INTERPELLATION JEAN-MARIE SURER ET CONSORTS Swissair

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INTERPELLATION JEAN-MARIE SURER ET CONSORTS Swissair
INTERPELLATION JEAN-MARIE SURER ET CONSORTS
Swissair, une croix trop lourde à porter
Développement
A la suite de la déconfiture de Swissair un certain nombre de mesures ont été
prises par les collectivités publiques et l'économie privée. Nous avons appris de
la bouche de Mme la conseillère d'Etat Jacqueline Maurer que le Canton de Vaud
participerait substantiellement au financement de cette compagnie pour un
montant pouvant aller de dix à trente millions. Beaucoup de Vaudois sont
perplexes de cette décision du Conseil d'Etat et le Parti libéral lui en est fâché.
Les USA ont décidé de soutenir financièrement leurs trois compagnies
aériennes (à titre d'information et de comparaison, l'Europe en possède elle 13)
parce qu'ils sont dorénavant dans une logique de guerre.
Cependant, malgré les attentats du 11 septembre dernier, les compagnies
d'aviation sont dans une crise généralisée et profonde. Dans ce climat de
morosité aggravé par les erreurs de gestion et de stratégie de l'ancien Conseil
d'administration, l'avenir d'une compagnie nationale paraît bien incertain ; il est
en effet plus que probable qu'elle soit phagocytée rapidement par une plus
grande compagnie.
Il y a donc un risque considérable à soutenir financièrement une compagnie
nationale, risque qui peut être pris par le secteur privé mais qui ne peut en aucun
cas être pris par les collectivités, fussent-elles nationales, cantonales ou
communales. Dans cet esprit, nous apprenons que le Canton de Berne à d'ores et
déjà déclaré qu'il n'avait pas les moyens de participer à cette pernicieuse
aventure.
Sans vouloir refaire tout le débat de la privatisation des services publics et bien
que le Grand Conseil n'ait pas de pouvoir sur une décision du Conseil d'Etat
d'acquérir des actions pour le patrimoine administratif, quelques questions
s'imposent néanmoins de manière aiguë :
1. Combien d'actions Swissair le Canton de Vaud possédait-il et combien
a-t-il perdu dans cette malheureuse affaire ?
–2–
2. Comment le Conseil d'Etat explique-t-il les déclarations de Mme Jacqueline
Maurer, cheffe du DEC ? est-ce là la décision définitive du Conseil d'Etat ?
3.
Le Canton de Vaud, lanterne rouge des cantons en matière financière, a-t-il
les moyens de soutenir une compagnie d'aviation promise à un sombre
avenir ?
4.
En rapport avec tous les efforts demandés à différents niveaux — que ce
soit dans l'administration, aux fonctionnaires et maintenant aux
communes — n'est il pas indécent d'engager financièrement le Canton dans
cette affaire ?
Bière, le 30 octobre 2001.
(Signé) Jean-Marie Surer
M. Jean-Marie Surer : — Les Vaudois sont fâchés. Mardi 23 octobre dernier,
au matin, les Vaudois entendent au Journal de la Radio suisse romande, la
Première, les propos de Mme la conseillère d’Etat Jacqueline Maurer, cheffe du
Département de l’économie, disant que le canton participerait au financement
de la nouvelle compagnie d’aviation nationale pour un montant allant de 10 à 30
millions de francs. Ces propos ont été confirmés le lendemain dans 24 Heures.
C’est un coup de tonnerre dans le ciel vaudois, mesdames et messieurs ! Cette
déclaration fâche les Vaudois. Une vraie colère s’est emparée d’eux ! Pourtant,
il en faut beaucoup pour faire sortir de leurs gonds ces chers Vaudois. Cette
déclaration est la cerise sur le gâteau du chaos politique de fin de législature !
Pensez au budget 2001, difficile à tenir ; pensez aux comptes 2000,
catastrophiques ; pensez aux ponctions que l’on fait sur les communes ; pensez
aux atermoiements sans fin de la discussion sur la Caisse de pensions et de la
loi sur le personnel. Pour les Vaudois, qui attendent simplement un minimum de
cohérence politique de leurs élus, c’est la descente aux enfers ! On a beau leur
expliquer qu’« il est normal que le canton s’engage dans une affaire qui profite
à l’ensemble de l’économie » ou leur dire qu’« un tiers de la clientèle de
Cointrin est vaudoise », nos Vaudois n’en peuvent plus, ils sont perplexes !
Aujourd’hui, j’ai le sentiment de faire vraiment mon travail de député. Par cette
interpellation je viens exprimer le ras-le-bol du bon peuple vaudois. C’est le
peuple qui m’envoie vous dire que la coupe est pleine. Le peuple veut une
explication car il a le sentiment que la Confédération vole au secours de Zurich
et de sa place financière uniquement. Le peuple demande à comprendre.
