Complications courantes
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Complications courantes
j > Anesthésie et analgésie du Lapin Les complications anesthésiques lors de chirurgie de convenance chez le Lapin peuvent être anticipées et surmontées avec les bons gestes et de bonnes pratiques anesthésiques. Complications courantes lors d’anesthésie du Lapin ? M. HUYNH, DV, MRCVS, Dip. ECZM (Aviaire) CHV Frégis 43 avenue Aristide-Briand 94110 Arcueil OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES l ors d’une anesthésie de chirurgie de convenance, le praticien peut être confronté à une variété de difficultés qui peuvent être surmontées si elles sont anticipées. Nous déclinons ici quelques-unes des situations les plus fréquentes. Photo 1 : Lapin intubé pour une stérilisation de convenance. Être capable : • de reconnaître les complications les plus fréquentes (apnée, réveil peranesthésique, réveil retardé) ; • d’intervenir de façon efficace ; • de mettre en place des mesures préventives dans son protocole anesthésique. RÉSUMÉ Les principes anesthésiques de base des Carnivores domestiques peuvent être appliqués aux lapins mais il faut garder à l’esprit que ceux-ci sont moins tolérants vis-à-vis des complications anesthésiques. La mise en place d’une voie respiratoire (intubation) et d’une voie veineuse sont à la base de la sécurité anesthésique. L’apnée, le réveil peropératoire et les réveils retardés en postopératoires sont les complications les plus fréquemment rencontrées en chirurgie de convenance. CRÉDITS DE FORMATION CONTINUE La lecture de cet article ouvre droit à 0,05 CFC. La déclaration de lecture, individuelle et volontaire, est à effectuer auprès du CFCV (cf. sommaire PratiqueVet N° 125 - avril 2015). 14 A pnée L’apnée est un phénomène fréquent en complication peranesthésique et, ce, d’autant plus que les lapins sont rarement intubés pendant l’anesthésie en routine (PHOTO 1). L’utilisation d’un masque laryngé peut pallier efficacement ce manque (PHOTO 2). Cette apnée doit, dans tous les cas, être traitée par ventilation assistée jusqu’à reprise de la respiration spontanée. Les étapes à vérifier sont : ■ l’intégrité des voies respiratoires : vérifier notamment si le circuit est ouvert, ou si la sonde trachéale est coudée/bouchée ; ■ hyperoxygénation : si l’animal est sou- mis à une ventilation sous oxygène pur avec un débit supérieur à sa capacité respiratoire (10 mL/kg/min), le taux de PratiqueVet (2015) 50 : 238-241 (238) j > Anesthésie et analgésie du Lapin Photo 2 : Mise en place d’un masque laryngé. CO2 diminue dans les alvéoles en deçà du seuil de stimulation de la respiration. Pour corriger cet effet, il ne faut surtout pas arrêter de ventiler, mais ventiler moins fréquemment et diminuer le débit d’oxygène ; ■ surdosage anesthésique : si des molé- cules inhalantes ont été utilisées, favoriser leur métabolisation avec une ventilation assistée. Si des molécules injectables antagonisables ont été utilisées, les réutiliser de moitié et réévaluer la réponse du patient ; ■ surdosage analgésique : en première ap- proche, surtout à l’induction, il convient d’avancer dans les temps chirurgicaux avant de réserver l’analgésie. Cependant, si malgré la stimulation douloureuse opératoire, il n’y a pas de reprise spontanée de la respiration, une réversion partielle de l’analgésie ou de la sédation doit être intentée, les morphiniques avec de la naloxone ou de la buprénorphine, les benzodiazépines avec du flumazénil. L’animal est ensuite réévalué pour juger de l’efficacité de la manœuvre. R éveil peranesthésique Le réveil pendant l’anesthésie est une complication fréquente également. L’action immédiate à intenter est d’arrêter tout stimulus douloureux et d’ajouter un agent anesthésique hypnotique (kétamine, alfaxalone ou propofol) et/ (239) PratiqueVet (2015) 50 : 238-241 Photo 3 : Pincer la patte permet de tester la réponse aux stimuli douloureux. ou d’augmenter le débit d’oxygène pour améliorer la diffusion de l’isoflurane. Les points critiques à vérifier sont ensuite : ■ défaut de ventilation : l’intégrité du cir- cuit doit être revérifiée, notamment le diamètre de la sonde trachéale ou l’étanchéité du masque utilisé ; ■ surstimulation ou analgésie insuf- fisante : dans les deux cas, une modification du protocole s’impose. Si la stimulation douloureuse est de courte durée (quelques minutes), il est possible d’augmenter la sédation pendant le laps de temps adéquat ou de travailler avec l’apport des agents hypnotiques précités. En revanche, s’il s’agit d’une procédure plus douloureuse que prévue, il est obligatoire de rajouter des valences anesthésiques et de rajouter