young tunisian entrepreneurs motivations : a

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young tunisian entrepreneurs motivations : a
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YOUNG TUNISIAN ENTREPRENEURS MOTIVATIONS : A
COMPARATIVE STUDY WITH OTHER COUNTRIES SIMILARS
LES MOTIVATIONS DES JEUNES ENTREPRENEURS TUNISIENS :
ÉTUDE COMPARATIVE AVEC LEURS SIMILAIRES D'AUTRES PAYS
Emna Baccari Jamoussi, Enseignante chercheur, Institut Supérieur de Gestion de
Tunis, [email protected]
ABSTRACT
In spite of the obvious fact of the leading part played by the entrepreneurship consisting in livening up leading the
economic development and in employment creation, few efforts were supplied to consider this fact from the
viewpoint of the young people to enhance the knowledge on the subject. It is important, for the promotion of the
young entrepreneurship, to recognize the various reasons which get the young people to launch a company.
According to Yalcin and Kapu, (2008), the entrepreneurs are motivated by various factors to create their companies.
A review of the literature regarding entrepreneurial motivations, allows reveal, in a kinetic logic of the individual, an
undeniable dichotomy of the motivational factors of the young entrepreneurs, repulsing them on the way of the
entrepreneurship. On the one hand, we find positive factors such as: the will of personal fulfillment, the
identification of a business opportunity, the autonomy quest. On the other hand, we find negative factors raising for
example from the dismissal, the desire to stop being unemployed, dissatisfaction in the work, the lack of career
opportunities, the culture shock.
KEY-WORDS: young entrepreneurship, entrepreneurial motivations, young Tunisian
entrepreneurs.
RÉSUMÉ
Malgré l’évidence du rôle principal joué par l’entrepreneuriat consistant à animer le développement économique et
créer de l’emploi, peu d’efforts ont été fournis pour le considérer du point de vue des jeunes aux fins d’enrichir de
plus en plus les connaissances sur le sujet. Il est important, pour la promotion de l’entrepreneuriat chez les jeunes, de
reconnaître les différentes raisons qui amènent les jeunes à lancer une entreprise.
Selon Yalcin et Kapu, (2008), les entrepreneurs sont motivés par différents facteurs pour créer leurs entreprises. Une
revue de la littérature spécialisée en matière de motivations entrepreneuriales, permet de déceler, dans une logique
cinétique de l’individu, une indéniable dichotomie des facteurs motivationnels des jeunes entrepreneurs, les
refoulant vers la voie de l’entrepreneuriat. D’un coté, on trouve des facteurs positifs tels que : la volonté
d’accomplissement personnel, l’identification d’une opportunité d’affaire intéressante, la quête d’autonomie. D’un
autre coté, ressortent des facteurs négatifs qui relèvent par exemple du licenciement, désir de cesser de chômer,
insatisfaction au travail, manque d’opportunités de carrières, choc culturel.
MOTS CLÉS : entrepreneuriat des jeunes, jeunes tunisiens, motivations entrepreneuriales.
1. INTRODUCTION
Pour un pays, promouvoir l’entrepreneuriat des jeunes génère beaucoup de profit ; Blanchflower et Oswald, 1998 ;
Fowler et Collins, 1991 ; White et Kenyon, 2000 ; OECD, 2001 ; Grierson, 2002 ; et Kapitsa, 2002. Selon ses
auteurs, l’entrepreneuriat a un effet direct sur l’emploi. Il procure aux jeunes un emploi stable, il les incite à trouver
des solutions, des idées, et permet surtout d’éclaircir son propre chemin à parcourir (OECD, 2001 ; White et Kenyon,
2000). De même, pour un jeune le choix d’engagement dans cette voie lui procure un sens à sa vie ainsi qu’un
sentiment d’appartenance à la société en général. Cela influence son image et son identité et encourage les autres à
le percevoir et à le traiter d’une manière égalitaire (Chigunta et al, 2005).
