dp section speciale - Ville de la Courneuve

Transcription

dp section speciale - Ville de la Courneuve
DANS LE CADRE DU FESTIVAL « LA RESISTANCE AU CINEMA »
AU CINEMA l’ETOILE
VENDREDI 1er AVRIL 2011
à 20h30
Séance animée par Loic DAMIANI, historien
Synopsis
En juin 1941, Hitler attaquant l'URSS, les communistes finissent par rejoindre la Résistance.
Le 21 août 1941, un jeune militant communiste – ultérieurement connu sous le nom de colonel Fabien –
abat dans le métro parisien un militaire allemand, l'aspirant de marine Alfons Moser[2] . Cet épisode est
connu sous le nom d' « attentat du métro Barbès »[3] . Redoutant les représailles allemandes dans la
population parisienne, le gouvernement de Vichy décide de prendre les devants. Avec l'aval de l'amiral
Darlan (vice-président du Conseil), Pierre Pucheu, ministre de l'Intérieur, propose au Conseil des ministres
présidé par le maréchal Pétain, d'adopter une loi[4] d'exception pour juger, dans le but d'obtenir une
condamnation à mort, six Français en échange de la vie de l'aspirant Moser, et ainsi satisfaire la marine de
guerre allemande. Ces six accusés seront évidemment choisis parmi les ennemis ou les indésirables du
régime de Vichy : communistes et Juifs. Autour de la table, outre Pétain, Darlan et Pucheu, Joseph
Barthélemy, ministre de la Justice, le général Huntziger, secrétaire d'État à la Guerre, le général Bergeret,
secrétaire de l'Air, Yves Bouthillier, ministre de l'Économie, etc. Pétain laisse faire Pucheu, mais Barthélemy
– professeur de droit – se cabre, puis finit par se soumettre aux injonctions du maréchal ; les autres
ministres suivent.
Cette loi d'exception doit être rétroactive (puisque les condamnations doivent être prononcées et
exécutées dans les plus brefs délais), si bien que les ministres, peu habitués à ce type d'exercice, la signent
en laissant un article entier en blanc, lequel article sera plus tard rédigé à Paris par le procureur de l'État
Maurice Gabolde avant sa publication au Journal officiel. Outre son caractère rétroactif, cette loi a ceci de
particulier que les condamnations ne doivent pas être motivées, et qu'aucun recours n'est possible ; elle
attribue compétence à des « sections spéciales » de la courd'Appel (d'où le titre du film). Après la
mascarade législative (la loi est même antidatée pour donner l'impression qu'elle a été adoptée avant
l'attentat) et la parodie de justice (un des prévenus a déjà été jugé en appel), s'engage alors une double
course contre la montre : du côté des autorités françaises pour faire guillotiner les six prévenus, et du côté
de la défense pour les sauver, notamment via un recours en grâce introduit auprès du chef de l'État, le
maréchal Pétain, celui-là même qui a signé la loi. Le film montre également comment les scrupules moraux
du garde des Sceaux, Joseph Barthélemy, puis des magistrats, sont progressivement étouffés par la
menace – brandie par des Français – de représailles allemandes aveugles parmi des « notables » et
l'invocation abusive de la réquisition patriotique. Il débute par la diffusion du discours de Pétain[5] dit « du
vent mauvais » en plein casino de Vichy, lors d'une représentation de l'opéra Boris Godounov.
