cellules souches. Les modifications de l’ADN et des histones sont des mécanismes de régulation transcriptionnelle.
Les CSEh possèdent un état chromatinien spécifique déjà caractérisé (Pan et al., 2007) et très
différent des cellules différenciées.
Le statut épigénétique des pseudo cellules souches a été
comparé au statut épigénétique des CSEh et des cellules HDF, à la suite d’une immunoprécipitation
de la chromatine. Les résultats obtenus montrent que les modifications épigénétiques
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caractéristiques des CSEh sont retrouvées chez les pseudo cellules souches générées (triméthylation
de la lysine 4 de l’histone H3 et démethylation de la lysine 27 de l’histone H3 dans les régions
promotrices des gènes Oct-4, Sox-2 et Nanog). L’absence de méthylation de l’histone H3 au niveau
des promoteurs des facteurs clefs de la pluripotence est synonyme d’un état chromatinien
transcriptionnellement actif. Par ailleurs, le profil opposé a été retrouvé pour des gènes associés au
développement (Figure 8).
La similitude épigénétique des pseudo cellules souches aux CSEh a également été démontrée par
des analyses de séquençage génomique au bisulfite et des mesures de l’activité promotrices de
gènes spécifiques de la pluripotence.
Figure 8 : Analyse des régions promotrices des pseudo cellules souches humaines. L’immunoprécipitation de la
chromatine sur des cellules préalablement fixées est réalisée soit avec un anticorps dirigé contre la lysine 4 triméthylée
de l’histone H3, soit avec un anticorps dirigé contre la lysine 27 triméthylées de l’histone H3. L’éluat est utilisé en PCR
quantitative.
IV. Les pseudo cellules souches obtenues peuvent être différenciées in vitro Après avoir montré que les pseudo cellules souches générées étaient similaires au niveau
morphologique et moléculaire, leur capacité à se différencier selon les mêmes protocoles utilisés
pour différencier les CSEh a été étudiée.
La différenciation des pseudo cellules souches en cellules cardiaques a été initiée par un
protocole qui utilise l’activine A et la protéine morphogénétique osseuse 4 (BMP) (Laflamme
2007). Douze jours après l’induction de la différenciation, des groupes de cellules ont commencés à
battre (Figure 9 ; vidéo). Des expériences de RT-PCR montrent que ces cellules expriment des
marqueurs spécifiques de cardiomyocytes, tel que la troponine T cardiaque de type 2 (TnTc). A
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l’inverse, l’expression de Oct4, Sox2 et de Nanog diminue de manière significative, preuve de la
perte de la pluripotence.
D’autres expériences de différenciation dirigée ont permis d’obtenir, à partir de pseudo cellules
souches, des cellules présentant la morphologie et les caractéristiques moléculaires de cellules
neuronales. La similarité des pseudo cellules souches par rapport aux CSEh au niveau des capacités
de différenciation a été complétée par des expériences de différenciation in vivo qui a conduit à la
formation de tératomes.
Figure 9 : Différenciation dirigée de pseudo cellules souches en cellules cardiaques. (A) Image en contraste de
phase de pseudo cellules souches différenciées en cardiomyocytes. (B) Analyses par RT-PCR de marqueurs de
cardiomyocytes. Barres = 200μm.
V. Discussion Dans cet article, il a été mis en évidence que les cellules souches embryonnaires (CSE) peuvent
être générées à partir de cellules humaines fibroblastiques adultes (HDF) par transduction
rétrovirale de quatre facteurs comme il a été réalisé sur des fibroblastes de souris (Oct4, Sox2, Klf4
et c-Myc). Les pseudo cellules souches humaines générées sont similaires aux cellules souches
embryonnaires humaines (CSEh) en de nombreux points tels que la morphologie, la prolifération,
les marqueurs spécifiques de la pluripotence, l’activité télomérasique, le statut chromatinien et la
capacité de différenciation. De plus, dans les pseudo cellules souches, les gènes rétroviraux sont mis
sous silence, confirmant la mise en place de mécanismes moléculaires intrinsèques de la
pluripotence.