A travers le monde, la création d’entreprise par les jeunes entrepreneurs constitue une force vitale de l’économie. Ce
sujet est en train de connaître une effervescence d’une année à une autre. Durant les trois dernières décennies, il est
vrai qu’en Tunisie, la participation des jeunes à la vie économique, en général, et au niveau de la création
d’entreprise a connu un développement remarquable et rapide. Cependant, le concept même de l’entrepreneuriat des
jeunes est difficile à cerner. Les jeunes entrepreneurs attirent une attention particulière des instances locales et
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nationales. Mais cette réalité socio-économique n’a pas fait l’objet d’une attention suffisante de la part des
chercheurs. Dans le contexte tunisien, les études empiriques menées sur ce sujet sont non satisfaisantes malgré
l’intérêt grandissant du gouvernement. Cependant, il est important, pour la promotion de l’entrepreneuriat chez les
jeunes, de répondre à la question suivante : quelles sont les différentes raisons qui amènent les jeunes tunisiens à
lancer une entreprise ? Une fois on a identifié ses raisons nous allons faire une comparaison avec leurs similaire
d’autre pays.
Les motivations des jeunes entrepreneurs tunisiens sont-elles similaires à celle des jeunes entrepreneurs
d’autres pays ?
2. LES RAISONS SOUS-JACENTES POUR CREER UNE ENTREPRISE
PAR LES JEUNES DANS DIVERS PAYS
Filion, l’Heureux, Kadji-Youaleu et Bellavance (2002), ont mené une recherche sur les intentions de carrière
entrepreneuriale chez les étudiants universitaires, ils ont identifié plusieurs raisons principales qui semblent motiver
les étudiants à vouloir devenir entrepreneurs. Il s’agit de pouvoir mieux se réaliser, mieux contrôler son
environnement de travail, pouvoir se concentrer sur des activités qu’on aime, réaliser quelque chose de nouveau,
relever des défis personnels et maintenir une meilleure stimulation intellectuelle. Ils ont fait ressortir que ce dernier
facteur associé à la carrière d’entrepreneur avec le maintien d’une meilleure stimulation intellectuelle est
relativement nouveau par rapport aux recherches faites précédemment en entrepreneuriat et constitue une des pistes
intéressantes pour des recherches futures. En outre pour Lorrain et Raymond (1990 et 1991), à travers leur étude sur
des entrepreneurs québécois, ils avancent que les deux raisons les plus souvent citées sont le besoin d’autonomie et
le désir d’être leur propre patron. Quand aux résultats de l’Agence de promotion économique du Canada Atlantique
(APECA) elles rejoignent celle de Lorrain et Raymond (1990 et 1991). En effet, 52 % des jeunes ont indiqué « le
fait d’être son propre patron » comme raison principale, suivi de « l’entreprise est une source de revenus » (20 %), «
qu’elle peut accroître ses revenus » (18 %) ou « qu’elle permet la réalisation personnelle » (17 %).
Borges et al (2005) résument les principales raisons comme suit : la principale raison citée par les jeunes
entrepreneurs est : «pour tirer avantage d’une occasion d’affaires » (51 % chez les jeunes (tranche d’âge 18-34 ans),
56% chez les autres entrepreneurs (divers tranche d’âge 18-24, 25-34, 35 et plus). Moins de jeunes créent une
entreprise «parce qu’ils n’avaient pas de meilleures possibilités d’emploi » (7 % contre 11 % des autres
entrepreneurs). Pour les autres raisons les jeunes indiquent majoritairement des motifs pas nécessairement
économiques comme raison pour créer l’entreprise, tels que « avoir une entreprise familiale », «relever un défi »,
«réaliser un objectif personnel », «faire ce qu’on aime ».
Stevenson (1987), a indiqué que les jeunes sont motivés pour entreprendre depuis assez longtemps, souvent dès leur
enfance. Pour lui, la motivation principale des jeunes entrepreneurs est l’indépendance, s’échapper aux ordres des
supérieurs et ensuite le besoin de réalisation personnelle pour gagner de l’argent. Ils pensent qu’ils ne supporteront
pas l’encadrement des autres.
