Le syndrome de la vache grasse

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Le syndrome de la vache grasse
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TORO 7/10
Le syndrome de la vache grasse
Les exploitations qui affouragent des rations riches en énergie et les vaches avec de longs
intervalles entre les vêlages sont régulièrement confrontées au problème de surpoids en
fin de lactation. Les vaches trop grasses sont plus sensibles aux maladies et aux troubles
du métabolisme durant la lactation suivante, en particulier avant et après le vêlage.
jbg. La graisse corporelle sert de
dépôt énergétique à la vache. En
période de bonne consommation et
d’approvisionnement suffisant en
énergie, notamment en fin de lactation, la vache stocke des réserves
dans les tissus adipeux. En prévision du démarrage imminent de
lactation suivante, durant lequel le
besoin en énergie augmente considérablement alors que la consommation diminue en fin de gestation,
la vache commence à mobilier les
graisses corporelles avant le vêlage.
La lipo-mobilisation atteint son
maximum quelques semaines après
le vêlage. Cette dynamique est en
principe tout à fait normale. Une
accélération de ce processus est cependant maladive ou pathogène et
revêt un caractère de cercle vicieux.
Pourquoi l’obésité est-elle
dangereuse?
Les vaches trop grasses (cela
concerne aussi les primipares!)
consomment en général mal en début de lactation. Plutôt que de couvrir leur besoin en énergie par le
fourrage ingéré, elles
mobilisent
leurs réserves de graisse. De plus,
elles sont davantage exposées aux
vêlages difficiles, ce qui renforce
encore le problème de consommation. Alors que le besoin en énergie
augmente en raison du démarrage
de la lactation, la mobilisation des
graisses corporelles risque de s’emballer. Le foie est inondé en acides
gras libres, qui y sont transformés
en corps cétoniques (par ex. acétone). La vache souffre alors de
cétose. Ce trouble du métabolisme
peut être diagnostiqué au moyen
d’un test rapide de l’acétone dans le
lait (par ex. Ketolac®) ou dans
l’urine. Si les acides gras libres ne
peuvent être métabolisés dans le
foie et/ou éliminés, ils se déposent
dans le tissu hépatique. Le foie s’engraisse (lipidose hépatique). Les
fonctions importantes du foie, telles
que la formation d’anticorps, la désintoxication et le métabolisme
énergétique sont perturbées. Cet
état ouvre la porte aux maladies et
infections des vaches après la misebas. Une teneur élevée du
lait en graisse
La vache PEPSI, au mois d’octobre 2009. Elle a subi une césarienne au
mois de novembre 2009, en raison d’un veau trop grand. Elle n’est
toujours pas portante depuis. Le sera-t-elle même un jour?
(> 4.8%) et un grand écart au niveau du rapport graisse / protéine
(>1,5) dans la phase de démarrage
sont un signal d’alarme, car ils indiquent une grande mobilisation
d’acides gras libres! La lipidose hépatique peut aussi être reconnue en
cas de confiscations anormalement
élevées des foies lors de l’abattage.
Un cercle vicieux...
Les vaches grasses sont donc des
animaux à risque en matière de vêlages et de troubles post-partum
(fièvre de lait, rétention placentaire,
retard de l’involution utérine, etc.).
Il leur faut beaucoup de temps pour
surmonter la période avec un bilan
énergétique négatif et une éventuelle cétose latente durant le démarrage. Le «mécanisme d’autoprotection» du corps, qui inhibe en
quelque sorte la fécondité jusqu’à ce
que la vache ait récupéré, empêche
ensuite pendant un long moment
que la vache entre en gestation. En
effet, aussi longtemps que la vache
se trouve en déficit énergétique,
elle ne peut pas devenir portante: une mauvaise reprise du
cycle, une ovulation retardée
ou des kystes en sont les
symptômes. Même si la
vache finit par porter,
l’intervalle entre les
vêlages sera prolongé. En règle générale, la persistance
de
la
production laitière diminue, la phase de tarissement se
prolonge, ce qui entraîne que la
vache s’engraisse à nouveau.
Prenez note du fait que ce cercle vicieux ne commence pas seulement
après le premier vêlage, mais souvent déjà durant l’élevage! C’est
pourquoi les génisses, après une
première période intensive, doivent
être affouragées avec retenue à partir de l’âge de 12 à 14 mois pour prévenir un engraissement excessif
avant la première gestation!
Surveiller l’embonpoint et la
protéine
Un diagnostic précoce est la clé du
succès: dès que les animaux commencent à engraisser, il faut adapter
la densité énergétique de la ration en
réduisant la quantité de concentrés.
C’est pourquoi, il est si important de
surveiller l’état corporel. Prenez le
temps de le contrôler régulièrement
et sciemment. Le «Body Condition
Scoring» peut constituer une aide
précieuse. La réduction de l’apport
en énergie devrait commencer
lorsque, en raison de la formation de
graisse et de muscles dans la région
pelvienne, la ligne hanche – trochanter – ischion ne forme plus un
V mais un U (note BCS 3,25 – voir
illustration). En particulier chez les
vaches laitières «angulaires», il faut
penser qu’une quantité importante
de tissus adipeux se sont déjà formés à l’intérieur de la cavité pelvienne et autour des ligaments abdominaux, avant que l’augmentation
de substance soit visible de l’extérieur. La teneur du lait en protéine
permet également d’évaluer le
risque d’un engraissement: une teneur en protéine supérieure à 3.8%
est la limite critique (selon la race).
