SOLDATS DE FORTUNE, AkhENATON
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SOLDATS DE FORTUNE, AkhENATON
LES PAGES NUMÉRO 35 SÉLECTION RENAME CINEMA MUSIQUE 1 2 3 1. SOLDATS DE FORTUNE // 2. BEN HARPER // 3. COMME D’HABITUDE Soldats de Fortune, Akhenaton Le 4e album d’Akhenaton est sorti, RENAME en parle, comme c’est étonnant ! par Benjamin chambon Q uand le leader d’Iam sort un album, ce n’est ni plus moins un leader d’opinion qui sort son ouvrage périodique, comme certains sortiraient un livre. C’est aussi un recueil massif de textes de références, dont l’écrin est une photographie instantanée des humeurs musicales de l’artiste. Ces albums sont, de toute façon, très influencés par son humeur, ce qu’il ressent et ce qu’il vit. Aujourd’hui, Chill est quarantenaire (ou presque), il est père de deux enfants, mari épanoui, ami fidèle, chef d’entreprise et mécène. Quand on entend des discours de ses proches à son sujet, on se dit que l’on ne se trompe pas sur l’homme, derrière ses airs de mec calme et prudent se cache un monstre de joie de vivre et de générosité. Akhenaton est véritablement un pharaon : tout ce qui gravite autour de lui est constructif, positif, il réinvestit ce qu’il gagne, il grandit avec son entourage. Personne ne s’y trompe plus et c’est un bonheur pour chaque journaliste de le recevoir. Que sera son prochain album, son premier disque indépendant (produit par sa propre structure 361 Records), entièrement instrumentalisé de sa patte ? Ce sera un bout de lui, encore une fois, son bout de lui du moment. Ses précédents albums étaient tous très différents et avaient la particularité de vieillir très très bien. Sol Invictus révèle à chaque écoute son lot d’émotions et de surprise : c’est aujourd’hui un grand classique qui fait l’unanimité alors que son accueil à l’époque fut plus mitigé. Attendons-donc à être surpris, peut-être déçu, mais attendons-nous surtout à passer quelques années de notre vie à être accompagné par un nouveau disque dense et complexe. ci-contre Akhénaton, dans sa thématique militaire de l’album. 26 < RN Le visuel de l’album a de quoi déconcerter. Pour la première fois Akhenaton y apparaît, pour la première fois nous avons le droit à une couverture très « premier degré », semblant nous inviter dans un monde guerrier, ambiance Viet-Nâm. Pour ma part, je la trouve relativement laide. Par contre, le reste du packaging est impeccable, le digipack se révèle être un bel objet, le livret est très sympa, le cd2 contient le paroles complètes en pdf, ainsi que deux clips. L’ambiance guerrière fait bien partie des thèmes de l’album, elle est particulièrement présente sur 3 titres, mais aussi dans les champs lexicaux généraux de l’ouvrage. L’idée générale, en plus de donner une certaine homogénéité à l’album (qui en avait besoin), est d’appuyer encore un peu plus sur la métaphore jungle/banlieue. Parlons d’abord de ce qui fâche. Akhenaton a intégralement composé l’album et c’est sans doute la cause d’un manque de profondeur de la plupart des sons, toute proportion gardée. Tout sonne à peu près synthétique, le son est très électro, suivant logiquement la tendance prise par l’artiste depuis quelques temps. Cependant, plus de la moitié des productions restent très bonnes, mais force et de constater que c’est la qualité de ces musiques qui influent la valeur finale du morceau, tant les textes sont bons, dans leur globalité. Hal de Chiens de paille produisant le meilleur morceau de l’album, on peut se demander si Chill n’aurait pas pu donner un peu de boulot aux maîtres djs qu’il côtoie au quotidien (Kheops, Imothep, Hal, Sya Style, Cut Killer, Dj Ralph…) Les chroniques de la vie des banlieues, Akhenaton l’aborde à de multiples occasions. Le niveau de ces titres est particulièrement moyen. Si certains featurings sont logiquement réussis (Sako de Chiens de Paille sur « Déjà les barbelés »), d’autres sont moins élégants, comme la Psy 4 de la rime, pas dans le ton sur « Vue de la cage », qui laisse Chill également particulièrement peu inspiré. Le discours m’a un peu blasé. Un peu formaté, Akhenaton tire quelquefois son épingle du jeu (J’m’en tapais, j’étais un poète, pour moi, j’arpentais l’monde/Pour eux ? J’avais attrapé la grosse tête/J’ai plus appris sur l’homme de la haine que de l’amour/Et mon stylo pleure l’encre afin NUMÉRO 35 SÉLECTION RENAME MUSIQUE d’éponger ma dette) mais reste curieusement standard dans sa démarche. Montons crescendo et abordons les titres plus guerriers. Alamo, Troie, ces deux morceaux ont le mérite d’avoir un punch