Fiche technique
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Réalisation : Costa-Gavras
Scénario : Costa-Gavras, Jorge Semprún, d'après l'oeuvre de Hervé Villeré
Musique originale : Éric Demarsan
Montage : Françoise Bonnot
Pays d'origines : France, Italie et Allemagne
Genre : Drame
Date de sortie : France : 23 avril 1975
Distribution
Hommes politiques et hauts fonctionnaires
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Michael Lonsdale : Pierre Pucheu, le ministre de l'Intérieur
Louis Seigner : Joseph Barthélemy, le garde des Sceaux
François Maistre : le délégué général Fernand de Brinon
Roland Bertin : Georges Dayras, le secrétaire général du ministère de la Justice
Ivo Garrani : l'amiral François Darlan, vice-président du Conseil
Henri Serre : le préfet Ingrand, délégué du ministère de l'Intérieur en zone occupée
Magistrats et avocats
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Pierre Dux : le procureur général Cavarroc
Jacques François : Maurice Gabolde, le procureur de l'État français
Claudio Gora : le premier président de la cour d'appel
Claude Piéplu : Michel Benon, le président de la Section spéciale
• Jacques Perrin : maître Lafarge
• Michel Galabru : le président Cournet
• Julien Guiomar : le substitut général « réfractaire »
• Jean Bouise : le conseiller Linais
• Hubert Gignoux : le juge « en noir »
• Julien Bertheau : le chef du Service central du Parquet
• Jacques Ouvrier : le conseiller
• Alain Nobis : le premier conseiller
• Jean Champion : l'avocat général
• Maurice Teynac : le substitut général
• Julien Bertheau : un magistrat
• Jean-Pierre Miquel : un avocat
Section spéciale (film) 3
Les Allemands
• Heinz Bennent : le major Beumelburg
• Hans Richter : le général Otto von Stülpnagel
• Romain Bouteille : le tankiste allemand dans le métro
Les Résistants
• Jacques Spiesser : Frédo (plus tard le colonel Fabien)
• Patrick Raynal : un résistant
Les prévenus
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Bruno Cremer : Lucien Sampaix, le journaliste ancien secrétaire général de L'Humanité
Yves Robert : Bastard, l'un des condamnés à mort
Guy Rétoré : Bréchet, l'un des condamnés à mort
Jacques Rispal : Abraham Trzebrucki, l'un des condamnés à mort
Éric Rouleau : Friedmann
Guy Mairesse : Redondeau
Petits rôles
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Louis Daquin
Maurice Baquet : un secrétaire
Nicole Desailly : la femme au téléphone
Serge Marquand : l'aide bourreau
Didier Albert
Robert Benoît
Daniel Breton
Agnès Château
Fanny Delbrice
Maurice Dorléac
Jean-François Gobbi
Patrick Lancelot
Carole Lange
Éric Laborey
Denis Le Guillou
Thérèse Liotard
Henri Marteau
Jacques Monnet
Roland Monod
Simple apparition
• Yves Montand, Bob Castella et Costa-Gavras : des soldats mangeurs de soupe
• Patrick Feigelson, Jacques Mathou
Autour du film
Section Spéciale s'inscrit dans le cycle des films politiques de Costa-Gavras : Z (1969), L'Aveu (1970),
État de siège (1973), ainsi que le film d'Henri Verneuil, I... comme Icare (1979) tous les quatre avec Yves
Montand dans le rôle principal, alors qu'ici ce dernier n'apparaît ici que de manière fugace. Ces films ont
pour fil conducteur les rapports entre le monde politique et la justice, et Section Spéciale n'y fait pas
exception. Cependant, contrairement à ses prédécesseurs, Section Spéciale n'est pas une demi-fiction
réalisée au départ d'événements réels, mais une reconstitution minutieuse d'événements historiques,
essentiellement établie sur base de l'oeuvre de Hervé Villeré qui s'est basé non pas sur les archives
judiciaires françaises – dont l'accès lui a été refus – mais sur des archives allemandes.
L'affaire des sections spéciales sera pour beaucoup dans la condamnation à mort de Pierre Pucheu à Alger,
en mars 1944[6] . Elle constitue une base de départ pour une discussion à caractère historique sur la
politique de collaboration : les collaborateurs y voyaient un moyen de limiter les représailles des Allemands,
et surtout de diriger celles-ci vers des Français « d'une moindre qualité » ; les partisans de De Gaulle lui
reprochaient non seulement de soumettre la Justice française à l'occupant, mais surtout d'établir
d'odieuses distinctions entre Français. Cette affaire met en évidence le rôle personnel joué par Pétain. Il ne
subit en cette occasion aucune pression directe des Allemands, contrairement aux événements du 13
décembre 1940[7] par exemple. Costa-Gavras « représente » Pétain en ne le montrant pas : on entend sa
voix, on voit ses mains et ses manches (constellées d'étoiles), mais on ne voit jamais son visage. L'effet de
ce procédé est assez inhabituel et impressionnant. Costa-Gavras dépeint l'atmosphère très particulière de
Vichy en 1941. Trois aspects sont mis en exergue : le caractère presque ridicule de l'entassement d'un
gouvernement dans une petite ville de province, l'importance capitale, pour la population des deux zones,
des décisions prises dans un contexte aussi inapproprié, et la quasi-déification de Pétain, paraissant planer
au-dessus des événements. Alors que le sujet du film est plutôt « ciblé », pratiquement toutes les «
personnalités » du régime de Vichy défilent à l'écran, y compris Fernand de Brinon (dont on précise qu'il a
restauré son château de la
Chassagne grâce aux fonds secrets), Jean-Pierre Ingrand[8] et Georges Dayras pour la zone occupée. Même
l'ambassadeur des États-Unis, l'amiral William Leahy apparaît dans le film.
