Notions de base en hydraulique

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Notions de base en hydraulique
CHAPITRE
1
Notions de base en hydraulique
1.1 INTRODUCTION
De pair avec l’évolution de l’agriculture, le contrôle de l’eau et les structures qui lui sont associées se développent à un rythme accéléré. La construction de canaux adéquats, le recalibrage
des cours d’eau, la construction de ponceaux ou d’évacuateur de crue ne sont que quelques
exemples rencontrés par l’ingénieur dans l’aménagement des cours d’eau en milieu agricole.
Pour faire face à tous ces aménagements, l’ingénieur ou le technicien doit connaître les lois de
l’hydraulique.
Le présent chapitre présente sommairement les lois et les notions de base d’hydraulique que
l’ingénieur ou le technicien doit connaître.
1.2 COURS D’EAU, CANAL, ÉMISSAIRE
De nombreux termes sont utilisés pour désigner les structures dans lesquelles l’eau s’écoule.
Voici les principales définitions selon le dictionnaire Larousse :
Cours d’eau : Un fleuve, une rivière, un canal.
Canal : Un cours d’eau artificiel creusé par l’homme et utilisé soit pour la navigation
ou le flottage, soit pour l’irrigation ou l’assèchement de certaines régions.
Émissaire : Canal d’évacuation des eaux de drainage.
Rivière : Tout espèce de cours d’eau abondant, et particulièrement celui qui se jette
dans un fleuve.
Ruisseau : Cours d’eau peu considérable.
De toutes ces définitions, nous constatons que le terme ”cours d’eau” est le plus général, alors
que ”canal” et ”émissaire” deviennent de plus en plus spécifiques. Dans ce texte, nous ne
2
NOTIONS DE BASE EN HYDRAULIQUE
ferons pas référence à l’utilisation des structures de transport des eaux. Alors, nous n’utiliserons que les termes ”cours d’eau” et ”canal”.
La figure 1.1 présente le cours d’eau dans son contexte plus large. Le niveau d’eau et l’espace
occupé par le cours d’eau varie en fonction de son débit. Les principaux termes sont:
Lit mineur : lit du cours d’eau en écoulement normal.
Lit majeur : étendue qu’occupe le cours d’eau lors des crues, incluant les zones inondées.
Lit d’étiage ou chenal d’étiage : partie du cours d’eau occupé lors des étiages.
Plaine d’inondation : zone de terrain inondée lorsque le cours d’eau est en crue.
Figure 1.1 Cours d’eau dans son environnement.
1.3 CARACTÉRISTIQUES D’UN COURS D’EAU
Avant de présenter les lois de l’hydraulique, la connaissance des caractéristiques se rapportant
aux canaux et aux cours d’eau s’impose. Voici les principales définitions utiles (Figure 1.2) :
Section (A) : Section normale à la direction de l’écoulement et au travers de laquelle
l’eau s’écoule (L2).
Périmètre mouillé (P) : Longueur de la ligne de contact entre le canal et l’eau dans un
plan normal à la direction de l’écoulement (L).
3
CARACTÉRISTIQUES D’UN COURS D’EAU
T
t
yr
d
1
y
z
b
Figure 1.2 Canal trapézoïdal et définition des termes.
Rayon hydraulique (Rh) : Rapport entre la section d’écoulement (A) et le périmètre
mouillé (P) (L).
Rh = A
P
[1.1]
Profondeur d’écoulement ou hauteur d’eau (y) : Épaisseur d’eau dans le cours d’eau
au--dessus du fond (L).
Pente des talus (z:1) : La pente d’un talus est le déplacement horizontal pour une
élévation unitaire du talus (L/L).
Largeur au fond ou largeur au plafond (b) : Largeur du cours d’eau au bas de la section (L)
Largeur de surface (t) : Largeur de la surface libre de l’eau dans le canal (L).
Largeur du canal ou largeur d’ouverture (T) : Largeur du canal d’une rive à l’autre
(L).
Revanche (yr) : Hauteur libre considérée au--dessus du plan d’eau lors du design ou
différence entre la profondeur du cours d’eau (d) et la profondeur d’écoulement (L).
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NOTIONS DE BASE EN HYDRAULIQUE
Profondeur hydraulique (D) : Rapport entre la section d’écoulement et la largeur de
la surface libre de l’eau (L).
