La culture enseigne comment être malade

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La culture enseigne comment être malade
12
1907 – 2007
100 ans de la Maternité
l Pulsations l Octobre 2007 l Hôpitaux universitaires de Genève
TÊTE-À-TÊTE
MÉDIMENTO
A découvrir
« La culture enseigne
comment être malade »
Patricia Hudelson évoque les contributions de l’anthropologie médicale à une prise en soins centrée sur le patient.
A lire
Destinée aux jeunes filles
de 12 à 17 ans, Hé les
miss ! est une brochure
de l’Aide Suisse contre le
Sida et de l’Office fédéral de la santé publique.
Parmi les sujets traités,
citons la puberté et ses
transformations physiques, le premier rapport
sexuel, la contraception,
la protection contre le
VIH/sida ainsi que l’estime de soi, la violence,
les drogues.
La brochure peut être
commandée gratuitement
au 044 447 11 13 ou
www.shop.aids.ch.
A déguster
La culture est un concept
clé de l’anthropologie.
Rappelez-nous sa signification.
Elle désigne ce que les
gens doivent apprendre,
par opposition à l’héritage
biologique. Elle se compose
des connaissances, des valeurs, des croyances et des
règles de vie qui sont communes à des individus et
leur permettent de vivre et
de travailler ensemble en
communiquant de manière
efficace.
La culture n’est pas synonyme d’ethnicité. Si cette
dernière est une source de
savoir et d’expériences
communes, d’autres facteurs comme l’âge, le sexe,
la trajectoire migratoire,
l’éducation, la profession
représentent des sources
de variabilité culturelle à
l’intérieur d’une même nationalité ou ethnie.
Imaginer les sociétés comme des mosaïques formées
de nombreuses cultures entremêlées et en perpétuelle
évolution est utile aux médecins pour éviter les stéréotypes et favoriser la recherche des caractéristiques culturelles pertinentes
pour chaque patient.
ge. La culture enseigne comment être malade.
La consultation médicale est presque un choc
entre deux cultures…
Quiconque est impliqué
dans les soins cherche à
donner sens à ce qui se passe en faisant appel à son
propre savoir et à ses expériences personnelles. Les
médecins recourent à leur
schéma biomédical pour
décider des informations à
prendre en compte, formuler des hypothèses et choisir
un traitement. Les patients
et leurs proches ont leurs
propres modèles explicatifs
de la maladie. Comme ces
derniers sont le reflet de bagages culturels différents,
les réalités cliniques qu’ils
engendrent sont aussi très
hétérogènes. La non-prise
en compte de cette diversité risque d’engendrer des
malentendus et d’avoir des
conséquences telles qu’un
faux diagnostic, une prise
en charge inadéquate ou
encore une non-adhésion au
traitement.
Quelle est l’influence de
la culture sur la maladie?
Elle influe sur tous les aspects de l’expérience personnelle de la maladie : la
perception des symptômes
et la façon d’y réagir, la manière de nommer, décrire
et gérer les changements
physiques, le moment où
l’aide médicale doit être
sollicitée, la personne à
laquelle on a recours, les
attentes de la prise en char-
Les médecins doivent-ils
avoir des connaissances
sur toutes les cultures?
Il est inutile et de toute façon impossible d’apprendre
tous les aspects de toutes
les cultures que l’on est amené à rencontrer dans la pra-
« Il existe autant de manières de définir la maladie et d’y apporter une
réponse qu’il y a de cultures », souligne Patricia Hudelson.
tique médicale. En revanche, il est possible d’acquérir une « compétence transculturelle clinique ». Cette
dernière se traduit par une
sensibilisation aux problèmes susceptibles de survenir au cours des rencontres
médicales interculturelles
et la capacité d’apprendre
à les identifier et à les gérer.
Quel est le rôle d’un
anthropologue médical
à l’hôpital?
Il mène des recherches sur
le rôle de la culture dans les
soins et participe à des formations médicales pré- et
post-graduées, par exemple
sur les aspects culturels de
la maladie et sur les techniques d’entretien culturellement adéquates. Il est
aussi parfois sollicité comme consultant clinique en
cas de problèmes liés à la
communication interculturelle (lire article ci-dessous).