Selon Baccari (2006), à travers son étude exploratoire de six jeunes entrepreneurs tunisiens, les principales raisons
qui ont poussé ces derniers à créer leur entreprise sont : assurer une autonomie et une indépendance tout en étant
son propre patron : « être libre et ne pas avoir des ordres d’un supérieur hiérarchique », avoir des récompenses
financières importantes (l’argent) : « assurer un certain mode de vie plus aisé », bénéficier de l’âge de la jeunesse
tout en canalisant leurs forces physiques et intellectuelles pour contribuer à la participation au développement
économique du pays et de résoudre certains problèmes liés au chômage en créant des emplois.
Dans son étude sur la création d’entreprise par les jeunes entrepreneurs vietnamiens, Lequan (2003), avance quatre
principales raisons pour lancer une entreprise. D’une part, le besoin de « faire quelque chose pour la communauté »,
et l’existence d’un certain goût d’entreprendre. Les jeunes vietnamiens veulent faire selon leurs initiatives, et mettre
en œuvre leurs capacités. D’autre part, pour mieux gérer leur temps, gagner de l’argent et devenir riche.
L’insatisfaction au travail et le chômage viennent en quatrième place.
Selon Gray et al, (1995), les jeunes entrepreneurs citent plusieurs raisons qui les ont amenés à lancer une
entreprise. Ils postulent qu’en Amérique du Nord, en Europe et au Japon les principales raisons sont: être son
propre patron, être plus maître de son travail et de sa vie, trouver une autre possibilité d’avancement à partir
d’un emploi sans avenir, obtenir des fonds additionnels, fournir des produits qui ne sont pas disponibles ailleurs.
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Au Royaume-Uni, selon le rapport de OCDE (2001), les jeunes diplômés sont motivés essentiellement par les
désirs d’indépendance et de souplesse et non pas nécessairement par l’argent (OCDE, 2001).
En France, les sondages réalisés par l’IFOP pour l’APCE sur la création d’entreprise ont mis en avant l’intérêt
grandissant des jeunes pour le thème de la création d’entreprise. Dans le cadre du sondage réalisé en 1999, 61% des
18-24 ans déclaraient être désireux de créer leur entreprise. Les chiffres de 2001, avec 65% des 18-19 ans et 56%
des 20-24 ans déclarent avoir envie de créer leur propre entreprise. L’étude présentée a révélé que les principales
motivations des jeunes de moins de 30 ans pour créer leur entreprise sont essentiellement liées à une volonté de se
réaliser. De même dans ce pays, selon une enquête du SINE (2002) portant sur les créateurs de moins de 30 ans,
issus de l’enseignement secondaire, les sans diplômes sont nombreux à avoir connu avant la création soit l’inactivité
professionnelle, soit un chômage de longue durée (près de la moitié). C’est l’inverse pour les diplômés du technique
qui sont cependant plus souvent des chômeurs de courte durée (28 % contre 19 à 23 % pour les autres) ; le poids du
chômage et de l’inactivité est moins important pour l’ensemble des créateurs, montrant la difficulté d’insertion des
jeunes dans la vie professionnelle et l’opportunité qu’est la création. Ainsi, 84% des interviewés ont créé pour «
faire ce qu’on aime » et « rechercher l’épanouissement personnel ».
Par contraste, les jeunes, dans les pays en voie de développement, se lancent habituellement en affaires par nécessité
économique ou pour survivre, ou faute d’avenues leur permettant de faire une utilisation productive de leur énergie.
