Saison 2 Episode 05

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Saison 2 Episode 05
DAEYAMA
"Une société optimale avec des règles simples, c'est une meilleure vie pour tous."
- Maxime de l’administrateur central Hiro Yadana-Tsen ***
Predator, Entre les systèmes Shenzaki et Kyoghaï, Septembre 2515
Cela faisait maintenant dix jours que le Predator arpentait les vortex artificiels
généré par les tunnels Nolgan reliant Ambrosia à l’espace Daeyaméen. C’était la première
fois que l’équipage se retrouvait aussi longtemps confiné dans l’ancien vaisseau
d’exploration et, hormis un passage éclair dans le système Shenzaki le temps de passer
d’un tunnel à un autre, le trajet s’était déroulé sans la moindre connexion à l’infosphère.
Ainsi isolé et loin de tout soucis immédiats, les spectres s’étaient occupés comme ils
avaient pu : simgame, holofilms, chamailleries… Assaï avait même apprit à Melvyn, Akronn
et Fx à jouer au Go-stop, un jeu de carte daeyaméen traditionnel. Mais les occupants du
Predator commençaient malgré tout à se sentir un peu à l’étroit et ils n’étaient pas fâchés
d’approcher enfin de leur destination.
Occupée dans la soute du Predator à frapper les pattes d’ours que portait Melvyn
pour s’entrainer, Assaï ne se préoccupait pourtant pas, de son côté, du temps qui passait.
-
Aller, encore une fois ! encouragea le capitaine du Predator en bloquant un coup
de pied latéral.
La jeune femme frappa à nouveau avec un léger sourire aux lèvres. Contre toute
attente, Melvyn s’était révélé être un très bon sparring-partner et elle se félicitait
intérieurement de l’avoir recruté d’office… Même s’il ne prenait pas toujours son rôle très
au sérieux : Alors que la daeyaméenne venait d’amorcer un nouveau coup, Melvyn se
recula subitement, laissant la frappe s’échouer dans le vide.
-
Raté ! la nargua-t-il.
Hey ! protesta-t-elle en fronçant les sourcils.
Encore loupé, refit Melvyn en évitant le coup suivant avec un petit sourire
provocateur aux lèvres.
Mais arrête de bouger ! se plaignit Assaï amusée malgré elle. T’es pas sensé
esquiver !
Il recommença pourtant au coup suivant et l’échange se termina en course
poursuite dans toute la soute.
-
Ya ! cria la daeyaméenne en courant après le capitaine. Reviens-là !
Attraper une prime qui fuit, lança Melvyn, ça fait aussi partit de l’entrainement !
Finalement acculé contre une paroi du vaisseau, le capitaine du Predator tenta une
feinte pour prendre Assaï à contrepied, puis essaya de filer en passant sous la garde de la
jeune femme. Mais cette dernière était plus rapide et la daeyaméenne eu le temps de se
placer sur la trajectoire du fuyard. Melvyn lui rentra dedans et les deux spectres finirent
au sol, allongés l’un sur l’autre en riant. Assaï se sentait bien. Même le poids du capitaine,
plaqué contre elle, ne la dérangeait pas, bien au contraire. Son visage était à quelques
centimètres du sien, elle sentait son souffle lui caresser la peau et il se dégageait de lui
une excitante virilité. Elle ferma les yeux… et sentit Melvyn se relever.
-
C’est cool. Lança-t-il.
-
De quoi ? demanda la daeyaméenne, en retrouvant ses esprits.
De t’entendre rire franchement comme ça, déclara-t-il en aidant la jeune femme
à se relever. C’est pas souvent…
Oh… fit-elle doucement en sentant ses joues s’empourprer et son cœur battre
étrangement à cette remarque.
Mettant alors tacitement fin à l’entrainement, les deux spectres remontèrent
prendre une douche chacun de leur côté. Et tandis que la daeyaméenne se débarrassait de
sa transpiration sous les jets d’eau, elle repensa à Melvyn et à sa dernière remarque,
alimentant du même coup quelques fantasmes indécents. Mais ce n’était pas raisonnable.