Par ailleurs, il a été montré que les CSEh diffèraient des cellules souches embryonnaires de souris
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(CSEs) à plusieurs niveaux. Les CSEh dépendent de bFGF pour l’autorenouvellement, tandis que le
CSEs dépendent de la voie LIF/Stat3 (Matsuda et al., 1999; Niwa et al., 1998). Par ailleurs, le
facteur BMP induit la différenciation des CSEh mais est impliqué dans l’autorenouvellement des
CSEs. En dépit des ces différences, les données montrèrent que les mêmes quatre facteurs de
transcription dédifférencient les fibroblastes humains et murins. De plus, les facteurs de
transcription n’induisent la dédifférenciation en pseudo cellules souches lorsque les fibroblastes
sont laissés dans les conditions de culture des CSEs après la transduction rétrovirale (données non
montrées). Ces données suggèrent que le mécanisme fondamental de transcription gouvernant la
pluripotence est commun chez l’homme et chez la souris, mais que les facteurs extrinsèques sont
spécifiques à chaque espèce.
L’analyse de chaque colonie de pseudo cellules souches humaines obtenue a révélée l’existence
de plus de 20 sites d’intégrations pour l’ensemble des transgènes, ce qui augmente le risque de
formation de tumeurs. Dans le cas des pseudo cellules souches murines, environ 20% des souris
obtenues à partir des pseudo cellules souches développent des tumeurs, attribuables pour la plupart
à la réactivation du gène rétroviral c-Myc.
Ces résultats apportent de sérieux espoirs pour l’utilisation des pseudo cellules souches en
thérapie cellulaire même s’il reste de nombreux problèmes à surmonter, tel que l’utilisation d’un
rétrovirus, le faible taux de reprogrammation de cellules somatiques transduites et la transduction
du pro-oncogène c-Myc.
Récemment une équipe de recherche a découvert chez la souris, un nouveau facteur de
transcription nommé RONIN dont des expériences ont montré qu’il était indispensable au maintien
de la pluripotence. Ronin ne pourrait-il donc pas remplacer c-Myc pour supprimer l’effet
tumoral et/ou potentialiser la reprogrammation par transduction.
C. PROJET I. Potentiel de Ronin dans la reprogrammation cellulaire ? Ronin est un facteur de transcription essentiellement exprimé au cours des étapes précoces du
développement embryonnaire murin dont la délétion est létale au stade préimplantatoire. La perte de
l’expression de Ronin arrête la croissance des CSEs alors que sa surexpression leur permet de
proliférer sans se différencier. De plus l’expression ectopique de Ronin compense en partie les
effets du knockdown de Oct4. Son association avec un facteur régulateur clef, HCF-1, suggère son
intervention dans des mécanismes épigénétiques contrôlant la répression de gènes dans les cellules
pluripotentes. Ronin est un facteur essentiel d’une voie moléculaire de l’embryogénèse et de la
pluripotence des CSE chez la souris.
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Notre projet vise dans un premier temps à déterminer si Ronin est un facteur essentiel des
cellules pluripotentes humaines. La deuxième partie du projet consiste à déterminer si Ronin peut
être utilisé pour la reprogrammation de cellules somatique selon la technique de Takahashi et
Yamanaka (Takahashi and Yamanaka, 2006).
1) Ronin est­il un facteur de transcription spécifique des cellules pluripotentes humaines ? Nous proposons de mettre en place des expériences d’immunofluorescence (IF), de Western blot
(WB) et de siRNA afin de répondre à cette question.
Les expériences d’IF et de WB seront réalisées en parallèle, avec un anticorps dirigé contre
Ronin, sur des CSEh en culture, des fibroblastes humain de peau (HDF) et des CSEs afin d’y
vérifier sa présence. Les CSEs serviront de témoin positif pour le marquage de Ronin par son
anticorps.
