les gueules casses et la naissance de la chirurgie maxillo faciale

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les gueules casses et la naissance de la chirurgie maxillo faciale
Association des Amis du Patrimoine Médical
de Marseille (A.A.P.M.M.)
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Les "gueules cassées"
et la naissance de la chirurgie maxillo-faciale
par le Professeur Jean-Louis Blanc
La guerre de 14-18 marque une rupture par rapport aux conflits précédents par
l’utilisation massive des moyens de destruction (artillerie, mitrailleuses, gaz, lanceflammes) provoquant des types nouveaux de blessure. Le service de santé des armées
va devoir s’adapter, ainsi que les chirurgiens qui imagineront et développeront des
techniques de chirurgie réparatrice. Du fait de la fréquence des blessures à la face, ce
conflit sera à l’origine du renouveau de la chirurgie maxillo-faciale.
Au début du conflit l’armée française bat en retraite. Ce recul sera heureusement
stoppé à la bataille de la Marne. Il existe alors un nombre considérable de blessés qui
sont évacués tant bien que mal. La stratégie du service de santé des armées, déterminée selon l’exemple
de la guerre de 1870, consistait à transférer les blessés le plus rapidement possible de la zone des armées
(zone de l’avant), vers la zone de l’intérieur où ils devaient être traités dans les centres hospitaliers
répartis dans les diverses régions militaires. Le temps relativement long de ces évacuations est à l’origine
de la fréquence des gangrènes gazeuses dont le pronostic était effroyable.
Cette stratégie d’évacuation n’était pas adaptée, et dût être rapidement modifiée par le renforcement des
moyens de traitement et d’évacuation dans la zone même des armées. On alors utilisé des auto
chirurgicales, situées en retrait de la ligne de front, permettant un premier traitement dans de bonnes
conditions.
Très vite, on constate un grand nombre de blessés au visage du fait de la guerre de tranchées où la face est
particulièrement exposée. On estime à 15 % de toutes les blessures celles qui ont atteint la face. La
blessure pouvant être due :
o à un projectile unique (balle de mitrailleuse) et dans ce cas provoquer des fractures comminutives,
complexes, des mâchoires ;
o à un éclat d’obus et dans ce cas comporter des pertes de substance des divers tissus (peau,
muscles, muqueuse, os) en face desquelles les chirurgiens étaient au début totalement démunis.
En 1914, on dénombre 75 % de blessures par obus pour 25 % de blessures par balles. Il apparait alors
indispensable de traiter ces blessés dans des centres spécialisés.
Le premier de ces centres sera situé dans l’hôpital militaire du Val de Grâce à Paris, puis à Lyon et
Bordeaux, où les services spécialisés seront créés autour des écoles militaires de santé.
A Marseille, le centre ouvrira à l’Hôtel Dieu, en 1915 et sa direction sera confiée au Professeur Léon
Imbert et à un stomatologiste militaire le docteur P. Réal.
Les "gueules cassées" et la naissance de la chirurgie maxillo-faciale, par le Professeur Jean-Louis Blanc
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Photo de l’ensemble du personnel du service spécialisé de l’Hôtel-Dieu de Marseille
La complexité de ces blessures va conduire les chirurgiens à inventer des procédés d’immobilisation des
maxillaires et à développer des techniques de chirurgie réparatrice pour remplacer l’os (greffes) et les
tissus mous (plasties locales, lambeaux). Dans nombre de cas, la chirurgie sera insuffisante et il faudra se
résoudre à utiliser des prothèses pour masquer les pertes de substance. On retrouve là des chirurgiens qui
viennent d’horizons différents : généralistes, ORL, stomatologistes, ophtalmologistes. Ils seront
grandement aidés par les chirurgiens-dentistes et les mécaniciens dentistes (prothésistes dentaires).
Après la guerre, les blessés du visage s’organiseront en association des blessés de la face qui deviendra
vite l’Association des gueules cassées. Son but était d’aider les mutilés du visage, en permettant la
reconnaissance et l’indemnisation de leur préjudice. Elle sera financée par une participation aux bénéfices
de la Loterie Nationale. Cette association existe encore aujourd’hui et participe au financement de la
recherche en chirurgie réparatrice de la face.
Quant aux chirurgiens, de retour dans la vie civile avec une expérience considérable, ils vont faire des
carrières brillantes et pour certains devenir les chefs de file de prestigieuses écoles (Ginestet, Blair,
Kazandjian, Gillies ).
Parmi les Marseillais qui se sont consacrés plus spécialement au traitement des blessés de la face, on
trouve, outre le Professeur Léon Imbert, qui deviendra en 1930 le premier doyen de la Faculté de
Médecine de Marseille, d’autres célèbres praticiens :
o le Professeur Géo Beltrami, stomatologiste, qui collaborera à
Lyon avec Albéric Pont et créera en 1922 la première école
dentaire à Marseille. L’association des gueules cassées offrira à
Geo Beltrami la médaille ci-contre.
o Gaston Lachard qui fera toute la guerre dans le service de
l’Hôtel-Dieu comme prothésiste dentaire et deviendra ensuite
chirurgien-dentiste. Son fils Jean Lachard sera un des grands
patrons de la chirurgie maxillo-faciale.
o Le Professeur Maurice Brémond, interne des hôpitaux de Paris,
ORL, travaillera à Vichy qui était alors un très grand centre
pour le traitement des blessés de la face et son fils, Georges
Brémond sera ensuite une des grandes figures de l’école ORL
marseillaise
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o et enfin le docteur Maurice Achard, qui a occupé pendant la guerre, le poste de médecin chef
adjoint du centre maxillo-facial de Toulouse.
Les souffrances endurées par ces blessés de la face n’auront pas été vaines : elles ont été à l’origine de
grands progrès chirurgicaux tout au long du siècle. Le dernier en date est représenté par la première greffe
partielle de visage qui est une réponse au problème extrêmement difficile de la réparation des vastes
pertes de substance de la face.
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