Marguerite Duras, les trois âges

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Marguerite Duras, les trois âges
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Marguerite Duras, les trois âges
Il faut d’abord noter que, comme cela arrive pour beaucoup de grands écrivains –
et il est évident que Duras est un de nos plus grands auteurs contemporains – leur notoriété
et leur omniprésence dans le champ médiatique sont suivies après leur disparition sinon
d’oubli, de silence, d’une sorte de mise en veille (qui n’empêche d’ailleurs pas la progression des tirages et des traductions : on traduit Duras dans le monde entier, son œuvre romanesque est déjà éditée en Pléiade et l’œuvre théâtrale le sera au printemps 2014), on
ne les entend plus et on parle moins d’eux, sauf aux commémorations ; leur absence renvoie à leur œuvre qui patiente dans les cœurs et les esprits comme un patrimoine acquis
ayant l’éternité devant lui et plus de vraie urgence. C’est un peu aujourd’hui le cas de
Marguerite décédée en 1996 ; on sait son importance mais elle n’est plus là pour intervenir
de sa parole péremptoire dans le contexte de nos vies immédiates, on se demande d’ailleurs ce qu’elle exprimerait de cette réalité parfois désolante qui constitue l’existence française des treize premières années du nouveau millénaire : aurait-elle aimé l’activisme nerveux de Nicolas Sarkozy malgré sa «conscience de classe», aurait-elle pris fait et cause pour
Ségolène Royal, pour François Hollande, serait-elle allée à la rencontre des ouvriers lorrains
dépossédés de leur travail et de leur culture, aurait-elle prêté sa plume, comme elle l’a fait
à plusieurs occasions et de manière imprévisible au journal Libération au temps de l’affaire
Grégory, pour un commentaire inattendu sur le scandale judiciaire d’Outreau ou un autre
de ces faits divers tragiques qui tissent le coton de notre actualité? Marguerite s’est tue, elle
nous manque, sa folle sagesse, son insatiable curiosité de la vie, des gens, de la politique,
de l’art, ne viennent plus perturber les idées raisonnables avec lesquelles nous appréhendons le réel. Il reste l’œuvre, elle est immense, il me semble que la scène peut – doit – à
nouveau lui rendre justice, en partie du moins, et nous permettre de retrouver l’univers d’un
écrivain qui, nous parlant toujours d’elle, nous parle encore de nous.
La trilogie que nous créons au Théâtre de l’Atelier permettra certes ce voyage mais
elle a ceci de particulier – c’est ce qui justifie le titre du cycle – que la nature des textes
envisagés nous offre un parcours dans le temps, de la vieillesse à l’enfance ou l’inverse
selon l’ordre dans lequel on envisage de les monter. Peu importe d’ailleurs car chez Marguerite il y a toujours au cœur de l’écriture, dans le regard qu’elle porte sur les choses de
la vie, à la fois la juvénilité d’une enfant et la tragique maturité de la vieillesse, une expérience des âges simultanée. De Savannah Bay à Marguerite et le Président en passant par
Le Square ce sont trois âges d’une même personne dont l’intense acuité vient éclairer la
vie intime et l’Histoire.
La vieille dame de Savannah joue et déjoue sa mémoire dans le temps d’une représentation théâtrale elle-même fantomatique ; la jeune bonne du Square joue et déjoue un
avenir qu’elle ne peut envisager sans la certitude de son existence préalable (« je mange
monsieur, je mange beaucoup afin de grossir pour que l’on me voit ») ; la petite fille des
conversations avec Mitterrand – puisque c’est ainsi que j’ai construit et distribué le personnage de Marguerite et le Président – joue sa candeur, feinte ou réelle pour déjouer la parole
et les (relatives) certitudes de l’homme politique qu’elle admire, flatte et taquine tour à tour.
Trois âges, trois visages, trois écritures différentes qui n’en sont qu’une parce qu’on y
repère facilement les fondements d’un seul geste créatif dont la nécessité est avant tout,
en écrivant, de s’obliger à vivre. Un mélange d’humour (elle en avait beaucoup), d’étrangeté, de radicalité péremptoire, un plaisir et la douleur d’une blessure secrète jamais guérie
que les trois personnages partagent à des degrés divers et qui se font écho.
Il faut noter enfin que les trois pièces sont composées de trois duos dont l’enjeu dramatique est la parole ; parler permet de vivre un peu plus, un peu mieux (« on parle n’estce pas Monsieur... », dit à plusieurs reprises la jeune femme à son interlocuteur dans Le
Square et Marguerite au Président à la fin du dernier entretien : « Il faudrait qu’on organise
un autre rendez-vous et puis on continuera la conversation ») ; la parole, si on lui permet de
creuser le sillon de nos existences, de radiographier nos sentiments contient la promesse
d’un futur possible, à construire. Autrement dit, les mots font vivre et c’est l’action primordiale du théâtre de Duras ; nul doute que le pari d’un tel voyage dans ses mots et sa pensée
ne vaille d’être tenté.