Propos recueillis par
Paola Mori
FICHE PRATIQUE
Mieux comprendre les malades d’ailleurs
Une équipe multidisciplinaire propose des consultations transculturelles pour
optimaliser la communication entre patients et soignants.
anthropologue, ont mené
des entretiens auprès des
collaborateurs. En cours
d’analyse, les résultats devraient apporter des pistes
pour améliorer la communication patients-soignants.
Elargir le regard
J. Gregorio
Une cuisine saine et légère, c’est la promesse du
livre de recettes Tendance fruits et légumes,
publié par la campagne
5 par jour de la Ligue
suisse contre le cancer,
Promotion Santé Suisse
et l’Office fédéral de la
santé publique. Un ouvrage rédigé par des jeunes
et pour des jeunes puisque les recettes ont été
élaborées par les élèves
d’une école de diététique. A commander sur
www.5parjour.ch au prix
de CHF 20.– (plus les
frais d’envoi).
J. Gregorio
Susana a été brûlée lors
d’un accident de voiture,
Sébastien aussi alors qu’il
réparait au chalumeau le
réservoir de son camion.
En un éclair, leur vie a
basculé. Le livre Brûlures
profondes, aux éditions
Favre, relate les épreuves
qu’ils ont traversées et
le travail inlassable des
soignants du centre des
grands brûlés du CHUV
qui les ont accompagnés.
Ce récit fort et émouvant
est signé par Marie-José
Auderset, journaliste.
Une personne séropositive d’origine burundaise
accepte de commencer un
traitement antirétroviral,
mais manque ses rendezvous à plusieurs reprises.
Un Kosovar insiste sur l’origine physique de ses douleurs et demande des examens successifs. La famille
d’un patient chinois ne veut
pas qu’il soit informé de son
diagnostic.
Autant de situations, autant de défis à relever par
les médecins quotidiennement confrontés aux besoins
et aux attentes de malades
d’origines sociales et culturelles diverses.
Patricia Hudelson, anthropologue médicale aux HUG,
nous explique comment sa
discipline peut aider les
soignants à comprendre
l’impact des facteurs socioculturels sur les comportements liés à la santé. Une
compréhension indispensable pour fournir des soins
de qualité centrés sur le
patient.
Une recherche évaluera l’impact de la consultation transculturelle.
Aux HUG, où plus de la
moitié des malades et du
personnel est d’origine
étrangère, les soignants se
sentent souvent démunis
face à des patients dont les
croyances, les représentations et les pratiques de
santé varient beaucoup des
leurs. « Si ces différences ne
sont pas prises en compte,
elles peuvent conduire à des
malentendus, à des évalua-
tions incomplètes, voire à
des diagnostics erronés ou
à un manque d’adhésion du
patient à son traitement »,
souligne le Dr Melissa Dominicé Dao, cheffe de clinique au département de
médecine communautaire
et de premier recours.
Pour identifier les difficultés et les besoins des
cliniciens, le Dr Dominicé
Dao et Patricia Hudelson,
Parallèlement, une consultation transculturelle(1) menée par les deux jeunes
femmes et à laquelle participe aussi Elsa Brinkley, infirmière, a été mise sur pied
à l’intention du personnel
médical rencontrant des
difficultés avec un malade.
Parfois, un simple coup de
fil suffit pour régler le problème. Si tel n’est pas le cas,
une consultation transculturelle est organisée réunissant le malade, un membre
de la consultation et un informateur culturel connaissant bien l’ethnie du patient.
« Lors de l’entretien, ce der-
nier est invité à raconter son
histoire de maladie, de migration, ses sources de stress
et comment il serait soigné
dans son pays. Les informateurs culturels aident à poser les bonnes questions afin
de dénouer la situation», explique le Dr Dominicé Dao.
Dans un premier temps,
des recommandations spécifiques sont faites au clinicien demandeur, puis la
situation est discutée lors
d’une réunion hebdomadaire comprenant, outre
l’équipe de la consultation,
plusieurs médecins de premier recours et psychiatres
formés dans les soins aux
populations migrantes ainsi
que deux infirmiers spécialisés en soins pédiatriques
interculturels. Un rapport
détaillé est ensuite remis.
P.M.
(1)
Tél. 022 372 96 69.
Le journal des HUG
Hôpitaux universitaires
de Genève
Service de la communication
Rue Micheli-du-Crest 24
CH-1211 Genève 14
Tél. +41 (0)22 305 40 15
Fax +41 (0)22 305 56 10
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Editeur responsable
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