L`instituto River Plate
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L`instituto River Plate
L’instituto River Plate Pedro Lima (textes) et Bertrand Mahé (Photos), pour Foot Citoyen à Buenos Aires (Argentine) RIVER PLATE, À L’ÉCOLE DU FOOT ET DE LA SOLIDARITÉ A Buenos Aires, le « Monumental », stade du Club Atletico River Plate, l’un des clubs les plus populaires d’Argentine et d’Amérique latine, héberge, depuis plus de vingt ans, une école primaire et un collège. Un projet éducatif intégral, orienté vers les métiers du sport, dont bénéficient près de 1 000 enfants de toutes origines et conditions sociales. Reportage à l’Instituto River Plate. 48 Leur dire que sans eux, PLATEAU TECHNIQUE LES ANGLES HEBDOPRINT - FOOT CITOYEN - 48 - MAGENTA CYAN JAUNE NOIR L’instituto River Plate e dimanche 7 octobre dernier, dans un stade « Monumental » bourré jusqu’à la gueule, 80 000 supporters de River Plate assistent à la victoire des leurs sur le grand rival, Boca Junior. C’est la 62e victoire à domicile des « Rouge et Blanc » face aux « Bleu et Or », une victoire qui donne un peu d’air à l’entraîneur, Daniel Passarella, menacé par une série de résultats chaotiques dans ce tournoi « Apertura » 2007. Tout en haut du stade, dans l’immense tribune « San Martin », deux gamins de dix ans, Tiago et Nahuel, participent à la liesse générale, avec force embrassades et chants ironiques lancés aux adversaires. Des chants particulièrement fleuris et imaginatifs, où il est question de « gallinas » (poules), surnom dont s’auto-affublent les supporters de River, et de « bosteros » (bouseux), patronyme peu élogieux attribué aux fanatiques de Boca. L Cartables sur le dos Tiago et Nahuel sont-ils deux gamins comme les autres, perdus dans l’immensité du peuple de River ? Pas tout à fait… Car ces deux-là, dès le lendemain matin, à huit heures, se retrouvent à nouveau devant la porte de l’immense vaisseau de béton. Mais cette fois, un cartable sur le dos remplace l’écharpe rouge et blanche de la veille ! Tiago et Nahuel font en effet partie des 940 élèves de l’Instituto River Plate : une maternelle, une école primaire et un collège qui accueillent des enfants de un à dix-huit ans, sur trois niveaux de classes et de gymnases, situés sous la tribune « est » du « Monumental » ! Au programme de cette NOTRE MODÈLE VISE À L’EXCELLENCE, DANS LE SPORT BIEN SÛR, À TRAVERS LA PRATIQUE DE TOUTE UNE PALETTE DE DISCIPLINES, MAIS AUSSI DANS LES DOMAINES INTELLECTUELS. (Daniel Bravo, président de l’aire éducative de l’Institut River) école pas comme les autres, beaucoup de sport bien sûr, mais pas seulement. Anglais, informatique, mathématiques, musique : l’Instituto River Plate a pour vocation de former des têtes bien faites, plutôt que très pleines, et cela dans des domaines variés. Même si l’orientation générale est clairement tournée vers la pratique sportive (ce que confirme l’inauguration récente d’un Institut supérieur des métiers du sport, dans lequel les élèves issus du collège peuvent poursuivre leur formation) qui les conduira notamment à un diplôme reconnu de professeur d’éducation physique. Mais qu’est-ce qui pousse un grand club comme River Plate à se lancer dans l’éducation générale, à mille lieues de l’esprit de compétition que symbolise son équipe Fanion, constellée de vedettes comme Ariel Ortega ou Fernando Belluschi ? Premier élément de réponse : les clubs de football argentins constituent de véritables institutions sociales, soutenues par des dizaines de milliers de socios qui se transmettent l’esprit du club de pères et mères en fils et filles. Des institutions qui étendent leurs domaines d’activité bien au-delà de la pratique de nombreux sports de compétition, à l’instar du foot, du basket ou du volley. Les clubs comme River, Boca ou Independiente réalisent également des actions caritatives en direction des plus démunis, organisent des journées de festivités pour les familles de leurs quartiers respectifs, hébergent en leur sein des centres culturels et des bibliothèques, ou encore oeuvrent de façon active pour l’insertion des personnes handicapées dans la société argentine. Autant de palliatifs à un État bien souvent défaillant, et dont les moyens et les travers ne permettent pas de résorber les poches de pauvreté encore béantes qui caractérisent Buenos Aires et toute son immense périphérie. River, le précurseur Pour autant, tous les clubs ne possèdent pas un établissement scolaire, et River fait figure de précurseur en