Le syndrome de la vache grasse
Transcription
Le syndrome de la vache grasse
32 SERVICE TORO 7/10 Le syndrome de la vache grasse Les exploitations qui affouragent des rations riches en énergie et les vaches avec de longs intervalles entre les vêlages sont régulièrement confrontées au problème de surpoids en fin de lactation. Les vaches trop grasses sont plus sensibles aux maladies et aux troubles du métabolisme durant la lactation suivante, en particulier avant et après le vêlage. jbg. La graisse corporelle sert de dépôt énergétique à la vache. En période de bonne consommation et d’approvisionnement suffisant en énergie, notamment en fin de lactation, la vache stocke des réserves dans les tissus adipeux. En prévision du démarrage imminent de lactation suivante, durant lequel le besoin en énergie augmente considérablement alors que la consommation diminue en fin de gestation, la vache commence à mobilier les graisses corporelles avant le vêlage. La lipo-mobilisation atteint son maximum quelques semaines après le vêlage. Cette dynamique est en principe tout à fait normale. Une accélération de ce processus est cependant maladive ou pathogène et revêt un caractère de cercle vicieux. Pourquoi l’obésité est-elle dangereuse? Les vaches trop grasses (cela concerne aussi les primipares!) consomment en général mal en début de lactation. Plutôt que de couvrir leur besoin en énergie par le fourrage ingéré, elles mobilisent leurs réserves de graisse. De plus, elles sont davantage exposées aux vêlages difficiles, ce qui renforce encore le problème de consommation. Alors que le besoin en énergie augmente en raison du démarrage de la lactation, la mobilisation des graisses corporelles risque de s’emballer. Le foie est inondé en acides gras libres, qui y sont transformés en corps cétoniques (par ex. acétone). La vache souffre alors de cétose. Ce trouble du métabolisme peut être diagnostiqué au moyen d’un test rapide de l’acétone dans le lait (par ex. Ketolac®) ou dans l’urine. Si les acides gras libres ne peuvent être métabolisés dans le foie et/ou éliminés, ils se déposent dans le tissu hépatique. Le foie s’engraisse (lipidose hépatique). Les fonctions importantes du foie, telles que la formation d’anticorps, la désintoxication et le métabolisme énergétique sont perturbées. Cet état ouvre la porte aux maladies et infections des vaches après la misebas. Une teneur élevée du lait en graisse La vache PEPSI, au mois d’octobre 2009. Elle a subi une césarienne au mois de novembre 2009, en raison d’un veau trop grand. Elle n’est toujours pas portante depuis. Le sera-t-elle même un jour? (> 4.8%) et un grand écart au niveau du rapport graisse / protéine (>1,5) dans la phase de démarrage sont un signal d’alarme, car ils indiquent une grande mobilisation d’acides gras libres! La lipidose hépatique peut aussi être reconnue en cas de confiscations anormalement élevées des foies lors de l’abattage. Un cercle vicieux... Les vaches grasses sont donc des animaux à risque en matière de vêlages et de troubles post-partum (fièvre de lait, rétention placentaire, retard de l’involution utérine, etc.). Il leur faut beaucoup de temps pour surmonter la période avec un bilan énergétique négatif et une éventuelle cétose latente durant le démarrage. Le «mécanisme d’autoprotection» du corps, qui inhibe en quelque sorte la fécondité jusqu’à ce que la vache ait récupéré, empêche ensuite pendant un long moment que la vache entre en gestation. En effet, aussi longtemps que la vache se trouve en déficit énergétique, elle ne peut pas devenir portante: une mauvaise reprise du cycle, une ovulation retardée ou des kystes en sont les symptômes. Même si la vache finit par porter, l’intervalle entre les vêlages sera prolongé. En règle générale, la persistance de la production laitière diminue, la phase de tarissement se prolonge, ce qui entraîne que la vache s’engraisse à nouveau. Prenez note du fait que ce cercle vicieux ne commence pas seulement après le premier vêlage, mais souvent déjà durant l’élevage! C’est pourquoi les génisses, après une première période intensive, doivent être affouragées avec retenue à partir de l’âge de 12 à 14 mois pour prévenir un engraissement excessif avant la première gestation! Surveiller l’embonpoint et la protéine Un diagnostic précoce est la clé du succès: dès que les animaux commencent à engraisser, il faut adapter la densité énergétique de la ration en réduisant la quantité de concentrés. C’est pourquoi, il est si important de surveiller l’état corporel. Prenez le temps de le contrôler régulièrement et sciemment. Le «Body Condition Scoring» peut constituer une aide précieuse. La réduction de l’apport en énergie devrait commencer lorsque, en raison de la formation de graisse et de muscles dans la région pelvienne, la ligne hanche – trochanter – ischion ne forme plus un V mais un U (note BCS 3,25 – voir illustration). En particulier chez les vaches laitières «angulaires», il faut penser qu’une quantité importante de tissus adipeux se sont déjà formés à l’intérieur de la cavité pelvienne et autour des ligaments abdominaux, avant que l’augmentation de substance soit visible de l’extérieur. La teneur du lait en protéine permet également