phénoménal, des textes épiques, ravageurs. Leur instru, pourtant, n’assume qu’à 80% cette ambition. Le récit, parfois, se fait moins furieux, pour permettre à Sentenza le soldat de laisser Akhenaton le poète s’exprimer, sur des thèmes plus personnels (Mes gosses j’veux les tirer d’cette merde, mais qu’ils aient les frissons/ Quand ils écoutent leur père rapper sur « Rien à Perdre »/Puis ma fille me dessine bien maigre, chérie c’est la fragilité/De qui ignore la facilité/Les plus beaux poèmes s’lisent à bas mots, en voici un d’papa). C’est ici une richesse cachée de ces titres qui est bienvenue et permet de redécouvrir à chaque écoute des titres soignés et plus riches qu’il n’en paraît de prime abord. Le track « Entre la pierre et la plume », estampillé Iam, est impeccable, voire surpuissant. L’alternance Akh/Shurik’n est parfaite, les flows sont affûtés, les Mcs prennent clairement leurs pieds, ça se ressent en force, d’autant que les textes sont de très haute volée (J’ai ramassé leur arme, mes frères en étaient ravis/Ma plume a dansé au son austère de mes nerfs à vif/ A partir d’la c’est brasse coulée dans les rapides/Et fiesta d’malade à chaque centimètre qu’on grappille). Les « délires », ça a toujours été une tradition dans un album d’Iam, nous en trouvons logiquement quelquesuns ici. D’abord, saluons « L’école de Samba », plutôt intéressant, sur lequel Shurik’n découvre la samba brésilienne, le raggamuffin et le chant lyrique, rien que ça. Le titre n’est pas transcendant mais reste bon. Ajoutons juste que parmi les 2 autres titres de ce thème, « Comode » tire plus ou moins son épingle du jeu en étant bien mené et amusant, à défaut d’être aussi bon que « J’ai pas de face » ou « Attentat ». Nous arrivons maintenant à évoquer le cœur de l’album, ce pourquoi on achète Akhenaton plutôt qu’un autre. J’en viens donc aux ballades, aux morceaux de pures réflexions personnelles. Et là c’est le bonheur. « Canzone di Malavita » a tout d’un titre culte : sur une mélodie magnifique, Chill déroule, avec une émotion très touchante (J’saurais apprendre, que ceux qu’on chérit d’un coeur tendre/Ne sont pas éternels, un jour, la mort passe pour les prendre/Demanderais pardon, à tous ceux et celles qu’ j’ai lésés/Reprendrais les cours et tous ces projets qu’ j’ai laissés/ Un d’ces jours où j’étais las des leurres/J’emplirais les heures où tous ces rêves furent avortés/dans les pleurs/Prend ma main dans la tienne et égrène les jours/Bois c’temps qui s’envole et ravine mes joues/Ecoute moi chanter nos heures les hauts et les bas). « Mots Blessés » est du même tonneau, avec un son signé Hal, un must have sur lequel Chill frissonne avec nous (Si pour finir j’devais choisir ma mort, ce serait en sommeil/Fauché en plein rêve avant de revoir le soleil,/Si seulement elle pouvait arriver tard j’finirais mes livres/Buvant sur tes lèvres, tellement d’nuits, que j’en serais/ivre). « Quand ils rentraient chez eux », est vraiment excellent aussi, tout calme, il tire le meilleur parti du duo Akhenaton/Toko. Enfin, j’aurai adoré que « Sur les murs de ma chambre » soit plus travaillé au niveau du son, voire du refrain, entonné par le très prometteur Saïd. One Luv, lui, est presque anecdotique. Enfin, « La fin de leur monde » arrive. 10 minutes de stupéfaction, le petit frère de « Demain, c’est loin » nous livre un constat de la même trempe sur le monde d’aujourd’hui et c’est peu dire ! Le duo livre un propos sans concession où les constats rivalisent de justesse et d’acidité. Morceaux choisis : Rien n’a changé depuis « Où je vis » Juif, catholique, musulman, noir ou blanc Fermez vos gueules, vous faites bien trop de bruit Comme ces orages dont l’eau se mêle à nos larmes Et leur choc sur le sol aride dont l’uranium a volé l’âme […] L’amour manque d’air, dans leur monde, nous on suffoque Tout c’qu’on supporte, ça pressurise et c’est les psys qui vont exorciser Que quelqu’un me dise si j’ai des chances de voir enfin la paix exigée Qu’un jour, les abrutis s’instruisent […] Chaque jour, la grande ville resserre l’étreinte et tu peux voir les noms des notres évaporés écrit sur des trains. ma vie, un mic, une mixtape, loin des ambitions de ce qui sera élu président en 2007 j’adore ce moment où il dévoile le minois tracklisting et notes 1. Soldats de Fortune ´´´´ 2. Alamo ´´´ 3. Troie ´´´ 4. Vue de la cage (ft. Psy4) ´´ 5. Canzone di Malavita ´´´´´ 6. Live dans la discothèque ´ 7. L’école de Samba ´´ 8. Déjà les barbelés (ft. Sako) ´´´ 9. Cosca Crew Party (IAM) ´ 10. Mots Blessés ´´´´´ 11. Entre la Pierre et la