Les rôles les plus importants ne sont pas dévolus aux acteurs les mieux connus : des célébrités comme
Michel Galabru, Yves Robert, Pierre Dux, Bruno Crémer et Jacques Perrin n'y tiennent que des seconds
rôles.
Détails corrects et erronés
• Bien que très ressemblant, le discours de Pétain diffusé à l'issue de Boris Godounov n'est pas
l'enregistrement originel, lequel comporte trop de grésillements. Le texte d'origine se termine par « c'est
de vous-mêmes que je veux sauver », tandis le discours du film se termine par « c'est de vous-mêmes que
j’entends vous sauver ».
• Contrairement à ce que prétend un dialogue du film, Pierre Pucheu ne s'est jamais battu dans les rangs
nationalistes durant la guerre civile espagnole
• La tenue de l'amiral Darlan ne semble comporter que quatre étoiles sur les manches et une seule
couronne de feuilles de chêne sur le bandeau de la casquette : pour un amiral de la Flotte, ces nombres
devraient normalement être, respectivement, cinq et deux.
• La décoration de la Francisque, portée notamment par Pucheu et Brinon ne correspond pas au modèle
officiel, dépourvu d'anneau et d'argent.
• La dague portée par Alfons Moser semble être du modèle de la Heer (armée de terre) et non de la
Kriegsmarine.
• Devant l'hôtel du Parc, les « plaques » portant ce nom sont en réalité des panneaux de carton placés trop
loin, de part et d'autre de l'entrée. En outre, l'hôtel précédant l'hôtel du Parc en venant des sources est le
Majestic et non l'hôtel Thermal (actuel hôtel Aletti Palace). De même, l'hôtel des Célestins n'est visible ni
depuis l'hôtel du Parc ni depuis le Pavillon Sévigné (lors d'un Conseil des ministre, l'un de ses membres
regarde par la fenêtre et « voit »
l'hôtel des Célestins).
• Au début du film, on parle de conseils des ministres restreints, tenus hors la présence du garde des
Sceaux : cela ne correspond pas à la réalité.
• On voit que le procureur de l'État, Gabolde, est affecté d'une boiterie : il avait effectivement été amputé
d'une jambe durant la Grande Guerre.
• Il est assez étonnant de voir, lors de l'arrivée de Me Lafarge à Vichy, la loge du maréchal Pétain gardée
par des soldats baï onnette au canon portant à l'été 1941 la lourde capote et le casque de 1940 : le
maréchal disposait de sa Garde personnelle revêtue d'un uniforme spécifique (casque et tunique de cuir des
troupes de cavalerie, notamment). De même, l'officier présent à ce moment aurait été un officier de
gendarmerie.
• Les noms et les prénoms des prévenus sont exacts. On les trouve sur des plaques commémoratives ou
parmi les 13 fusillés de Caen.
Notes et références
[1] Allociné.com, Section spéciale (http:/ / www. allocine. fr/ film/ fichefilm_gen_cfilm=34266. html).
[2] L'aspirant Moser était un simple assistant d'intendance.
[3] « Histoire, 1941 : l'attentat au métro Barbès, les débuts de la résistance en France » (http:/ / www. lescommunistes. org/ spip.
php?article339),
18 août 2001. Repris de Jean Morawski, L'Humanité, sur le site lescommunistes.org, consulté le 28 septembre 2007.
[4] À ce moment, Pétain exerçait le pouvoir législatif en Conseil des ministres.
[5] Le discours – et donc le film – commencent par un retentissant : « Français ! J'ai des choses graves à vous dire [...] je sens se
lever un vent
mauvais. »
[6] Pierre Pucheu, Ma Vie, éd. Amiot-Dumont, Paris, 1948.
[7] Lors du renvoi de Laval, l'ambassadeur Abetz était venu en personne à Vichy, entouré de SS, exiger sa réintégration.
[8] Éric Conan, « Jean-Pierre Ingrand – Les regrets d'un serviteur de Vichy », L'Express, 8 août 1991 .