Les données provenant de l’enquête en Zambie montrent que la majorité écrasante (92,3 %) des répondants a cité
des problèmes socio-économiques comme raison principale du lancement de l’entreprise (Chigunta, 2001). De ce
nombre, près de la moitié (46,2 %) ont invoqué le manque d’emploi, le tiers (30,8 %), la nécessité de suppléer au
revenu du ménage; 15,4 %, la pauvreté. Seulement 7,7 % des répondants ont indiqué, comme raison principale, le
désir d’accumuler des richesses. Au Malawi par exemple, la majorité des jeunes entrepreneurs ont donné le chômage
et la pauvreté comme raisons principales motivant le lancement de leur entreprise (Kambewa, et al, 2001)
Tableau 1 : Récapitulatif des motivations par pays des jeunes entrepreneurs
Motivations des jeunes
Études par pays
Filion, l’Heureux,
Kadji-Youaleu et
Bellavance (2002)
(Canada)
Lorrain, Raymond
(1990 et 1991) et
l’APECA
(Canada)
Borges, Simard
et Filion (2005)
(Canada)
Stevenson (1987)
(États-Unis)
Positives
Pouvoir mieux se réaliser ;
Mieux contrôler son environnement de travail ;
Pouvoir se concentrer sur des activités qu’on
aime ;
Réaliser quelque chose de nouveau ;
Relever des défis personnels ;
Maintenir une meilleure stimulation
intellectuelle.
Le besoin d’autonomie ;
Le désir d’être leur propre patron ;
L’entreprise est une source de revenus ;
Qu’elle permet la réalisation personnelle.
Tirer avantage d’une occasion d’affaires ;
Avoir une entreprise familiale ;
Relever un défi ;
Réaliser un objectif personnel ;
Faire ce qu’on aime.
Les jeunes sont motivés pour entreprendre dès
leur enfance ;
La motivation principale des jeunes
entrepreneurs est l’indépendance ;
S’échapper aux ordres des supérieurs ;
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Négatives
Pas de motivations
négatives.
Pas de motivations
négatives.
Pas de motivations
négatives.
Pas de motivations
négatives.
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L’APCE (2001) et
SINE (2002)
(France)
Le besoin de réalisation personnelle ;
Gagner de l’argent.
être son propre patron ;
être plus maître de son travail et de sa vie ;
obtenir des fonds additionnels ;
fournir des produits qui ne sont pas disponibles
ailleurs.
Le besoin de faire quelque chose pour la
communauté ;
Existence d’un certain goût d’entreprendre ;
Les jeunes vietnamiens veulent faire selon leurs
initiatives et montrer aussi toutes leurs capacités ;
Mieux gérer leur temps ;
Gagner de l’argent et devenir riche.
Une volonté de réalisation personnelle ;
Rechercher l’épanouissement personnel ;
Faire quelque chose qu’on aime.
Chigunta (2001)
(Pays en voie de
développement)
Nécessité économique ou pour survivre la
nécessité de suppléer au revenu du ménage ;
Le désir d’accumuler des richesses.
Gray et al, (1995)
(Amérique du Nord,
Europe et au Japon)
Lequan (2003)
(Vietnam)
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Pas de motivations
négatives.
L’insatisfaction au travail ;
Le chômage.
L’inactivité
professionnelle,
Un chômage de longue
durée;
Difficulté d’insertion des
jeunes dans la vie
professionnelle
Faute d’avenues leur
permettant de faire une
utilisation productive de leur
énergie.
Des problèmes socioéconomiques
Manque d’emploi (le
chômage)
La pauvreté.
Les études portées sur les motivations des jeunes entrepreneurs tunisiens sont peu ou quasiment absentes. Nous
avons soulevé une seule étude menée dans le cadre d’une enquête nationale par le centre des jeunes dirigeants
tunisiens ainsi que l’étude de Baccari (2006) menée sur un petit échantillon (6 jeunes entrepreneurs). D’après ce
constat ainsi que le dressage de ce tableau récapitulatif ci-dessus nous avons fait ressortir la proposition suivante :
Les motivations à la création d’entreprise par les jeunes entrepreneurs tunisiens sont similaires aux motivations des
jeunes entrepreneurs soulevées dans les autres pays.
3. MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE :
Afin de comprendre quelles sont les motivations qui poussent les jeunes entrepreneurs tunisiens à la création
d’entreprise et étant donné l’aspect exploratoire de notre recherche, nous avons adopté les méthodes qualitatives
comme méthode de recherche. En effet, ses méthodes cherchent à explorer des phénomènes sociaux, à les
représenter et donc à les comprendre dans le contexte. Ainsi, nous avons recueilli les informations grâce à des
entretiens semi-directif. L’échantillon de notre étude se compose de 20 jeunes entrepreneurs dont trois d’entre eux
sont des jeunes femmes. Les données ont fait l’objet d’une analyse de contenu thématique. Nous avons interrogé les
jeunes tunisiens sur l’histoire de leur entreprise et à préciser leur principale motivation pour la création d’entreprise,
les facteurs environnementaux influençant la décision d’entreprendre. Les entretiens durent en moyenne une heure et
demi. Il est à noter que les jeunes interrogés ont un âge moyen de 26,1, ils ont un niveau d’instruction supérieur
(Bac+2, bac +4, et bac +5) et que leur création d’entreprise date de cinq ans et plus déjà. Toutes les créations sont
des créations ex-nihilo.
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Tableau2 : Description de l’échantillon
Effectif total
20
Age moyen de création
26,1
13 en Tunisie (école d’ingénieur, ISG,
Pays de Formations
IHEC…)
1 Canada (école de commerce)
1 USA (école de commerce)
1 Algérie (école d’ingénieur)
3 France (école de commerce)
1 Belgique (école de commerce)
4. RÉSULTAT ET DISCUSSION :
Les motivations des jeunes entrepreneurs tunisiens sont assez similaires à celle des jeunes d’autres pays. Verheul et
al, (2010) suggèrent pour étudier la motivation entrepreneuriale de la considérer comme un ensemble de facteurs
push-pull. En effet, la littérature distingue généralement deux types de motivation, à partir desquelles l’entrepreneur
peut se lancer dans un processus entrepreneurial :
Les motivations positives ou « pull » : selon le rapport de Global Entrepreneurship Monitor
(GEM, 2005), il s’agit de la création par opportunité et par choix (Minniti, Bygrave et Autio, 2005), ce qui
sous entend le besoin de l’autonomie, l’accomplissement personnel, le désir d’organiser soi-même son
travail, l’envie de se lancer et de développer un produit ou un service. De leur côté, Fitzsimmons et Douglas
(2011) ont conclu que l'action entrepreneuriale dépend d'une combinaison de deux facteurs; le désir de
l'entrepreneur et la faisabilité perçue d'une nouvelle idée.
Les motivations négatives ou « push » : Selon le rapport de Global Entrepreneurship Monitor
(GEM, 2005), il s’agit de la création par nécessité, ce qui implique la notion du choix forcé dans des
situations imprévisibles comme le chômage, raisons familiales comme les dettes, licenciement, reprise de
l’activité suite au décès d’un père ou d’un conjoint. (Cornet et Constantindis 2004).
Pour les motivations « pull », les jeunes entrepreneurs tunisiens sont motivés en premier par un besoin
d’indépendance, d’autonomie et de liberté en créant leurs propres emplois. En effet, au niveau de nos 20 cas, ce
besoin a été évoqué à l’unanimité. Les études de Collins, Moore et Unwall montrent que l’entrepreneur ressent le
besoin d’être son propre patron et qu’il a de la difficulté à se soumettre à une autorité : « the entrepreneurial
personality in short, is characterized by an unwillingness to submit the authority, an inability to work with it, and a
consequent need to escape from it.» Selon Sweeney (1982), le besoin pressant d’indépendance demeure une variable
majeure lors de la création d’une entreprise :
« Il y en a qui se mettent à leur compte : ceux qui ont la disposition qui leur permet d’agir, ou dont certains traits de
leur personnalité font de leur indépendance la chose la plus désirable au monde. Cette différence entre la
psychologie de l’entrepreneur et celle du non entrepreneur s’explique de plusieurs manières…la recherche
d’indépendance est probablement le facteur principal. » (Sweeney, 1982, p71)
Toutefois, ce besoin d’indépendance peut aussi avoir comme origine une motivation push antérieure. Nous faisons
référence aux expériences professionnelles passées du jeune entrepreneur. En effet, le manque de liberté, la
monotonie des tâches exécutées, l’autorité d’un supérieur favorise l’apparition du besoin d’indépendance et la
recherche de liberté.
