Maintenance : dix clés pour mener à bien une externalisation
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Maintenance : dix clés pour mener à bien une externalisation
Solutions Solutions MAN A G E M E N T I N D U S T R I E L Externaliser la maintenance de l’outil de production reste une opération délicate. Comment confier des tâches de maintenance à une société tierce sans pour autant perdre son savoir-faire interne ? Comment réaliser des profits tout en préservant l’impératif de rentabilité du prestataire ? Dans tous les cas, ces questions doivent faire l’objet d’une réflexion approfondie. Pour éviter les écueils, il faut inscrire son projet dans la durée et respecter, étape après étape, un certain nombre de règles incontournables. Yves Lavina, consultant en maintenance industrielle, nous rappelle ici dix conditions élémentaires à prendre en compte pour réussir son externalisation. 1) Préserver des intérêts économiques contradictoires L’externalisation de la maintenance conduit à une apparente contradiction économique. En faisant appel à un professionnel de la maintenance, le donneur d’ordre cherche à diminuer ses dépenses. De son côté, l’entreprise intervenante doit aussi dégager des bénéfices. Or, il faut à tout prix préserver les intérêts économiques des différents acteurs, L’essentiel même s’ils sont contradictoires. Sans cette Pour être conduite avec condition, l’externalisuccès, l’externalisation de la sation conduit inévitamaintenance doit s’inscrire blement à un échec. Il dans la durée, et faire l’objet existe trois risques d’une réflexion approfondie. majeurs : une diminu Elle nécessite une organisation progressive de la tion rigoureuse et l’adoption qualité des prestations d’un important formalisme (avec des conséquenécrit. ces observables parfois Outre la compétence quelques années du prestataire, il importe après), l’altération du d’évaluer son niveau climat social dans l’une d’implication dans les ou l’autre des entrerésultats de l’entreprise. prises, et bien sûr un 70 mauvais bilan économique de l’opération, qui se traduit par l’apparition de surcoûts à la place des bénéfices escomptés. 2) Externaliser plutôt la maintenance préventive Rappelons que l’optimisation de la maintenance s’articule autour de trois sources de progrès : la fiabilisation (où l’on cherche à supprimer de manière systématique tout dysfonctionnement), l’augmentation progressive de la maintenance améliorative, et les plans de maintenance préventive. Si les deux premiers points doivent rester l’apanage de la maintenance interne, la maintenance préventive peut être externalisée. En effet, il ne faut confier à des entreprises externes qu’une activité de maintenance parfaitement maîtrisée et formalisée. La maintenance préventive répond à ce critère : elle est exécutée à partir de plans de maintenance qui sont en principe maîtrisés par le donneur d’ordre, et obéit à un cahier des charges clairement défini. Celui-ci comprend une sorte de “check-list” constituée des différentes opérations à réaliser, et, éventuellement, une description des modes opératoires (pour les savoir-faire les plus délicats). La prise en charge du préventif par un partenaire externe présente d’ailleurs plusieurs avantages. Elle décharge le personnel interne d’une activité répétitive et fastidieuse, qu’il ne cherche plus à optimiser lorsque les habitudes sont prises. Le préventif n’est plus considéré comme un mal nécessaire. Il devient un réel moyen d’anticiper les défaillances et de les supprimer. 3) Augmenter peu à peu le périmètre d’intervention du prestataire Pour que l’externalisation soit économiquement viable, il faut notamment que le chiffre d’affaires réalisé par l’entreprise intervenante soit en augmentation. Or, les coûts unitaires (plans de maintenance préventive sur une machine donnée) diminuent. Le volume d’activité ne peut donc croître que si l’on confie au prestataire des machines supplémentaires à entretenir, ou de nouvelles opérations de maintenance (interventions curatives, amélioratives ou travaux neufs). En règle générale, il convient de ne pas tout confier d’entrée de jeu à l’entreprise externe. L’industriel doit d’abord externaliser la maintenance sur un certain nombre de machines, puis augmenter cette proportion au vu des résultats. 