Journal Février 2007
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Journal Février 2007
F é v r i e r 2 0 0 7 N o 2 2 3 Solidarité avec le Sahel Dans cette édition: ■ Journée «Solidarité Sahel» en Suisse ■ Bénévolat au Burkina Faso ■ Le Tchad dans la tourmente www.morija.org Sommaire Editorial: Offrez-leur un verre de bissap Chaque femme y ajoute selon son envie du gingembre, de la cannelle... et l’offre naturellement au visiteur de passage. Cette coutume d’offrir à boire et de recevoir le passant a été reprise en Suisse sur l’un de nos stands à l’occasion de la Journée Solidarité Sahel. E n Afrique subsaharienne, le bissap est une boisson faite à base de fleurs d’hibiscus et d’oseille rouge infusées; elle a conquis des millions de personnes et les fleurs séchées se vendent dans tous les marchés traditionnels pour quelques CFA. Délicieuse et désaltérante, la boisson est servie de préférence froide; elle garde un goût acidulé avec un parfum de fruit rouge. Nous vous en rendons compte dans ces pages. Et elle nous inspire l’image de savoir offrir et partager son temps, son écoute à ceux et celles que nous savons dans le besoin. Ainsi, le bissap de Tabitha, cette jeune enseignante bernoise qui enseigne depuis plus de 6 mois au Burkina Faso, c’est son engagement concret et bénévole à l’école Paalga de Ouagadougou. Notre bissap à nous, c’est peut-être les moments que l’on prend dans nos journées pour penser à ces enfants du Sahel qui sont dans la détresse et à qui nous pouvons offrir de façon tangible des soins et une alimentation adéquate. Du bissap: c’est quelque chose qui fait du bien! Une journée ensoleillée (page 4) Diane et Sidonie (page 5) Nous vous remercions de votre fidèle soutien. L’équipe de Morija Une Bernoise très ouagalaise! (page 7) But: Aide aux plus déshérités d’Afrique, du Sahel en particulier, sans distinction de race ou de religion. Association humanitaire En Reutet 1868 Collombey-le-Grand Tél. 024/472.80.70 Fax 024/472.80.93 E-Mail: [email protected] CCP 19-10365-8 Association sans but lucratif Fondée en 1979 selon les articles 60ss du Code civil Suisse MORIJA FRANCE: Jérôme Prékel La Pierre 74410 St Eustache CCP 13.875-50 W 029 Banque: Crédit Agricole, Annecy 96702605676 Les 3 piliers de l’aide sont: • le secours d’urgence • l’amélioration des conditions de vie • les projets de développement L’esprit dans lequel notre aide est apportée prend ses racines dans l’Evangile. Siège social: Collombey-le-Grand Vérificateur des comptes: Fiduciaire R. Künzlé SA – Monthey Rédaction: Morija Mise en page: Jordi SA, Belp Impression: Jordi SA, Belp Mensuel d’information Prix de l’abonnement: CHF 25.– / € 15.– Abonnement de soutien: CHF 50.– / € 30.– Tout don supplémentaire est le bienvenu. MERCI Journée Solidarité Sahel Malnutrition: les bénévoles s’engagent En effet, au Burkina Faso, 192 enfants sur 1000 meurent aujourd’hui avant l’âge de cinq ans; 97 d’entre eux avant l’âge d’un an. Au total, ils sont 115 000 de moins de cinq ans à suc comber chaque année à la maladie et à la malnutrition. Et pourtant, avec trois francs par jour, 90 francs par mois, un enfant peut être sauvé et recevoir soins et nourriture dans l’un de nos centres. Un enfant sur cinq meurt avant l’âge de cinq ans au Burkina Faso S amedi 18 novembre 2006, Morija a organisé en Suisse sa journée annuelle de soutien en faveur des enfants malnutris recueillis dans ses centres de nutrition au Burkina Faso et au Tchad. Ce sont une centaine de bénévoles qui ont répondu présent et tenu 17 stands en Suisse romande. CHF 16 944.85/€ 11 296.55 ont été récoltés. «L’éducation à la santé va de pair avec un apport alimentaire en nature: c’est ce qui se pratique dans les CREN de Morija et qui garantit – avec un suivi régulier – une amélioration de la santé notamment des enfants et des mères sur le long terme», commente Marion Leresche, 26 ans, infirmière en médecine interne au CHUV à Lausanne et bénévole au stand de Romanel-sur-Lausanne le 18 novembre dernier. «Avec mon amie Madeline Comabella, nous sommes en fait allées sur place, au Burkina Faso, à deux reprises en 2003 et avons travaillé à Ouagadougou avec les collaborateurs du CREN. Riches de notre expérience, nous avons Rencontrée sur place en octobre dernier, Yvonne Zouétaba est