la matière… L’histoire de l’Instituto River Plate débute il y a vingt-cinq ans, en 1982 donc... À l’origine, l’objectif principal du club est d’offrir une éducation et une instruction intégrales aux jeunes apprentis footballeurs en formation à River. «Il s’agissait souvent d’enfants issus de milieux très modestes, venus des provinces éloignées du pays, qui avaient été repérés par nos recruteurs pour leurs qualités footballistiques, explique Daniel Bravo, actuel président de l’aire éducative de l’Instituto. River a estimé qu’il devait leur apporter d’autres outils pour leur vie future que la seule pratique du foot, et a décidé d’ouvrir cette école, sur le modèle de ce qui se faisait déjà dans un autre club de Buenos Aires, émanant de l’ancienne entreprise des eaux argentines, «Obras sanitarias». Notre modèle vise à l’excellence, dans le sport bien sûr, à travers la pratique de toute une palette de disciplines, mais aussi dans les domaines intellectuels tels que l’anglais et les maths. Nous réalisons également un effort particulier pour que les enfants acquièrent au maximum l’outil informatique, indispensable pour toute carrière professionnelle. Nous nous sommes ainsi récemment équipés de 46 PC dernier cri.» Une école de mixité Aujourd’hui encore, l’Instituto River Plate héberge en son sein les 140 gosses et adolescents, âgés de 12 à 17 ans, qui représentent l’espoir footballistique du club. Ce sont les « chicos » des « Inferiores », les équipes de jeunes de River, qui sont le vivier dans lequel puisent régulièrement les entraîneurs successifs des « Millionarios », autre surnom du puissant club rouge et blanc. De grands talents, comme Aimar, Saviola, Higuaïn ou Mascherano, sont sortis des rangs de ces Inferiores, et le jeune Buananotte, 19 ans et héros du récent superclasico, est le Situé dans les travées du stade « Monumental », l’Instituto River offre des salles de classe bien particulières aux élèves... où derrière les barreaux, on voit les tribunes et la pelouse « sacrée » des « Millonarios »... ils ne pourraient pas jouer le dimanche. » 49 (David Bouassira, éducateur Bouassira, éducateur du Stade de l’Est, 93) PLATEAU TECHNIQUE LES ANGLES HEBDOPRINT - FOOT CITOYEN - 49 - MAGENTA CYAN JAUNE NOIR L’instituto River Plate digne successeur de cette pléiade de noms ronflants. Mais ce qui caractérise l’Instituto, c’est que ces apprentis champions partagent leur temps de classe et leur emploi du temps avec les autres élèves de l’école, 800 au total, moins doués qu’eux pour le foot. Une mixité sociale qui favorise l’insertion à venir de graines de stars qui, pour une raison ou une autre, verront leurs rêves de grandeur footballistique brisés. NOUS METTONS L’ACCENT SUR LES SPORTS COLLECTIFS, CAR NOUS PRIVILÉGIONS L’APPRENTISSAGE DE LA VIE EN GROUPE ET LA FRATERNITÉ À DES 1 VALEURS DE COMPÉTITION OU DE RIVALITÉ. (Le professeur Marcos Capurro) 2 3 50 Qui sont les élèves de l’Instituto ? Des garçons et des filles, tout d’abord, et c’est à souligner dans un pays où l’éducation privée sépare encore beaucoup les enfants des deux sexes. À 60 %, ce sont des fils et filles (photo 1) de socios passionnés du club, et qui débutent parfois leur «scolarité», comme Tiago, à la crèche de River à l’âge de 45 jours! Et ne tardent pas, dès l’âge de deux ans, à vivre leur premier superclasico (photo 2) ! Mais d’autres enfants scolarisés à l’Instituto penchent plutôt pour les autres clubs de la capitale, Boca, Racing ou Independiente, preuve que les parents sont plus attirés par les qualités éducatives que par l’écusson qui orne les uniformes… L’occasion de joutes et de moqueries interminables lorsque tout ce petit monde se retrouve dans la cour de récréation, située sous le virage des fanatiques de River. Quand elle n’a pas lieu, honneur suprême, sur le terrain même du « Monumental ». Après avoir vu leurs idoles s’entraîner sur la pelouse pendant la classe d’anglais (« C’est dur de se concentrer ! »), Tiago et ses copains (photo 3) peuvent alors tenter, à leur tour, de loger le ballon dans la lucarne des buts du Monumental ! Autre caractéristique de cette école pas comme les autres : la mixité sociale qui la caractérise. Elle est due, pour une part, à l’origine modeste des apprentis footballeurs venus de Santiago del Estero, du Chaco ou de Tucuman, autant de régions éloignées et déshéritées. Mais aussi aux droits d’inscription raisonnables de cette école privée: 340 pesos par mois (75 euros), comparer aux 2 000 pesos que réclament