4) Afficher clairement les objectifs La maintenance préventive consiste à anticiper l’apparition de tout dysfonctionnement. Le progrès réalisé est donc mesuré par deux paramètres : l’effort consacré à cette anticipation (que l’on peut assimiler à un “apport d’intelligence”), et le nombre de dysfonctionnements potentiels que l’on a détectés et résolus avant qu’ils n’apparaissent MESURES 826 - JUIN 2010 - www.mesures.com Siemens Siemens Maintenance : dix clés pour mener à bien une externalisation Selon l’Afim, seuls 4% des industriels externalisent la totalité de leur maintenance. De nombreux industriels externalisent une partie de leur maintenance pour se recentrer davantage sur leur métier. (“apport d’efficacité”). Avant de confier la maintenance préventive à une société tierce, le donneur d’ordre doit clairement préciser ses objectifs pour chacun des deux paramètres. Il modifiera ensuite les valeurs attendues à chaque variation du périmètre d’intervention. 5) Inscrire l’externalisation dans la durée C’est un principe incontournable : l’externalisation ne doit pas conduire à une perte du savoir-faire. Le choix des domaines d’intervention que l’on confie au prestataire doit donc faire l’objet d’une démarche mûrement réfléchie. Dans cette réflexion, il faut envisager l’externalisation comme un projet de partenariat équitable, où chaque acteur est gagnant. Mais instaurer une confiance respective demande du temps. La démarche d’externalisation ne peut donc se construire que dans la durée. 6) Adopter un important formalisme écrit nécessaire de s’appuyer sur un formalisme écrit dès le départ, et de le compléter au fur et à mesure, lorsque le champ d’action du prestataire s’élargit. 7) Prévoir une période d’adaptation Quelles que soient la formation et l’expérience de l’intervenant, il faut envisager une période d’adaptation au cours de laquelle l’industriel transfère la méthode de travail. Celle-ci se déroule en trois temps avec, pour chaque étape, une négociation spécifique des conditions économiques. - La formation du prestataire au mode opératoire. L’intervenant va mettre en œuvre son professionnalisme avec les installations du donneur d’ordre. Il s’agit donc, pour lui, de se familiariser avec le matériel. Toutes les “astuces” pour le démonter, le remonter, détecter tel ou tel événement ou régler tel paramètre sont reproduites à cette occasion. - L’intervention en support (obligation de moyens). Il s’agit d’accréditer l’équipe Externaliser ne consiste pas à transférer des tâches, mais à transmettre à un tiers une méthode de travail. La principale difficulté rencontrée dans la transmission d’une activité de maintenance à un prestataire concerne le personnel impliqué et le mode de transfert du savoir-faire. L’expérience démontre que les intervenants ont du mal à formaliser aussi bien les modes opératoires (avant d’intervenir) que les rapports d’intervention. Il s’agit pourtant d’un élément clé dans la délégation d’activité et dans la recherche de performances. À défaut, l’industriel se repose sur la compétence technique et l’expérience de l’intervenant… Pour éviter tout écueil, il est MESURES 826 - JUIN 2010 - www.mesures.com Externalisation ou sous-traitance ? Rappelons que l’externalisation consiste à transférer une activité prise en charge par les ressources internes d’une entreprise vers un prestataire externe. La sous-traitance, en revanche, est l’exécution d’un travail ou d’un marché par un industriel, pour le compte d’un donneur d’ordre, suivant des directives ou des spécifications techniques préalablement définies. intervenante : celle-ci effectue le travail prévu dans un certain périmètre d’intervention avec des dépenses contrôlées, sur une courte période. Le prestataire acquiert alors la maîtrise des coûts d’intervention, la connaissance des matériels et la compréhension des procédés. - L’intervention en responsabilité (obligation de résultats). C’est le début du contrat proprement dit. Le prestataire assume les écarts de résultats. Les éventuels défauts d’exécution, les malfaçons ou les objectifs qui ne sont pas atteints, pénalisent l’entreprise intervenante. 