Comment pouvait-elle lui avouer ce qu’elle ressentait pour lui ? Et s’il ne partageait pas
ses sentiments ? Après tout, il lui avait déjà répété qu’elle n’était pas son genre…
Indécise, la jeune femme fini par sortir de la douche et se rhabilla avant de gagner
le salon du Predator. Le vaisseau allait bientôt sortir du tunnel Nolgan et Assaï ne comptait
pas rater leur arrivée dans l’espace daeyaméen.
***
Pendant ce temps, Fx était occupé à coder dans sa cabine. Lorsqu’il s’était réveillé
à l’infirmerie une dizaine de jours plus tôt, il avait cru devenir fou. Tous ses appareils
médicaux, ses aiguilles, cette perfusion dans son bras ! Heureusement, Akronn était
rapidement venu le calmer et, une heure plus tard, le cycker avait retrouvé la couchette
de sa cabine avec un soulagement non feint. Depuis, Fx se gavait de nano-médicament et
sa blessure se portait de mieux en mieux.
-
Azylis, appela le cycker à haute voix, réaffiche-moi encore une fois l’image du
code corrompu de tes sous-systèmes avant restauration s’il te plait.
Tout de suite, lui confirma la voix douce de l’Intelligence Restreinte.
L’IR envoya les informations demandées directement dans la sandbox du
coprocesseur neural implanté de Fx, générant du même coup un environnement virtuel
sécurisé dans l’esprit du cycker. Assisté par les bibliothèques de fonctions de son implant,
Fx pouvait littéralement plonger dans le code tout en étant capable de le comprendre
comme s’il s’agissait de voir et d’entendre la faune et la flore bien réelle d’une forêt
yarennite. Dans le jargon des cyber-hacker, on appelait ça la Métaphore. Et tandis que Fx
se promenait virtuellement entre les arbres de données qu’il avait pourtant déjà parcourus
plusieurs fois durant la semaine écoulée, il trouva enfin ce qu’il désespérait de trouver :
un terrier au pied d’un arbre. Il s’agissait en réalité de la faille utilisée pour créer la
backdoor ayant servi à mystifier Azylis…
-
Yiay ! s’exclama Fx, fier de lui. Je l’ai enfin trouvée !
A peu près au même moment, Akronn entrait dans la cabine du cycker, les bras
chargés de cannettes de Füze Coke.
-
T’as l’air en forme, fit remarquer gaiement le cyborg en venant déposer ses
cannettes à côté du cycker.
Ben, tu sais moi tant que je peux coder… répondit Fx avec sincérité. En plus, là
je viens de trouver l’origine de la faille qui a permis aux atlantes de pirater
Azylis ! Je vais pouvoir bidouiller un patch correctif du noyau IR en…
Euh ouais… coupa hâtivement Akronn qui avait certainement quelque chose
d’urgent à dire. En fait je venais te prévenir qu’on allait bientôt sortir du tunnel…
Cool ! s’exclama le cycker en se levant avec précaution.
Même s’il avait encore besoin de beaucoup de repos, Fx était autorisé depuis la
veille à se déplacer dans le vaisseau. Une fois debout, il fit quelques pas hésitants pour
tester son équilibre mais grâce aux médicaments il ne ressentait plus aucune gêne. Il sortit
alors de la cabine et rejoignit le salon du Predator avec Akronn. Assaï était déjà là, le regard
absorbé par le vortex et ses couleurs irréelles qui semblaient glisser le long de la baie
vitrée. La jeune femme avait l’air détendue et donnait l’impression d’être contente de
retrouver l’espace daeyaméen. Après tout, se disait Fx, peut-être que sa nation lui
manquait plus qu’elle ne l’avait imaginée.
Quelques minutes plus tard, un grondement sourd indiqua le passage dans un
dernier anneau Nolgan, puis le Predator sortit du tunnel. Dehors, le vortex laissa sa place
à l’espace normal et, une seconde plus tard, une multitude d’icônes commencèrent à
apparaitre sur les écrans augmentés de la baie vitrée. Il y en avait un nombre
impressionnant et cela ne représentait pourtant que les vaisseaux, stations, conteneurs et
autres objets spatiaux en tout genre se trouvant à proximité du Predator. L’espace du
système Kyoghaï débordait vraiment d’activité, Fx n’avait jamais vu ça.