Didier Bezace
Co-fondateur en 1970 du Théâtre de l’Aquarium à la Cartoucherie, il a participé à
tous les spectacles du Théâtre de l’Aquarium depuis sa création jusqu’en 1997 en tant
qu’auteur, comédien ou metteur en scène. Il a été le directeur du Théâtre de la Commune
d’Aubervilliers du 1er juillet 1997 au 31 décembre 2013 et continue d’être acteur au cinéma
et au théâtre.
Ses réalisations les plus marquantes en tant qu’adaptateur et metteur en scène sont
Le Piège d’après Emmanuel Bove ; Les Heures Blanches d’après La Maladie Humaine de
Ferdinando Camon – avant d’en faire avec Claude Miller un film pour ARTE en 1991 ; La
Noce chez les petits bourgeois suivie de Grand’peur et misère du IIIe Reich de Bertolt Brecht
(pour lesquelles il a reçu le Prix de la critique en tant que metteur en scène) ; Pereira prétend
d’après Antonio Tabucchi créé au Festival d’Avignon en 1997.
Il a reçu un Molière en 1995 pour son adaptation et sa mise en scène de La Femme changée en renard d’après le récit de David Garnett. En 2001, il a ouvert le Festival d’Avignon
2001 dans la Cour d’honneur du Palais des papes avec L’École des Femmes de Molière
qu’il a mis en scène avec Pierre Arditi dans le rôle d’Arnolphe.
Au Théâtre de la Commune, il a notamment créé en 2004/2005 Avis aux intéressés de Daniel
Keene qui a reçu le Grand Prix de la critique pour la scénographie et une nomination aux
Molières 2005 pour le second rôle. En mai 2005, il a reçu le Molière de la meilleure adaptation et celui de la mise en scène pour la création de La Version de Browning de Terence
Rattigan.
Ses dernières créations sont : Chère Elena Sergueïevna de Ludmilla Razoumovskaïa,
La maman bohême suivie de Médée de Dario Fo et Franca Rame qu’il a mis en scène avec
Ariane Ascaride, May d’après un scénario d’Hanif Kureishi, Elle est là de Nathalie Sarraute
où il jouait aux côtés de Pierre Arditi et Évelyne Bouix, Aden Arabie de Paul Nizan et en 2010,
Les Fausses Confidences de Marivaux avec Pierre Arditi et Anouk Grinberg, retransmis en
direct d’Aubervilliers sur France 2 le 30 mars 2010, Un soir, une ville… trois pièces de Daniel
Keene, Que la noce commence d’après le film Au diable Staline, vive les mariés ! d’Horatiu
Malaele et La dernière neige d’après le récit publié au Seuil de Hubert Mingarelli.
En 2008, il a créé Conversations avec ma mère d’après un scénario de Santiago
Carlos Ovés qu’il a interprété aux côtés d’Isabelle Sadoyan. La pièce a été reprise au
Théâtre de la Commune et en tournée durant les saisons 2009/2010 et 2010/2011.
Didier Bezace a reçu en 2011 le prix SACD du théâtre.
Au théâtre, sous la direction d’autres metteurs en scène, il a interprété de nombreux
textes contemporains et classiques notamment Les Fausses Confidences de Marivaux dans
lesquelles il interprétait aux côtés de Nathalie Baye le rôle de Dubois, ou plus récemment
Après la répétition de Bergman mise en scène Laurent Laffargue aux côtés de Fanny
Cottençon et Céline Sallette.
Au cinéma, il a travaillé avec Claude Miller, La petite voleuse ; Jean-Louis Benoit,
Dédé ; Marion Hansel, Sur la terre comme au ciel ; Serge Leroy, Taxi de nuit ; Pascale Ferran,
Petits arrangements avec les morts ; Claude Zidi, Profil bas ; André Téchiné, Les Voleurs ;
Bigas Luna, La Femme de chambre du Titanic ; Pascal Thomas, La Dilettante ; Marcel Bluwal,
Le plus beau pays du monde ; Serge Meynard, Voyous, voyelles ; Jeanne Labrune, Ça ira
mieux demain, C’est le bouquet et Cause toujours ; Rodolphe Marconi, Ceci est mon corps
; Anne Théron, Ce qu’ils imaginent ; Daniel Colas, Nuit noire ; Valérie Guignabodet, Mariages ! ; Rémi Bezançon, Ma vie en l’air ; Olivier Doran, Le Coach ; Pierre Schoeller, L'Exercice de l'État ; Justine Malle, Cette année- là..., Delphine De Vigan, A coup sûr, Bertrand
Tavernier, L627, Ça commence aujourd’hui et Quai d’Orsay.
