Mort subite du sportif : au coeur des choses
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Mort subite du sportif : au coeur des choses
36 Magazine Dossier LA VOIX DES SPORTS LUNDI 13 JUILLET 2015 0082. Mort subite du spor au cœur des PAR SANDRINE ARRESTIER Maxime Candau avait 17 ans. Capitaine de l’équipe de France de handball des moins de 18 ans, il est décédé d’un malaise cardiaque, lors d’un tournoi à Vénissieux, le 30 mai 2009. Thierry Rupert, Marc-Vivien Foé, des champions, ont laissé leur peau sur un terrain. D ES tas d’amateurs, coureurs, footeux et autre cyclistes du dimanche aussi. Plus de 1250 morts par an, 24 par semaine, la mort subite du sportif est un drame. Ces accidents cardio-vasculaires pourraient pourtant souvent s’éviter. Certains ont arrêté à temps, carrière brisée mais vie sauve. Dans la région, on pense au footballeur Steve Savidan, à Ludovic Vaty. Depuis la mort de Maxime, son père, Pascal, se bat pour limiter la casse, informer, prévenir autour de règles simples, mobiliser au sein de l’Association 14 (14 comme le numéro de maillot de son fils), soutenue désormais par énormément de champions, de Teddy Riner à Nicolas Batum, et tout le mouvement sportif, CNOSF compris. Partout en France, comme l’autre jour à Dunkerque, avant un match de l’USDK, il multiplie les conférences, les actions. « Les chiffres sont assez choquants, c’est un phénomène de santé publique. Toute la population est concernée par le fait sportif », explique le Biarrot. « Pascal a une “force de frappe’’ impressionnante, souligne François Carré, cardiologue du sport. Voir quelqu’un qui a été touché par un accident dramatique est bien plus efficace que nous médecins, dont on a l’impression qu’on prêche pour notre paroisse. » Pas question de détourner du sport. « On n’est pas là pour créer une phobie de la pratique, bien au contraire. Il faut l’encourager, insiste Pascal Candau. Le sport est indispensable pour rester en bonne santé. Mais il faut être responsable dans sa pratique. Notre slogan c’est “le sport absolument mais pas n’importe comment”. Il y a encore des clubs où le médecin passe avec un carnet de certificats médicaux… » En 2013, Valérie Fourneyron a lancé une réflexion sur ces certificats d’aptitude, trop souvent de complaisance. La ministre envisageait un électrocardiogramme tous les deux ou trois ans. « En Italie où il est obligatoire depuis 1980, il y a 73 % d’accidents en moins que dans le sport fédéral français », assène Pascal Candau, désabusé par la lenteur des pouvoirs publics. « La route fait 3000 morts par an, le sport 2500. Quand on voit la différence des messages de prévention... » Les choses avancent pourtant. Les défibrillateurs sont désormais obligatoires dans les enceintes sportives. « Les gens s’équipent comme ils achèteraient une boîte de pansements dans une pharmacie, regrette toutefois Laurent Muller, patron de Restenvie qui commercialise ce type de matériel. Quand il faut s’en servir, c’est la catastrophe. En France, seuls 10 % des gens sont témoins d’un accident sportif. Dans le monde sportif, c’est un sur deux. » C’est déjà ça. Mais parfois, ça ne fonctionne pas. Juste parce que les piles n’ont pas été changées. ■ LA VOIX DES SPORTS LUNDI 13 JUILLET 2015 Dossier 0082. rtif : choses Magazine 37 LE SPÉCIALISTE Le professeur François Carré est cardiologue à Rennes « Il faut respecter les symptômes ! » C E marathonien, longtemps président et encore membre du club des cardiologues du sport qui a édicté les dix règles d’or, reprises par le ministère des Sports sous la forme des « dix réflexes en or », recommande la pratique du sport, avec des précautions simples. – Qu’appelle-t-on mort subite du sportif ? Et qui cela concerne-t-il ? « C’est un accident qui survient de façon inattendue, c’est-à-dire chez quelqu’un qui n’a a priori pas de problèmes de santé, lors de la pratique sportive ou dans l’heure qui suit. Les études recensent au moins mille décès par an, 1000 à 1200. Et ce ne sont pas tous des champions ou des gens qui font de la compétition. Ce sont essentiellement des hommes, neuf hommes pour une femme, sans qu’on ait réellement d’explication. C’est un peu la même chose dans la population générale mais pas dans une telle proportion. L’âge moyen, c’est 45 à 47 ans, un peu plus jeune que dans la population générale. » – C’est la pratique sportive qui pro- voque l’accident ? « Non la pratique révèle la pathologie, elle ne la crée pas. Quand on va chez un cardiologue, on fait un test d’effort parce qu’il révèle ce qu’on ne voit pas au repos. » – Les dix règles d’or suffisent-elles à faire régresser les décès ? « D’après les calculs, on constate une diminution de 40 %, quasiment 50 ! Les sportifs sont persuadés que parce qu’ils font du sport, ils n’auront pas de problèmes cardiaques. Mais on n’a jamais dit que faire du sport empêchait de mourir. C’est à un point que quand le sportif ressent une douleur dans la poitrine, il pense à autre chose : il va voir le rhumatologue, l’ostéopathe mais pas un cardiologue ! Et ce n’est pas parce qu’on a fait un test d’effort la veille, qu’on ne va pas faire un infarctus… » – Quel est la plus importante des précautions à prendre ? « Respecter les symptômes. Dans les décès par mort subite, on constate que la moitié environ avaient des symptômes, rentraient fatigués de l’entraînement ou ne récupéraient pas comme avant mais continuaient à pratiquer. » – Trouvez-vous que la prise de conscience avance ? « Je ne suis pas sûr. Beaucoup de sportifs ouvrent de grands yeux quand on leur dit qu’on ne fait pas de sport quand on a de la fièvre. Ils pensent qu’une bonne suée la fera partir ! Cette année encore, j’ai lu que quatre ou cinq joueurs de rugby de Toulon, en Top 14, avaient joué sous antibiotiques. Ils n’avaient rien à faire sur un terrain de rugby. Globalement, il faut rassurer les gens. Si je vais au Marathon de Paris, j’ai plus de chances de mourir sur la route qu’en courant. Mais de la même façon, on ne fume pas deux heures avant ni deux heures après du sport. Le cas classique de l’infarctus du myocarde lié au sport, c’est le gars qui a fait un squash le midi, remonte dans sa voiture et allume une cigarette. Or 14 % des sportifs de haut niveau fument, surtout en sports collectifs. S’il vous plaît, ne fumez pas ! »■ S. A.