Le sexe des anges.

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Prosit 4
4 nov. 2002
Alexandre Soucisse
Le sexe des anges.
Juin 2017 – Inquiet de la tournure des conflits armés sur la planète Bleue, Borge Gush jr. ménage sa
porte de sortie: la planète Rouge. La première phase est complétée depuis 2 ans, celle de
l' «atmosphérisation» ou création d'une atmosphère respirable. Son plan se poursuit avec la
«biosphérisation», c'est-à-dire, le peuplement de la lithosphère par des organismes vivants de toutes
sortes. Une atmosphère et une biosphère sont nécessaires à l'accueil d'être humains sur la future
planète-hôte l.
Il engage Augustache et Orélise, deux éminents biologistes pour étudier comment peupler Mars avec
des espèces vivantes capables de coloniser la planète assez rapidement, tout en «réagissant»
suffisammen t vite à des modifications des conditions qu'elles seron t appelées à tolérer.
Pour débuter leur travail titanesque, nos deux chercheurs décident de passer en revue les organismes
vivants connus en les classa nt selon leur mode de reproduction. Ils se rendent compte que la sexualité
est une adaptation reproductive qui touche 95% des espèces animales et végétales. En scientifiques
sérieux, ils se demandent naturellement comment se reproduisent les «5%» restants.
Orélise se rappelle du mode de reproduction asexuée des bactéries. Elle sait aussi que certaines
plantes, hermaphrodites, se fécondent elles-même, sans savoir si cela peut compter pour un mode de
reproduction «sexuée».
Augustache renchérit avec l'exemple d'une salamandre présente au Québec, la salamandre de
Tremblay (Ambystoma tremblayi), qui est une espèce composée uniquement de
femelles et qui arrive à boucler son cycle vital sans recevoir la contribution génétique
d'un mâle.
Sa collègue s'anime presque instantanément en disant qu'elle a probablement trouvé une
clé à leur problème. Avec une espèce composée uniquement de femelles, ils réaliseront des
économies substantielles sur les ressources. En effet, ils pourront éviter les «coûts de production
des mâles» et ainsi mieux prof iter des ressources asse z limitées pour le moment sur la biosphère
extraterrestre en formation.
Augustache, un peu vexé dans son ego masculin, voit où Orélise veut en venir avec ses économies de
bouts de chandelles. Elle fait référence au fait que, si une espèce est capable de se reproduire sans
l'intervention de mâles, elle peut utiliser 100% des ressources du milieu pour produire ses descendants.
Avec une population bisexuée, 50% des ressources doivent nourrir les mâles pendant toute leur vie pour
un seul petit événement d'accouplement (!) Et c'est sans compter ceux qui ne trouvent pas de
partenaires ou qui meurent avant l'âge de la reproduction... un vrai gaspillage!
En contrepartie, Augustache lui rappelle que ces femelles ne produisent que des clones d'elles-même.
Cette population, se reproduit très vite à court terme, mais fait apparaître peu de diversité génétique,
ce qui rend l'espèce plus fragile deva nt des modifications rapides des conditions du milieu. Les
mutations génétiques avantageuses ne se mélangent pas dans le pool génique de la population. De
plus, ces modifications ne peuvent en aucun cas se retrouver chez des individus de lignées divergentes.
Ils discutent encore longuement du sexe des anges avant de se rappeler qu'ils doivent aussi implanter
des végétaux dans leur biosphère marsienne. Orélise termine la journée en notant dans son cahier
qu'ils devraient impérativement songer à établir une flore bactérienne riche sur leur néo-biosphère. Un
casse-tête biologique lorsqu'on pense que certains mécanismes bactériens se rapprochent étrangement
de la reproduction sexuée.
Références
Fouillez Internet sur la piste des salamandres argentée, à points bleus, de Jefferson et de Tremblay
(noms latins: Ambystoma platineum, A. laterale, A. jeffersonianum et A. Tremblayi)
Articles très intéressants:
Gouyon, P.H. et al. (1993) Le Sexe, pour quoi faire ? La Recherche 250 - p.70-76
Cole, C. (1984) La Parthénogénèse de certaines populations de Lézards, Pour la Science 77 - p.36