Assistance électrique : jusqu`où peut-on aller
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Assistance électrique : jusqu`où peut-on aller
Débat D Assistance électrique : jusqu’où peut-on aller ? On n’est pas toujours d’accord entre nous à la FUBicy. La capacité des vélos à assistance électrique a fait sérieusement débat début avril, à l’occasion d’une question qui nous était posée par la CSC (Commission de Sécurité des Consommateurs) sur l’opportunité d’augmenter la norme actuelle de 250W avec coupure de l’assistance au-delà de 25 km/h. Plus précisément, la CSC envisageait, à la demande des fabricants, de porter cette vitesse maximum de l’assistance à 32 km/h, avec donc un moteur un peu plus puissant. Essentiellement pour éviter un glissement du VAE vers le cyclomoteur, et tous les inconvénients qui vont avec, la FUBicy a préféré qu’on conserve la réglementation en vigueur. Cette réponse devait être remise à la CSC pour le 8 avril. Mais plusieurs voix se sont élevées parmi nous pour défendre une augmentation de puissance et de vitesse, et de manière très argumentée. Le VAE on n’a pas fini d’en parler : il s’en est vendu 23.700 en France l’an dernier (+64% sur 2008), et il a l’énorme avantage de séduire l’automobiliste qui serait prêt à lâcher le volant pour le vélo si c’était moins fatigant dans les côtes. C’est l’un des enjeux de l’avenir du vélo péri-urbain. Extraits de nos échanges, un peu bruts de mails. L’occasion aussi de rentrer dans des détails techniques auxquels il va falloir sans doute s’habituer (et encore : on vous fait grâce des discussions très techniques qui ont suivi sur la tenue à la charge des batteries !). Le débat reste évidemment ouvert. JEAN-MICHELTROTIGNON Lucien Alessio (Valence) Le VAE repousse un peu les limites du vélo pour les trajets quotidiens, mais il a aussi ses limites. Il est spécifiquement adapté à la ville ou au périurbain. Audelà il faut utiliser un autre moyen, le cyclomoteur (scooter...) ou la voiture. Je ne suis vraiment pas partisan du deux-roues motorisé pour des raisons de sécurité, mais il consomme moins d’énergie et rejette moins de CO2 que la voiture. Mais si l’on veut rouler plus vite qu’avec un VAE, n’inventons pas le cyclomoteur, il existe ! Alors faut-il modifier les performances des VAE ou encore créer une catégorie supplémentaire ? Problème : si les performances du VAE évoluent pour se rapprocher de celles du cyclomoteur, il lui sera imposé les mêmes contraintes : - Le casque - L’assurance spécifique - L’immatriculation Il sera également plus lourd et il aura plus d’accidents ! En fait il risque fort de ne plus être classé parmi les cycles mais d’entrer dans la catégorie des cyclomoteurs. J’en reste donc à nos positions précédentes : contre le débridage, et caractéristiques inchangées, pour que le VAE continue d’être classé parmi les cycles. - L’interdiction d’utiliser les aménagements cyclables Patrice Nogues (Avon) - Il y a un vide assez grand entre 25 et 45 km/h ; 30 km/h c’est entre les deux, c’est un progrès énorme pour le cycliste, tout en restant très loin du 45 km/h (les risques augmentent de manière exponentielle et les 15 km/h restant entre 30 et 45 font véritablement basculer dans un autre monde, pas les 5 km/h qui font passer de 25 à 30) : une catégorie limitée à 30 km/h a une vraie utilité, en particulier en périurbain et pour des trajets de plus de 10 km, là où le vélo reste marginal, et n’a rien à voir avec le fait de recréer la catégorie cyclomoteur. - 25 km/h s’atteint très facilement sur du plat et la coupure, qu’elle soit progressive ou brusque, est insupportable pour tout cycliste qui pédale naturellement autour de 25 km/h. Il ne faut pas confondre le 20 CPA (1) pour mémé qui est très bien dimensionné à 250W/25km/h et le CPA pour vélotaffeur qui serait optimal à environ 350 W/30 km/h. - Ce n’est pas une question de course à la puissance/vitesse qui n’aurait jamais de fin et rejoindrait le cyclomoteur, c’est qu’il y a un vrai problème avec le seuil de 25 km/h. - « Il sera également plus lourd et il aura plus d’accidents ! » ; c’est absolument faux, il n’y a aucune différence de poids avec un CPA 250 W/25 km/h ; un Easymouv 250W/25 km/h au plomb pèse pas loin de 40 kg, un Giant au Liion pèse de 21 kg à plus de 25 kg, mon ex-engin 400W/28 km/h pesait 21 kg avec 60 km d’autonomie. Le risque accru vient plus de la vitesse que du poids. - Enfin dire que ceux qui voudraient rouler sans pétrole peuvent se tourner vers le scooter électrique est également un raccourci : sur un CPA à 30 km/h on est toujours sur un vélo, avec des sensations de vélo, une légèreté de vélo, et le fait de pédaler permet de subvenir à 50% ou plus du besoin, d’où un dimensionnement des batteries