Lorsqu’il apprend qu’une grève était prévue pour aujourd’hui et est repoussée
maintenant au 15 novembre, alors que la Confédération, dans son
–3–
incommensurable générosité, vient de mettre à disposition plus de 2 milliards de
francs pour la nouvelle compagnie, eh bien, cette grève le scandalise. les
Vaudois se rendent bien compte que ce plan de redressement, financé à fonds
partiellement perdus par les contribuables, risque d’être réduit à néant.
J’ai choisi la forme de l’interpellation car j’estime qu’il doit y avoir un débat au
Grand Conseil, même si la compétence d’engager des fonds dans cette affaire
semble être réservée au Conseil d’Etat, ce qu’il faudra encore prouver,
mesdames et messieurs ! Je crois qu’il ne faut pas court-circuiter le parlement.
Le Conseil d’Etat a grand intérêt à écouter son Grand Conseil avant de se lancer
dans cette périlleuse aventure. J’ai qualifié cette interpellation d’urgente car je
donne un délai d’une semaine au Conseil d’Etat pour y répondre, avant sa
décision définitive.
Mesdames et messieurs, je demande au Conseil d’Etat de bien réfléchir sur un
certain nombre de questions avant d’exécuter ses intentions. Le business plan
de la compagnie est-il vraiment solide ? Quelles en sont les garanties ? La
fusion Swissair-Crossair est un mariage forcé entre patriciens et plébéiens. Ce
mariage est-il vraiment concevable ou réalisable ? L’aéroport de Genève a-t-il
réellement besoin d’aide ? D’après M. Carlo Lamprecht, président du Conseil
d’Etat genevois, il semble que ce ne soit pas le cas. A-t-on des garanties que les
longs courriers partant de Genève seront maintenus ? N’est-il pas plus judicieux
d’investir dans le capital de la future société plutôt qu’à fonds perdus ? Est-ce la
place de l’Etat de prendre un pareil risque financier alors que le canton de Vaud
n’est de loin pas en guerre actuellement ? Et finalement, mesdames et
messieurs, la question la plus importante, la question fondamentale : est-ce
qu’une compagnie aérienne est une mission prioritaire de l’Etat, je vous le
demande un peu ?
Pour ma part, et pour celle du parti libéral vaudois, nous conseillons au Conseil
d’Etat de renoncer, à l’instar du canton de Berne. Mesdames et messieurs, nous
n’avons tout simplement pas les moyens ! Personne ne nous oblige à suivre la
Confédération et certains autres cantons. Faisons le ménage chez nous avant de
le faire ailleurs ! Que la BCV investisse elle-même 10 millions dans une affaire
à risques, c’est son problème ! Mais le canton de Vaud, qui tente de se
restructurer et qui n’est qu’une collectivité, ne doit pas participer à ce risque. Je
crois que les Vaudois estiment, dans leur grande majorité, que définitivement la
croix de Swissair, et maintenant celle de Crossair, est trop lourde à porter. Je
crois que les Vaudois, dans leur immense majorité, ne comprennent plus leurs
élus politiques. Ils ne discernent plus leur ligne politique. Ils auraient besoin de
quelques signes clairs, de quelques symboles pour accepter les difficultés
–4–
actuelles. Mesdames et messieurs, c’est l’occasion de leur donner ces symboles,
c’est l’occasion de rassurer les Vaudois !
Je donne une semaine au Conseil d’Etat pour répondre à mon interpellation. Je
vous remercie du peu d’attention que vous avez donné à mes propos.
La discussion sur le délai est ouverte.
M. Charles Favre, président du Conseil d’Etat : — Nous pourrons vous
donner des informations dans le délai d’une semaine comme souhaité, mais je
pense que nous devrons venir devant vous à plusieurs reprises pour vous donner
les informations concernant ce dossier puisqu’il évolue jour après jour. Ce sera
donc une réponse aux différentes questions posées, mais elle ne pourra être que
partielle. Ensuite, il faudra déterminer la position définitive de l’Etat, selon les
compétences du parlement ou du Conseil d’Etat. Bien entendu, nous suivrons la
procédure ; le Conseil d’Etat peut s’engager devant ce parlement à donner
toutes les informations nécessaires, mais à réitérées reprises sur ce dossier
extrêmement évolutif.
M. Noël Crausaz : — Suite au dépôt de l’interpellation de M. Surer, je vous
signale que j’ai déposé la semaine passée une résolution que tous les députés
ont reçue. Je demande qu’on la traite lors de la réponse à l’interpellation de M.
Surer.
Le président : — Notons cette remarque. Cet objet sera mis à l’ordre du jour en
même temps que la réponse à l’interpellation de M. Surer, dans la mesure où le
délai est voté.
La discussion est close.
Le délai de réponse d’une semaine est accepté à une large majorité.
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