LAREP-G Monsaingeon-7 novembre 2013_def
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LAREP-G Monsaingeon-7 novembre 2013_def
Jeudis du LAREP Séminaire du jeudi 7 novembre 2013, ENSP Versailles Cartographies artistiques des territoires métropolitains Exposé de Guillaume Monsaingeon, commissaire de l’exposition Mapamundi, qui s’est tenue du 16 mars au 12 mai 2013 à l’Hôtel des Arts de Toulon. Son exposé, centré sur le point de vue artistique sur la cartographie, se positionne en léger décalage par rapport aux représentations manipulées dans le projet de paysage – deux points de vue qu’il est intéressant de confronter. Guillaume Monsaingeon enseigne à Marseille, il est l’auteur de travaux sur Vauban et la construction du territoire à l’âge classique. Il y a une quinzaine d’années, il rencontre des artistes travaillant sur la cartographie. Il se pose la question, pourquoi cette prégnance de la cartographie dans des travaux d’artistes contemporains (travail sur les formes cartographiques, détournement d’outils cartographiques, etc.) ? Selon son hypothèse, cette rencontre entre les artistes et la cartographie, ce sont en réalité des retrouvailles après une parenthèse ouverte à la renaissance. L’invention de la perspective, notamment, fut l’œuvre d’artistes. Ensuite, la cartographie leur fur « confisquée » pendant plusieurs siècles, pour devenir une chose technique. C’est au cours du XXème siècle que l’art aurait recommencé d’interagir avec la cartographie. Aujourd’hui, les artistes retrouvent l’évidence d’un travail sur la cartographie. Le langage et la grammaire cartographique sont aujourd’hui couramment assimilés (même si ce sont en général des schèmes occidentaux). Malgré cette assimilation courante, les outils cartographiques restent peu évidents pour le public au niveau conceptuel. Les artistes jouent avec nos outils, avec les angles morts de ces représentations. Les artistes jouent aussi avec un feuilletage qui se trouve en nous, car notre rapport au monde est irrémédiablement « médié » : les cartes sont en nous. Il n’y a pas de rapport au monde qui soit dénué de tout repère cartographique. Exemple d’une cartographie aborigène, à la fois personnelle et collective, à la fois du temps et de l’espace, fondée très fortement sur les rêves. Une carte qui ne correspond pas du tout à nos codes habituels Cartographie aborigène Les reliefs terminologiques sont des cartes idéales, mentales, d’un lieu qui n’existe pas. C’est un espace imaginaire qui permet de rassembler l’ensemble des termes nécessaires à la géographie physique : presqu’ile, ile, baie, cap. L’image d’un tel relief dans le Petit Larousse illustré ou le cours élémentaire Hachette a été vue par des millions de personnes. Relief terminologique, Hachette 1929 L’exposé se divise ensuite quatre entrées thématiques : - Du fond vers le premier plan. La longue remontée de la carte dans l’histoire de l’art - L’Oucarpo : Ouvroir de cartographie potentielle - Le corps - Le globe Du fond vers le premier plan. La longue remontée de la carte dans l’histoire de l’art En arrière-plan dans des tableaux (exemple du peintre anglais James Tissot), la carte accrochée au mur est une légitimation de l’héroïsme du personnage. Dans la bande dessinée Tintin, ou elle est omniprésente, la carte est l’indice du pouvoir (militaire, policier). L’Oucarpo (ouvroir de cartographie potentielle) L’Ouvroir de cartographie potentielle est l’un des Ou – x – Po issus de l’Oulipo (Queneau – Le Lionnais – Perec – Calvino – Roubaud…). La cartographie y est une manière de faire apparaître les affects. Exemple d’un montage réalisé à partir des cartouches placés sur des représentations de l’espace maritime, sur les fresques de la salle des cartes du Palazzo Vecchio à Florence : mise en évidence de l’impossible représentation de la mer… Montage réalisé à partir des fresques du Palazzo Vecchio Le corps