Ensuite, les jeunes tunisiens sont aussi guidés par le besoin d’accomplissement et de satisfaire le besoin de
réalisation personnelle. Dans ses travaux, Mc Clelland (1961) apporte une contribution significative avec ses
recherches sur le besoin d’accomplissement comme mesure de différentiation des entrepreneurs qui sont caractérisés
par un besoin d’accomplissement élevé. Selon ses recherches, cette motivation d’accomplissement influence
fortement la décision de devenir entrepreneur et pousse l’individu à être responsable de la solution de ses problèmes
et en conséquence à se fixer lui-même les objectifs aptes à l’épanouir. Dans ce même sens Goksel et Aydintan (2011)
ont mis en évidence une corrélation entre la propension entrepreneuriale d’une part et la personnalité proactive, le
locus interne de contrôle et le besoin d'accomplissement d’autre part. Plusieurs chercheurs dont Hornay et Aboud
(1986) aboutissent à des résultats similaires.
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Par contre, Hull, Bosley et Udell (1980) démontrent que le besoin d’accomplissement n’est pas une exclusivité
entrepreneur mais des personnes occupant d’autres fonctions peuvent aussi posséder ce besoin. Carsrud et
Brännback, (2011) stipulent que l'entrepreneur est principalement attiré par le désir et la recherche d’un gain
économique. Le facteur financier joue aussi une très grande importance pour les jeunes entrepreneurs tunisiens. En
effet, la majorité des interviewés sont à la recherche d’un revenu plus important que celui atteint si l’individu reste
salarié d’une entreprise mais aussi par la considération obtenue auprès de sa famille, de ses amis et de la
communauté environnante (Verstraete et Saporta, 2006). Sur nos 20 cas, 18 jeunes entrepreneurs déclarent comme
motivation la recherche d’un gain financier meilleur pour assurer un bon avenir familial. En outre, nous retrouvons
le besoin de « faire quelque chose pour la communauté ». Six jeunes entrepreneurs tunisiens veulent contribuer au
développement du pays. Ceci correspond au résultat obtenu au Vietnam par Lequan (2003). Nous avons aussi
soulevé comme motivation pour deux cas l’attitude envers la prise du risque. C’est la variable qui a fait couler
beaucoup d’encre. Depuis le 19éme siècle, cette variable a suscité l’intérêt de beaucoup de chercheurs. Say, LeroyBeaulieu et Trade s’entendent pour affirmer que l’entrepreneur assume les risques liés à toutes ses fonctions :
inventeur occasionnel, capitaliste et innovateur. De son côté, Schumpeter considère l’entrepreneur comme un
créateur de risques plutôt qu’un preneur de risques : « if he (the entrepreneur) contributes the means of production
belonging to his business, the risks falls on him as capitalist or as possessor of goods, not as entrepreneur ».
Enfin, il y a la création par défi personnel. Ceci est spécifique à deux cas de notre recherche. Il s’agit du sexe
féminin. Elles voulaient se prouver, se réaliser et mettre fin à leurs réticences ressenties. Selon Gasse (1983), les
entrepreneurs croient fermement en leurs capacités et leurs habilités à réaliser leurs objectifs, à relever des défis, à
contourner les obstacles : « pour l’entrepreneur typique, les événements de la vie quotidienne sont en grande partie
déterminés par l’action des individus eux-mêmes ». Sweeney (1982) affirme que « le créateur d’une entreprise est
quelqu’un qui est persuadé qu’il peut non seulement influencer le cours des événements mais les maîtriser… ». Pour
les facteurs négatifs, il s’agit de l’insatisfaction au travail (cas 3, cas 7, cas 9, cas 13, cas 14, cas 15, cas 16, cas 17)
ressentie. Celle-ci est causée d’une part par une incompréhension entre employeur et employé. Selon Besseyre des
Horts et Nguyen (2010), l’insatisfaction au travail constitue le facteur principal de l’intention de départ pour créer
une entreprise. Cette insatisfaction peut encourager l’individu vers un changement de poste. D’autre part, par le
sentiment d’ennui vu l’absence de perspectives et d’ambitions dans le travail occupé.