-
Bienvenue dans l’espace daeyaméen ! lança fièrement Assaï.
Waouh ! S’exclama Fx, enthousiaste. C’est chargé !
On est à la sortie du tunnel, tempera Assaï. Mais oui, il y a beaucoup plus de
transit spatial ici que dans la confédération d’Ambrosia… Il y a aussi beaucoup
plus de colonies et d’habitants il faut dire.
Fx était comme un enfant. Bien sûr, il faudrait attendre encore quelques heures
avant de pouvoir atterrir sur Kyoghaï, mais les icônes affichées sur la baie et les
notifications qu’il commençait à recevoir, maintenant qu’ils avaient de nouveau accès à
l’infosphère, étaient déjà dépaysant.
***
De son côté, le capitaine du Predator se trouvait dans le poste de pilotage, occupé
à régler les derniers détails administratifs de leur entrée dans le système. La politique
isolationniste de la Nation daeyaméenne n’avait pas facilité les démarches mais,
heureusement, la présence d’Assaï à bord avait permis d’obtenir toutes les autorisations
nécessaires avant de partir. Il ne restait donc plus que quelques contrôles de routine à
passer, ce qui ne posa d’ailleurs aucun problème, et le Predator put quitter la zone de
transit et mettre le cap vers la planète-capitale de la Nation Daeyaméenne : Kyoghaï.
Melvyn posa les pieds sur le tableau de contrôle et profita du calme de l’espace pour
entamer une petite sieste. Deux heures plus tard, Azylis lui transmettait cependant l’appel
d’une frégate des douanes daeyaméenne. Celle-ci demandait à aborder le Predator pour
vérifier l’absence de matériel prohibé à bord. Les spectres ne bénéficiant d’aucune
dérogation, ils avaient pris soin de laisser le gros de leur matériel à Hell-Point avant de
partir. Cependant, Melvyn avait tout de même tenu à dissimuler quelques armes
personnelles, au cas où… Et si les douanes les trouvaient…
-
Azylis ! appela le capitaine. Demande à Assaï de monter rapidement !
Tout de suite Melvyn, répondit l’IR.
En attendant la daeyaméenne, Melvyn tenta de gagner du temps en baratinant les
douaniers puis expliqua la situation à Assaï lorsque celle-ci arriva enfin dans le poste de
pilotage.
-
C’est étrange, fit-elle remarquer. Les douanes ne patrouillent pas à l’intérieur
du système normalement. S’ils voulaient nous contrôler, ils l’auraient fait près
du tunnel…
Qu’est-ce qu’on fait ? demanda Melvyn en observant Assaï penché au-dessus de
l’icône représentant la frégate daeyaméenne sur le tableau de bord.
Leur identification est fausse, déclara Assaï après un moment de silence. Ce
n’est pas une frégate des douanes.
Melvyn leva un sourcil interrogateur avant de comprendre que la daeyaméenne
devait être en train d’utiliser son interface neurale pour demander des informations à ses
anciens collègues…
-
Azylis ? appela-t-elle dans la foulé.
Oui Assaï ?
Tu peux m’ouvrir un canal de com avec la frégate ?
Tout de suite, confirma l’IR.
Frégate des douanes Unagi à transporteur Predator, fit une voix lasse après
quelques secondes d’attente. Avez-vous réglé votre problème de sas ? Si vous
continuez à refuser l’arrimage nous devrons…
Ici le lieutenant Assayaka de l’ERIIS Doksa, coupa sèchement Assaï. Votre code
transpondeur est falsifié. Veuillez immédiatement vous mettre en panne et vous
préparer à être arraisonné par un patrouilleur du Nocho.
Une minute passa sans qu’il n’y ait la moindre réponse puis la frégate commença
soudainement à prendre de la vitesse pour s’éloigner avant d’activer des contre-mesures
et disparaitre ainsi complètement des écrans. Melvyn était impressionné. Il savait que les
Escouade de Recherches, d’Investigations et d’Interventions Spéciales étaient craintes
mais quand même… D’un autre côté, les daeyaméens ne devaient pas les avoir surnommé
"inquisiteur" pour rien… Le capitaine jeta un regard méfiant vers Assaï qui lui offrit un
sourire de satisfaction en retour.