À la télévision, il a travaillé avec de nombreux réalisateurs, notamment avec Caroline Huppert, Denys Granier-Deferre, François Luciani, Marcel Bluwal, Jean-Daniel Verhaeghe, Daniel Jeanneau, Bertrand Arthuys, Alain Tasma, Jean-Pierre Sinapi, Laurent Herbiet, Pierre Boutron, Gérard Jourd’hui…
« MARGUERITE, LES TROIS ÂGES »
Le Square
avec Didier Bezace et Clotilde Mollet
« Si on me demande comment j’ai écrit Le Square, je crois bien que c’est en écoutant se
taire les gens dans les squares de Paris. Elle, elle se trouve là tous les après-midi, seule la
plupart du temps, vacante, en fonction précisément. Lui, se trouve également là, seul, lui
aussi la plupart du temps dans l’hébétude apparente d’un pur repos. Elle, elle surveille les
enfants d’une autre. Lui est à peine un voyageur de commerce qui vend sur les marchés
de ces petits objets qu’on oublie si souvent d’acheter. Ils sont tous les deux à regarder se
faire et se défaire le temps. »
Marguerite Duras
Extrait d’une interview dans L’Express le 14 septembre 1956
Il est question dans Le Square de solitude, d'exclusion, d'amour, de haine, de violence, de
foi et de désespoir; c'est dire qu'on est loin d'une poétique éthérée, un peu mondaine, qui
fut la marque de reconnaissance portée par la bonne société, toutes rives confondues, à
l'œuvre de Duras dans les années 80; celle qui écrit Le Square vient de traverser les épreuves
de la guerre, du nazisme, elle a milité au parti communiste et s'est retrouvée au sein de
groupes d'intellectuels et d'artistes actifs qui rêvaient de changer le monde; son regard sur
les gens, sur la vie semble participer à la fois d'une radicale exigence enfantine et d'une
sagesse centenaire: c'est la douleur et l'appétit de l'existence qu'elle traduit dans sa langue.
Voilà pourquoi cette œuvre que j'aime et que j'admire depuis longtemps me paraît neuve,
urgente, actuelle, comme si nous-mêmes cheminant depuis plusieurs décennies entre les
espoirs déçus, les utopies ratées, les bricolages réformistes, nous retrouvions brusquement
devant le dénuement, cet étonnement fondamental devant la seule difficulté d'être au
monde qu'expriment cette jeune débutante et cet homme fatigué, dans un square en fin
d'après-midi tandis qu'un enfant s'amuse et que les gens passent. J'ajouterai, pour tempérer
ce qui pourrait passer pour de la noirceur dans mon propos à l'égard de la pièce, que sa
force m'a toujours paru résider dans le fait que, grave et bouleversante elle est aussi légère
et tendre souvent, drôle grâce à l'humour sérieux de l'auteur: une vraie comédie et c'est
ainsi que j'ai voulu la monter.
Didier Bezace
Le Square est d’abord un roman publié en 1955. Une première version théâtrale abrégée
est créée le 17 septembre 1956 mise en scène par Claude Martin avec Ketty Albertini et R.
R. Chauffard au Studio des Champs Elysées. Une version intégrale est créée en 1965 dans
une mise en scène d’Alain Astruc avec Evelyne Istria et Alain Astruc, au théâtre Daniel Sorano. Elle reprend sous forme théâtrale la totalité du roman. La version abrégée ou « réduction » établie par Claude Martin avec la collaboration de l’auteur procède d’une véritable
refonte du roman. Le Square est publié dans le premier tome du Théâtre de Marguerite
Duras aux éditions Gallimard, ainsi que dans le tome II de ses œuvres complètes dans la
collection de la Pléiade.
« Marguerite Duras, par l’extrême délicatesse de son attention, a cherché et peut-être saisi
le moment où les hommes deviennent capables de dialogue : il y faut la chance d’une
rencontre fortuite, la simplicité aussi de la rencontre dans un square quoi de plus simple, qui
contraste avec la tension cachée à laquelle ces deux êtres vont faire face. Ils parlent ces
deux-là mais se comprennent-ils ? Tous deux sont en dehors du cercle commun, en dehors
du monde de la compréhension facile, ce monde où ne s’offrent à nous que bien rarement
la chance et la douleur d’un dialogue véritable. »
Maurice Blanchot, à propos du Square dans la NRF n° 39 1) mars 1956 p 492-50
CLOTILDE MOLLET, Elle dans Le Square
Premier prix de violon du Conservatoire de Paris et du Conservatoire National Supérieur
d’Art dramatique, Clotilde Mollet travaille avec de nombreux metteurs en scène de théâtre
depuis 1980 :
Jacques Rosny, Jean Jourdheuil et Jean-François Peyret, Alain Ollivier, Alfredo Arias, Bruno
Bayen,
Jean-Pierre Vincent, Alain Milianti, Jean-Louis Hourdin, Hervé Pierre, Jean-Luc Boutté, Catherine Anne,
Daniel Jeanneteau, Michel Didym, Charles Tordjman, François Berreur.
