pas de peine sans loi - L`Europe des Libertés
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L’Europe des Libertés, Revue d’actualité juridique, N°26, pp. 33-34 www.leuropedeslibertes.u-strasbg.fr PAS DE PEINE SANS LOI COUREDH, GDE CH., KAFKARIS C. CHYPRE, 12 2008 FÉVRIER Mots clés : Nullum crimen, nulla poena sine lege, Pas de peine sans loi, Réclusion criminelle à perpétuité Le requérant purge une peine de réclusion criminelle à perpétuité, consécutive à sa condamnation du 9 mars 1989. L’arrêt de condamnation de la cour d’assises de Limassol, et avant lui celui de la cour d’assisses de Nicosie, précise que par « réclusion criminelle à perpétuité », il faut entendre « l’emprisonnement pour la reste de la vie du condamné », et non pas un emprisonnement pour une durée de vingt ans comme le prévoit le règlement pénitentiaire. Le jour de son incarcération, le requérant reçoit des autorités pénitentiaires des documents qui précisent qu’il est détenu pour vingt ans, sous réserve d’observer les prescriptions disciplinaires et d’être assidu au travail pendant sa détention. Sa libération est prévue pour le 16 juillet 2002, mais elle est reportée au 2 novembre 2002 à cause d’une infraction disciplinaire. Le 9 octobre 1992, la Cour suprême juge le règlement pénitentiaire inconstitutionnel et constitutif d’excès de pouvoir à la suite d’une demande d’habeas corpus intenté par un autre détenu à vie n’ayant pas été remis en liberté à la date indiquée. Le requérant ne recouvre pas la liberté le 2 novembre 2002. Il saisi à son tour la Cour suprême d’un recours d’habeas corpus en invoquant plusieurs dispositions de la Convention européenne. Cette dernière réaffirme sa position de 1992. Sur le terrain de l’article 7, le juge Kallis déclare : « Le principe qui a été établi est que l’article 7 s’applique uniquement à la peine infligée et non à la manière dont elle est purgée. En conséquence, Edgar Enyegue l’article 7 ne fait pas obstacle à un changement rétroactif de la loi ou de la pratique en ce qui concerne la libération ou la libération conditionnelle ». La Cour suprême confirme cette position le 20 juillet 2004 : « Le règlement a été adopté sur la base et aux fins de la loi sur la discipline pénitentiaire, alors que c’est le code pénal qui détermine la peine ». Devant la Cour, le requérant soutient que la prolongation imprévisible de sa détention, sans aucune perspective de remise de peine, en raison de l’abrogation du règlement pénitentiaire, et la modification des conditions de sa détention résultant de l’application rétroactive des nouvelles dispositions législatives, enfreignent les prescriptions de l’article 7 de la Convention. La Cour considère la « peine » de réclusion criminelle à perpétuité à la lumière de la loi et de la jurisprudence internes. Le code pénal prévoyait clairement la peine de réclusion à perpétuité en cas d’assassinat, mais il est également clair que les autorités « partaient du principe que cette peine équivalait à vingt ans d’emprisonnement », et qu’elles appliquaient le règlement pénitentiaire « d’après lequel tous les détenus, y compris les détenus condamnés à la réclusion à perpétuité, pouvaient prétendre à une remise de peine pour bonne conduite et assiduité au travail ». L’article 2 dudit règlement précisait que « réclusion à perpétuité signifiait vingt ans d’emprisonnement ». Le Gouvernement défendeur admet « qu’il fallait entendre par là qu’une L’Europe des Libertés, Revue d’actualité juridique, N°26, pp. 33-34 personne condamnée à la réclusion à perpétuité purgerait au maximum vingt ans d’emprisonnement ». La Cour relève qu’après la décision de la Cour suprême du 9 octobre 1992, « la distinction entre la portée d’une peine perpétuelle et les modalités de son exécution n’apparaissait pas d’emblée » (§§ 145-149). Elle estime que « ne se trouve nullement en cause en l’espèce l’imposition rétroactive d’une peine plus forte, mais qu’on doit s’interroger sur la qualité de la loi ». À l’époque des faits « le droit chypriote pertinent pris dans son ensemble n’était pas formulé avec suffisamment de précision pour permettre au requérant de discerner, à un degré raisonnable dans les circonstances, fût-ce en s’entourant au besoin de conseils éclairés, la portée de la peine de réclusion à perpétuité et les modalités de son exécution ». La Cour conclut qu’il y a eu violation de l’article 7 de la Convention à cet égard (§ 150). Concernant le fait qu’en raison de la modification du droit pénitentiaire le requérant ne peut plus prétendre à une remise de peine, la Cour juge que « cette question se rapporte à l’exécution de la peine et non à la « peine » imposée à l’intéressé, laquelle demeure celle de l’emprisonnement à vie ». Même si l’emprisonnement du requérant est devenu plus rigoureux en raison des modifications législatives, « on ne peut pas y voir une mesure imposant une « peine » plus forte que celle infligée par la juridiction de jugement ». Elle conclut que l’article 7 n’a pas été violé à cet égard. COUREDH, KUOLELIS, BARTOŠEVIČIUS ET BUROKEVIČIUS C. LITUANIE, 19 FÉVRIER 2008, Nullum crimen, nulla poena sine lege, Pas de peine sans loi, « Affaire du 13 janvier » Edgar Enyegue www.leuropedeslibertes.u-strasbg.fr Les requérants étaient des dirigeants de la branche communiste du Parti communiste de l’Union Soviétique au début des années 1990. Ils ont été condamnés en août 1999 pour participation à des activités subversives et antiétatiques, dans le cadre de « l’affaire du 13 janvier ». Devant la Cour, ils prétendaient, notamment, avoir été poursuivis et condamnés pour des infractions qui n’étaient pas prévisibles au regard du droit national et international, puisque la Lituanie n’avait pas encore été reconnue comme un État indépendant. Au contraire des requérants, la Cour juge que les infractions visées étaient suffisamment claires et prévisibles au regard des lois de la République de Lituanie restaurée. Elle dit que les intéressés pouvaient dûment prévoir les conséquences de l’inobservation des lois considérées en s’entourant de conseils éclairés et en faisant preuve de bon sens. La Cour conclut à la nonviolation de l’article 7 de la Convention. EDGAR ENYEGUE