-
Hum, fit Melvyn en se raclant la gorge. Je sais pas qui c’était ni ce qu’ils nous
voulaient mais ils avaient pas envie de tomber sur tes anciens collègues…
Vu leur équipement, fit la daeyaméenne, c’était une frégate corpo.
***
Metroplexe de Kyusaka, Planète Kyoghaï, cinq heures plus tard
Le reste du trajet s’était déroulé sans incident. Ils avaient laissé le Predator en
orbite avant de prendre une navette jusqu’à leur hôtel, situé en plein cœur de Kyusaka, la
capitale daeyaméenne. Entre temps, les Spectres n’avaient pas spécialement eu de bonnes
nouvelles pour autant. En effet, Yuna les avait contactés pour leur faire part des réticences
de Yatsuzaka à partager leurs informations sur la collection de reliques qu’ils avaient fait
venir du musée San Clara. Impossible, donc, de savoir où se trouvaient précisément les
derniers artefacts qui manquait à Adams. Et si Yuna cherchait d’autres pistes, les spectres
n’avaient pour le moment rien d’autre à faire qu’attendre. De son côté, Assaï avait obtenu
une entrevue pour le surlendemain afin de demander à l’administration l’autorisation de
s’entretenir avec son père. D’ici là, la daeyaméenne comptait bien mettre à profit ces
"vacances" forcés pour faire découvrir à Melvyn et aux autres sa nation.
Vêtue de ses habits daeyaméens constitués d’un haut court à col mao et d’un
pantalon souple incorporant une sorte de long pagne en tissu noir, Assaï sortie de sa
chambre pour rejoindre Melvyn dans le hall de l’hôtel. En voyant le capitaine l’attendre
habillé d’une chemise à fleur ouverte par-dessus son habituel t-shirt rouge, la jeune femme
ne put réprimer un sourire. On aurait vraiment dit un touriste débarquant sur une nouvelle
planète… Ce qui était le cas finalement, mais de là à l’afficher aussi ouvertement…
Akronn et Fx préférant les rejoindre plus tard, Assaï et Melvyn sortirent ensemble
de l’hôtel. Lorsque les portes du hall climatisé s’ouvrirent, les deux spectres furent
immédiatement envahis par une vague de chaleur moite propre au climat semi-tropical de
la capitale daeyaméenne.
-
-
Je ne connais pas vraiment Kyusaka, déclara Assaï tandis qu’ils se mettaient en
route vers la station de métro à lévitation magnétique la plus proche, mais j’ai
une amie ici qui peut nous faire visiter. Il faut absolument que je te la présente !
Elle s’appelle Choi Wu-mee.
Ah ? C’est marrant, elle a le même nom que… commença Melvyn avant de
s’arrêter en voyant le regard amusé d’Assaï. Non attends, tu veux dire que tu
connais la meneuse des Dragoons ?!
On a étudié ensemble, confirma Assaï avec le sentiment d’avoir marqué un point.
C’est ma meilleure amie.
Wow ! s’exclama Melvyn, heureux comme un enfant. Je vais rencontrer une
joueuse pro d’hyperball ! En plus elle est plutôt mignonne Choi Wu-mee… Tu
crois que j’ai mes chances ?
Vexée, Assaï se renfrogna. Finalement, elle n’aurait peut-être pas dû choisir
d’emmener le capitaine du Predator voir son amie…
-
Moi aussi j’aurais pu être joueuse pro, bougonna-t-elle. Si le Contrôleur ne
m’avait pas orienté vers le Nocho…
Ca, fit Melvyn, c’est un truc que je comprendrais jamais chez vous… Comment
vous pouvez laisser une IR choisir votre avenir à votre place…
Une Intelligence de Synthèse, pas une IR, corrigea Assaï. Et la société est plus
optimale de cette façon.
Ouais, pour fabriquer des moutons…
Assaï détestait parler politique. Elle savait que l’utopique nation daeyaméenne
n’était qu’une illusion et Melvyn n’avait pas tout à fait tort quand il parlait de moutons…
Mais c’était sa nation. Et malgré tout, elle ne voyait pas de meilleur compromis.