8) Acquérir une prestation forfaitisée Externaliser sa maintenance suppose de s’inscrire dans le cadre d’un projet réajusté en permanence. Pour diminuer les coûts qu’elle engendre, une prestation de maintenance doit s’acheter au forfait, comme s’il s’agissait d’une pièce usinée dans un atelier de mécanique générale, ou d’une quelconque prestation unitaire. Le fil conducteur du projet est donc le passage d’une perception horaire des actions de maintenance à un achat de prestations forfaitisées. L’objectif consiste ensuite à diminuer d’année en année le coût du forfait. Cela repose en partie sur la méthode de travail de l’entreprise intervenante. Celle-ci ira plus vite non pas en étant plus rapide (car elle risque alors d’altérer la qualité du résultat), mais en acquérant la bonne méthode. Travailler au forfait avec l’objectif de diminuer celuici (on peut obtenir une réduction de 30 à 300 % sur une période de l’ordre de trois à cinq ans en maintenance préventive) génère obligatoirement une remise en ➜ 71 Solutions Les écueils à éviter pour bien externaliser Pour être conduite avec succès, l’externalisation de la maintenance nécessite de prendre un certain nombre de précautions et de respecter des conditions élémentaires. Claude Pichot, président de l’AFIM (Association française des ingénieurs de maintenance) et Jean-Luc Vasselin, responsable de Dynae pour la région Sud-Est, nous ont délivré leurs conseils. Pour Claude Pichot, il est impératif avant tout de « délimiter avec précision le périmètre des équipements et des installations concernés, et d’en établir un inventaire minutieux. Pour chacun d’entre eux, il faut ensuite disposer de la documentation technique d’exploitation et de maintenance mise à jour (plans électriques et automatismes, mécanique et hydraulique, etc.), ainsi que de l’historique des interventions de maintenance préventive et corrective associées aux pièces remplacées ». Autre point important, « la connaissance des risques liés aux interventions de maintenance doit être documentée avec précision. Il s’agit d’identifier les dangers liés aux produits toxiques pour les équipements dont on envisage l’externalisation ». Jean-Luc Vasselin, de son côté, rappelle aussi la nécessité d’inscrire la démarche dans la durée, « en privilégiant des contrats longs ». « Si l’on ne s’installe pas dans la durée, l’externalisation n’améliore la situation technique ou économique que de façon éphémère », confirme Claude Pichot. ➜ cause et une amélioration de la méthode employée par l’entreprise intervenante. C’est sur cette capacité qu’elle sera évaluée. Passer d’une approche où l’on contrôle les temps passés à une acquisition de prestations à un coût catalogué qui diminue au fil du temps, constitue la clé du succès. En contrepartie, des prestations complémentaires viendront compenser la baisse des gains de la société intervenante. 9) Se doter d’une organisation rigoureuse L’externalisation nécessite la maîtrise complète des informations de maintenance. On entre dans une maintenance partagée qu’il convient de “maîtriser sans pratiquer”. Or l’expérience, dans la maintenance, est généralement détenue par ceux qui pratiquent… Elle repose en outre sur une démarche semblable à l’assurance qualité : celui qui réalise la tâche la contrôle, puis remet son rapport d’intervention qui garantit la bonne exécution de la tâche. Cela signifie qu’une bonne coordination doit être assurée entre les différents retours d’intervention (rapports de dépannage, comptes-rendus d’opérations préventives, cahier des charges des améliorations) et l’évolution des plans de maintenance préventive. Cette démarche nécessite l’application stricte d’une boucle de progrès dont le pilotage est assuré par le donneur d’ordre. 