L’histoire de la cartographie est étroitement liée à l’histoire de pouvoir. Aujourd’hui la cartographie est aussi un outil de contre-pouvoir. Beaucoup d’artistes cartographiques sont travaillés par la question de l’articulation entre corps et cartographie, après une parenthèse d’abstraction, de démarche scientifique et technique, où, comme nous l’avons vu, le corps était évacué. - Travail de Céline Boyer : l’histoire s ‘écrit toujours à la première personne. - Travaux d’artistes travaillant sur la carte du métro : un schéma important de nos jours, qui reflète notre relation à l’organisation de l’espace. A la fois un travail sur les entrailles de la ville et sur nos entrailles. Le globe Présentation de travaux de Christina Lucas, Michael Kienzer, Philippe Favier, Tim Molloy, Thomas Hirschhorn, Joseph Kosuth et Chris Ware, qui ont pour thème le globe terrestre et/ou parfois céleste. - Joseph Kosuth : « Le monde avant l’Amérique » : globe où ne figure pas l’Amérique - Chris Ware : télescopage entre visions zénithales et cartographiques du ciel Joseph Kosuth : Le monde avant l’Amérique, 2008, vue de l’exposition Questions / réponses La carte entre système symbolique et vision géométrique Selon l’historien Franco Farinelli, la carte découle d’un système de symboles, la renaissance étant une époque où l’on ne maitrisait pas la vision géométrique du monde. Selon, la carte récupère aujourd’hui sa valeur de symbole. Guillaume Monsaingeon tente d’éclairer le déplacement des enjeux de la cartographie après la renaissance, où elle n’a plus la place centrale qu’elle occupait chez Leonardo ou Alberti. Il fait un essai de relecture de l’histoire de l’art par rapport à cette marginalisation de la cartographie, pour comprendre sa position centrale retrouvée aujourd’hui. Au 17ème siècle, la carte participe du paradigme du « signe non-symbolique ». A cette époque, un plan de ville était toujours fondé sur trois raisons/motivations : -‐ en droit -‐ en géométrie (le plan de Gombouste fut premier plan mesuré) -‐ en son contexte social (le plan renvoie à la structuration de la société, à ce qui est énonçable ou pas…) Cela rejoint des questions actuelles pour les paysagistes: une représentation paysagère de l’espace n’est ni géographiques, ni cartographique. Elle relève de l’ambition de donner forme/figurer à l’espace en tension entre le quantifiable et le sensible. L’écart entre les représentations et le terrain L’écart entre les représentations et le terrain est extrêmement fécond pour paysagistes. Ils y trouvent de l’inspiration pour le projet. La question de l’écart entre représentation et réalité du chantier, par exemple, est très productive. Dans son travail personnel, Guillaume Monsaingeon aime se confronter à l’impossibilité de l’échelle 1 : marquer des signes cartographiques sur des sites, transformer les spectateurs en « mappeurs », etc. La cartographie comme medium ou fin en soi La cartographie représente indubitablement un champ de production en soi. Mais ce que nous a présenté Guillaume Monsaingeon, ne représente-t-il pas un basculement par rapport au statut inhérent de medium (et donc pas de fin en soi) de la cartographie ? Lorsqu’on en fait un champ de production en soi, on est dans la situation de la littérature, de l’inventivité par rapport aux codes, etc. De là, la cartographie peut mener vers d’autres champs, d’autres domaines. L’Oucarpo cherche à mettre en évidence les angles morts, ce que la carte ne peut pas représenter… Référence : l’exposition « la lettre, le mot et la carte » La culture cartographique aujourd’hui La première partie de l’exposé a mis en évidence le travail des graphistes, dans l’élaboration de cartes « ordinaires ». Cela rejoint un sujet d’actualité, avec une perte de la culture cartographique dans de nombreuses institutions et entreprises. Référence : exposition sur l’histoire de la cartographie de la RATP