Les deux spectres montèrent dans le métro aérien à lévitation magnétique et
s’installèrent sur une banquette libre. Durant le trajet, Assaï tenta de montrer et
d’expliquer à Melvyn quelques particularités de la culture daeyaméenne. Le véhicule glissa
ainsi silencieusement pendant une demi-heure jusqu’à atteindre la station Shinjuro.
Situé au sud du tentaculaire métroplexe, le district de Shinjuro était ultra moderne
et abritait de nombreux commerces et bar banchés. Sur le toit des grands buildings blancs
qui bordaient l’avenue principale, d’immenses projections holographiques attiraient le
regard tandis qu’au loin, le paysage vallonné de Kyusaka offrait ici et là des espaces de
verdure rafraichissants pour le regard. Dans l’ensemble, la capitale daeyaméenne était
aéré, à la pointe de la technologie et plutôt agréable à vivre. Pourtant, Assaï sentait
toujours le poids des regards inquiets chaque fois qu’un passant remarquait ses tatouages
Ætheriques ou ses yeux rouges. Ceux-ci restaient synonymes d’inquisiteurs dans l’esprit
des gens et ces derniers préféraient s’écarter par peur d’être "sondé" ou d’attirer l’attention
du Nocho… Habituellement cela n’affectait pas Assaï. Elle avait l’habitude et s’était forgé
une carapace pour se protéger de cette subtile mise à l’écart. Mais cette fois elle se trouvait
avec Melvyn, et elle ne faisait plus partie du Nocho. Ce simple rappel raviva soudainement
la culpabilité qu’elle ressentait de ne pas avoir pu suivre le choix de carrière qui lui avait
été assigné par le Contrôleur. A cet instant, elle aurait tellement voulu prendre Melvyn par
la main, ne plus être seule pour faire face à tous ces regards…
-
As ! s’écria soudain une voix familière à quelques mètres d’Assaï.
La spectre se retourna et vit son amie, un gobelet de bubble tea à la main. La
joueuse d’hyperball arborait des mèches violettes dans ses cheveux et un long atébas
couvert de perle retombait sur son épaule gauche.
-
Wu-mee ! s’exclama Assaï en retrouvant le sourire.
Les deux amies fêtèrent leurs retrouvailles en sautant sur place comme deux
adolescentes sous le regard perplexe de Melvyn.
-
Alors, fit gaiement la joueuse des Dragoons, tu me présentes pas ton fameux
capitaine ?
***
Shinjuro, Metroplexe de Kyusaka, dans la soirée
Cela faisait un moment maintenant qu’Akronn avait rejoint le reste de l’équipage
du Predator. Ensemble, ils étaient allés s’installer dans un bar branché de Shinjuro en
compagnie de Wu-mee. Et si cette dernière semblait très bien s’entendre avec Melvyn et
Fx, Akronn, lui, avait la tête ailleurs.
Le cyborg observait la clientèle du bar sans dire un mot. Assis à la table d’à côté,
deux étudiantes buvaient un alcool daeyaméen tout en grignotant occasionnellement un
panier de fritures. Un peu plus loin, c’étaient trois esclaves corporatistes qui prenaient un
verre avec leur supérieur et à leur droite, une autre table consommait alcools et nourritures
pimentées en toute insouciance. C’était ainsi dans tout le bar. Mais parmi les clients, un
homme intriguait particulièrement Akronn. Cheveux courts, mal rasé et assis au comptoir
une pinte de naav à la main. Le cyborg était persuadé de l’avoir déjà croisé en sortant de
l’hôtel, puis à nouveau quelques stations de métro plus loin et maintenant ici…
-
Assaï ? appela-t-il sans tenir compte de la discussion en cours. Tu peux venir
avec moi une seconde ?
Décidé à en avoir le cœur net, le cyborg emmena la daeyaméenne à l’extérieur.
Dehors la nuit était tombée et l’avenue piétonne de Shinjuro se trouvait désormais
illuminée par une multitude d’enseignes holographiques colorées. Celles-ci rivalisaient
d’animations flashy pour attirer une foule venue profiter des commerces fashion et des
bars ouverts toute la nuit. La chaleur étouffante de la journée avait laissé sa place à une
agréable bise nocturne et des étales vendant snacks, bijoux ou implants biocybernétiques
derniers cris avaient pris place au milieu de l’avenue.