72 Quels sont les principaux écueils à éviter ? Selon Jean-Luc Vasselin, il existe deux grands risques : « perdre des savoir-faire spécifiques, et dériver vers une maintenance à trop court terme conduisant à un vieillissement des installations (du fait qu’il n’y a plus d’investissements) ». Pour Claude Pichot, « le principal écueil à éviter consiste à croire que l’externalisation règle tous les problèmes pour lesquels l’entreprise ne dispose d’aucune donnée ! Réussir l’externalisation, c’est entrer dans la culture de la mesure, de l’enregistrement systématique des incidents, et de leur analyse permanente en vue d’améliorer le rendement des équipements, dans des conditions économiques définies contractuellement ». Pourquoi l’externalisation de la maintenance conduit-elle encore à des échecs ? « À cause d’une mauvaise appréciation des spécificités du process, ou d’un contrat économiquement “asphyxiant” », estime Jean-Luc Vasselin. Les deux spécialistes s’accordent à dire qu’une externalisation réussie est une démarche “donnant-donnant”. Le prestataire, tout comme l’industriel, ne doit pas se sentir lésé. « Il est nécessaire d’impliquer la société intervenante dans les bénéfices d’une bonne politique de maintenance conditionnelle », rappelle Jean-Luc Vasselin. Finalement, « un contrat de maintenance réussi, c’est avant tout une équipe connaissant bien les technologies utilisées, épaulée par des méthodes et une organisation capables de mesurer, collecter, et analyser les résultats obtenus », conclut Claude Pichot. MLZD 10) Anticiper les défaillances et prévenir les risques Lors de la rédaction du contrat, l’objectif essentiel qui doit animer l’industriel est l’anticipation de toutes les défaillances éventuelles. Celles-ci peuvent être induites par les risques suivants : une intervention non réalisée par le prestataire, une malfaçon lors de l’intervention (avec un impact sur la sécurité ou la production), des malfaçons sans incidence mais répétées (ordre, propreté, etc.), un manque de respect des règles de sécurité du site, une anomalie non détectée, un prestataire peu qualifié, le manque de respect des délais et des horaires, une prestation n’apportant aucun progrès ou aucune idée d’amélioration, ou encore le manque de communication des informations pertinentes. “Une affaire d’opportunité” On ne le répétera jamais assez : l’externalisation n’est pas une fin en soi. Elle s’inscrit dans une logique d’évolution visant à recentrer l’entreprise sur la maîtrise de sa production, et réduire ses coûts. Externaliser s’accompagne d’une contribution de l’entreprise externe aux progrès du donneur d’ordre. Elle ne peut donc être réalisée que dans un contexte d’objectifs de résultats. En y regardant de plus près, l’externalisation de la maintenance conduit à disposer d’intervenants externes qui se substituent de manière discontinue à une présence permanente d’électromécaniciens dans l’entreprise. Dans le cas d’une unité de production en place, ce processus ne peut être que très progressif (pour des motifs sociaux, techniques ou organisationnels). On peut alors éviter les changements brusques et profiter des mouvements de personnel internes. Rappelons aussi que l’on externalise uniquement lorsque toutes les solutions de progrès utilisant le personnel interne ont été épuisées. L’externalisation est donc avant tout une affaire d’opportunité. Yves Lavina Consultant en maintenance industrielle, Lavina Sarl Pour en savoir plus Il n’existe que très peu de cas d’externalisation totale de la maintenance dans l’industrie. L’externalisation totale représente moins de 4 % d’un marché qui pesait 6,4 milliards d’euros en 2009 (pour un volume annuel de dépenses de maintenance de 22 milliards d’euros). Le taux moyen d’externalisation (part de maintenance externalisée) est passé de 22 % en 1997 à 33 % en 2009. Il oscille autour de 33 % depuis 2007, en fonction de la conjoncture économique (données de l’AFIM) L’AFIM a édité un contrat type de prestations de service en maintenance. Fondé sur une norme européenne relative aux contrats de maintenance, il passe en revue de façon méthodique tous les processus concernés par les activités de maintenance. Pour plus de renseignements, MESURES 826 - JUIN 2010 - www.mesures.com