Récemment, elle a joué dans Chatte sur un toit brûlant de Tennessee Williams mise en scène
Claudia
Stavisky. Elle jouait en 2004 au Théâtre de la Commune d’Aubervilliers la première version
scénique du Square mise en scène par Didier Bezace, avec Hervé Pierre.
Au cinéma, depuis La Crise de Coline Serreau en 1992, elle a tourné avec Jacques Audiard
Un héros très discret, Mathieu Amalric, Stéphane Brizé, Jean-Pierre Jeunet Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain, et, plus récemment, Intouchables et Samba pour la France de Éric
Toledano et Olivier Nakache.
Les collaborateurs artistiques de « Marguerite, les trois âges »
Laurent Caillon, dramaturge
Au Théâtre de l’Aquarium de 1985 à 1997 il était assistant à la mise en scène ou concepteur
musical et, de 1997 à 2013, il a fait partie de l'équipe permanente du Théâtre de la Commune en tant que collaborateur artistique.
Il a travaillé avec Jean-Louis Benoit : Louis de Jean-Louis Benoit, La Peau et les os d’après
Georges Hyvernaud, Les Ratés de Henri-René Lenormand ; avec Didier Bezace : Les Heures
blanches d’après Ferdinando Camon, Le Piège d’après Emmanuel Bove, La Femme changée en renard d’après David Garnett, La Noce chez les petits-bourgeois suivie de
Grand'peur et misère du IIIe Reich de Bertolt Brecht, Pereira prétend d'après Antonio Tabucchi, Narcisse de Jean-Jacques Rousseau, Le Cabaret, petit théâtre masculin-féminin,
Le Colonel-oiseau de Hristo Boytchev, Feydeau Terminus d’après Georges Feydeau, L'École
des femmes de Molière, Chère Elena Sergueïevna de Ludmilla Razoumovskaïa, Le Square
de Marguerite Duras, Avis aux intéressés de Daniel Keene, La Version de Browning de Terence Rattigan, Objet perdu d'après 3 pièces courtes de Daniel Keene, May d’après un
scénario d’Hanif Kureishi, La maman bohême suivi de Médée de Dario Fo et Franca Rame,
Elle est là de Nathalie Sarraute, Conversations avec ma mère d’après un scénario de Santiago Carlos Ovés, Aden Arabie de Paul Nizan, préface Jean-Paul Sartre, Les Fausses Confidences de Marivaux, Un soir, une ville… 3 pièces de Daniel Keene, Que la noce commence d’après le film Au diable Staline, vive les mariés ! d’Horatiu Malaele et La Dernière
Neige de Hubert Mingarelli. Il a collaboré également avec Jacques Nichet : La Savetière
prodigieuse de García Lorca, Le Triomphe de l’amour de Marivaux, Le Magicien prodigieux
de Calderon, Domaine ventre de Serge Valletti, Marchands de caoutchouc de Hanokh
Levin, Retour au désert de Bernard-Marie Koltès, Silence complice de Daniel Keene ; avec
Laurent Hatat : Dehors devant la porte de Wolfgang Borchert, Dissident, il va sans dire de
Michel Vinaver, Nathan le sage de G. E. Lessing et La précaution inutile de Beaumarchais.
Il a aussi participé à la création du spectacle de Daniel Delabesse Les Ch’mins d’Couté et
à La Conférence de Cintegabelle de Lydie Salvayre mise en scène Jean-Yves Lazennec.