Bibliographie
• Suzane Langlois, La Résistance dans le cinéma français, 1944-1994 : De La libération de Paris à Libera
me, éd.
L'Harmattan, Paris, 2001, 444 p. (ISBN 2747507750 et 9782747507752) , p. 292-300
Annexes
Liens externes
• Hervé Villeré, L'Affaire de la Section spéciale (http:/ / denistouret. fr/ textes/ Villere. html)
• Section spéciale (http:/ / french. imdb. com/ title/ tt0073679/ combined) sur l'Internet Movie Database
• DvdToile.com, Section spéciale (http:/ / dvdtoile. com/ Film. php?id=9849)
• les 13 fusillés de Caen (http:/ / www. ouest-france. fr/ 2001/ 12/ 14/ caen/
-Il-y-a-60 ans-les-treize-fusillés-de-Caen--15320317. html)
• Plaque commémorative : Redondeau Léon mort en déportation (http:/ / www. memorial-genweb. org/
~memorial2/ html/ fr/ resultcommune. php?idsource=22223& table=bp04& dpt=92& insee=92046&
pays=France)
Vichy et la déraison d’État
Août 1941. Un jeune
militant communiste tue un
officier allemand dans le
métro parisien. En
représailles, les Allemands
menacent d’exécuter des
otages. À Vichy, les
collaborateurs, parmi
lesquels Fernand de Brinon
et le ministre de l’Intérieur
Pierre Pucheu, prennent les
devants et proposent de
mettre en place une
juridiction d’exception qui
se chargera de juger et de
condamner des ennemis du
régime et des résistants.
Satisfaits, les Allemands
laissent faire. Une loi
rétroactive
rétroactive est promulguée
à la hâte et cinq magistrats
nommés à cette « section
spéciale » par le garde des
Sceaux. Le procès de trois
communistes est
sommairement instruit à
huis clos : bien qu’ayant
déjà été jugés, trois d’entre
eux, dont un juif, sont
condamnés
condamnés à mort et
exécutés.
prennent part à cette «Révolution nationale» de la
justice, on approfondira les recherches sur le
contexte
social dans lequel ils vivent, leurs options
idéologiques,
leur passé de juges sous la IIIe République.
On relèvera enfin les nombreuses entraves aux
règles
élémentaires du droit que comporte la loi qui
institue
les sections spéciales: cette loi est antidatée pour
laisser accroire qu’elle a été adoptée avant
l’attentat;
les condamnations ne sont pas motivées; un des
prévenus
avait déjà été jugé; le recours en grâce est
rejeté, non par le chef de l’État, mais par un
ministre…
Pour en savoir plus
• BARTHÉLÉMY Joseph, Ministre de la Justice, 19411943, Pygmalion, 1997. Les mémoires d’un des protagonistes.
• BANCAUD Alain, Une exception ordinaire. La magistrature
en France 1930-1950, Gallimard, coll. «NRF
Essais », 2002.
• S’interrogeant sur la fonction sociale de l’appareil
judiciaire et ses liens étroits avec le pouvoir, on
mettra
en avant une notion centrale dans la décision du
régime de Vichy: la raison d’État, au nom de
laquelle
les règles de fonctionnement qui, en d’autres
temps,
différencient justice et violence, doivent être
dépassées
en cas de «mobilisation patriotique». Opposant les
arguments des collaborateurs aux scrupules moraux
qui agitent le garde des Sceaux, on débattra du
«dilemme» qui a saisi Vichy en août 1941: épargner
l’exécution de «bons Français» justifie-t-il de
concéder
à l’occupant l’adoption d’une justice de violence?
Affirmer l’autorité de l’État sur le pays légitime-t-il
un
durcissement de la répression, même quand les
crimes
sont perpétrés contre l’occupant?
• Le dossier de presse du film Section spéciale lors
de
sa sortie en 1975 faisait état des résultats d’un
sondage
sur la justice effectué par l’Ifop auprès des
Français: «Peut-on justifier une action injuste en
invoquant la raison d’État définie comme des
‘’considérations
d’intérêt public’’? Oui, 20%. Non, 50%.»
«Est-il préférable que les délits commis pour des
raisons politiques soient jugés par des tribunaux
spécialisés? Oui, 53%.» «Existe-t-il aujourd’hui en
France un tribunal spécial pour juger les délits
politiques?
