Nausicaa, la princesse phéacienne - Gildas Jaffrennou
Transcription
Nausicaa, la princesse phéacienne - Gildas Jaffrennou
Nausicaa, la princesse phéacienne vue par Bernard Evslin Notice extraite du dictionnaire mythologique de Bernard Evslin Nausicaa : Figure centrale de la dernière aventure d’Ulysse avant qu’il ne gagne Ithaque. Elle était fille du roi de Phéacie, une enfant fantaisiste, au pied agile, dont la beauté attirait dans l’île de nombreux prétendants. Quoique beaucoup d’entre eux fussent beaux et que tous fussent courageux, elle les refusa tous. Elle voulait un homme dont l’esprit fût aussi vif que le sien et qui pût réagir avec vivacité, comme elle, face aux choses que les autres négligeaient. Elle persuada son père qu’elle était encore trop jeune pour se marier et demeura, le cœur empli de joie, sur son île, errant sur les plages, nageant dans la mer, jouant de la lyre et déclamant des chants qu’elle avait composés elle-même. Un jour, elle et ses servantes jouaient, sur la plage, à se lancer une balle en cuir. L’une d’elles courut après la balle et fit brusquement demi-tour en poussant un cri perçant ; un homme nu, couvert de sang, sortait en rampant de derrière un rocher. C’était Ulysse, qui venait de reprendre ses esprits, après s’être évanoui, violemment balloté, à moitié mort, sur le rivage rocheux. Le voile d’Ino l’avait préservé dans l’eau, mais il ne put pas le protéger contre les rochers. Parmi les filles qui poussaient des cris perçants, seule Nausicaa n’avait pas peur. Elle leur ordonna le silence et s’approcha de l’homme. Alors qu’il avait à peine assez de force pour parler, Ulysse eut suffisamment d’esprit pour s’adresser à elle comme à la déesse Artémis, la remerciant de l’avoir emmené après sa mort dans l’une de ses lagunes lunaires, au lieu de laisser Hadès le réclamer. Nausicaa en fut très enchantée. Elle ordonna à ses servantes d’apporter à l’étranger des vêtements propres. Puis elle pansa ses blessures de ses propres mains et le ramena au château comme invité d’honneur. Ses parents furent loin de se réjouir. Ce même matin, précisément, un oracle avait mis le roi en garde contre les naufrages, les étrangers et les conteurs d’histoires. C’est alors que Nausicaa vint trouver le roi, brûlante d’excitation, pour lui parler du naufragé étranger qui l’avait abasourdie en lui contant des histoires d’hommes qui mangeaient des fleurs et s’endormaient, de cyclopes géants, de cannibales aussi grands que des arbres et de sorcières qui changeaient les hommes en porcs. Le roi savait que ce nouveau-venu réunissait tout ce contre quoi l’oracle l’avait mis en garde, et il décida que l’homme devait mourir. Les lois de l’hospitalité interdisaient au roi de tuer un invité, si malvenu fût-il, mais rien ne l’empêchait de faire comprendre ses intentions, tout en restant muet, à ses jeunes courtisans. Les jeunes gens invitèrent l’étranger à participer à leurs jeux, avec l’idée que quelque disque ou javelot mal lancé les débarrasserait du gaillard - qui refusait obstinément de dire son nom - en préservant l’apparence d’un accident. Cependant, Ulysse était un vieil habitué de ce genre de tactiques. Lorsque l’un des jeunes gens eut lancé un disque et qu’il l’eut défié de lancer plus loin, il décrocha la roue d’un char et la lança violemment contre le mur du château, ouvrant ainsi une brèche dans le rempart. Puis il invita quiconque parmi eux souhaitait se battre contre lui à la lance, à l’épée ou simplement à la lutte. Ils furent suffisamment prudents pour décliner l’invitation. Contrarié de trouver son invité encore en vie, le roi fut néanmoins contraint de donner un banquet en son honneur. Après la fête, Nausicaa, qui avait essayé de deviner l’identité de l’étranger, prit la harpe des mains du ménestrel et entonna un chant qu’elle avait composé elle-même lors de ses promenades. Elle chanta les héros, Jason et ses Argonautes, les Sept contre Thèbes, ceux de la Chasse au Sanglier de Calydon. Elle chanta des exploits de ce genre, sans cesser un instant de scruter Ulysse. Elle chanta Troie, et ses héros des deux camps, et Ulysse, roi d’Ithaque, qui tant de fois avait assuré la relève du commandement d’Agamemnon et soudé l’armée grecque face à la défaite. Elle chanta comment Ulysse avait persuadé Achille d’entrer dans le rang et de vaincre Hector. Enfin, elle chanta la grande ruse du Cheval de Bois et les hommes qui se cachèrent dans son ventre. Dès lors, les convives eurent la grande surprise de voir le marin, piqué à vif, mettre la tête entre ses bras et pleurer. Il releva son visage ruisselant et dit : "Pardonne, ô roi, ce spectacle indécent, mais c’est moi, Ulysse, que chante ton adorable fille !" Alors retentit un grand cri de bienvenue, car aucun nom au monde ne rayonnait avec plus d’éclat que celui d’Ulysse. Néanmoins, le roi et la reine étaient décidés à ce que leur invité d’honneur partît rapidement. Ils craignaient que leur fille ne tombât amoureuse de lui et ils savaient que ce dernier avait une femme à Ithaque. Ils le couvrirent de cadeaux et, en toute hâte, le firent embarquer sur un vaisseau déjà gréé pour le départ. Nausicaa regarda la scène depuis la plage, jusqu’à ce que la voile disparût. Mais de toutes les belles Titanides, nymphes et naïades qu’Ulysse rencontra au cours de son voyage et qui tentèrent, par des sortilèges, de lui faire oublier son pays, aucune, à ce qu’on dit, ne le bouleversa autant que cette enfant aux yeux noirs qui courait si vite le long de la plage et déclamait si merveilleusement des chants de sa propre composition. Quant à Nausicaa, une légende dit qu’elle ne se maria jamais, mais devint la première femme ménestrel, voyageant de cour en cour pour déclamer des chants de héros, et particulièrement les chants d’Ulysse et de ses aventures parmi les terribles îles de la mer Méditerranée. Certain disent qu’elle finit par venir à la cour d’Ithaque et qu’elle épousa le fils d’Ulysse, Télémaque. D’autres disent qu’elle rencontra un poète aveugle qui s’appropria tous ses chants et les tissa sous la forme d’une énorme tapisserie. Quoi qu’il en soit, elle occupait une place à part dans le cœur, battu par les vents et la pluie, du grand voyageur. Bernard EVSLIN, Gods, Demigods and Demons : an Encyclopedia of Greek Mythology, éd. Scholastic Inc., 1975, New York, p. 145-147 ; traduction personnelle. Cette notice a fait découvrir le personnage homérique de Nausicaa à Miyazaki. Elle a profondément influencé le créateur japonais, qui y a trouvé une source d’inspiration pour l’héroïne de son manga « Nausicaa de la vallée du vent ». document initialement trouvé sur http://www.genres-en-mouvements.net (site mort) mis en ligne en avril 2012 sur http://gildas.jaffrennou.free.fr