notamment des opioïdes. Si les opioïdes sont déjà inclus dans le protocole, il est possible de rajouter un bolus de morphine ou de fentanyl intraveineux. Attention, les apnées sont fréquentes à la suite de l’administration intraveineuse. Si le protocole utilise de la buprénorphine, il est difficile de rajouter un opioïde en raison de la forte affinité de la buprénorphine pour les récepteurs. Par conséquent, il faut jouer sur d’autres moyens analgésiques (kétamine, α2-agonistes, bloc local), dimi- nuer l’intensité de la douleur, voire, le cas échéant, utiliser des doses de morphiniques très élevées jusqu’à effet (5 à 10 fois la dose) [1]. R éveil retardé Les petits patients présentent parfois un réveil long et prolongé. Il convient de mettre le temps de récupération en rapport avec le temps anesthésique et de juger de façon critique le protocole adapté. Le test le plus facile à réaliser est la réaction au pincement (PHOTO 3). Le retard au réveil peut résulter : ■ d’un surdosage médicamenteux (voir supra) ; ■ d’un défaut d’élimination anesthésique : il est nécessaire de favoriser la métabolisation des agents anesthésiques et leur élimination, ce qui sous-tend de favoriser la diurèse avec l’administration de fluides. De ce point de vue, l’utilisation d’une voie veineuse est un atout indéniable audelà de l’accès veineux en urgence qu’elle procure (PHOTO 4). Des défaillances organiques peuvent tout à fait ralentir l’excrétion des métabolites ; ne pas hésiter alors à faire une prise de sang pour évaluer la fonction hépatique (acide biliaire) ou rénale (urée, créatinine) postanesthésie, même avec des valeurs prérénales augmentées. 15 j > Anesthésie et analgésie du Lapin M odification du monitoring anesthésique La question de la surveillance anesthésique et des appareils de mesure est toujours délicate dans le cas de l’anesthésie des NAC, la plupart des machines n’étant pas calibrées pour des espèces de cette taille [3]. Dans tous les cas, il convient impérativement de vérifier la fonctionnalité des appareils et leur bon état de fonctionnement avant le début de l’anesthésie. Modification de la capnographie Photo 4 : Voie veineuse sur la veine marginale de l’oreille d’un lapin. A noter que certains agents pharmaceutiques peuvent dégrader la fonction rénale : les anti-inflammatoires et les antibiotiques de la famille des aminoglycosides notamment. Enfin, de façon plus spécifique, des lésions rénales peuvent apparaître chez le Lapin à la suite de l’utilisation de tilétamine-zolazépam [2]. Si l’animal réagit au pincement mais ne bouge pas, on peut être en présence d’un animal réveillé mais qui souffre : ■ d’un sous-dosage analgésique : une par- ticularité des Rongeurs et Lagomorphes provient sans doute de leur capacité à masquer la douleur et donc à s’immobiliser lors d’épisodes aigus. Il est important de reconnaître ces phases. Il est possible de rajouter un analgésique à élimination rapide (type fentanyl) pour évaluer la réponse sans conséquence délétère pour la suite postopératoire ; ■ d’un défaut d’élimination d’agent séda- tif (α2-agoniste, benzodiazépine, κ-agoniste). ■ d’une hypothermie ; La capnographie est l’outil de choix dans la surveillance anesthésique des petits Mammifères ; elle est corrélée à l’utilisation obligatoire d’un masque laryngé ou d’une sonde trachéale. La capnométrie physiologique doit se situer entre 40 et 50 mmHg. Des valeurs inférieures signent une hyperventilation, des valeurs supérieures une hypoventilation. ■ La capnographie reflète la ventilation du patient (FIGURE 1). • le tracé normal comporte une phase inspiratoire, un pic expiratoire, un plateau expiratoire et un pic inspiratoire (FIGURE 1 TRACÉ 1) . Figure 1. Tableau récapitulant les différents tracés capnographiques. 1 B A 2 4 C D 5 1. Tracé normal : le point A correspond à l’expiration initiale, la phase ascendante (A-B) témoigne de l’apparition du CO2 dans les gaz expiratoires ; le plateau (B-C) traduit l’expiration du gaz provenant uniquement des alvéoles ; l’inspiration d’un gaz dépourvu de CO2 entraîne une diminution brutale de la courbe (C-D) qui se termine par la phase (D-A) de valeur normalement égale à zéro en fin d’inspiration. 2. Réinhalation. 3. Altération de la pente expiratoire. 3 6 4. Pics polyphasiques liés aux battements cardiaques. 5. Baisse de capnographie liée à un arrêt cardiaque. 6. Polypnée. 