Dyssia Loubatière, collaboratrice artistique et assistante à la mise en scène
Elle a collaboré, en tant que régisseuse plateau ou créatrice d’accessoires, avec Jacques
Nichet, Matthias Langhoff, Yannis Kokkos, Ruth Berghaus, Wladyslaw Znorko, André Engel,
Jacques Rebotier et en tant que décoratrice avec Christian Bourrigault, Dominique Lardenois et Jean Lambert-Wild. Depuis quinze ans, elle travaille aux côtés de Didier Bezace
comme assistante à la mise en scène : Narcisse de Jean-Jacques Rousseau et du Coloneloiseau de Hristo Boytchev, Feydeau Terminus d’après Georges Feydeau, de L’École des
femmes de Molière et de Chère Elena Sergueïevna de Ludmilla Razoumovskaïa, La Noce
chez les petit-bourgeois suivie de Grand’ peur et misère du IIIe Reich de Bertolt Brecht, Le
Square de Marguerite Duras, d’avis aux intéressés de Daniel Keene, de La Version de Browning de Terence Rattigan, d’Objet perdu d’après 3 pièces courtes de Daniel Keene, de
May d’après un scénario d’Hanif Kureishi – dont elle a signé la traduction –, de La maman
bohême suivi de Médée de Dario Fo et Franca Rame, de Conversations avec ma mère
d’après un scénario de Santiago Carlos Ovés – qu’elle a également traduit et qui va être
remis en scène par Pietro Pizzuti avec Jacqueline Bir et Alain Leempoel à Bruxelles en mai
2014 –, d’Elle est là de Nathalie Sarraute, d’Aden Arabie de Paul Nizan, préface Jean-Paul
Sartre, des Fausses Confidences de Marivaux, d’Un soir, une ville… 3 pièces de Daniel
Keene, de Que la noce commence d’après le film Au diable Staline, vive les mariés ! d’Horatiu Malaele et La dernière neige d’Hubert Mingarelli.
Elle a également été assistante à la mise en scène auprès de Laurent Laffargue pour Beaucoup de bruit pour rien de Shakespeare et Après la répétition d’Ingmar Bergman (reprise
et tournées) ainsi qu’auprès d’Alain Chambon pour La Concession Pilgrim d’Yves Ravey.
Au cinéma et à la télévision, elle a travaillé à plusieurs courts et longs-métrages, essentiellement en tant qu’accessoiriste ou peintre et également comme scripte de Jean-Daniel
Verhaeghe sur plusieurs captations de spectacles.
Jean Haas, scénographe
Scénographe pour le théâtre, la chorégraphie, les spectacles musicaux, la muséographie,
il a collaboré au théâtre avec une trentaine de metteurs en scène dont Michel Deutsch,
Hans Peter Cloos, Bernard Sobel, Claude Régy, Jean-Louis Thamin, Brigitte Jaques, Frédéric
Bélier-Garcia et Jacques Nichet pour Les Cercueils de zinc de Svetlana Alexievitch. Avec
Didier Bezace, il a créé les décors d’Héloïse et Abélard, L’Augmentation de Georges Perec,
La Femme changée en renard d’après David Garnett, Narcisse de Jean Jacques Rousseau,
Feydeau Terminus d'après Georges Feydeau, Le Square de Marguerite Duras, Avis aux intéressés de Daniel Keene (pour lequel il a reçu le Prix du Syndicat de la Critique 2005, avec
Dominique Fortin, pour la meilleure scénographie/lumière), La Version de Browning de Terence Rattigan, Objet perdu d'après 3 pièces courtes de Daniel Keene, May d’après un
scénario d’Hanif Kureishi, La maman bohême suivi de Médée de Dario Fo et Franca Rame,
Aden Arabie de Paul Nizan, préface Jean-Paul Sartre, Les Fausses Confidences de Marivaux, Un soir, une ville… 3 pièces de Daniel Keene et Que la noce commence d’après le
film Au diable Staline, vive les mariés ! de Horatiu Malaele et La dernière neige, d’après le
récit de Hubert Mingarelli. Avec David Géry, il a créé le décor de Bartleby d'après Herman
Melville, de L’Orestie d’après Eschyle et de Fahrenheit 451 de Ray Bradbury. Il a aussi créé
les décors de Un si joli petit voyage d'Ivane Daoudi mis en scène par Catherine Gandois,
Le Caïman d'Antoine Rault mis en scène par Hans Peter Cloos, Plus loin que loin de Zinnie
Harris mis en scène par Guy Delamotte, Les Caprices de Marianne d'Alfred de Musset et La
Nuit des Rois de William Shakespeare mis en scène par Jean-Louis Benoit, Le Dindon de
Georges Feydeau mis en scène par Philippe Adrien, nomination Molière 2010, Hollywood
mis en scène par Daniel Colas, Bug ! de Jean-Louis Bauer et Philippe Adrien mis en scène
par Philippe Adrien. Dernièrement, il a signé les décors de L’École des Femmes de Molière,
mis en scène par Philippe Adrien, Tristesse Animal Noir, par le Théâtre du Panta. Pour le
Théâtre Montparnasse fin janvier 2014 il conçoit la scénographie de Un temps de chien de
Brigitte Buc, avec Valérie Lemercier mise en scène Jean Bouchaud, puis il enchaîne avec
Lucrèce Borgia de Victor Hugo mise en scène Jean-Louis Benoit au Théâtre de la Commune
et Tilt de Sébastien Thiéry avec l’auteur et Bruno Solo, mise en scène Jean-Louis Benoit au
Théâtre de Poche-Montparnasse.