au juste nécessaire qui n’a aucune commune mesure avec celle d’un scooter plus lourd et sur lequel on est passif. C’est pour ça que le scooter électrique a du mal à sortir, car il faut des batteries plus grosses et donc beaucoup plus chères. Bref, je suis conscient de nos réticences, de la peur de l’escalade/amalgame vers le 2RM et du casque obligatoire, mais je ne suis pas d’accord pour qu’on donne de faux arguments. Vélocité n° 106 • juin 2010 D Débat C’est le coté « diabolisation » du CPA 400W/30 km/h qui me gêne, car j’ai l’impression que c’est basé sur une po- sition dogmatique sans savoir vraiment de quoi on parle. On a peur que ces CPA prennent des parts de marché aux 2RM classiques… de mon point de vue, au contraire, on y gagnerait beaucoup. Gilles Boisvert (Chambéry) Vous savez sans doute tous, ou presque, que les vélos à assistance électrique (VAE) sont soumis à trois règles incontournables : - assistance liée au pédalage - puissance max de 250W - assistance coupée à 25 km/h D’où quelques points faibles : - Tout cycliste à peu près régulier atteint assez facilement, sur le plat, cette vitesse. Dès qu’on atteint 26, on se « traîne » donc le poids du moteur et de la batterie en sus. - 250W en zone de relief (du genre la Savoie mais pas que, il y a aussi Montmartre, la Croix-Rousse, de grandes parties de Marseille, ...) ou avec un vent de face ou pour un cycliste un peu lourd est plutôt mollasson. Ces restrictions sont issues d’une norme européenne qui s’impose aux états membres d’où l’impossibilité, à ce jour, de faire modifier le code de la route français pour obtenir quelque chose de plus puissant. - 25 à l’heure sera perçu par beaucoup « d’automobilistes moyens » comme pas assez rapide pour quitter sa voiture et s’essayer au vélo (je sais, je sais, la vitesse moyenne d’une auto en ville est de moins de 25 mais bon, faut aussi prendre en compte les nombreuses zones péri-urbaines). Pour info, aujourd’hui au Québec, on a 500W, 32 km/h, port d’un casque vélo obligatoire (ben ouais...). Ca fait +/- 10 ans que c’est ainsi. Le code de la route était auparavant comme ici (250W et 25 km/h), c’est suite à une opération fin 90 que ça a été modifié. Michel Julier (Montpellier) Je pense que la définition donnée en France est parfaite, et que toute modification de cette définition aurait deux risques : - encourager la transition des utilisateurs vers les vrais deux-roues à moteur, qui sont beaucoup plus dangereux que le vélo. - faire disparaître la tolérance actuelle (qui me semble suffisamment fragile pour qu’on n’essaye pas de tout remettre à plat), qui permet à un engin à moteur de bénéficier de la réglementation très douce applicable au vélo ; Je vois mal la pertinence d’ajouter une catégorie intermédiaire avec moteur intermédiaire, vitesse intermédiaire, et casque de vélo obligatoire. Ce qui impliquerait aussi une homologation officielle des casques de vélo, je ne sais pas si c’est le cas actuellement. Par ailleurs, ça risquerait d’être encore plus inapplicable que la réglementation actuelle : c’est déjà impossible de contrôler si un scooter est débridé, alors je me demande bien comment un policier pourrait contrôler la puissance du moteur ou la vitesse de débrayage d’un vélo à assistance électrique. Raymond Moya (Bourg-en-Bresse) En tant qu’utilisateur de VAE depuis 2006, je me permets de vous livrer mes réflexions sur les points faibles évoqués par Gilles Boisvert. Mon premier VAE utilisait la détection d’une tension de la chaîne pour activer ou pas le moteur. Résultat : une puissance maximum au démarrage, puis beaucoup moins jusqu’à rien du tout au delà de 25 km/h. Avantage : puissance dans les montées et quand le vélo est chargé (retour du marché) et pas la crainte d’avoir « un trou » à 26 km/h puisque la puissance baisse régulièrement après le démarrage. Inconvénients : faible autonomie d’une heure soit environ 25 à 30 km, et des « coupures d’alimentation » à chaque trou ou bosse, bref chaque fois que la chaîne « se détendait ». Nota : moteur de 250W dans la roue arrière, batterie 24V 8Ah NiMh de 4kg. Mon deuxième VAE utilisait la détection de pédalage pour actionner Vélocité n° 106 • juin 2010 (ou pas) le moteur. Avantages : pas de démarrage intempestif (puissance moyenne), de l’aide en continu même en restant en première vitesse (oui, c’est de la triche !), donc pas de coupure d’alimentation et une vitesse moyenne élevée (20 km/h en ville). Inconvénients : le « trou » à 26 km/h, toujours une faible autonomie d’une heure de batterie, soit toujours entre 25 et 30 km par « plein », et pas de grosse puissance dans les montées ou en charge (je me faisais doubler à ce moment-là par mon ancien VAE, que je doublais à plat ou dans les descentes…). Là