49% l’ignorent et parmi les personnes qui
se prononcent, celles qui estiment qu’un tribunal
politique n’existe pas sont trois fois plus
nombreuses
que celles qui affirment son existence.» (C’était, il
est
vrai, avant la suppression de la Cour de sûreté de
l’État en 1981.) Un semblable sondage serait
intéressant
à soumettre aujourd’hui pour mesurer la
méconnaissance des sondés…
Yves Robert et au fond Bruno Cremer
Michael Lonsdale
ENTRETIEN AVEC COSTA – GAVRAS
Il semble que vous vous soyez efforcé que le
film soit le moins daté possible, pour laisser
le moins de place à la reconstitution,
reconstitution, à l’anecdote,
bref pour qu’il ait une portée actuelle.
[…] Il n’est pas question de condamner Pucheu:
il a été condamné à mort et exécuté. Ni
Bretonneau : il est mort. C’est le mécanisme du
pouvoir et de la justice qui est en cause. Et il y
a une continuité des rapports pouvoir-justice qui
n’a pas cessé d’exister. Je pense que dans
Section
spéciale il y a une part de la France d’aujourd’hui
de même que dans Z, L’Aveu ou État de siège, il y
avait des aspects qui nous concernaient : ce sont
des sujets cosmopolites.
Je suis fasciné par les mécanismes que nous
créons, ces machines que nous mettons en place
et qui nous broient. Pucheu a inventé la section
spéciale, un tribunal d’exception. Il a été jugé
et condamné à son tour par un tribunal
d’exception.
Ainsi de suite… Chez le juge, il y a probablement
un idéal derrière tout ça. Dans L’Aveu
aussi : au départ, les communistes ne sont pas
partis faire la révolution en disant on va écraser
tous les autres. Mais les mécanismes que ces
gens ont créés ont abouti à la répression.
Avez--vous eu des problèmes particuliers
Avez
d’adaptation
pour Section spéciale ?
Oui. D’abord parce qu’il n’y a pas de personnage
central dans le récit. Les personnages traversent
le film. Le seul fil conducteur, c’est cette loi, ses
raisons d’être et son application. C’était une
difficulté
majeure. Il ne fallait ni grandes vedettes, ni
acteurs inconnus : le coup de feu qu’a donné
Fredo est très important ; il faut qu’à la fin du
film, le personnage de Spiesser ne soit pas oublié.
Pour un metteur en scène, il est plus facile de
prendre un acteur central et de le moduler au fur
et à mesure que l’action avance. Ici, l’acteur
changeait tous les jours ou toutes les semaines.
Cela exigeait une attention croissante.
Quel rôle joue le spectacle dans vos
vos films ?
Un rôle primordial, au même niveau que l’histoire
qu’on raconte. Il est capital que le spectateur
soit pris, qu’il ait en même temps la
connaissance et l’exaltation. Il est évident que
cette histoire peut être racontée en dix minutes
de façon très plate ou en six heures avec une
accumulation de détails techniques.
Dans Section spéciale, cependant, le metteur en
scène s’est retiré par moments pour laisser les
acteurs dans une simplicité de cadrage sans
recherches particulières. En termes de métier, je
n’ai pas voulu « faire joujou avec la caméra ». Le
décor, l’éclairage, les mouvements de caméra
devenaient secondaires, complètement
fonctionnels.
L’important, c’est ce que les gens
disaient.
Presque une mise en scène de télévision…
Oui, si parler de télévision veut dire placer la
caméra là où les choses se passent. Elle surprend
et montre ces choses. Le spectateur en tire les
conséquences.
Avec le sujet de Section spéciale, vous avez
pris une période l’histoire de France dont tout
pour
le monde s’accorde po
ur dire qu’elle n’est pas
défendable. Et une situation où tous les
personnages
qui représentent le pouvoir n’ont pratiquement
pas d’excuses, sauf celle d’être lâches.
Est--ce que ce n’est pas enfoncer une porte
Est
Est--ce que le courage politique du
ouverte ? Est
film est évident ?
On n’a pas cherché à faire preuve de courage. Et
je ne suis pas sûr que tout le monde soit d’accord.
Hier soir, lors d’une projection du film
devant les grands corps de l’État, un très haut
fonctionnaire s’est levé, a parlé du film de
Kubrick, Les Sentiers de la gloire, et a dit : «Voilà
des films qu’on ne devrait pas laisser faire parce
qu’ils salissent l’armée et la magistrature. »
Évidemment, d’autres magistrats lui ont répondu.