Dominique Fortin, lumières
Il est directeur technique du Théâtre de l'Aquarium depuis 1987. Il a collaboré au théâtre
avec de nombreux metteurs en scène, entre autres : Didier Bezace (notamment avis aux
intéressés de Daniel Keene pour lequel il a reçu le Prix du Syndicat de la Critique 2005 avec
Jean Haas, pour la meilleure scénographie et lumière), et il a créé les lumières des spectacles de Jean-Louis Benoit, Chantal Morel, Catherine Anne, Jacques Gamblin, Christian
Benedetti, Gloria Paris, Sandrine Anglade, Sonia Wieder-Atherton, Julie Brochen, David
Géry, Tatiana Valle, François Rancillac et Antoine Caubet.
Cidalia da Costa, costumes
Après des études d’Arts plastiques, elle a commencé à travailler au cinéma. Très vite, elle
rencontre le spectacle vivant. Pour le théâtre, elle a créé des costumes notamment pour
Pierre Ascaride, Didier Bezace, Vincent Colin, Gabriel Garran, Daniel Mesguich, Jacques
Nichet, Philippe Adrien, Yves Beaunesne, Hubert Colas, Charles Tordjman, Chantal Morel,
Michel Didym, David Géry et Gilberte Tsaï. Pour la danse contemporaine, elle a collaboré
avec Jean Gaudin, Catherine Diverrès, Bernardo Montet. À l’opéra, elle a travaillé avec
Hubert Colas, Emmanuelle Bastet et Christophe Gayral. Elle a aussi collaboré aux spectacles de James Thierrée et de Jérôme Thomas.
Pour aller plus loin
Marguerite Duras (1914-1996)
Marguerite Duras est marquée par son enfance en Indochine, à partir de Moderato cantabile en 1958, elle débute ses expériences originales dans son écriture. Elle s’attache à une volonté de dépouillement parfois jusqu’à l’inintelligible : ellipse, stylisation des lieux, dépersonnalisations, quasi-disparition des événements …
Les dialogues ont une place primordiale parce
que les
Marguerite Duras photographiée par Richard
Avedon
silences,
dans l’œuvre de Duras, sont essentiels.
Ainsi les dialogues suggèrent un monde intermédiaire hanté par la déperdition et
l’impuissance de raconter une situation,
en particulier la relation amoureuse et le
désir.
Cette tendance de l’écriture de Duras ne fait que s’amplifier avec son expérience cinématographique, grâce à la
caméra elle réalise l’union de l’image et
du son. On peut citer India Song en 1973
Le roman depuis 1940 ou l’expérience du « roman différent »
Les expériences littéraires de Marguerite Duras coïncident
avec d’autres expériences d’écrivain dont le « nouveau
roman ». On peut formuler l’hypothèse que cette recherche est le fruit des expériences du surréalisme dans
les années 20 que prolongent ensuite Julien Gracq par
exemple.
Surtout dans les années 60, c’est une crise du langage qui
éclate et dont témoignent des auteurs comme Michel
Leiris ou Raymond Queneau. Cette crise touche le roman
et l’écriture dite romanesque. On pense autrement le rapport romanesque en l’inversant : action et personnage,
langage. Les écrivains ne vont plus chercher à raconter
un événement ou à décrire un élément psychologique, ils
vont se concentrer sur le langage conçu comme une production et sans lien à aucune réalité.
La primauté du langage n’abolit pas nécessairement l’intrigue ou les personnages. Cependant elle rend ces éléments arbitraires, des productions des mots et par conséquent soumis à des variations. Le roman devient pure expérimentation de ces essais verbaux sans analyse ou explication, les techniques de description et d’enregistrement prennent le pas. Dans les romans de Duras, par
exemple, on perçoit bien que le parti verbal est plus important que les personnages qui apparaissent comme
des ombres se mouvant dans des événements sans poids.
Au contraire du roman traditionnel, le roman différent
aboutit à la déréalisation, par l’écriture, des apparences
du réel.
qui se compose uniquement d’images filmées aux Indes et de scènes muettes supportées par une voix off et mêlées à une
très belle musique.
Marguerite Duras et le cinéma : le cas des deux films de Benoit Jacquot
La Mort du jeune aviateur anglais raconte l'histoire d'un aviateur britannique
dont Marguerite Duras a découvert la sépulture à proximité de Deauville. Bien que
nous ne sachions pas où commence la fiction, la narration de Marguerite Duras fait
preuve d'une authenticité remarquable. Un véritable manifeste d'écriture spontanée, brillamment mis en scène par Benoît Jacquot. Où l'écriture - directe - de Duras
s'accorde parfaitement avec la technique sans artifice du cinéaste.