les écoles des zones riches de la ville, destinées aux enfants de bonne famille. « Et cela sans jamais rogner sur les moyens éducatifs, ni sur les installations », souligne Daniel Bravo, qui rend hommage à la Commission directive du club, composée de socios, et qui n’a jamais démenti son soutien pourtant onéreux à l’Instituto. Ainsi, ce ne sont pas moins de 230 professeurs, à temps plein ou partiel, qui composent les équipes pédagogiques de l’école maternelle, de la primaire et du collège. Dont une bonne partie d’éducation physique, constituant le plat de résistance dans l’emploi du temps de Tiago, Nahuel et leurs copains, avec un tiers des heures de cours. Foot, bien sûr, mais aussi basket, volley, softball, hockey (pour les filles) et natation sont au programme. Autant de sports réalisés dans les installations luxueuses du club. Ainsi, la piscine de River, l’un des rares bassins olympiques de la capitale argentine, dans laquelle les gosses de l’Instituto s’entraînent à quelques brasses du meilleur nageur argentin, sélectionné pour les prochains JO de Pékin, José Meolans. « De plus, nous mettons l’accent sur les sports collectifs, souligne le professeur Marcos Capurro, directeur du département d’éducation physique et des sports de l’Instituto, car nous privilégions l’apprentissage de la vie en groupe et la fraternité par rapport à des valeurs de compétition ou de rivalité. Nous faisons également un gros effort autour de la gestion des conflits qui apparaissent entre enfants, afin de les désamorcer et s’en servir comme point de départ pour inculquer des notions de respect de l’autre. Surtout, nous voulons placer l’enfant au centre même de la pédagogie, lui laisser la liberté nécessaire pour qu’il exprime tout ce qu’il a en lui… Et grâce à cela, apprendre de lui autant que nous lui apprenons. » Un rêve de vie Autant de principes éducatifs ambitieux, déclinés au quotidien des activités scolaires, et qui font de l’Instituto un cas à part dans le paysage éducatif de Buenos Aires. Les gamins de l’Instituto y trouvent-ils leur compte? Oui, si l’on en juge par l’impression de gaieté et de sérénité qui se dégage des classes et des couloirs de l’école. Une ambiance faite de joyeux tapages, de sérieux et d’activité frénétique des grands et des petits. Mais le meilleur témoignage des qualités éducatives apportées par l’Instituto se trouve dans les mots des gamins eux-mêmes. Loin des discours convenus sur les rêves de gloire sportive, ils révèlent au contraire une grande force de caractère et un sens des réalités inattendu:«Bien-sûr qu’on voudrait être footballeurs un jour, rigolent Tiago, Nahuel et Marco, entre deux dribbles réalisés sur le terrain d’entraînement des pros. Mais footballeur, c’est pas une vie! Les gens t’adorent un jour, et t’insultent le lendemain… Et puis, tu ne vois jamais ta famille, tu ne peux pas sortir dans la rue.» Et Tiago de conclure, le visage grave et sérieux comme l’ont souvent les enfants : «On étudie à l’Instituto parce qu’on aime le foot et River, mais surtout pour avoir un diplôme, et apprendre un métier pour plus tard. Moi, je voudrais être prof de gym...» Pas de doute, la relève est assurée du côté de l’Instituto River Plate! FOOTBALLEUR, C’EST PAS UNE VIE ! LES GENS T’ADORENT UN JOUR, ET T’INSULTENT LE LENDEMAIN… ET PUIS, TU NE PEUX PAS SORTIR DANS LA RUE. (Tiago, élève de l’Instituto River Plate) « Si on ne peut en faire un bon footballeur, PLATEAU TECHNIQUE LES ANGLES HEBDOPRINT - FOOT CITOYEN - 50 - MAGENTA CYAN JAUNE NOIR L’instituto River Plate 25 ANNÉES AU SERVICE DU SPORT ET DE L’ÉDUCATION Créé il y a 25 ans par le Club Atletico River Plate, l’Instituto accueille aujourd’hui près de 1 000 élèves dans le cadre d’une éducation clairement orientée vers le sport. Fiche d’identité de cette école pas comme les autres. - Date de création : 1982 - Niveaux de scolarité : de la maternelle au tertiaire Marcos CAPURRO (Directeur du département d’EPS de l’Instituto River Plate) « AIDER L’ENFANT À TROUVER LUI-MÊME LES RÉPONSES AUX CONSIGNES... » Comment considérez-vous la place du sport dans l’éducation dispensée à l’Instituto River Plate ? Quelles sont les méthodes pédagogiques que vous appliquez ? particulier dans notre pays. On peut définir cette dernière comme une façon d’inculquer des gestes aux enfants, sans application tactique de ces apprentissages, et sans réflexion sur le pourquoi de ce geste, qui «rentre» uniquement sur la base de sa répétition, sous l’influence du professeur