Article en pdf - Reflexions

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Reflexions, le site de vulgarisation de l'Université de Liège
Un vaccin contre la mononucléose infectieuse
14/01/08
Une étape supplémentaire vient d'être franchie dans la mise au point d'un vaccin contre la mononucléose
infectieuse. Les tests cliniques effectués par le Professeur Michel Moutschen et son équipe se sont
en effet révélés très prometteurs. Jusqu'ici aucun traitement spécifique n'existe contre cette maladie
infectieuse. Le candidat vaccin est donc une nouvelle piste pour combattre directement le virus d'Epstein
Barr, un agent infectieux présent chez plus de 90% de la population et fortement lié au développement de
certains cancers.
Les chercheurs pourraient avoir trouvé un moyen de venir à bout de la mononucléose infectieuse ! Les
résultats de leurs essais cliniques d'un vaccin sont en effet très prometteurs. Le fruit de ces recherches
a déjà débouché sur une première publication dans la revue Vaccine (juin 2007) [1] alors qu'une seconde
est encore sous presse. L'objectif de ce vaccin est double : éviter à certains patients toute infection (les
spécialistes parlent d'immunité stérilisante), mais aussi réduire chez d'autres les symptômes liés à la
maladie. Il y a dix ans, Henogen, une spin-off de l'ULB, contactait le CHU de Liège pour évaluer l'efficacité
d'un candidat vaccin contre cette maladie. Le produit avait déjà fait ses preuves en laboratoire. Il restait
donc à vérifier ses propriétés chez l'homme.
«Le vaccin contre la mononucléose ne donne pas une immunité absolue chez tous les individus»,
explique le Professeur Michel Moutschen du service de Médecine Interne du CHU de Liège, à la tête de
l'expérimentation humaine du vaccin. «Mais on a observé que l'infection était moins fréquente chez les
personnes vaccinées et que les symptômes de mononucléose infectieuse sont plus légers, voire totalement
absents, chez ceux qui sont quand même infectés». Un avantage non négligeable puisque dans 15 à 20%
des cas, la maladie s'accompagne de désagréments assez lourds.
Pour le Professeur Moutschen et son équipe le réel défi était de trouver les candidats adéquats pour les
tests cliniques. «Le virus d'Epstein Barr (EBV) qui est responsable de l'infection, est présent chez plus
de 90% de la population adulte, poursuit Michel Moutschen, nous avons examiné plusieurs centaines
d'étudiants volontaires pour finalement en identifier 80 qui n'étaient pas porteurs de l'EBV».
Les observations effectuées jusqu'à présent s'étalent sur 5 ans. Les chercheurs ont étudié les effets du
vaccin en comparant deux groupes de sujets. Les uns se sont vu administrer le produit à tester tandis que
les autres ont reçu un placebo.
[1] Moutschen M, Leonard P, Sokal EM et al., Phase I/II studies to evaluate safety and immunogenicity of a
recombinant gp350 Epstein-Barr virus vaccine in healthy adults, Vaccine, 2007 Jun 11;25(24):4697-705.
Une maladie bénigne mais pas sans désagréments
La mononucléose infectieuse est une maladie bénigne. Dans la plupart des cas elle passe même
complètement inaperçue. Pourquoi les scientifiques s'acharnent-ils dès lors à développer un vaccin la
concernant alors qu'elle évolue spontanément vers la guérison ? Cette infection, malgré son doux surnom
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de «maladie du baiser», peut provoquer des symptômes des plus invalidants : grosse fatigue, fièvre, maux
de gorge, malaises, douleurs musculaires, maux de tête… Et ce pendant plusieurs semaines.
Autre intérêt du vaccin : le virus d'Epstein Barr (virus de la famille des herpès) est directement impliqué
dans le développement de certaines tumeurs (dont la maladie de Hodgkin, le lymphome de Burkitt et le
cancer du nasopharynx). Le surnom de «maladie du baiser» est né du principal mode de transmission du
virus : la salive. Les aérosols, fines gouttelettes en suspension dans l'air, et plus rarement des transfusions
sanguines ou des greffes peuvent également être à l'origine d'une contamination. L'EBV va se loger dans
la partie supérieure du pharynx où il s'attaque aux cellules de l'épithélium puis aux lymphocytes B, des
globules blancs chargés notamment de produire des anticorps. La période d'incubation dure de 4 à 6
semaines (période comprise entre la contamination et l'apparition des éventuels symptômes).
Ensuite le virus poursuit son développement dans le sang et dans d'autres tissus. Une personne atteinte est
particulièrement contagieuse en pleine infection mais le reste de façon intermittente même en phase latente.
«La contagiosité de la mononucléose est comparable à celle d'un rhume, elle est donc très grande, bien
plus élevée que dans le cas de maladies sexuellement transmissibles», affirme Michel Moutschen.
Dans 70% des cas, la maladie survient chez les jeunes avec un pic à l'âge de 14-16 ans pour les filles et de
16-18 ans pour les garçons. Il n'est d'ailleurs pas rare d'observer de petites épidémies chez les adolescents.
Ces dernières années, la maladie a tendance à apparaître plus tard. Sans doute une conséquence de
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l'amélioration des conditions d'hygiène. Il est encore un peu tôt pour le dire mais certains médecins
craignent qu'avec une apparition plus tardive de la maladie, le risque de complications augmente. Cela dit
la maladie du baiser reste largement une maladie des jeunes adultes et des adolescents. Il est exceptionnel
de ne pas l'avoir contractée avant l'âge de 30 ans.
A l'attaque du virus d'Epstein Barr
A l'heure actuelle, les médecins doivent se contenter de traiter les symptômes et de mettre le patient au
repos. Il n'existe pas de traitement spécifique contre cette pathologie. Le vaccin en développement constitue
donc un nouvel espoir de pouvoir enfin s'attaquer à la source du problème : le virus d'Epstein Barr.
Le produit contient une protéine recombinante. Il s'agit d'une protéine synthétique identique à une protéine
de surface du virus. Une telle protéine, parfaitement pure, est totalement inoffensive puisque le virus
lui-même n'intervient à aucun stade de sa fabrication. En inoculant cette copie de protéine virale dans
l'organisme du patient, le vaccin provoque une réaction immunitaire : des anticorps sont produits en masse.
Ceux-ci neutralisent les particules virales étrangères avant qu'ils n'infectent les cellules. La protéine
vaccinale stimule également les lymphocytes tueurs. Ce type de globules blancs se charge de détruire les
cellules déjà infectées.
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La réponse immunitaire permet de générer des cellules mémoires, véritables sentinelles, prêtes à réagir
de façon plus rapide et plus intense en cas d'une nouvelle attaque du virus. L'organisme d'une personne
vaccinée contre ce pathogène se trouve donc sur le pied de guerre.
Bientôt en pharmacie ?
Les résultats encourageants des essais cliniques réalisés à Liège et à Saint-Luc laissent entrevoir l'arrivée
du vaccin dans les officines dans quelques années. La sécurité et l'évaluation des effets secondaires
du produit sont concluants. «Il reste maintenant à lancer une étude à grande échelle sur une population
pédiatrique», continue le Pr. Moutschen. La mononucléose se déclare le plus souvent à l'adolescence.
Les enfants sont donc le public cible privilégié pour ce type de vaccin. «Mais une telle étape dans le
développement des vaccins est souvent difficile à réaliser d'un point de vue éthique et médico-légal. En
étant optimiste, je dirais que ce vaccin pourrait se retrouver sur le marché d'ici 5 à 10 ans», conclut le
médecin.
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