La vache est trop grasse lorsque:
• La ligne de dos est plate et les
pointes des apophyses
épineuses à peine apparentes.
• L’angle entre les apophyses
épineuses et les apophyses
transverses dans la région
lombaire est obtus à plat
• Les pointes des apophyses
transverses dans la région
lombaire sont à peine
apparentes.
• Les pointes de la hanche et les
ischions sont à peine apparents
et la surface entre les deux est
à peine encaissée.
• La fossette de l’attache de la
queue est couverte d’un
bourrelet de gras.
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Notation de l’état corporel des bovins laitiers (Body Condition Scoring)
La ligne forme un V ouvert BCS ≤ 3.0
Ischions angulaires
BCS < 2.75
Bourelet de gras sur les
ischions BSC = 2.50
Pointe de la hanche
angulaire BCS < 3.0
Ischions couverts
BCS = 2.75
A partir de là, la ration de concentrés doit être progressivement diminuée et peut même être supprimée
si la qualité du fourrage de base est
très élevée. A ce stade, il vaut mieux
renoncer à quelques litres de lait au
bénéfice d’une bonne santé en début de lactation suivante. Sur plusieurs exploitations, une ration plutôt protéique (+ 2kg de potentiel de
production laitière) a fait ses
preuves.
Agir avant la phase de
tarissement
En aucun cas, il ne faut tenter un
régime exagéré durant la phase de
tarissement! A ce moment-là, il est
définitivement trop tard! Au
contraire, les animaux trop gras
doivent être traités avec beaucoup
de circonspection durant la période
de tarissement. En font partie un
bon confort des vaches, des onglons
soignés et la mise à disposition de
suffisamment de fourrage de bonne
qualité, mais pauvre en énergie,
pour que l’appétit et la consommation restent intacts. Une transition
planifiée de la ration de tarissement
à la ration de lactation, avec admi-
La ligne forme un U ouvert BCS ≥ 3.25
Pointe de la hanche
arrondie BCS = 3.0
Crête illiaque et ligament
sacro-tubéral apparent
BCS = 3.25.
Crête illiaque apparente et
ligament sacro-tubéral à
peine visible BCS = 3.50
Vous trouverez la fiche technique BCS complète sur www.swissgenetics.ch.
nistration de concentrés dès deux
semaines avant la mise-bas et une
augmentation maximale de 200g
par jour, favorise par ailleurs une
bonne consommation et une bonne
mise en valeur du fourrage. La densité énergétique plus élevée de la
ration permet de compenser le bilan
énergétique, si la consommation
diminue avant le vêlage. De cette
manière, les vaches grasses sont parées pour affronter les risques d’une
mobilisation exagérée et précipitée
de graisses corporelles. Pour la ration de préparation au vêlage, optez
pour un concentré énergétique,
pour ne pas forcer vos vaches, en
particulier les grasses, à démarrer
la lactation trop fort (comme avec
les concentrés protéiques), ce qui
entraînerait forcément une mobilisation des réserves énergétiques.
Après la mise-bas, l’augmentation
de concentrés doit rester progressive, pour garantir la compatibilité
au niveau de la panse.
Que faut-il faire pour éviter ou, le cas échéant pour interrompre, le
cercle vicieux de la vache grasse?
• Réduire l’apport d’énergie chez les génisses à partir de l’âge de 12 à 14 mois,
pour éviter un engraissement excessif avant et pendant la première gestation.
• Optimiser le démarrage de la lactation (voir TORO 06/10) et de ce fait la
fécondité, garder à l’œil les animaux sujets aux problèmes d’embonpoint.
• Contrôler régulièrement le métabolisme en phase de démarrage avec un
test rapide de détection de cétose.
• Lorsque les vaches prennent du poids (le V évolue en U) ou que la
protéine du lait dépasse les 3.8%, réduire progressivement la quantité de
concentrés.
• Travailler avec deux rations différentes au moins, dans les exploitations
avec des rations totales mélangées.
• Durant la phase de tarissement, ne pas mettre les vaches grasses «au
régime», mais entretenir leur appétit.
• Veillez à la bonne préparation des vaches grasses au vêlage, pour
maintenir la consommation avant et après la mise-bas et pour éviter une
mobilisation excessive de graisse.
Source: Elanco
Planifier: un devoir
L’augmentation des composants
énergétiques de la ration, tels que
l’ensilage de maïs, les betteraves
fourragères, les pulpes de betteraves sucrières et les concentrés
jouent un rôle important dans la
planification, afin d’éviter l’engraissement des vaches. Les exploitations qui affouragent des rations mélangées ou partiellement
mélangées, enrichies en énergie,
connaissent bien la problématique.
Il est donc d’autant plus important
de viser une bonne consommation
en début de lactation et de trouver
le bon équilibre entre une ration
riche en énergie et une ration respectueuse des ruminants. Une ration de transition ciblée ainsi que
les calculs permettant de connaître
la vitesse de décomposition de
l’énergie et des protéines sont de
bons auxiliaires. L’analyse des aliments permet depuis peu de différencier les différentes étapes de la
décomposition énergétique (sucre,
amidon, cellulose) et permet, notamment sur les exploitations qui
affouragent essentiellement du
foin, de reconnaître les possibilités pour éviter les acidoses.

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