plume (IAM) ´´´´´ 12. Dans la cité (ft. Moïse & Veust) ´´´ 13. One luv ´´ 14. Bien Paraître (IAM ft. Sako) ´´´´ 15. Comode le dégueulasse (ft. Faf Larage & Veust) ´´´ 16. Quand ils rentraient chez eux remix (ft. Toko) ´´´´ 17. Du mauvais côté des rails ´´´ 18. Sur les murs de ma chambre (ft. Saïd) ´´´ 19. La fin de leur monde (IAM) ´´´´´ 20. Bronx River ´´´ 21. Do it, do it, do it (ft. Sako) ´´´ 22. Crèverie haut de gamme (ft. Freeman) ´´ L’album 13/20 “Live dans la discothèque” : c’est pas un titre qui fait peur ça ? RN > 27 LES PAGES NUMÉRO 35 SÉLECTION RENAME CINEMA MUSIQUE SOLDATS DE FORTUNE SUITE de qui devra tailler des pipes monumentales au chinois. Alors au final, oui, le résultat est mitigé. Les sons ne sont à mon goût pas à la hauteur, hormis quelques perles bien trouvées. L’album reste en outre peu homogène, comparé aux précédents. Les textes jouissent d’une grande qualité géné- 1 2 3 rale, mais Akhenaton ne prend ici une dimension monstrueuse que sur les textes très personnels, se transformant en machine à rime dès qu’il s’agit de parler de choses déjà bien ressassées. Pourtant, de très bonnes surprises parsèment l’album dont les prestations de Shurik’n et de Sako. Au final, la bonne dizaine de titres canons sur les 23 qui parsèment la galette sont des raisons suffisantes pour acheter l’album sans sourciller. Pour cette première autoproduction, Akhenaton relève le défi plutôt facilement, Soldats de Fortune manquant tout de même d’un poil du fascinant mysticisme dont étaient emprunt ses grands frères. Toute proportion gardée (nous parlons d’Akhenaton), SdF est un grand disque de rap français, indépendant, vendu au tout petit prix de 12 €. À découvrir, donc. rn both sides of ben harper deux cédés et deux atmosphères : c’est bien mais ça ne supporte pas la comparaison de ses premiers albums PAR DUP N ous sommes un dimanche soir de mars, il est 20 h 30, je rentre dans le train direction Villejuif écouteurs sur les oreilles. Au programme le nouvel album de Ben Harper : Both sides of the gun. Trois ans après Diamonds on the inside un peu trop commercial et un album commun avec les Blind boys of Alabama tourné vers le gospel, Ben Harper revient avec un double album beaucoup plus personnel et contrasté. Deux albums, deux styles Le premier disque regroupe un ensemble de 9 ballades pop/rock. Sensible, ce disque se distingue des précédents avec une composition instrumentale classique : en effet, Ben discographie Welcome to the cruel world Fight for your Mind The will to live Burn to shine Live from Mars (2 cédés) Diamonds on the inside There will be a light (avec les « Blind boys of Alabama ») 2006 Both sides of the gun (2 cédés, édition collector avec un cédé de remix) 1994 1995 1997 1999 2001 2003 2004 28 < RN Harper a fait appel à un quatuor de musique de chambre (premier violon, second violon, violon alto, violoncelle) qui rend ses chansons mélodieuses et douces. Sa voix se pose tout simplement au dessus des longs phrasés du quatuor. À l’exception de quelques chansons bien ficelées (« Morning Yearning »), on peut trouver ce disque trop mielleux (« Reason to Mourn »). Le deuxième disque se compose de 9 titres dont le single « Better Way ». Beaucoup plus rythmé, Ben joue avec les styles “funk/jazz/style seventies”. Ce disque enchantera les fans des titres comme « Homeless child » (Album : The will to live) et « Bring the funk » (Album : Diamonds on the inside). Mention spéciale pour l’excellent titre « The way you found me » où l’on retrouve les influences jazz de Ben Harper au travers du duo contrebasse/piano et de la présence de chœurs féminins. Ce double album reste engagé sur le monde actuel (« Better way ») et la politique (« Both sides of the gun », les deux cotés de l’arme). On y retrouve également « Black rain » écrit quelques heures après le passage de l’ouragan Katrina dans le sud des Etats-Unis. Le verdict Un cédé de ballades plutôt (et Mickey, ok je sors) mitigé et un cédé funk/seventies bon, voire très bon pour les amateurs du genre. Ce dernier album reste tout de même un peu en dessous des premiers opus : en définitive, il m’est difficile de juger un album produit, composé, interprété par un artiste de ce talent (surtout quand on voit des mer*** formatées passer à la télévision qui ne sont que des interprètes sans talent avec une belle gueule. C’est fait, c’est dit, point à la ligne.) rn Ben Harper sera à l’Olympia fin juin 2006 (voir www.olympiahall.com) DVD « Pleasure+Pain » : retrace sa vie et ses influences musicales Site officiel : www.benharper.net