Le chômage d’une manière générale ou suite à un licenciement (cas 1, cas 8, cas 10, cas 11, cas 12, cas 19, cas 10,
cas 19) est un fardeau qui pèse trop lourd pour les jeunes entrepreneurs tunisiens (surtout pour les diplômés). Ceci
constitue une source d’orientation à la création d’entreprise. En effet, cette conséquence fait que le jeune commence
à réfléchir de se mettre à son compte pour ne pas être menacer et maîtriser seul son propre destin. Opter pour
l’entrepreneuriat comme un antidote à un tel phénomène se propage de plus en plus en Tunisie. Dès lors, une telle
perturbation dans la vie du jeune entrepreneur constitue un facteur catalyseur qui alimente la source des motivations
entrepreneuriales et l’accroissement de l’intensité de celles-ci. En plus de ses deux facteurs négatifs, nous avons
soulevé une autre motivation qui ressortait de nos entretiens et que nous n’avons pas relevée dans la littérature. Il
s’agit du choc culturel (Cas 2). Cette motivation a été aussi évoquée spécialement et indirectement par d’autre cas
qui ont fait leur formation à l’étranger (cas 3, cas 6, cas 7, cas 16…) et sont retournés vivre définitivement en
Tunisie. Certains affirmaient que se mettre à leur propre compte était la meilleure solution pour avoir le rythme
recherché ainsi que les habitudes de comportement vécues avec les étrangers. Nous pensons que la notion du
changement favorise la naissance de cette dernière. C’est très normal quand on change d’environnement avec plus
de progrès techniques, des expériences antérieures constructives à l’étranger, et une culture différente qu’on sent ce
choc. Dans les études passées, le choc culturel n’était pas identifié. Peut être une question d’époque des recherches,
ou la libre circulation des étudiants entre pays s’est largement développée au cours des dernières années. Donc les
jeunes entrepreneurs d’aujourd’hui qui étaient étudiant, ont pu être confrontés à divers modèles et pratiques
entrepreneuriales en fonction des pays où ils ont séjourné. Par conséquent, il y a de fortes chances que le choc
culturel devienne une variable plus influente sur la création d’entreprise dans les années à venir.
5. Conclusion
En guise de conclusion, nous avons dévoilé plusieurs raisons qui peuvent inciter les jeunes entrepreneurs
tunisiens à choisir la voie de l’entrepreneuriat. Il s’agit dans un premier temps des facteurs positifs tels : un besoin
d’indépendance, de liberté, la volonté d’accomplissement personnel, la recherche d’un gain financier meilleur, être
actif au sein de la communauté tunisienne, la prise de risques, et le défi personnel. Dans un deuxième temps, nous
avons soulevé des facteurs négatifs qui relèvent du désir de cesser de chômer, de l’insatisfaction au travail ; et du
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choc culturel ressenti par les jeunes ayant fait leurs parcours universitaires à l’étranger. L’émergence des
motivations entrepreneuriales des jeunes entrepreneurs est donc une résultante de la confrontation de ses deux
facteurs. Ces résultats sur les motivations des jeunes tunisiens ont fait l’objet d’une comparaison avec la littérature
dans d’autres pays. Globalement, ceux-ci ont révélé que les motivations des jeunes entrepreneurs présentent une très
grande similitude. Toutefois, il existe une différence au niveau des facteurs négatifs.
En effet, au Canada, États-Unis, Japon et l’Amérique du Nord il y a une absence totale de facteurs négatifs pour les
jeunes entrepreneurs. Tandis que ces derniers apparaissent dans les autres pays comme la France, le Vietnam, et les
autres pays en voie de développement. Les jeunes tunisiens mentionnent en plus comme facteur négatif le choc
culturel. Ce dernier, demeure une motivation négative non encore identifiée dans les études passées. Ceci peut être
expliqué par le contexte environnemental économique, social et culturel spécifique à chaque pays (Barry, Friedman
et Aziz, 2012). On peut raisonnablement penser que le choc culturel touche les entrepreneurs issus d’économie
émergentes et ayant effectue leurs études à l’étranger.
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