D = At
[1.2]
Facteur d’écoulement critique (Z) : Facteur considéré lors du calcul de l’écoulement
critique(L).
A 3
Z = A D = t
[1.3]
Facteur d’écoulement uniforme (A Rh 2/3) : Facteur considéré lors du calcul de la profondeur d’écoulement (L5/3).
Le tableau A.1 (Appendice A) présente les équations des principales caractéristiques précédemment définies pour les principaux types de canaux. Lorsque nous sommes en présence de
cours d’eau naturels, la géométrie est irrégulière et les méthodes graphiques s’imposent pour
évaluer les différents paramètres.
1.4 TYPES D’ÉCOULEMENT
Les différents types d’écoulement sont classifiés selon les variations du débit ou les variations
des sections dans un cours d’eau.
Écoulement stable
(steady flow) :
L’écoulement est considéré stable lorsque le débit
demeure constant à une section donnée. L’écoulement
tend à être stable dans les rivières sauf pendant les
périodes de ruissellement intense.
Écoulement instable
(unsteady flow) :
L’écoulement est instable lorsque le débit varie à une
section donnée. Ce type d’écoulement se rencontre
dans les canaux de diversion, les canaux de terrasse, les
évacuateurs de crue, etc.
Écoulementuniforme:
L’écoulement est considéré uniforme lorsqu’il est
stable et que sa vitesse d’écoulement est stable d’une
section à l’autre. Le canal ou le cours d’eau doit avoir
une section et une pente constantes.
TYPES D’ÉCOULEMENT
5
Écoulement non
uniforme :
L’écoulement est considéré non uniforme lorsque sa
vitesse moyenne change d’une section à l’autre du cours
d’eau. L’écoulement est non uniforme lorsque la section d’un cours d’eau varie. Il est aussi non uniforme à
l’entrée d’un ponceau, au--dessus d’un barrage. Il existe
deux types d’écoulement non uniforme :
1. l’écoulement graduellement modifié lorsque les
modifications de l’écoulement s’effectuent graduellement (cours d’eau de section non constante);
2. l’écoulement rapidement modifié lorsque les modifications surviennent brusquement (à l’entrée d’un ponceau).
1.5 ÉCOULEMENT ET ÉNERGIE
1.5.1 Loi de la continuité
La première loi qui décrit un écoulement est la loi de la continuité:
Q
V=
A
[1.4]
V = vitesse moyenne de l’eau (L/T)
Q = débit (L3 /T)
A = section d’écoulement (L2)
1.5.2 Loi de conservation de l’énergie
L’énergie par unité de poids en un point peut être décrite en terme de hauteur de colonne d’eau :
E = Énergie potentielle + Énergie de pression + Energie cinétique
2
E = z + y + αV
2g
α = coefficient de répartition des vitesses (1.0 -- 1.3) *
g = constante d’accélération gravitationnelle (L/T2)
*
Égale à l’unité lorsque les pentes sont faibles (cas général).
[1.5]
[1.6]
6
NOTIONS DE BASE EN HYDRAULIQUE
En accord avec la loi de la conservation de l’énergie, l’énergie totale d’un point aval est égale à
l’énergie totale d’un point amont plus les pertes d’énergie par friction que cause l’écoulement
(Figure 1.3) et permet d’écrire la loi de la conservation de l’énergie :
2
z1 + y1 + α1
2
V1
V
= z2 + y2 + α2 2 + hf
2g
2g
[1.7]
hf = perte d’énergie en terme de hauteur de colonne d’eau**
hf
2
V1
2g
2
V2
2g
y1
1
S0
z1
y2
z2
NIVEAU DE RÉFÉRENCE
Figure 1.3 Répartition de l’énergie dans un écoulement à surface libre.
La ligne décrivant l’énergie totale en tout point est la ligne d’énergie (Figure AUCUN LIEN )
et la variation de cette ligne correspond à la perte d’énergie absorbée par l’écoulement. Lorsque les coefficients de répartition de vitesse (α1, α2) égalent l’unité et que les pertes de charge
(hf) sont nulles, nous retrouvons l’équation de Bernouilli.
Dans le cas d’un écoulement uniforme où la section d’écoulement est constante, la ligne
d’énergie, la surface d’écoulement et la ligne de fond du canal sont parallèles. Dans un tel cas,
la pente du canal, le gradient hydraulique (Sw) et le gradient d’énergie sont égaux :
S = Sw =
**
hf
L
Aussi connu sous le nom de ”perte de charge”.