Les mêmes expériences peuvent être réalisées sur des blastocystes humains puisqu’ils présentent
l’avantage d’avoir, au sein d’une même unité, des cellules différenciées (trophoblaste) et
indifférenciées pluripotentes (masse cellulaire interne).
En plus des contrôles classiques utilisés en WB et en IF pour normaliser le signal, des témoins de
l’état de différenciation cellulaires seront réalisés sur tous les essais à l’aide d’anticorps dirigés
contre des marqueurs spécifiques de la pluripotence (Oct4) et de cellules somatiques.
Une vérification pourrait être réalisée en inhibant l’expression de Ronin, ce qui permettrait
d’obtenir une extinction caractéristique du signal. Pour ce faire, des expériences de siRNA et de
différenciation par l’acide rétinoïque sur des CSEh (essai) et CSEs (contrôle) pourraient être
faîtes. Pour les expériences de siRNA, les précautions suivantes devront être prises : un contrôle
négatif de l’inhibition avec un siRNA non spécifique, au moins deux siRNA ciblant des régions
différentes de la séquence cible et une expérience de restoration de l’expression dans un modèle
cellulaire dans lequel le transcrit de Ronin comporte des mutations silencieuses.
2) Ronin peut­il reprogrammer des cellules somatiques humaines en cellules souches ? Nos protocoles se basent sur ceux de Yamanaka et al., 2007, décrivant la reprogrammation des
cellules HDF par Oct4, Sox2, Klf4 et c-Myc. Notre approche consiste à remplacer tous ces facteurs
(ou certains) par Ronin afin d’éviter l’effet tumoral des deux derniers.
On va chercher à déterminer si s’il est possible de transformer des cellules fibroblastiques
humaines (différenciées) en pseudo cellules souches via Ronin. Pour cela, le facteur de transcription
sera transduit dans ces cellules, par un rétrovirus.
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Dans l’objectif d’améliorer l’efficacité d’infection, les cellules seront préalablement modifiées
pour exprimer les récepteurs murins (Slc7a1) du rétrovirus. Ronin sera alors intégré dans le génome
de nos cellules HDF-Slc7a1.
Pour la suite de notre travail, les souches morphologiquement semblables aux cellules ES seront
sélectionnées.
La dédifférenciation en pseudo cellules souches sera vérifiée par des expériences d’IF et par WB.
Les anticorps utilisés pour l’IF seront spécifiques de récepteurs membranaires embryonnaires
(exemple : SSEA1, 3, 4 ; TRA-1-60,-81 et Nanog). Pour le WB, on utilisera des anticorps antiRonin, anti-Oct4 et de marqueurs cellulaires embryonnaires. Des contrôles d’IF devront être faits
sur des cellules déjà différencié (HDF) ainsi que sur des cellules indifférenciée (témoins positifs :
CSEs). De plus, vérifier l’extinction des transgènes et l’expression des gènes endogènes par RTPCR nous permettrait de confirmer que le maintien de la pluripotence est bien du aux gènes
endogènes.
La pluripotence peut être testée par des expériences de différenciation en cellules neurales et
cardiaques, similaires à celles déjà réalisées. La différenciation est vérifiée par la présence de
marqueurs spécifiques des tissus en question, par Western Blot.
Dans le cas où Ronin seul n’aurait pas le pouvoir d’entraîner une différenciation, il serait
intéressant de co-transfecter une combinaison de facteurs (Oct4 et/ou Sox2 et/ou Nanog) en plus de
Ronin. Ce protocole éviterait la transduction de Klf4 et c-Myc qui peuvent entraîner un effet
tumoral. Les expériences réalisées pour vérifier l’état des cellules seront identiques à celles décrites
ci-dessus.
Il serait intéressant d’évaluer l’état tumoral des pseudo cellules souches avec une puce à ADN
contenant des séquences spécifiques de gènes tumoraux.
La possibilité de dédifférencier des cellules somatiques en pseudo cellules souches étendraient les
possibilités de thérapies régénératrices à la greffe d’organes prédifférenciés in vitro et permettraient
une compréhension plus en profondeur de mécanismes encore mal connus.
D.
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