Ecrire et La Mort du jeune aviateur anglais : entretien avec Benoît Jacquot (article
Arte)
C’est aujourd’hui le centième anniversaire de la naissance de Marguerite Duras. ARTE consacrera plusieurs programmes de sa grille du dimanche 6 avril à Marguerite Duras avec à 17h35 « Le Siècle de Duras » de Pierre Assouline, la diffusion de
L’Amant à 20h45 et de Hiroshima mon amour à 22h35 suivis à 0h05 de deux essais
de Benoit Jacquot sur et avec Marguerite Duras, Ecrire et La Mort du jeune aviateur
anglais réalisés en 1993 pour l’INA.
A l’occasion de cette journée spéciale sur ARTE et la diffusion de ces deux films nous
avons demandé à Benoît Jacquot
« L’événement de Vauville, je l’ai intitulé La Mort du
jeune aviateur anglais. En premier je l’ai raconté à
Benoît Jacquot qui était venu me voir à Trouville.
C’est lui qui a eu l’idée de me filmer lui racontant
cette mort du jeune aviateur de vingt ans. Le lieu
était mon appartement à Paris. Ce film une fois fait,
on est allé dans ma maison de Neaulphe-le-Château. J’ai parlé de l’écriture. Je voulais tenter de
parler de ça : Ecrire. Et un deuxième film a été fait
avec la même équipe et la même production. »
(Marguerite Duras)
de revenir sur sa relation avec Marguerite Duras et cette expérience de
tournage singulière. Benoît Jacquot
vient de terminer son nouveau film 3
Cœurs, coproduit par ARTE France
Cinéma et dont la sortie française est
prévue le 17 septembre.
Comment as-tu rencontré Marguerite Duras ?
J’ai rencontré Marguerite Duras très jeune, j’avais tout juste une vingtaine
d’années et je faisais l’assistant ici et là, pour des réalisateurs très variés et des productions très antinomiques. Duras avait besoin d’un assistant parce que celui qui
l’avait aidée sur ses précédents films se faisait porter pâle pour celui qu’elle était en
train de préparer et qui s’appelait Nathalie Granger. Il savait que cela m’intéressait
et m’a envoyé à elle. J’ai donc un aprèsOn s’est immédiatement entendus si bien que pendant deux ans je n’ai fait que cela, l’assister, sur
trois films : Nathalie Granger, La Femme du Gange
et India Song. C’était non-stop. Cela a été très déterminant car c’est travailler avec Marguerite Duras qui m’a mis devant mon vœu de faire moimême des films.
midi sonné à la porte de Marguerite Duras, rue Saint-Benoit la bien nommée. Elle
me montrait qu’à condition de savoir ce
qu’on voulait et vouloir ce qu’on fait, on
pouvait faire des films. Alors je m’y suis mis très vite. Pendant qu’elle montait India
Song, j’écrivais chez elle à Neauphle-le-Château le scénario de mon premier film
L’Assassin musicien. C’est le même producteur Stéphane Tchalgadjieff qui l’a produit et qui produisait India Song, ainsi que tout ce qui se faisait de bien à ce moment-là : Rivette, Godard, Bresson, les Straub, Duras…
Ecrire et La Mort du jeune aviateur anglais sont des films jumeaux.
Ce sont deux films qui ont été réalisés de façon quasi consécutive et qui obéissent à une constitution très anecdotique. Marguerite était allée faire soigner un emphysème grave dans un hôpital où elle a attrapé une maladie neurotonienne qui
l’a plongé dans un coma de neuf mois. Coma très spécial puisqu’elle est entrée
dans le coma dans son lit avec un cahier sur lequel elle écrivait une phrase et quand
elle s’est réveillée neuf mois plus tard elle a demandé le cahier pour finir sa phrase !