[1.8]
7
TYPES D’ÉCOULEMENT
1.5.3 Énergie spécifique
L’énergie spécifique est définie comme l’énergie par rapport à la ligne de fond du canal ou
cours d’eau. En considérant l’équation [1.7] où z = 0, l’énergie spécifique s’écrit :
2
Es = y + α V
2g
Es = y + α
Q2
2 g A2
[1.9]
[1.10]
L’équation [1.10] montre que pour une section et un débit donnés, l’énergie spécifique est uniquement fonction de la profondeur d’écoulement (la section étant fonction de la forme et de la
profondeur d’écoulement). Lorsque nous traçons la courbe d’énergie spécifique pour un débit
donné et un type de section (Figure 1.4), nous remarquons qu’il existe deux profondeurs
Figure 1.4 Courbes d’énergie spécifique.
d’écoulement pour un même niveau d’énergie, sauf quand le niveau d’énergie est minimum.
Le ressaut (Figure 1.5 ) est le cas le plus familier qui démontre l’existence de deux profondeurs
d’écoulement pour un même niveau d’énergie spécifique.
Lorsque le niveau d’énergie est minimum, nous sommes en présence de la profondeur critique
d’écoulement (yc ). Elle est obtenue lorsque dEs/dy = 0, soit lorsque le nombre de Froude (F)
égale l’unité :
8
NOTIONS DE BASE EN HYDRAULIQUE
Figure 1.5 Le ressaut.
F=
V
α g D
=1
[1.11]
F = nombre de Froude
D = profondeur hydraulique = A/t
Après quelques transformations, nous obtenons :
Z=Q
αg
[1.12]
Z = facteur de profondeur critique d’écoulement = F(yc )
À une profondeur critique d’écoulement correspond une vitesse critique d’écoulement (Vc) et
une pente critique d’écoulement (Sc). La vitesse critique se calcule facilement à l’aide de
l’équation [1.4] lorsque l’on connaît la profondeur critique d’écoulement et la pente critique
s’évalue par l’un des modèles décrivant l’écoulement uniforme (section 1.6).
1.5.4 Régime d’écoulement
La notion de profondeur critique d’écoulement permet de classifier les différents régimes
d’écoulement uniforme (Figure 1.6).
Régime critique d’écoulement : lorsque la profondeur d’écoulement égale la profondeur critique d’écoulement, ou que la pente du canal (ou cours d’eau) égale
la pente critique de l’écoulement.
Régime fluvial (subcritique) : Lorsque la profondeur d’écoulement est plus grande
que la profondeur critique, ou que la pente du cours d’eau est plus faible
que la pente critique de l’écoulement.
9
TYPES D’ÉCOULEMENT
Régime torrentiel (supercritique) : lorsque la profondeur d’écoulement est plus faible que la profondeur critique, ou que la pente du cours d’eau est plus
grande que la pente critique de l’écoulement.
ÉCOULEMENT
FLUVIAL
ÉCOULEMENT
CRITIQUE
ÉCOULEMENT
TORRENTIEL
Figure 1.6 Régimes d’écoulement.
10
NOTIONS DE BASE EN HYDRAULIQUE
1.5.5 Quantité de mouvement
Nous venons de voir que dans tout phénomène hydraulique, l’énergie est conservée et il en est
de même pour la quantité de mouvement en accord avec la seconde loi de Newton. La variation de quantité de mouvement par unité de temps d’une masse d’eau coulant dans un canal est
égale à la résultante des forces extérieures agissant sur cette masse. En appliquant ce principe à
une masse d’eau coulant sur une pente (Figure 1.7) nous obtenons l’équation de base suivante :
Qw
g β 2V 2 − β 1V 1 = P 1 − P 2 + W sin θ − F f
[1.13]
w = poids spécifique de l’eau
ß = coefficient de la quantité de mouvement en fonction de la répartition
des vitesse (1.01 -- 1.12)
P1 et P2 = forces de pression
W = poids de la masse d’eau
Ff = force externe de friction
Figure 1.7 Application du principe de conservation de la quantité de mouvement.
L’utilité de cette équation est de pouvoir évaluer la hauteur en aval de l’écoulement d’un ressaut (Figure 1.5). La difficulté avec l’équation d’énergie [1.7] réside dans le fait qu’il est difficile d’évaluer la perte d’énergie par friction interne alors que l’équation de la quantité de mouvement ne requiert que la connaissance des forces externes.