Mais je pense que cela existe.
Je pense aussi, pour reprendre le mot d’un
magistrat
qui était présent, que c’est très bien de faire
des films sur cette époque parce que cela nous
aide à nous revoir. On ne parle jamais assez de
l’histoire. L’histoire, c’est le miroir devant lequel
nous devrions nous regarder constamment. C’est
un peu la raison du film.
«Ces machines que nous créons
et qui nous broient»
Propos de Costa-Gavras,
réalisateur de Section spéciale
Propos recueillis par JeanJean-Pierre Bouteillier et
Denis Offroy, in Cinématographe, maimai-juin 1975.
TELEDOC
TELEDOC
EXTRAITS DU LIVRE :
Le mardi 19 août (1941), au soir, Ingrand [un représentant du ministre de l’Intérieur] communique
le projet de loi […] au général von Stulpnagel [commandant les troupes d’occupation allemandes],
le lendemain 20 août, accompagné par le commentaire suivant […] :
« Cette nouvelle loi constitue un progrès décisif dans l’évolution des mesures prises par le gouvernement
français, non seulement dans le développement de la lutte anticommuniste, mais aussi sur
le plan de l’évolution des conceptions juridiques qu’elle exprime.
Les principaux éléments de cette loi sont les suivants :
1. Les Sections Spéciales auront autorité pour juger de toutes les menées communistes ou anarchistes.
Ces Sections siégeront en zone non occupée auprès des tribunaux militaires ou maritimes,
et en zone occupée auprès des Cours d’Appel.
2. Les individus arrêtés en flagrant délit seront immédiatement jugés, sans instruction préalable. À
défaut de défenseur choisi par l’inculpé, un défenseur d’office sera immédiatement désigné.
3. Hors les cas de flagrants délits, la procédure sera instruite dans les huit jours. Aucune voie de recours
ne sera admise contre les ordonnances du juge d’instruction qui renverra directement l’affaire et le
prévenu devant la Section Spéciale qui statuera dans les deux jours de la réception du dossier.
4. Une procédure spéciale sera utilisée pour les jugements par contumace.
5. Les jugements rendus par les Sections Spéciales ne sont susceptibles d’aucun appel, recours ou
pourvoi. Ils sont immédiatement exécutables.
6. Les peines prononcées peuvent aller jusqu’à la peine de mort. Les militaires ou fonctionnaires
français reconnus coupables ne pourront être condamnés qu’au maximum de la peine : la mort.
7. Les dispositions habituelles du Code pénal ne sont pas applicables aux individus visés par cette
loi. »
Hervé VILLERÉ, L’Affaire de la Section spéciale,
Fayard, 1973, p. 144-146.
Pour aller plus loin :
Sections spéciales en France pendant la Seconde Guerre mondiale
Après l'attentat du métro Barbès du 21 aout 1941, l'occupant allemand réclame des représailles, qui sont
organisées par les autorités françaises du régime de Vichy. Auprès de chaque Cour d'appel, se mettent en
place des sections spéciales,
spéciales tribunaux d'exception chargés de juger les communistes et les anarchistes.
Création
Le 21 août 1941, un jeune militant communiste, Pierre Georges (colonel Fabien) tue l’aspirant de la
Kriegsmarine Moser, station Barbès, dans le métro parisien[1] ,[2] .
Hitler demande l'exécution d'otages[2] . Pierre Pucheu, ministre de l’Intérieur, et Joseph Barthélémy, ministre
de la Justice, mettent en place un tribunal spécialisé[2] . Le texte est rédigé le 22 août, mais pour sauver les
apparences, la loi est antidatée du 14 août 1941[2] . Cette loi est publiée dans le Journal officiel du 23 août.
Par ce texte, le régime de Vichy institue une section spéciale auprès des tribunaux militaires en zone libre et
auprès des Cours d’appel en zone occupée. Ces sections spéciales sont spécialement chargées de réprimer
les activités communistes et anarchistes (article 1), elles jugent en dernière instance, aucun recours n’est
possible (article 7). La section spéciale est un tribunal d’exception, dont l’activité viole plusieurs règles de
droit : absence d'énonciation des motifs, aucun recours ni pourvoi, rétroactivité (la loi réprime même les
activités antérieures à sa promulgation). La première décision de cette juridiction est la condamnation à mort
de trois communistes (Émile Bastard, Abraham Trzebrucki et André Bréchet)[2] , exécutés le 28 août, et une
condamnation aux travaux forcés à perpétuité (le journaliste communiste Lucien Sampaix, qui sera fusillé plus
tard, le 15 décembre 1941, par les Allemands)[2] .