l’un des piliers du Centre de récupération et d’éducation nutritionnelle (CREN) de Ouagadougou. Si elle suit actuellement à plein temps une formation de reconnaissance de ses acquis professionnels comme infirmière responsable, elle revient encore en fin de journée au centre pour aider sa remplaçante Désirée Bayoulou et n’hésite pas à mettre la main à la pâte, jusqu’au nettoyage des latrines à la javel. L’éradication de la malnutrition reste le but vers lequel elle tend de toutes ses forces, «parce que ce n’est pas normal qu’un enfant meure aujourd’hui à cause de déficiences alimentaires», martèle-t-elle. (suite page 4) «Ce n’est pas normal qu’un enfant meure aujourd’hui à cause de déficiences alimentaires» donc pu dire clairement aux personnes intéressées comment leurs dons étaient utilisés et leur parler des besoins de ces enfants et de leur mères. Car c’est au moment du sevrage souvent que les mamans sont démunies et ne parviennent pas à alimenter de façon adéquate leurs enfants». Madeline Comabella: bénévole en Afrique et ... en Suisse! 3 Une journée ensoleillée! plastic transparent et remplis de biscuits... Ce sont là quelques exemples qui ont agrémenté l’offre des stands. C onnue jusqu’ici comme la journée «bouillons», elle se nomme désormais «Journée Solidarité Sahel». Les bouillons ne trouvaient plus preneurs et un nouveau nom s’imposait. De nombreux bénévoles ont mis ce jour-là leurs talents d’artiste et de cuisinier au service de cette cause: pâtisseries, tresses (dont une en forme du continent africain!), des verres à sirop peints, des pots décorés et «fourrés» d’un joli Un nouveau stand Morija a été tenu à Carouge (GE), à la Migros Vibert, où Claire et son équipe ont vécu des moments riches en contacts. Les passants ont eu la surprise de se voir proposer du café ou du thé gratuitement. Comme Claire le dit: «nous avons voulu mettre un accent sur le partage. Et on a reçu beaucoup plus en retour que ce qu’on a donné». Des annonces comme «Bienvenue à notre stand après vos courses», ou encore «Un café ou un thé après vos courses» ont inter- pellé les passants qui ont été nombreux à répondre présent. Un grand MERCI à toutes et à tous pour votre engagement et pour la réussite de cette journée. Alexandra Jacquiard Responsable du bénévolat Echos des stands J’avais un peu de temps libre. Je suis allée sur internet voir les associations recherchant des bénévoles. Me voici à l’un de vos stands. C’est avec plaisir que je vous apporte mon aide, j’ai vu tant d’enfants pleurer – Irène Maldonado. Merci à tous ceux qui n’esquivent pas notre sourire et bravo à tous ceux qui ont une main qui se tend vers les autres – Rodolphe Kolly. Aider son prochain c’est faire le premier pas pour engager le dialogue avec les personnes qui passent devant le stand – Thierry Moyard. Moment très sympathique! Bonne ambiance, bon accueil. Je reviens volontiers donner un peu de mon temps – Julie Buess. A faire plus souvent. Nous serons toujours partantes – Annick Furrer et Mélanie Dubath. L’élan était tel que plusieurs bénévoles se sont spontanément proposés pour participer à la vente de pâtisseries organisée à la Coop d’Onex à l’occasion de la fête des Mères en 2007 – Brigitte Rufi. Avec CHF 3.–/€ 2.– par jour, CHF 90.–/€ 60.– par mois, un enfant peut être sauvé et recevoir soins et nourriture dans l’un de nos centres de nutrition. Diane, une bénéficiaire de vos dons Diane avec sa mère à sa sortie du CREN A u CREN de Ouagadougou, nous recevons des enfants malnutris qui nous viennent de la ville mais aussi des villages environnants situés parfois à plus de 130 km, voire même de pays environnants. Chaque année, parmi les enfants que nous accueillons, des centaines font l’objet d’hospitalisation pour cause de malnutrition grave. Nous les soignons et les nourrissons jusqu’à leur rétablissement. Diane Poda par exemple avait 18 mois et pesait 6 kg 110 quand elle est arrivée au centre. Atteinte de marasme grave, elle a été mise sous un régime adapté à son cas. Pendant son séjour, elle a reçu des soins trois fois par jour et cinq repas. Nous lui avons donné quelques vêtements et sa mère a bénéficié de conseils sur la nutrition et l’hygiène. Après un séjour de quatre semaines, elle est sortie en bonne santé à 7 kg 500. Mais le