Pendant ce coma la question s’était posée au bout d’un certain temps de la débrancher et de la laisser mourir ou d’attendre qu’elle revienne. Heureusement ils ont
décidé d’attendre et elle a vécu deux ans après son réveil. Au sortir de ce coma –
j’étais très liée à elle – j’avais fait mon
deuil, pour moi elle allait mourir incessamment et d’une certaine façon elle
était déjà morte. Un jour on m’a appelé
Elle me demande de faire un film à partir de cette
histoire. Je voyais surtout cette transe fictionnelle
dans laquelle elle se plongeait et qui faisait apparaître de manière très visible et presque spectaculaire son mode « d’être écrivain. »
pour me dire qu’elle est revenue au
monde – c’était vraiment Lazare – qu’elle parle, qu’elle va bien et qu’elle dit qu’elle
veut me voir. Je n’ai pas pu l’appeler, je n’y arrivais pas, cela me foutait les jetons,
comme un truc spectral. C’est elle qui a fini par m’appeler, pas pour se plaindre
mais pour me dire : « je suis à Trouville, viens tout de suite me voir j’ai un truc à te
donner. » Elle voulait me raconter qu’elle avait trouvé une tombe, en se promenant
dans la région. Je ne comprenais pas vraiment tout à cette histoire d’aviateur de
vingt ans, mitraillé dans son avion, recueilli par les habitants du village, autour duquel une sorte de rite se serait constitué. Du coup je lui ai dit que je n’allais pas faire
un film de fiction à partir de son histoire, mais un film sur elle donnant à cette histoire
sa dimension en la racontant, en nous montrant les lieux. C’est sa parole qui devient
une évocation de ce qu’elle a trouvé dans ce lieu et qui fait naître son geste d’écrivain. Elle a accepté. On savait tous qu’elle n’en avait plus pour très longtemps et
qu’elle avait la nostalgie de cette époque où elle tournait des films avec une
équipe et des acteurs fidèles, dans ses lieux à elle, ses maisons, et où elle était complètement heureuse dans une espèce de vie communautaire, autour d’un film à
faire et donc d’elle.
Je pense que c’était un cadeau à lui faire, même si c’était elle qui voulait me faire
un cadeau au départ, que de la remettre dans cette situation avec une équipe
très réduite et partir ensemble à l’aventure d’un film à venir. On a tourné La Mort
d’un jeune aviateur anglais en allant sur les lieux, en la laissant parler. Elle se nomme
elle-même « la passante » dans le film. Cela s’est fait très vite et un mois après le film
était visible. Quand elle l’a vu, elle m’a dit que c’était un film de moi, pas d’elle. Elle
m’a traité de voleur. Alors je lui ai proposé de faire un autre film où elle pourrait dire
tout ce qui lui manque et qu’elle n’a pas pu ou voulu dire dans le premier film sur
son être d’écrivain. C’est devenu un demi-vol.
C’est comme cela qu’on a fait Ecrire. J’ai repris la même équipe avec Caroline
Champetier à l’image et on est parti dans sa maison à Neauphle-le-Château, on
s’est installé dans la pièce qu’elle appelait « la pièce de musique », où il y avait un
piano et où l’on pouvait écouter des disques. Elle s’est installée et pendant deux
jours de tournage non-stop elle s’est mise à parler.
Et puis le film est devenu un livre.
Elle faisait cela depuis quinze ans. A part L’Amant, elle n’écrivait plus que d’après
les films qu’elle faisait. C’était devenu sa méthode. Elle écrivait pour préparer un
tournage, des manuscrits brouillonnés avec des inductions de film sans que cela ne soit jamais un scénario au sens propre. C’était plutôt moi qui faisais le
scénario. Elle me donnait ses feuillets de manuscrits qui
étaient de la littérature de Duras et me demandait de
les gérer très concrètement pour le film à faire. Une
fois le film terminé elle reprenait ses feuillets primitifs et
Lien sur Arte :
http://boutique.arte.tv/f9610-marguerite_duras_mort_jeune_aviateur_anglais
Lien sur INA :
http://www.ina.fr/video/CPB93010479
Dvd
A partir des propos échangés avec Benoît
Jacquot, Marguerite Duras écrira La mort du
jeune aviateur anglais et Ecrire (1993, éditions Gallimard). Sur 2 CD audio en complément aux films, ces deux écrits essentiels sont
revisités par Fanny Ardant. Passionnée par le
mythe Duras, l'actrice redonne voix à ces
textes, auxquels s'ajoute la nouvelle Roma, issue du même recueil.
elle faisait du film rétroactivement un livre.
Sauf que pour ce film, rien n’avait été préalablement écrit.
Oui, elle parle au fil de sa pensée, de ce dont elle voulait parler. Elle avait déjà
beaucoup parlé de la folie mais elle avait besoin, en étant déjà morte une fois et
en sachant que sa fin était proche, d’exposer ça d’une façon presque monolithique, sans arrêt. Comme c’était « son » film, elle est venue au montage, et c’était
elle qui décidait – même si je lui ai fais quelques suggestions. La mort de la mouche
était un mythe de Marguerite qu’elle avait déjà raconté beaucoup mais qu’elle
reprend ici avec un vibrato très spécial, et assez impressionnant. Elle avait un lien
très fort à sa propre parole qui la mettait dans un état de grande émotion, elle était
bouleversée de dire ce qu’elle dit d’elle même, un peu comme si elle chantait. Il y
avait quelque chose d’incantatoire dans son mode de développer sa propre parole, elle en venait aux larmes.
Propos recueillis le 31 mars à Paris. Remerciements à Benoît Jacquot.

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