Installation
En pratique l’installation des sections spéciales ne fut pas toujours aisée, les candidats ne se bousculant pas
pour présider ou siéger dans un tribunal dont l’objet principal est la répression de la résistance d’extrêmegauche. La section spéciale auprès de la Cour d’appel de Paris connaît les mêmes déboires, Joseph
Barthélémy lui-même doit désigner ses membres. Le 23 août, dans une circulaire aux chefs de Cour, le
ministre précise les critères de dévouement devant faciliter le choix des membres des sections spéciales : «
Vous vous attacherez à faire porter votre choix sur ceux qui vous seront connus par la fermeté de leur
caractère et par leur dévouement total à l’État »[3] . Vichy donne une prime à la répression à ceux qui veulent
bien l’exercer. Dans l’urgence, le 27 août, la section spéciale se réunit pour condamner trois personnes à
mort et contenter les Nazis.
Répression et Résistance
Les sections spéciales de province prononcent neuf condamnations à mort. Ainsi le 21 mars 1943, Mendel
Langer[4] , appelé Marcel Langer, chef des FTP-MOI de la région toulousaine est condamné à la peine requise
par l’avocat général Lespinasse. La guillotine met fin à la vie de ce communiste, ancien officier des Brigades
internationales, le 23 juillet 1943. Mais le procureur Lespinasse est exécuté en représailles le 10 octobre
1943. Quatre autres magistrats servant les sections spéciales auraient connu le même sort. Sections
spéciales en France pendant la Seconde Guerre mondiale 2
Gaffe sémantique
À la Libération, le Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) organise l’épuration. Certaines
activités des collaborateurs de l’occupant allemand ne sont pas des crimes prévus dans le code pénal. Aussi,
l’Ordonnance du 26 août 1944, institue un nouvel état juridique : l’indignité nationale.
Pour juger si les prévenus doivent être placés en état d’indignité nationale, l’article 2 de l’ordonnance crée les
sections spéciales des cours de justice. Elles sont chargés d’instruire et de juger les affaires relevant
uniquement de l’indignité nationale. Cependant le lien avec les sections spéciales des Cours d’appel est très
vite fait par les résistants. Alors, l’Ordonnance du 30 septembre 1944 transforme les sections spéciales en
chambres civiques.
Notes et références
[1] « Histoire, 1941 : l'attentat au métro Barbès, les débuts de la résistance en France » (http:/ / www. lescommunistes. org/ spip.
php?article339),
18 août 2001. Repris de Jean Morawski, L'Humanité, sur le site lescommunistes.org,, consulté le 28 septembre 2007.
[2] Marc Ferro, Pétain, éd. Fayard, Paris, 1987, 789 p. (ISBN 2213018332 et 978-2213018331) ; rééd. Hachette littérature, coll. «
Pluriel », Paris,
2009, 789 p. (ISBN 978-2-01-270518-0), p. 340-343.
[3] Alain Bancaud, « La haute magistrature sous Vichy », Vingtième Siècle. Revue d'histoire, no 49, janvier-mars 1996, p. 55.
[4] asso.acer.free.fr, Biographie de Marcel Langer par Rolande Trempe (http:/ / asso. acer. free. fr/ Documents/ Biographie/ Marcel
Langer. html)
Bibliographie
• Hervé Villeret, L'Affaire de la Section Spéciale, éd. Fayard, Paris, 1973
• Joseph Barthélemy, Mémoires, Éditions Gérard Watelet/Pygmalion, 1989
• Sous la direction de Michèle et Jean-Paul Cointet, Dictionnaire historique de la France sous l'Occupation, éd.
Taillandier, 2000, p. 410-411, article : « Justice ».
Filmographie
Filmographie
• Section spéciale, de Costa-Gavras, 1975
• Nuit et brouillard (film).
Lien externe
• Le témoignage d’un jeune communiste de Clermont-Ferrand traduit devant la Section spéciale (http:/ /
www.
fndirp. asso. fr/ les policiers de petain. htm).
Au fond, Julien Guyomar, Devant Jean Bouise, à droite Claude Piéplu.
A BIENTOT à L’ETOILE !!!!

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