suivi d’un enfant ne s’arrête pas là. Les collaborateurs des CREN s’assurent qu’il évolue bien et que la mère met en pratique les connaissances reçues. Diane a donc fait l’objet d’un suivi mensuel. A cette occasion, nous contrôlons le poids et l’état de santé et donnons à la mère du lait pour assurer la préparation des bouillies enrichies à la maison. Nous poursuivons ainsi le suivi de chaque enfant pendant un an. Durant cette période, Diane est tombée malade et nous l’avons faite hospitaliser à l’hôpital national pendant deux semaines. En cause: les conditions de vie dans son village qui restent précaires et qui n’ont pas favorisé son épanouissement, alors que sa mère a été très occupée par les travaux champêtres et n’a pas eu beaucoup de temps à lui consacrer. Nous avons repris Diane au CREN dès sa sortie de l’hôpital et elle nous a quittés dernièrement à 8 kg 940. Merci pour tout ce que vous avez fait pour elle et de ce que vous faites encore pour chaque enfant dans le besoin. Yvonne Zouétaba Sidonie, transformée! A l’occasion de notre séjour à Ouagadougou en octobre der- Sidonie, à son arrivée... nier, nous avons rencontré Sidonie, 12 ans, arrivée au CREN avec 14 kg pour 1 m 30. «Sidonie était avec ses parents en Côte d’Ivoire. Elle est arrivée au Burkina Faso chez sa grand-mère pour des raisons scolaires à l’âge de huit ans. Selon sa grand-mère, elle se plaignait toujours de maux de ventre. Elle a finalement été hospitalisée en pédiatrie à l’hôpital national de Ouagadougou pendant trois mois, d’où elle fut référée au CREN pour malnutrition et kwashiorkor marasmique. Un régime adéquat lui a été administré pour la fonte des œdèmes. Elle a pu sortir guérie le 20 octobre dernier avec 18 kg. A la grande pesée du 4 décembre, elle pesait toujours 18 kg sans oedèmes. Elle était en bonne santé, avait retrouvé le sourire et nous a annoncé qu’elle a repris l’école. Nous espérons qu’elle rattrapera vite son retard.» Marie Désirée Bayoulou …et avec le sourire, en décembre! 5 Un fils épanoui! de sorcellerie. Elle a été chassée de la famille et contrainte d’abandonner Jean qui n’avait alors que deux ans. Un jour, de passage dans le village, la maman de Jean a constaté que l’état de santé de l’enfant était inquiétant. Elle l’a retiré de force pour pouvoir le soigner. Orientée vers le CREN de Nobéré, elle y fut accueillie et a pu y soigner son enfant atteint de malnutrition sévère, d’un grave paludisme et d’une bronchite. Jean a retrouvé force et santé. J ean Sawadogo est un enfant originaire de Zitenga, village situé à plus de 100 km de Nobéré. Issu d’une famille nombreuse et polygame, il a connu des conditions de vie difficiles. Chaque femme devait se débrouiller pour s’occuper de ses enfants avec les moyens de bord. Ses problèmes ont commencé quand sa mère fut accusée Nous avons donné du mil, du savon et quelques habits à sa mère. Entré au CREN avec un poids de 6 kg 400, Jean pèse maintenant 8 kg 550 grâce aux soins prodigués. Sa mère est très contente de voir son fils épanoui et en bonne santé et remercie Morija pour toute l’aide reçue. Avec vos dons, plusieurs enfants comme lui sont sauvés chaque jour. Hariguetta Tapsoba, CREN de Nobéré Jean a donc reçu au CREN une alimentation adaptée et des médicaments par sonde naso-gastrique. Venu dans un état de dénuement total, nous lui avons procuré des vêtements, couverture, chaussettes, bonnet pour avoir chaud pendant la période hivernale. Une moustiquaire a été mise à sa disposition pour le protéger. Extension du lycée Paalga Situé dans le quartier défavorisé de Tanghin, au nord de la capitale de Ouagadougou, le lycée Paalga a ouvert ses portes en octobre 2003, permettant à ses élèves de primaire une poursuite scolaire adap- tée aux réalités professionnelles. L’effectif global de l’école est toujours en hausse et compte aujourd’hui plus de 780 élèves, dont 194 au lycée technique. Ces derniers suivent une filière en comptabilité et en informatique. Cette année, une première classe qui fait le joint entre le primaire et lycée vient de s’ouvrir avec déjà 64 élèves. Tous les enfants pourront donc faire toute leur scolarité à l’école Paalga de la première année primaire au baccalauréat. Le Conseil d’administration de Morija en Suisse vient de débloquer un budget