11
TYPES D’ÉCOULEMENT
1.6 ÉCOULEMENT UNIFORME : LES PRINCIPALES ÉQUATIONS
1.6.1 Chézy
Chézy a été, en 1769, le premier à présenter une formule pour décrire les écoulements à surface
libre et uniforme dans les canaux. Elle est présentée sous la forme :
V = C Rh S
[1.14]
V = vitesse moyenne de l’écoulement (L/T)
Rh = rayon hydraulique (L) )
S = pente hydraulique ou pente du cours d’eau (L/L)
C = coefficient de résistance (L1/2/T)
Elle est considérée comme l’équation générale en hydraulique et peut facilement être démontrée théoriquement. Elle est basée sur les hypothèses que la force de résistance à l’écoulement
est proportionnelle au carré de la vitesse de l’écoulement et que la surface de résistance est
égale au produit du périmètre mouillé et de la longueur du canal.
Les modèles qui ont été développés par la suite, utilisent, en général, l’équation de Chény dans
laquelle ils cherchent à mieux décrire le coefficient ”C”.
1.6.2 Ganguillet et Kutter
En 1869, deux ingénieurs suisses, suite à de nombreux relevés principalement sur de grandes
rivières, décrivent une équation pour décrire le coefficient ”C” de l’équation de Chézy. Elle est
connue sous le nom de formule Kutter :
C=
0,00155
+ 1n
S
0,00155 n
23 + S
Rh
23 +
1+
[1.15]
n = coefficient de rugosité
Elle a été largement utilisée en Allemagne, en Angleterre, aux U.S.A. dans le passé et l’est
encore au Québec aujourd’hui. Elle peut être présentée sous forme d’abaque ou de tables.
1.6.3 Manning
En 1809, un ingénieur irlandais nommé Manning présenta une formule qui, par la suite, a été
réduite à la forme que l’on connaît :
V = 1n Rh 23S 12
[1.16]
12
NOTIONS DE BASE EN HYDRAULIQUE
où le coefficient de Chézy a pour valeur :
C = 1n Rh 16
[1.17]
V = vitesse de l’écoulement (m/s)
Rh = rayon hydraulique (m)
S = pente (m/m)
n = coefficient de rugosité de Manning
Cette formule a été dérivée des formules existantes et vérifiée par 170 relevés qui sont tirés
principalement des expériences de Bazin (Chow, 1959).
En 1936, le comité exécutif de la Third World Power Conference recommande l’utilisation de
la formule de Manning à l’échelle internationale (Chow, 1959). Par la suite, elle est devenue la
plus usitée pour le calcul des écoulements uniformes en canaux ouverts. Les ingénieurs la préfèrent à cause de sa simplicité et de sa facilité d’utilisation.
Plusieurs noms sont associés à la formule de Manning, soit parce qu’ils aient présenté la forme
simplifiée ou qu’ils aient obtenu une formule semblable de façon indépendante. Ces noms
sont G.H.L. Hagen en 1876, Philippe--Gaspard Gauckler en 1868 et Strickler en 1923 (Chow,
1959).
Chow (1959) rapporte que Bankhmeteff et Feodoroff ont comparé la formule de Manning,
Kutter et Bazin en utilisant les équations de distribution de vitesse. Leurs résultats montrent
que la formule de Manning est la meilleure de celles considérées.
À cause de sa simplicité, la formule de Manning peut se transposer en une abaque simple d’utilisation (Appendice C). Pour les sections de géométrie simple, la formule de Manning permet
de calculer directement la profondeur normale d’écoulement (Figure B.1) et la profondeur critique d’écoulement (Figure B.2).
1.6.4 Autres formules
Plusieurs autres formules ont été dérivées mais elles ont connu une utilisation plutôt restreinte,
car elles possédaient souvent une précision moindre que celle de Manning ou Kutter sans être
plus simples. Les plus connues sont celles de Bazin (en 1897), Powell (en 1950).
À cause de la variabilité observée de l’exposant du rayon hydraulique Rh (0,65 à 0,84), certains hydrauliciens ont essayé de décrire cet exposant. Ces formules sont plutôt présentées
comme des cas particuliers. Elles sont rencontrées principalement dans le cas des conduites
fermées comme celles des égouts.