16 PratiqueVet (2015) 50 : 238-241 (240) j > Anesthésie et analgésie du Lapin Tableau 1 : Un protocole d’anesthésie du Lapin pation des risques sécurise grandement l’anesthésie (TABLEAU 1). d’après [4]. Méloxicam 1 mg/kg SC préopératoire 1 heure avant induction Buprénorphine 0,03 mg/kg SC préopératoire 1 heure avant induction Dexmédétomidine 0,180 mg/kg IM une demi-heure avant induction IM Kétamine 5 mg/kg en induction IM ou IV • lorsque la valeur basale n’atteint pas le minimum imposé par l’appareil, l’animal respire de nouveau le CO2 ce qui signifie que l’air stagne dans la chambre de mesure (FIGURE 1 TRACÉ 2). Il reflète en général la présence d’un espace mort important. La correction se fait en augmentant le débit d’oxygène. • Lorsque la pente du plateau expiratoire s’agrandit, cela reflète en général la présence d’une obstruction respiratoire et donc la ventilation n’est pas assurée dans certaines parties du poumon (FIGURE 1 TRACÉ 3) . Cela peut être lié à une intubation sélective ou à une obstruction par des matériaux organiques (nourriture, mucus etc.). • En début d’inspiration, des pics polyphasiques peuvent apparaître ; il s’agit d’oscillations liées aux battements cardiaques et elles n’ont pas de répercussion sur l’anesthésie (FIGURE 1 TRACÉ 4). • Une baisse brutale de la valeur de CO2 expiré lors d’une procédure où la connectique est correctement enclenchée et un arrêt de la perfusion signent généralement un arrêt cardiaque imminent (FIGURE 1 TRACÉ 5) . • Lorsque les complexes sont nombreux et ont une valeur de CO2 basse, il s’agit d’une polypnée non efficace (FIGURE 1 TRACÉ 6) . La mesure à mettre en place est l’assistance de la ventilation pour évacuer le CO2 résiduel et corriger la cause de la polypnée. Celle-ci est en général liée : - à la douleur ; - au stress ; - à l’hyperthermie ; - à une obstruction des voies aériennes supérieures. Modification de l’oxymétrie L’oxymétrie de pouls doit refléter le degré de saturation du patient. Cependant, la valeur affichée est rarement exacte du fait de nombreux facteurs (peau sombre, faible diamètre artériel, sensibilité du (241) PratiqueVet (2015) 50 : 238-241 L’anesthésie chez les Rongeurs et Lagomorphes n’est jamais une anesthésie de convenance ; cependant, elle est maîtrisable en suivant quelques principes de base simples. capteur). Le capteur peut être mis sur les oreilles, les doigts ou la queue. Le suivi de la valeur initiale repérée permet en revanche d’évaluer le degré d’oxygénation du patient. Dans une anesthésie par inhalation utilisant 100 % d’oxygène, le degré de saturation est toujours optimal. En revanche, le suivi de l’oxymétrie prend tout son sens dans la phase de réveil, lorsque l’animal respire l’air ambiant. Dès lors, une chute de la saturation indique la présence d’une pneumopathie (atélectasie pulmonaire) et doit être compensée par l’apport d’oxygène. POINTS FORTS ■ Lors d’apnée, il faut vérifier la perméabilité des voies respiratoires et initier une ventilation assistée. Pour ce faire, l’utilisation d’un masque laryngé ou l’intubation est essentielle. ■ Lors de réveil peranesthésique, il est impératif de repousser l’anesthésie à l’aide d’un produit injectable puis de déterminer la cause du réveil. ■ Lors du réveil, il est primordial de suivre la saturation en oxygène. Modification de l’ECG La lecture de l’ECG est compliquée grandement du fait de la vitesse des battements cardiaques de la plupart des petits Mammifères. Il serait exhaustif de répertorier toutes les anomalies de l’électrocardiogramme mais néanmoins il est important de repérer les bradycardies, tachycardies et les extrasystoles potentielles. Les extrasystoles sont caractérisées par la disparition de l’onde P, puis de façon variable un élargissement du complexe QRS et une onde T géante qui peut être inverse au QRS. Leurs causes sont multiples mais incluent, entre autres, l’hypoxie, un tonus orthosympathique augmenté, une ischémie (compression d’un organe, nécrose) ou un trouble électrolytique. L’agent causal doit être traité. Si les extrasystoles ont des répercussions systémiques (absence de pouls concomitant), elles doivent être traitées par l’administration de bolus de lidocaïne (2 mg/kg). >>A LIRE... 1. West G et coll. Zoo animal and wildlife immobilisation and anesthesia. 2nd ed. Edition. Ames : Wiley-Blackwell ; 2014 2. Doerning BJ et coll. Nephrotoxicity of tiletamine in New Zealand white rabbits. Lab Anim Sci. 1992 ; 42 : 267-9. 3. Longley L. Anesthesia of exotic pet. St Louis : Saunders Limited ; 2008. 4. Murphy KL et coll. Anaesthesia with a combination of ketamine and medetomidine in the rabbit : effect of premedication with buprenorphine. Vet Anaesth Analg. 2010 ; 3 : 222-9. C onclusion Les complications potentielles sont nombreuses mais une combinaison entre un protocole balancé et une bonne antici- Déclaration publique d’intérêts sous la responsabilité du ou des auteurs : Rémunération pour des conférences avec Axience. 17