Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean (6,51

Transcription

Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean (6,51
Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean (6,51-58).
Après avoir nourri la foule avec cinq pains et deux poissons, Jésus disait : « Moi, je
suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu'un mange de ce pain, il vivra
éternellement. Le pain que je donnerai, c'est ma chair, donnée pour que le monde ait
la vie. »
Les Juifs discutaient entre eux : « Comment cet homme-là peut-il nous donner sa
chair à manger ? »
Jésus leur dit alors : « Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair
du Fils de l'homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n'aurez pas la vie en
vous.
Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le
ressusciterai au dernier jour.
En effet, ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson.
Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi je demeure en
lui.
De même que le Père, qui est vivant, m'a envoyé, et que moi je vis par le Père, de
même aussi celui qui me mangera vivra par moi.
Tel est le pain qui descend du ciel : il n'est pas comme celui que vos pères ont
mangé. Eux, ils sont morts ; celui qui mange ce pain vivra éternellement. »
Homélie
Peut-être certains d'entre vous ont-ils été étonnés en écoutant l'évangile: une
curieuse impression de déjà entendu. Peut-être même certains ont-ils pensé que je
m'étais trompé et que j'avais pris le même texte que dimanche dernier: ce sont les
mêmes mots, les mêmes phrases…
Et bien non, je ne me suis pas trompé : le texte d'évangile que nous venons
d'entendre ressemble comme un frère à celui de la semaine dernière, ou encore
celui d’il y quinze jours.
Apparemment, mêmes mots, mêmes phrases, mêmes expressions…
En fait, il faut comprendre que c'est l'évangile de St Jean qui est ainsi construit.
D'un côté, des récits vifs et alertes, avec un début, un milieu et une fin.
Par exemple les noces de Cana, ou les rencontres de Jésus avec la Samaritaine,
l'aveugle-né, et tant d'autres encore.
Là, ça bouge, ça vit, il y a du suspense, on se demande comment ça va se terminer!
Mais il y a aussi dans l'évangile de St Jean des "discours" de Jésus qui nous
paraissent beaucoup plus confus, répétitifs, longs… comme ce discours sur "le pain
de vie" où Jésus répète les mêmes mots, les mêmes expressions, les mêmes
phrases.
Ce n'est pas un hasard. C'est la manière de l'évangéliste de nous dire : attention, là,
c'est important, là, Jésus nous a livré son cœur, sa façon d'être et de penser. Et s'il
se répète, c'est pour nous dire, nous transmettre quelque chose d'important,
d'essentiel.
Un peu comme un maître d'école, un instit qui sait très bien qu'il doit sans cesse
redire, répéter ce qu'il croit être vraiment important pour les enfants dont il a la
charge.
Alors, n'ayons pas peur: ce soir, demain, chez nous, n'ayons pas peur de lire et relire
encore ces passages que nous venons d'entendre. C'est Jésus qui se dit et se
donne, qui livre l'essentiel de lui-même.
Donner, se donner, donner sa vie, c'est bien, à travers l'image du pain, l'essentiel
des paroles de Jésus dans ce long "discours" de Jésus: "Le pain que je donnerai,
c'est ma vie, donnée pour que le monde ait la vie".
"Donner sa vie". Pour beaucoup, cela peut évoquer l'image de celles et ceux qui
risquent leur vie pour en sauver d'autres.
Les Médecins sans Frontière, les soldats du feu, ou même les soldats tout court en
mission de paix ou en mission humanitaire.
Donner sa vie, c'est aussi le quotidien des parents, c'est le médecin de village qu'on
peut déranger à toute heure du jour ou de la nuit… tout ce temps passé, donné pour
la vie des autres.
Et cette vision de celui (ou celle) qui donne sa vie resterait idéale, idyllique si… cette
image n'avait pas été troublée par ce que j'appellerais "la logique du 11 Septembre".
11 Septembre 2001. Des avions sont projetés, sur des tours de New York Trade
Center, un autre sur le Pentagone et un autre encore s'écrase au sol.
Dans chacun de ces cas, ce sont des hommes qui ont délibérément choisi de
sacrifier leur vie, de donner leur vie, au nom de leur cause.
Et nous savons bien, que les attentats suicides sont toujours d’actualité.
Là encore, ce sont des hommes, parfois des femmes, qui donnent leur vie au nom
de leur cause, et surtout, et c'est cela qui nous laisse songeurs, au nom de Dieu:
"Allah Akbar!", "Dieu est Grand!".
Nous ne disons pas autre chose: Dieu est grand. Il mérite que nous lui donnions
notre vie.
Et d'ailleurs, dans la longue liste des saints que nous honorons tout au long de
l'année, il y a tous les martyrs, tous ces hommes et ces femmes qui ont donné leur
vie pour Dieu, au nom de Dieu.
Et d'ailleurs Jésus, Jésus lui-même n'a-t-il pas, lui aussi, donné sa vie?
Alors… Jésus-Christ, martyrs de l’Église, et kamikazes d'une certaine forme
d'Islam… même combat? c'est la même chose?
Tous ont donné, leur vie au nom de Dieu, ou de l'idée qu'ils se font de Dieu.
Pas étonnant, et c'est une accusation grave qui revient souvent aujourd'hui, pas
étonnant que certains rejettent toutes les religions, parce que "on meurt et on tue au
nom de Dieu".
Donner sa vie… Non, ce n'est pas toujours la même chose.
Je voudrais souligner deux aspects.
D'abord, ni le Christ, ni aucun des martyrs chrétiens qui nous sont donnés en
exemple ne sont allés chercher la mort.
Le Christ a annoncé la venue du Royaume de Dieu, les martyrs ont refusé de renier
leur foi.
Et c'est pour ça qu'ils sont morts. Ils ne se sont pas tués, on les a tués. C'est pour
cela ça qu'ils sont morts. De la main des autres, jamais de leur propre initiative. Et ça
change tout.
En d'autres termes, pas de kamikazes chez les chrétiens: ça n'existe pas.
Mais surtout, nous pouvons revenir à l'image essentielle que nous présente les
évangiles de ces dernières semaines: le pain.
Le pain qui est le fruit du travail conjugué de tous les hommes, depuis le semeur
jusqu'au boulanger.
Le pain qui ne pourrait exister sans longue chaîne humaine où chacun, chaque
maillon, a sa place. Irremplaçable, indispensable.
Le pain qui est donné et partagé. Entre tous, pour la vie.
Pour nous chrétiens, et fondamentalement pour toutes les religions du monde,
donner sa vie, ce n'est pas donner la mort, mais bien donner la vie.
Et en plus, pour nous chrétiens – et c'est le cœur même de notre foi – donner sa vie,
c’est donner la vie et, en retour, recevoir la vie.
En abondance, en surabondance.
Donner sa vie, c'est donner la vie et, par là même, vivre la résurrection.
C'est le chemin du Christ, qui, par amour, a accepté de donner sa vie, et qui,
ressuscité, nous ouvre le chemin de la vie.
Dans le fond, donner sa vie, c'est vivre et faire vivre.
Comme le pain qui nous fait vivre.
… Et cela, c’est un bel idéal !….