qui le lui demande. Dans l’approche constructiviste, on cherche à ce que l’enfant découvre par ses propres moyens, et en fonction des capacités et des spécificités psychomotrices dont il est porteur, les façons de répondre du mieux qu’il le peut à une consigne donnée par le professeur. Par exemple, au cours d’un exercice de football, l’approche constructiviste consiste à proposer aux enfants de réaliser eux-mêmes leurs équipes, de fixer eux-mêmes les limites du terrain avec des cônes, et que chacun arbitre à tour de rôle pour détecter chez les autres les écarts au règlement et les fautes réalisées. MC : Nous préférons adopter une démarche constructiviste et psychomotrice par rapport à l’approche directive, ou «conductiviste», qui est employée généralement en éducation physique, en Comment gérez-vous les conflits qui apparaissent entre les enfants lors des séances d’éducation physique ou en classe? MC : Nous privilégions la pratique collective du sport plutôt que l’esprit de compétition, et le considérons comme un moyen qui intègre les enfants dans le groupe et les fait participer à une action qui dépasse l’individu. Même si,bien sûr, nous orientons les enfants les plus doués vers les sports dans lesquels ils excellent, car nous ne perdons pas de vue que nous appartenons à un club qui répond à une exigence de résultats. Mais l’objectif principal reste l’apprentissage de la collectivité, un apprentissage pour lequel le sport constitue un moyen et un outil privilégié. MC : L’instituto a mis au point un code de conduite intérieur pour les élèves, qui distingue les fautes légères et graves. Lorsqu’une faute est commise, nous tentons de résoudre le problème par des séances de dialogue, qui impliquent les élèves concernés, les parents, et les professeurs. Les camps à la campagne, qui sont régulièrement organisés par l’Instituto pour renforcer le sentiment collectif auquel nous tenons énormément, sont aussi l’occasion idéale pour tenter de résorber et régler des conflits entre les enfants. C’est en effet un moment où ils sont plus accessibles, plus sensibles, plus perméables à ces tentatives de modifier leur conduite. Enfin, si aucune de ces méthodes mises en application ne porte ses fruits, un conseil d’école se réunit, qui rassemble des représentants des professeurs, des élèves et des parents, ainsi que la psychologue de l’établissement, afin de proposer les sanctions adéquates de manière intégrée, en associant tous les acteurs de l’Instituto River Plate. - Nombre d’élèves actuel : 940, dont 140 enfants boursiers de River, qui intègrent ses équipes de jeunes, et auxquels s’ajoutent depuis peu 300 étudiants de l’Institut supérieur des métiers du sport, ouvrant à la carrière d’éducateur physique. - Établissement mixte - Frais de scolarité : 340 pesos argentins par mois (soit 75 Euros) Sports pratiqués : football, volley, hockey, natation, basket, gymnastique, softball. Installations : salles d’informatique, bowling, bibliothèque, salle de projection, théâtre, laboratoire de sciences, service médical. Adresse Internet : www.riverplate.edu.ar RIVER : UN GÉANT LATIN F ondé le 25 mai 1901, à proximité du quartier de la Boca, à Buenos Aires, le Club Atletico River Plate est devenu au fil des ans l’un des clubs phares du football argentin, puis sud-américain. Célèbre pour son maillot blanc barré en diagonale d’une large bande rouge, River possède le plus beau palmarès du championnat argentin, avec 32 championnats remportés, ainsi que deux Copas Libertadores, l’équivalent sud-américain de la Ligue des champions, et une Coupe Intercontinentale. River se caractérise également par une masse associative extrêmement puissante, l’une des plus nombreuses du monde selon le club, avec 15 millions de hinchas (supporters) recensés. Mais surtout, 60 000 personnes détiennent une carte de socio, qui leur permet d’accéder aux installations omnisports du club, et d’influer lors des élections des dirigeants. Enfin, River possède l’un des plus beaux stades du continent, le « Monumental », inauguré en 1938, et se trouve impliqué dans de nombreuses actions à caractère social, en particulier à travers sa filiale « River Solidario » , qui s’investit dans l’insertion des personnes handicapées ou l’aide aux personnes défavorisées. http://www.cariverplate.com.ar faisons en au moins un bon citoyen » 51 (Jean-Michel Bellat, président de la Ligue de Bretagne) PLATEAU TECHNIQUE LES ANGLES HEBDOPRINT - FOOT CITOYEN - 51 - MAGENTA CYAN JAUNE NOIR