Akronn s’enfonça dans le quartier populaire avec Assaï. A en juger par le regard
chargé d’incompréhension de la daeyaméenne, celle-ci devait se demander ce qui était en
train de passer par la tête du cyborg.
-
On est suivit. Expliqua-t-il laconiquement après avoir tourné à l’angle d’un
magasin devant lequel se trouvaient des danseuses-vendeuses en mini-jupes et
loose socks.
Quoi ?! s’exclama Assaï, soudain aux aguets.
Ils sont plusieurs, expliqua Akronn. Ils se relaient, ce sont pas des amateurs.
Qu’est-ce que tu suggères ? demanda la spectre.
On s’éloigne et on en choppe un pour lui poser des questions.
Quelques minutes plus tard les deux spectres marchaient dans des ruelles
nettement moins animés. Assaï les conduisit sous une petite allée couverte où il serait
facile de tendre une embuscade. Lorsqu’ils s’y engagèrent, le cyborg désigna furtivement
un renfoncement à la daeyaméenne. Celle-ci s’y engouffra discrètement tandis qu’Akronn
continuait son chemin l’air de rien. Même si leurs poursuivants disposaient de drones
comme il le soupçonnait, le passage couvert les obligerait à envoyer quelqu’un. Et
effectivement, le plan fonctionna. Vive comme l’éclair, Assaï avait bondit sur l’un des
suiveurs qu’ils avaient repérés. L’homme échangea quelques coups avec elle avant de
tenter de s’enfuir. Mais Assaï avait bien manœuvré et l’homme se retrouva pris au piège
entre la psionic et le cyborg. Alors qu’il s’approchait, Akronn vit soudainement l’homme se
laisser tomber sur les fesses, les yeux complètement dilaté.
-
Shikta ! jura Assaï en se penchant vers l’homme qui semblait en état de choc.
Qu’est ce qui lui arrive ? demanda Akronn.
Il a activé un implant autistique, expliqua la daeyaméenne.
Akronn avait déjà entendu parler de ce type d’implant : Les agents corpo ou toute
autre personne qui ne devaient pas être pris avec des informations compromettantes en
était souvent équipé. Une fois activé, cela débranchait complètement leur cerveau jusqu’à
ce qu’ils reçoivent un signal envoyé par l’un des leurs, lorsque tout danger était écarté...
Avec ça, pas d’interrogatoire possible. Le type était complètement amnésique et devenait
parfaitement inutile…
-
Entre ça et le coup de la fausse frégate des douanes, fit Akronn, il vaudrait
mieux rester sur nos gardes…
Je suis d’accord, acquiesça Assaï. Il faut prévenir les autres, on fera le point à
l’hôtel.
***
Hôtel Shilla, Metroplexe de Kyusaka, trois heures plus tard
Assise dans un canapé du hall de l’hôtel à se ronger les ongles, Assaï attendait le
retour de Melvyn. Car si Fx était rentré seul deux heures plus tôt parce qu’il était fatigué,
Melvyn, lui, avait décrété qu’il était capable de gérer la situation et qu’il voulait profiter
correctement de sa première soirée daeyaméenne. Assaï avait hésité à retourner le
chercher mais elle ne voulait pas qu’il se moque d’elle… Et puis, il pouvait rentrer d’une
minute à l’autre de toute façon… En attendant, la jeune femme était anxieuse et espérait
qu’il ne lui était rien arrivé.
Puis elle les vit… Et elle se sentit défaillir. Oh Melvyn allait bien, ça oui… Il rentrait
fièrement à l’hôtel, Wu-mee pendu à son bras. Ils avaient l’air de tellement bien
s’entendre… Elle aurait dû le voir venir. Le cœur d’Assaï se serra. Elle avait été stupide de
croire que le capitaine du Predator puisse s’attacher à elle. Stupide de croire qu’elle pouvait
se rapprocher de lui. Ce n’était qu’un coureur de jupon qui ne méritait pas ce qu’elle était
en train de ressentir.
Idiote, songea-t-elle. Tu le sais pourtant, que t’as pas de chance avec les hommes…
Assaï se leva en prenant soin de ne pas se faire remarquer par le couple puis s’en
alla ruminer dans sa chambre, seule.