COEFFICIENT DE RUGOSITÉ
13
1.7 COEFFICIENT DE RUGOSITÉ ”n”
1.7.1 Variabilité
L’une des plus grandes difficultés lors de l’utilisation de la formule de Manning ou de Kutter,
est la détermination du coefficient de rugosité ”n”. Pour les deux formules, les coefficients de
rugosité ”n” sont presqu’identiques lorsque les pentes sont supérieures à 0,0001 et que les
rayons hydrauliques sont compris entre 0,3 m et 10 m (1.0 pi -- 30 pi). Les coefficients de rugosité ”n” sont identiques pour les deux formules lorsque le rayon hydraulique égale 1.0 m.
Le coefficient de rugosité ”n” est influencé par plusieurs facteurs dont voici une description
sommaire :
Rugosité du lit et des parois : La granulométrie du lit du cours d’eau ou de son périmètre mouillé influence le coefficient de rugosité. Plus la granulométrie
est grossière, plus la rugosité est élevée.
Irrégularités dans le lit : Les irrégularités dans le fond du cours d’eau telles que les
dépressions, les lames de sable occasionnées par l’envasement, l’ensablement ou de l’appouillement dans le cours d’eau. Le matériel transporté
dans le fond du cours d’eau par l’écoulement contribue à augmenter la
rugosité.
Changement dans la section : Des changements graduels et peu fréquents dans la
section du cours d’eau ont peu d’influence sur la rugosité générale du
cours d’eau. Par contre, des changements fréquents et brusques influent
sur l’écoulement d’une façon équivalente à une augmentation de la rugosité du cours d’eau.
Obstacles : La présence d’obstacles, tels que les grosses pierres, ponceaux, freinent
l’écoulement et amènent une augmentation équivalente de la rugosité.
Végétation : La présence de végétation sur les berges (talus) et dans le fond du cours
d’eau accroît la rugosité. Lorsque cette végétation est plus basse que la
demi hauteur de l’écoulement, les crues couchent la végétation et ramènent
le coefficient de rugosité à un ordre de grandeur de 0,05 à 0,06. Les plantes en période végétative sont plus fortes et résistent mieux à l’écoulement.
En période morte, elles sont moins résistantes; en hiver et au printemps, le
coefficient de rugosité peut être plus faible qu’en été.
Rectitude ou sinuosité du cours d’eau : Les méandres et les courbes augmentent la
résistance à l’écoulement et amènent une augmentation équivalente de la
rugosité. Une courbe raide offre une plus grande résistance à l’écoulement
qu’une courbe longue et régulière. Pour une seule courbe, l’accroissement
équivalent est inférieur à 0,003.
Le coefficient de rugosité ”n” peut être déterminé selon quatre méthodes :
1. la méthode des facteurs;
2. les tableaux des valeurs typiques;
14
NOTIONS DE BASE EN HYDRAULIQUE
3. l’examen des cours d’eau dont le coefficient de rugosité ”n” est connu;
4. l’approche analytique en fonction de la répartition des vitesses.
1.7.2 Méthode des facteurs
Compte tenu de l’influence des différents facteurs, le coefficient de rugosité est évalué en additionnant à la valeur de rugosité du lit, l’influence des autres facteurs, de la façon suivante :
n = n 0 + n 1 + n 2 + n 3 + n 4 n 5
[1.18]
n0 = coefficient dû à la rugosité du lit
n1 = coefficient dû à l’influence des irrégularités
n2 = coefficient dû à l’influence des variations de section
n3 = coefficient dû à l’influence des obstructions
n4 = coefficient dû à l’influence de la présence de végétation
n5 = coefficient dû à la sinuosité du cours d’eau
Cette méthode est utilisable pour les petits et moyens cours d’eau, mais elle est douteuse pour
les grands cours d’eau dont le rayon hydraulique est supérieur à 4.5 m (15 pieds ).
Le tableau D.1 de l’appendice D présente les valeurs des différents coefficients.
1.7.3 Tableaux des valeurs typiques
Les relevés de nombreux cas ont permis de construire des tableaux (tableau D.2) utilisés par les
ingénieurs.
1.7.4 L’examen des cours d’eau et des canaux
Chow (1959) présente les photographies de nombreux cours d’eau, canaux en terre ou bétonnés dont le coefficient de rugosité ”n” a été mesuré. L’observation de ces photographies peut
donner au débutant une bonne idée des coefficients de rugosité.