aussi moteur de 250W dans la roue arrière et batterie 24V 8Ah NiMh de 4kg. Mon troisième VAE utilise un ordinateur Tranz’X qui conjuge les deux systèmes (détection du pédalage + tension de la chaîne) avec trois modes d’assistance (économique, normal ou sport). Avantages : puissance au démarrage, dans les montées, les sacoches chargées et selon le mode choisi on se balade à 15 km/ h de moyenne pendant 2h20 soit une autonomie à plat de 70 km, ou au contraire on fonce à 25 km/ h pendant 40 km. Inconvénient : l’ordinateur se dérègle parfois et il faut le « réinitialiser » (opération simple sans outil, mais bon…). Ici moteur de 250W dans la roue avant (meilleur équilibre) et batterie Lithium 36V 10Ah de 3kg. Donc pour le relief, mon dernier VAE ne pose pas de problème de puissance, et en jouant sur les modes d’assistance, on n’a pas à se « traîner » les 25 kg du VAE. Quant à la vitesse de coupure du moteur à 25 km/h, elle est pour moi parfaitement adaptée à la vocation du VAE : pouvoir faire du vélo même chargé de courses, même dans les côtes, et arriver au boulot sans avoir à prendre une douche. 21 Débat La réponse de la FUBicy à la CSC le 8 avril Comme nous l’avons exprimé lors de notre audition nous sommes résolument opposés à cette mesure. La question n’est d’ailleurs pas de savoir si une vitesse supérieure pourrait être utile. Dans certains cas et pour certains usagers une vitesse de 32km/h voire plus, serait appropriée. Mais des véhicules autorisant ces vitesses existent, ce sont les scooters, mobylettes, etc., dont la vitesse limite est de 45km/h. Ils appartiennent à la catégorie des cyclomoteurs qu’il est inutile de recréer. Nous souhaitons que le cycliste sur VAE adopte naturellement comme aujourd’hui, un comportement très proche et similaire à celui de tout cycliste urbain. Rappelons également que les dépassements - qui ne manqueraient pas de se produire avec des VAE plus rapides - effectués sur des aménagements cyclables relati- vement étroits, sont générateurs d’insécurité. Nous ne doutons pas que certains constructeurs et revendeurs voudraient par le biais d’une puissance accrue associée à d’autres caractéristiques (la poignée de démarrage…), concurrencer les ventes de cyclomoteurs classiques. Cette augmentation de puissance donnerait satisfaction à ceux d’entre eux qui commercialisent aujourd’hui des VAE surdimensionnés par construction, pour faciliter leur débridage et contourner la législation… Mais tout au contraire nous approuvons les remarques du rapporteur (2) visant à faire respecter les règles en vigueur pour notamment s’opposer au « débridage ». Il reste que certains usagers peuvent préférer la propulsion électrique plutôt que les moteurs à combustion qui équipent aujourd’hui la plupart des cyclomoteurs. Mais les scooters électriques existent déjà et ils vont très prochainement bénéficier des développements en cours concernant la voiture électrique et l’accroissement des performances des batteries. En conclusion nous ne comprenons pas comment l’accroissement de la vitesse des VAE pourrait améliorer la sécurité des consommateurs. Aussi nous souhaitons conserver et faire respecter la réglementation en vigueur concernant les VAE et les cyclomoteurs, et maintenir les différences marquées qui existent entre ces deux types de véhicules. (1) CPA : cycle à pédalage assisté (l’expression utilisée dans le code de la route) (2) Le rapporteur de la CSC qui a rédigé la note de synthèse sur le sujet « L’alimentation est réduite progressivement » dit l’AFNOR Publiée l’an dernier, la norme AFNOR sur les vélos à assistance électrique reprend en fait la norme européenne. Le texte précise qu’elle « s’applique aux cycles à assistance électrique d’une puissance nominale continue maximale de 0,25 kW, dont l’alimentation est réduite progressivement et finalement interrompue lorsque le véhicule atteint une vitesse de 25 km/h, ou plus tôt, si le cycliste arrête de pédaler. » Liens La FUBicy et ses partenaires ECF, European Cyclists Federation 30 organisations membres - 37 pays CPV, Comité de Promotion du Vélo FUBicy Fédération française des Usagers de la Bicyclette 160 associations membres 18 500 personnes 12 associations membres FFCT, Fédération Française de Cyclotourisme 123 000 adhérents - 3200 clubs CVTC, Club des Villes et Territoires Cyclables 1000 collectivités territoriales AF3V, Association Française des Véloroutes et Voies Vertes 99 associations membres (25 000 personnes) + 400 adhérents directs FNAUT, Fédération Nationale des Associations des Usagers des Transports 150 associations membres RAC, Réseau Action Climat France 25 associations membres membre du Conseil d’Administration membre adhésion croisée 22 Vélocité n° 106 • juin 2010