d’évaluer le risque d’un engraissement: une teneur en protéine supérieure à 3.8% est la limite critique (selon la race). La vache est trop grasse lorsque: • La ligne de dos est plate et les pointes des apophyses épineuses à peine apparentes. • L’angle entre les apophyses épineuses et les apophyses transverses dans la région lombaire est obtus à plat • Les pointes des apophyses transverses dans la région lombaire sont à peine apparentes. • Les pointes de la hanche et les ischions sont à peine apparents et la surface entre les deux est à peine encaissée. • La fossette de l’attache de la queue est couverte d’un bourrelet de gras. 33 SERVICE TORO 7/10 Notation de l’état corporel des bovins laitiers (Body Condition Scoring) La ligne forme un V ouvert BCS ≤ 3.0 Ischions angulaires BCS < 2.75 Bourelet de gras sur les ischions BSC = 2.50 Pointe de la hanche angulaire BCS < 3.0 Ischions couverts BCS = 2.75 A partir de là, la ration de concentrés doit être progressivement diminuée et peut même être supprimée si la qualité du fourrage de base est très élevée. A ce stade, il vaut mieux renoncer à quelques litres de lait au bénéfice d’une bonne santé en début de lactation suivante. Sur plusieurs exploitations, une ration plutôt protéique (+ 2kg de potentiel de production laitière) a fait ses preuves. Agir avant la phase de tarissement En aucun cas, il ne faut tenter un régime exagéré durant la phase de tarissement! A ce moment-là, il est définitivement trop tard! Au contraire, les animaux trop gras doivent être traités avec beaucoup de circonspection durant la période de tarissement. En font partie un bon confort des vaches, des onglons soignés et la mise à disposition de suffisamment de fourrage de bonne qualité, mais pauvre en énergie, pour que l’appétit et la consommation restent intacts. Une transition planifiée de la ration de tarissement à la ration de lactation, avec admi- La ligne forme un U ouvert BCS ≥ 3.25 Pointe de la hanche arrondie BCS = 3.0 Crête illiaque et ligament sacro-tubéral apparent BCS = 3.25. Crête illiaque apparente et ligament sacro-tubéral à peine visible BCS = 3.50 Vous trouverez la fiche technique BCS complète sur www.swissgenetics.ch. nistration de concentrés dès deux semaines avant la mise-bas et une augmentation maximale de 200g par jour, favorise par ailleurs une bonne consommation et une bonne mise en valeur du fourrage. La densité énergétique plus élevée de la ration permet de compenser le bilan énergétique, si la consommation diminue avant le vêlage. De cette manière, les vaches grasses sont parées pour affronter les risques d’une mobilisation exagérée et précipitée de graisses corporelles. Pour la ration de préparation au vêlage, optez pour un concentré énergétique, pour ne pas forcer vos vaches, en particulier les grasses, à démarrer la lactation trop fort (comme avec les concentrés protéiques), ce qui entraînerait forcément une mobilisation des réserves énergétiques. Après la mise-bas, l’augmentation de concentrés doit rester progressive, pour garantir la compatibilité au niveau de la panse. Que faut-il faire pour éviter ou, le cas échéant pour interrompre, le cercle vicieux de la vache grasse? • Réduire l’apport d’énergie chez les génisses à partir de l’âge de 12 à 14 mois, pour éviter un engraissement excessif avant et pendant la première gestation. • Optimiser le démarrage de la lactation (voir TORO 06/10) et de ce fait la fécondité, garder à l’œil les animaux sujets aux problèmes d’embonpoint. • Contrôler régulièrement le métabolisme en phase de démarrage avec un test rapide de détection de cétose. • Lorsque les vaches prennent du poids (le V évolue en U) ou que la protéine du lait dépasse les 3.8%, réduire progressivement la quantité de concentrés. • Travailler avec deux rations différentes au moins, dans les exploitations avec des rations totales mélangées. • Durant la phase de tarissement, ne pas mettre les vaches grasses «au régime», mais entretenir leur appétit. • Veillez à la bonne préparation des vaches grasses au vêlage, pour maintenir la consommation avant et après la mise-bas et pour éviter une mobilisation excessive de graisse. Source: Elanco Planifier: un devoir L’augmentation des composants énergétiques de la ration, tels que l’ensilage de maïs, les betteraves fourragères, les pulpes de betteraves sucrières et les concentrés jouent un rôle important dans la planification, afin d’éviter l’engraissement des vaches. Les exploitations qui affouragent des rations mélangées ou partiellement mélangées, enrichies en énergie, connaissent bien la problématique. Il est donc d’autant plus important de viser une bonne consommation en début de lactation et de trouver le bon équilibre entre une ration riche en énergie et une ration respectueuse des ruminants. Une ration de transition ciblée ainsi que les calculs permettant de connaître la vitesse de décomposition de l’énergie et des protéines sont de bons auxiliaires. L’analyse des aliments permet depuis peu de différencier les différentes étapes de la décomposition énergétique (sucre, amidon, cellulose) et permet, notamment sur les exploitations qui affouragent essentiellement du foin, de reconnaître les possibilités pour éviter les acidoses.