Les cas présentés correspondent à des coefficients de rugosité variant de 0,012 à 0,125.
1.7.5 Méthode analytique
Des méthodes analytiques ont été développées pour évaluer le coefficient de rugosité à partir
de la distribution de vitesse dans un canal et des aspérités de son périmètre mouillé. Ces
méthodes ne sont pas utilisables lors du design et leur intérêt est beaucoup plus de vérifier la
validité des lois empiriques comme celle de Manning ou les tableaux existants.
15
COEFFICIENT DE RUGOSITÉ
1.7.6 Section complexe d’écoulement
L’évaluation du coefficient de rugosité ”n” et du débit d’un cours d’eau s’écoulant dans une
plaine d’inondation (Figure 1.8) est plus complexe que dans le cas d’un simple canal possédant
une géométrie simple. Dans un tel cas, le cours d’eau présente plusieurs périmètres qui ont des
coefficients de rugosité différents. Il suffit de mentionner que le lit de la rivière est en général
nu et que les berges sont couvertes d’une végétation plus ou moins abondante.
Figure 1.8 Section d’un cours d’eau en période d’inondation.
La méthode la plus simple divise le cours d’eau en sections d’écoulement homogène et le débit
total est égal au débit de chacune des sections (Figure 1.8).
Q = V 1A 1 + V 2A 2 + V 3A 3
A
A
A
23
23
23
Q = n 1 Rh 1 S 12 + n 2 Rh 2 S 12 + n 3 Rh 3 S 12
1
2
3
[1.19]
[1.20]
et le coefficient de rugosité moyen ”n” est :
AiRhi23
n=
An Rhi23
i
i
[1.21]
Chow (1959) présente d’autres méthodes d’évaluation qui sont semblables à celle--ci.
16
NOTIONS DE BASE EN HYDRAULIQUE
1.8 ÉCOULEMENT NON UNIFORME
1.8.1 Écoulement graduellement modifié
Lorsque la section d’écoulement change graduellement à cause de la présence d’un obstacle
comme un barrage, un pilier ou un ponceau, les équations décrivant l’écoulement uniforme ne
s’appliquent pas. L’écoulement est alors graduellement modifié (Figure 1.9) peut être décrit
par l’équation différentielle suivante dérivée de l’équation d’énergie :
dH = dz + cos θ dl + α d V 2
dx
dx
dx
dx 2g
[1.22]
Figure 1.9 Écoulement graduellement modifié.
Cette équation est surtout utile pour calculer la surface libre de l’écoulement qui est appelée
”courbe de remous”. La détermination des courbes de remous est traitée au chapitre 5.
17
CONCLUSION
1.8.2 Écoulement rapidement modifié
L’écoulement rapide modifié se produit en général lorsque l’écoulement passe du régime fluvial au régime torrentiel ou l’inverse. Ce type d’écoulement se rencontre dans les chutes, les
ressauts et les ponceaux. Si l’équation d’énergie décrit l’état final ou initial de cet écoulement,
elle nous permet difficilement d’en prédire les états intermédiaires. En général, ces situations
d’écoulement rapidement modifié sont décrites par des modèles semi--empiriques.
1.9 CONCLUSION
Ce chapitre nous a permis de connaître les principales notions d’hydraulique nécessaires à la
compréhension des phénomènes hydrauliques qui existent dans les cours d’eau. Ces connaissances alliées à celles des procédures de design et de dimensionnement des cours d’eau fourniont l’ossature de base pour entreprendre toute étude ou tout design de cours d’eau.
BIBLIOGRAPHIE
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Department of Agriculture, Soil Conservation Service. SCS--TP--61.
Chow, Ven Te, 1959. Open--Channel Hydraulics. McGraw--Hill, Toronto.
Schwab, G.O., R.K. Frevert, T.W. Edminster et K.K. Barnes, 1966. Soil and Water Conservation Engineering. John Wiley and Sons, New York.
Simon, A.L., 1976. Practical Hydraulics. John Wiley and Sons, Toronto.
