Kinés : une profession en ordre de marche et déterminée à décider

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Kinés : une profession en ordre de marche et déterminée à décider
Kiné : des physiothérapeutes en ordre de marche
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Une étude scientifique inédite corroborant l’intérêt sanitaire et économique
d’un libre accès des patients à la médico-kinésithérapie souligne la nécessité pour la
profession d’investir plus avant la recherche scientifique appliquée à leur exercice.
Peu après la signature d’un protocole avec l’Assurance-maladie posant le
principe d’une meilleure répartition des kinés sur le territoire, principe dont les
modalités restent à négocier, et quelques mois avant la tenue d’Etats Généraux, la
première Evaluation des Pratiques Professionnelles (EPP) des Masseurskinésithérapeutes a été présentée le 22 septembre dernier. Cette contribution
scientifique, commanditée par le Conseil National de l’Ordre présidée par Réné
Couratier et réalisée avec l’appui du Conseil Inter régional PACA-Corse, confirme le
fort potentiel bio-médical de la profession que seule une implication plus large et plus
soutenue dans la Recherche permettra d’exploiter pleinement au profit des patients.
Une expertise et un potentiel attestés par une Evaluation inédite de
Pratiques Professionnelles
Cette première étude scientifique, théorisée et informatisée, a été menée via une
plate-forme Internet, entre le 1er mai et le 30 juin 2009, à partir d’un échantillon
représentatif de 1678 professionnels sur près de 2000 réponses spontanées. Un
chiffre « au-delà des espérances des chercheurs » de l’aveu Jean Ravenstein,
Professeur à l’Université d’Aix-Marseille 1, au nombre des trois scientifiques ayant
présidé à la réalisation de l’étude. L’évaluation confirme le potentiel dont dispose la
profession pour s’émanciper. Experte, dynamique et mobile, la profession manifeste
une propension naturelle à actualiser en permanence son savoir-faire technique, sa
connaissance de la réglementation applicable et de son environnement. Des atouts
qui devraient contribuer à affranchir la profession des préjugés entretenus par le
champ médical et que les « kinés » n’avaient pas été jusqu’alors en mesure de
combattre, au-delà de l’argumentaire politique susceptible d’être pris pour une
revendication corporatiste. Car cette profession dite paramédicale semble encore
souffrir d’une confusion dans le langage courant sur le préfixe « para ». Le « Kiné »
intervient à côté du médecin pour soulager des maux existants mais « pare »
souvent dans le même temps à des dysfonctionnements physiologiques peu ou prou
perceptibles par le patient en lui prodiguant des soins adaptés du fait de l’interactivité
qui s’établit. Or, force est d’observer que dans un champ structuré comme l’est le
champ médical, l’image véhiculée du « kiné » reste celle d’un « technicien
prestataire ». A telle enseigne que, jusqu’à la publication de l’évaluation, la
profession était restée en questionnement sur sa double posture vécue au quotidien ;
celle d’agent prescrit et de co-décideur avec le patient, réel partenaire. Contraint par
les a priori, la profession restait dans une sorte de déni, n’osant pas s’avouer qu’il
réalisait un acte intellectuel caractéristique et constitutif d’activités thérapeuticoéducatives.
Ce déni comptait précisément parmi les présupposés qui ont motivé l’EPP
suggérée par Franck Gatto, unique Masseur-kinésithérapeute à occuper également à
ce jour un poste de Maître de conférences habilité à diriger des recherches, comme il
le fait à l’Université de Montpellier 3. Il importait de se saisir de ces présupposés
pour établir de manière indiscutable des faits à partir des données traitées selon des
méthodes statistiques sophistiquées par Caroline Ladage, Maître de conférence
associé à l’Université d’Aix-Marseille1. Il était en effet essentiel pour la profession de
se doter d’un instrument pour mesurer le champ réel de son exercice et identifier la
voie la plus efficiente pour légitimer cet exercice vis-à-vis des autres professions et
des pouvoirs publics.
Investir la Recherche pour porter l’offre de soins attendue des patients
Les « kinés » ont répondu spontanément et avec zèle à près d’une soixantaine de
questions générales et à cinq questionnaires thématiques de haute technicité,
élaborés à partir de référentiels médico-kinésithépeutiques, auxquels avait été
implicitement associé un référentiel éducatif scientifique. L’évaluation a permis de
confirmer, parfois de manière surprenante, les différents postulats en mettant en
exergue des points saillants. Premier point : en dépit d’une activité très prenante, les
kinésithérapeutes sont plus de 8% à s’engager dans un Master et la propension des
doctorants témoigne d’un réel intérêt pour la Recherche. Et, fait encore plus
significatif ; il existe une réelle appétence pour la formation, 7,7% des personnes
interrogées consacrant plus de dix journées par an à la formation continue, score
surpassé par de rares professions dans le domaine militaire ou les métiers des très
hautes technologies. Ce souci constant d’intégrer les innovations à leur exercice
conduit d’ailleurs la plupart des « kinés » à avoir une expérience variée de l’exercice
des soins pour lequel ils savent chercher spontanément l’efficience. C’est ainsi que,
et c’est le second point, 78,8% des réponses apportées aux questionnaires
thématiques s’avèrent conformes aux bonnes pratiques et données de la science en
médico-kinésithérapie, le score de conformité aux modèles efficaces en éducation
atteignant pour sa part 75%. Autant de résultats qui démontrent que la profession
contribue à améliorer la santé des patients sur le court, moyen et long terme et qui,
dans le même temps, invitent à comprendre le caractère imparfait des scores
obtenus ; les mentalités amorcent seulement un mouvement de bascule sur leur
double posture d’agent prescrit et d’auteur d’actes et l’émergence dans la formation
initiale de disciplines spécifiques telles que les sciences de l’éducation ne se vérifie
pas dans la formation continue. Cette dernière est par conséquent perfectible, à
commencer par l’introduction de sciences humaines - sciences en médicokinésithérapie et en éducation - et la généralisation du travail en équipes
pluridisciplinaires. La formation didactique des plus jeunes aux soins doit ainsi
prendre le pas sur l’expertise empirique des plus anciens. Cela, pour concentrer les
forces vives de la profession sur le bio-médical préventif, un domaine constituant
naturellement l’apanage des « kinés », à raison de la conceptualisation des actes
thérapeutico-éducatifs qui font toute leur singularité. Cette optimisation suppose
naturellement une formation à la démarche scientifique, préalable indispensable pour
prétendre à un accès direct au patient ainsi qu’au statut de prescripteur.
Ce qui, pour la profession, participe de sa légitimité, voire de son honneur, s’inscrit
plus simplement pour un observateur extérieur dans la stratégie dite « de
Lisbonne » : favoriser dans l’Union européenne une économie compétitive et
dynamique fondée notamment sur la connaissance. La profession, consciente de ses
atouts, semble faire en ce sens le choix de la compétitivité pour satisfaire de manière
légitime une demande effective. Un choix à assumer en adoptant, si besoin, une
nouvelle dénomination plus conforme à la réalité ; « physiothérapeutes », par
exemple.
Sophie Belmont
SUB VERBO

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