pour l’agrandissement du complexe, ce qui permettra l’ouverture de quatre nouvelles classes à la rentrée 2007. L’école Paalga est en pleine extension. Une Bernoise très ouagalaise! est par ailleurs précieux et essentiel: c’est ce que j’expérimente dans mes contacts au quotidien et qui me réjouit. Une compréhension et une solidarité réciproques sont aujourd’hui et plus que jamais nécessaires pour tenter de remédier aux déséquilibres économiques et sociaux. Ce qui se fait par exemple au CREN, à côté de mon logement, est reconnu loin à la ronde et aide des centaines de personnes. A Ouagadougou, les gens connaissent en général Morija et apprécient sincèrement le travail entrepris par l’ONG. Les effectifs des classes restent très élevés M ise à part la couleur de sa peau, Tabitha Fischer, 23 ans, a tout de la Ouagalaise: elle circule à vélo, fait son marché et prépare elle-même le bissap, cette boisson faite de fleurs d’hibiscus et d’oseille rouge infusées, et qui se boit froide. Arrivée le 25 août dernier au Burkina Faso, elle a pris ses quartiers dans une chambre qui jouxte le CREN de la capitale et travaille à l’école Paalga. Les yeux clairs, Tabitha côté cour... l’habit taillé sur mesure dans un tissu africain, nous l’avons rencontrée sur place en octobre dernier et trouvée tout à fait intégrée dans ce quartier défavorisé de Tanghin. Pourquoi donc avoir choisi de travailler dans un projet Morija? – Morija a été l’organisation la plus proche de ce que je recherchais. J’avais l’idée depuis deux ans déjà de venir travailler plusieurs mois en Afrique francophone. J’ai fini ma formation d’enseignante dans le canton de Berne en 2005 et j’ai fait des remplacements en mûrissant mon projet. J’ai découvert les activités de Morija sur internet d’abord, puis au CINFO (Centre d’information, de conseil et de formation) à Bienne. A l’école Paalga, j’enseigne dans une classe primaire de plus de 100 élèves et c’est dans la cible de ce que je voulais faire! Quelles sont les difficultés de l’exercice? – Beaucoup d’enfants ne parlent ni ne comprennent le français. Ils s’expriment en mooré, langue locale que je ne connais pas. Et puis l’enseignement prodigué est très éloigné de ce que l’on connaît et pratique en Suisse! Le rythme d’apprentissage est très lent, ne serait-ce qu’en regard du nombre élevé d’élèves, et le matériel scolaire fait défaut. Pas de livre de lecture individuel, par exemple, peu de cahiers: l’essentiel de l’apprentissage se fait sur ardoise. Quels sont vos défis, vos joies? – Je découvre ici beaucoup de choses sur moi, sur mon fonctionnement. En Suisse j’ai toujours connu une facilité matérielle et j’ai pu choisir la formation professionnelle que je voulais; ce sont deux choses inouïes quand on vit ici! L’échange Nord/Sud Tabitha Fischer, Ouagadougou ... et côté jardin. 7 Inondations et conflits au Tchad A u nord, les conflits perturbent les récoltes et entravent le travail de nos collaborateurs «Nous continuons nos consultations, mais au vu de l’insécurité qui règne et des attaques qui surviennent à tout moment, nous ne pouvons nous rendre dans les villages comme précédemment et les orphelins qui venaient à notre centre pour y recevoir soins et nourriture ne peuvent plus se déplacer à cause des coupeurs de route», nous ont transmis Betty Fritsch et Carmen Weise du SMI (Santé maternelle et infantile) d’Abéché. La situation au Darfour, tout proche, provoque un afflux massif de réfugiés. On estime à 218’000 le nombre de réfugiés soudanais présents au Tchad, où le gouvernement du Président Idriss Deby est actuellement confronté à une rébellion armée dans l’est du pays. Au sud, plusieurs villages ont tout perdu à cause des inondations. Marcel Djimasbaye nous rapporte: «La région du Moyen Chari est une fois de plus frappée par des inondations. De nombreux villages et des champs ont été envahis par les eaux. Le village de Kemkaga a été gravement atteint: 120 cases ont été détruites, de nombreux animaux domestiques ont péri. Les puits traditionnels à ras le sol, remplis d’eau saumâtre et de détritus sont source de nombreuses maladies. Une partie de la population s’est réfugiée dans le bâtiment scolaire construit par Morija.» Tant au nord qu’au sud du Tchad, la situation est critique pour la population!