18
NOTIONS DE BASE EN HYDRAULIQUE
ANNEXE A GÉOMÉTRIE DES CANAUX
ANNEXE B SOLUTION DE LA FORMULE DE MANNING
ANNEXE B SOLUTION DE LA FORMULE DE MANNING
19
20
NOTIONS DE BASE EN HYDRAULIQUE
ANNEXE C PROFONDEUR NORMALE D’ÉCOULEMENT
1000,00
1
y
z
z = 12
z=6
b
z=4
z=3
z=2
z = 1,5
100,00
Qn
S 12b 83
z=1
10,00
ARh 23
b 83
1,00
0,10
0,01
0,10
1,00
yb
Figure C.1 Courbes de la profondeur normale d’écoulement (Manning).
10,00
21
ANNEXE D COEFFICIENT DE RUGOSITÉ
ANNEXE D COEFFICIENT DE RUGOSITÉ ”n”
Tableau D.1 Coefficient de rugosité ”n”: méthode des coefficients
n = n 0 + n 1 + n 2 + n 3 + n 4n 5
Caractéristiques
Matériel
Irrégularités
Variations de la section
Obstructions
Végétation
Degré de sinuosité
* hauteur d’écoulement
** =
Longueur de méandre
Ligne droite
Valeurs
Terre
Roc
Gravier fin
Gravier grossier
Absentes
Faibles
Modérées
Importantes
n1
Graduelles
Alternance occasionnelle
Alternance fréquente
Négligeables
Faibles
Appréciables
Importantes
n2
n3
y* < 3--4 hauteur de végétation
y < 2 hauteur de végétation
y = 1 hauteur de végétation
y < 1/2 hauteur de végétation
Faible
Modéré
Sévère
n0
1.0 -- 1.2**
1.2 -- 1.5
> 1.5
n4
n5
0.020
0.025
0.024
0.028
0.000
0.005
0.010
0.020
0.000
0.005
0.010--0.015
0.000
0.010--0.015
0.020--0.030
0.040--0.060
0.005--0.010
0.010--0.025
0.025--0.050
0.050--0.100
1.00
1.15
1.30
22
NOTIONS DE BASE EN HYDRAULIQUE
Tableau D.2 Valeurs typiques des coefficients de rugosité ”n” (Chow, 1959)
Type de cours d’eau et description
Minimum Normal
Maximum
0.016
0.018
0.022
0.022
0.018
0.022
0.025
0.027
0.020
0.025
0.030
0.033
A. EXCAVE OU DRAGUE
a. En terre, droit et régulier
1. Propre et récent
2. Propre, après quelques crues
3. En gravier, section uniforme, propre
4. Avec herbes courtes, un peu de mauvaises herbes
b. En terre, sinueux et paresseux
1. Sans végétation
2. Enherbé, quelques mauvaises herbes
3. Mauvaises herbes denses et plantes aquatiques
dans un canal profond
4. Lit pierreux et mauvaises herbes sur les talus
5. Lit caillouteux et talus propres
0.023
0.025
0.030
0.025
0.030
0.035
0.030
0.033
0.040
0.025
0.030
0.035
0.040
0.040
0.050
c. Excavé par une ”Dragline”
1. Sans végétation
2. Quelques broussailles sur les talus
0.025
0.035
0.028
0.050
0.033
0.060
d. Excavé dans le roc
1. Sans aspérité et uniforme
2. Déchiqueté et irrégulier
0.025
0.035
0.035
0.040
0.040
0.050
e. Non entretenu
1. Mauvaises herbes denses, hautes eaux
2. Lit propre, broussailleux sur les talus
3. Idem, avec hautes eaux
4. Broussailles denses, hautes eaux
0.050
0.040
0.045
0.080
0.080
0.050
0.070
0.100
0.120
0.080
0.110
0.140
0.025
0.030
0.030
0.035
0.033
0.040
0.033
0.040
0.045
0.035
0.045
0.050
B. COURS D’EAU NATURELS
B.1 Ayant moins de 30 m de large en période de crue
a. Cours d’eau dans une plaine
1. Propre, droit, sans cuvette, section pleine
2. Idem, mais avec plus de pierres et de mauvaises
herbes
3. Propre sinueux, avec quelques cuvettes et bandes de sable
4. Idem mais avec quelques pierres et mauvaises
herbes
23
ANNEXE D COEFFICIENT DE RUGOSITÉ
Type de cours d’eau et description
5. Idem, basses eaux, sections et pente moins efficaces
6. Idem que (4) mais plus pierreux
7. Paresseux, cuvettes profondes, mauvaises herbes
8. Beaucoup de mauvaises herbes, cuvettes profondes ou section inondée avec une grande partie
occupée par des broussailles ou des débris
Minimum Normal
Maximum
0.040
0.048
0.055
0.045
0.050
0.050
0.070
0.060
0.080
0.075
0.100
0.150
b. Cours d’eau de montagne, sans végétation dans le cours d’eau, berges abruptes,
recouvertes de broussailles et d’arbres et inondées en périodes de hautes eaux
1. Lit: graviers, cailloux et quelques grosses pierres 0.030
0.040
0.050
2. Lit: cailloux et d’énormes pierres
0.040
0.050
0.070
B.2 Cours d’eau en plaine d’inondation
a. Pâturage, sans broussailles
1. Herbe courte
2. Herbe longue
0.025
0.030
0.030
0.035
0.035
0.050
b. Surfaces cultivées
1. Sans culture (sol nu)
2. Culture sarclée mature
3. Culture de plein champ, mature
0.020
0.025
0.030
0.030
0.035
0.040
0.040
0.045
0.050
0.035
0.050
0.070
0.035
0.040
0.045
0.050
0.060
0.070
0.060
0.080
0.110
0.070
0.100
0.160
0.110
0.030
0.050
0.150
0.040
0.060
0.200
0.050
0.080
0.080
0.100
0.120
0.100
0.120
0.160
c. Broussailles
1. Broussailles éparses et grandes mauvaises herbes
2. Un peu de broussailles, arbres, en saison morte
3. Idem, mais en été
4. Broussailles de moyennes à denses, en saison
morte
5. Idem, mais en été
d. Arbres
1. Saules denses, cours d’eau droit, en été
2. Sol déboisé, souches d’arbres sans repousses
3. Idem, mais avec une forte croissance de repousses
4. Grands arbres, quelques arbres renversés, sous-bois clairsemé, niveau de l’eau sous les branches
5. Idem, mais où le niveau d’eau atteint les branches
24
NOTIONS DE BASE EN HYDRAULIQUE
25
ANNEXE D COEFFICIENT DE RUGOSITÉ
PROBLÈMES
SÉRIE 1.
1.1.
Déterminez la section, le périmètre mouillé et le rayon hydraulique d’un canal trapézoïdal possédant une base de 2 m, une profondeur de 1 m, une profondeur d’écoulement
de 1 m et des talus de pente 1:1.
1.2.
Déterminez la vitesse de l’écoulement de l’eau dans le canal de la question précédente.
La pente du cours d’eau est de 0.1% et le coefficient de rugosité est de 0,018
1.3.
Déterminez le débit que peut transporter le canal de la question précédente.
1.4.
Déterminez le débit que peut transporter un canal trapézoïdal possédant une base de 2
m, une profondeur de 1 m et des talus de pente 1,5:1. La pente du cours d’eau est de
0.15% et et le coefficient de rugosité est de 0,022.
1.5.
Déterminez la section, le périmètre mouillé et le rayon hydraulique d’un canal triangulaire possédant une profondeur de 0,5 m, une profondeur d’écoulement de 0,4 m et des
talus de pente 4:1.
1.6.
Déterminez la vitesse de l’écoulement de l’eau dans le canal de la question précédente.
La pente du cours d’eau est de 0.4% et le coefficient de rugosité est de 0,025.
1.7.
Déterminez le débit que peut transporter le canal de la question précédente.
1.8.
Estimez le coefficient de rugosité (Manning) d’un cours d’eau droit, propre et dont le
fond est en limon argileux.
1.9.
Estimez le coefficient de rugosité (Manning) d’un cours d’eau légèrement sinueux dont
le fond est recouvert de cailloux de 10 cm de diamètre.
1.10. Estimez le coefficient de rugosité (Manning) d’un cours d’eau de la question 1.4. si la
section du canal est occupé par des herbes de 90 cm de hauteur.
1.11. Déterminez la vitesse de l’écoulement de l’eau et le débit que peut transporter le canal
de la question précédente.
26
NOTIONS DE BASE EN HYDRAULIQUE
1.12. Déterminez le débit que transporte le cours d’eau suivant coulant dans une plaine
d’inondation.
30 m
1
3m
4
2m
1
4
8m
4m
Type de sol : loam sableux.
Canal principal : en terre, présence de quelques cailloux au fond, pente des talus 1:1
Berges : enherbées, mais l’herbe est fauchée (longueur 10 cm).
Pente du cours d’eau : 0.0001.

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